Maddalena Casulana est la première compositrice qui publie de la musique sous son nom. Elle naît probablement à Vicence vers 1535. Elle se marie avec un Siennois de la famille des Casolani, sans doute au début des années 1550, et elle est très probablement présente lors du siège de la ville en 1554-1555, avec deux enfants en bas âge. Après avoir vécu à Rome avec son mari, un alchimiste qu’elle accuse de dilapider l’argent du ménage, elle se sépare de lui et se transfère en Vénétie. À Venise, elle se lie avec le comédien musicien Antonio Molino, à qui elle enseigne le contrepoint. En 1568, Casulana tente d’obtenir l’appui des Médicis pour intenter un procès contre son mari, dans l’espoir de récupérer sa dot.

C’est à Venise que Casulana publie ses premières œuvres : d’abord quelques madrigaux dans des anthologies en 1566 et 1567, puis son Primo libro de’ madrigali a quattro voci en 1568. Dans la dédicace de ce livre, adressée à Isabelle de Médicis, Casulana déclare vouloir révéler au monde « la vaine erreur des hommes, qui se croient maîtres des dons de l’intellect au point qu’il leur semble impossible de partager ces derniers avec les femmes ». Avec ce livre, Casulana réalise un double tour de force : elle est non seulement la première femme à publier de la musique à son nom, mais également l’une des premières autrices italiennes à prendre publiquement la défense de son sexe. Au XVIe siècle, le camp des philogynes est en effet presque exclusivement constitué d’hommes. Il faut attendre 1600, et la parution de deux traités par les Vénitiennes Moderata Fonte et Lucrezia Marinelli, pour voir les femmes entrer véritablement dans la bataille. Avant cette date, les prises de position publiques des femmes sont rares et Casulana figure parmi les plus précoces. Pointer les défauts des hommes était alors considéré comme malséant pour les femmes, et pendant des décennies, celles qui voulaient défendre leur sexe ne pouvaient le faire que par le truchement d’alliés masculins, à qui elles commanditaient des textes philogynes. C’est sans doute parce que la musique est à la marge des milieux lettrés que Casulana dispose d’une latitude suffisante pour signer de son nom de tels propos. Malgré sa position excentrée, elle est parfaitement familiarisée avec les procédés rhétoriques caractéristiques des discours philogynes, en particulier la place fondamentale conférée à l’exemplarité. Même si sa dédicace est empreinte d’une humilité de circonstance, elle n’en dément pas moins les vieux préjugés masculins à l’encontre du génie féminin, et, de façon plus subtile, s’érige en exemple pour que d’autres génies plus élevés (sous-entendu féminins) se joignent à la démonstration.

En 1570, Casulana publie son Secondo libro de’ madrigali a quattro voci, dédicacé à Antonio Londonio, une grande figure du mécénat musical milanais. La carrière de Casulana prend au même moment une tournure européenne : sa musique est jouée à Munich en 1568 ; en 1571-1572, elle réside quelques mois à Vienne, à la cour de l’empereur Maximilien II, avant de se rendre à la cour de France vers août 1572. Lorsque Casulana réapparaît au début des années 1580, c’est sous le nom de Maddalena Mezari, le patronyme de son deuxième époux. Il s’agit vraisemblablement d’un homme originaire de Brescia, qu’elle épouse à Vicence en 1579. En 1583, c’est à Brescia que l’imprimeur Vincenzo Sabbio réédite le Primo libro de’ madrigali a quattro voci de Casulana, à l’initiative des frères Tini, deux libraires également originaires de Brescia, actifs à Milan. En tant que chanteuse luthiste, Casulana se produit en divers lieux, à Pérouse, à l’Accademia Olimpica de Vicence, à Vérone, ville où elle séjourne quelque temps en 1583 chez Leonardo Montanaro. Elle fréquente alors le comte véronais Mario Bevilacqua, à qui elle dédicace son Primo libro de’  madrigali a cinque voci. Casulana publie deux recueils de madrigaux spirituels entre 1586 et 1591, qui n’ont pas été conservés. Il s’agit là des dernières traces connues de son existence. Un portrait de Casulana faisait autrefois partie de la collection de l’archiduc Ferdinand de Tyrol du château d’Ambras d’Innsbruck, mais il est aujourd’hui perdu.