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Acoubar

par Jacques Du Hamel (1603)
  • Edition de Michael Meere
  • Transcription, Modernisation et Annotation : Michael Meere
  • Encodage : Nina Hugot
  • Relecture : Nina Hugot, Michael Meere et Milène Mallevays

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ACOUBAR
TRAGEDIETRAGÉDIE :
TireeTirée des Amours de Pistion, et
Fortunie, en leur voyage
deau Canada.

Par MaistreMaître Jacques du Hamel AdvocatAvocat en la
cour de Parlement.

À Monsieur de Thiron.


À ROUEN,
DE L’IMPRIMEUR
Chez Raphaël du Petit Val,
Libraire et Imprimeur du RoyRoi,
devant la grand’grande porte du Palais.
1603.
Avec PrivilegePrivilège du RoyRoi.

Acoubar, ou la loyauté trahie, tragédie (1603) de Jacques Du Hamel

Michael Meere

I. Jacques Du Hamel, une vie et une œuvre rouennaises

Les informations biographiques concernant Jacques Du Hamel sont assez limitées. Avocat en la cour du parlement de Rouen, il appartenait à une ancienne famille bien connue et illustre en Normandie, en Picardie et en Guyenne. La branche normande de cette famille, dont il était issu, a produit de nombreux magistrats éminents, mais aucun lien de parenté n’a été confirmé à ce jour1. Il naquit probablement en Normandie vers le milieu du XVIe siècle ; sa date de décès est incertaine, mais nous savons qu’il était vivant en septembre 1610, comme l’atteste une brochure signée de sa main datée du 7 septembre 16102. Un traité sous son nom daté de 1612 suggère qu’il aurait pu être toujours en vie à cette date3.

Un centre littéraire très favorable au début du XVIIe siècle, Rouen était « particulièrement importante à l’époque en matière de théâtre » ainsi que « l’une des places fortes de l’édition française et européenne de l’époque4 ». La Normandie menait alors la production littéraire en France, comptant de nombreux auteurs notables. Il est probable que Jacques Du Hamel comptait parmi ses amis plusieurs personnalités littéraires de sa ville et de son temps, ayant ses œuvres publiées chez Raphaël du Petit Val (15??-1613), l’un des imprimeurs majeurs de la ville.

Dans ce milieu provincial, souvent qualifié de « théâtre amateur » rouennais, l’écriture dramatique était le fait d’hommes de loi ou de clercs cultivés, qui fréquentaient les salons littéraires et les collèges de la ville. Du Hamel partageait cette activité d’« écrivain-avocat » typique du Rouen au tournant du dix-septième siècle. Outre Acoubar, Du Hamel il adapta en 1607 Lucelle, tragi-comédie en proze de Louis Le Jars (Paris, Robert Mangnier, 1576) en une tragi-comédie en vers, publiée sans dédicace chez Raphaël du Petit Val5. Du Hamel a aussi écrit plusieurs vers de circonstance dans les pages liminaires d’autres ouvrages, les plus connus étant sans doute un quatrain placé en tête de la tragédie Sichem Ravisseur de François Perrin, dans un recueil publié aussi chez Raphaël du Petit Val en 16066. Enfin, chez Romain de Beauvais (15??-1643?), à Rouen, Du Hamel fit imprimer en 1605 un essai de morale intitulé La fortune bravée par l’esprit constant, dédié à la princesse Claude de Moy, comtesse de Chaligny (1572-1627), dont le mari (et ancien ligueur) Henri de Lorraine-Chaligny mourut en 1600.

II. Résumé et analyse d’Acoubar ou la loyauté trahie

Adaptée du roman Les Amours de Pistion (Paris, Thomas de la Ruelle, 16017) d’Antoine du Périer (dates inconnues), Acoubar ou la loyauté trahie de Jaques Du Hamel est la première pièce de théâtre d’expression française dont le cadre est le continent américain, plus précisément les « îles du Canada8 ». C’est pourtant un Canada fantastique, où Castio est roi, et où Acoubar, prince du Guilan (une province perse située au bord de la mer Caspienne), voyage à la recherche de Fortunie, sa femme promise enlevée par le traître Acoumat et emmenée à l’autre bout du monde. Durant ses deux années passées chez Castio, Fortunie tombe amoureuse du chevalier français Pistion, avec qui elle complote pour se libérer de son ravisseur (Acoumat). Tandis que la première moitié du roman se concentre sur les aventures amoureuses entre Pistion et Fortunie, la défaite d’Acoumat et une série de dialogues entre les divinités païennes qui semblent contrôler le sort des personnages9, la tragédie de Du Hamel prend pour son sujet la deuxième moitié du roman en se focalisant sur la victoire et chute du personnage éponyme, Acoubar.

Du Hamel dédia sa tragédie à Philippe Desportes (1546-1606) et la fit imprimer chez Raphaël du Petit Val en 1603 ; la seconde édition parut chez le même imprimeur en 161110. Dans les deux éditions, la tragédie est précédée d’une épître dédicatoire à Desportes, d’un argument qui sert de synopsis et qui pose l’intrigue principale et d’une liste de personnages (« acteurs »). Les noms des personnages sont les mêmes dans le roman que dans la tragédie, mais le nom d’Ergaste et le rôle du Héraut, deux personnages secondaires, sont des inventions de Du Hamel. Les « Sauvages » jouent aussi un rôle parlant chez Du Hamel, alors que dans le roman ils ne prennent pas la parole. Les personnages principaux sont :

Acoubar11 : le roi de Guilan, il est venu au Canada pour retrouver sa femme promise, Fortunie, et pour punir le traître (Acoumat) qui l’avait kidnappée. Aveuglé par l’orgueil, il orchestre la guerre contre Castio et devient le rival de Pistion, un cavalier français. « Acoubar » suggère l’adjectif élatif arabe أَكْبَرُ (akbar), signifiant « [le] plus grand ».

Fortunie : infante d’Astracan (une province russe située sur la rive septentrionale de la mer Caspienne), elle est kidnappée par Acoumat et ensuite protégée du roi Castio. Éprise de Pistion, mais aussi dissimulatrice envers Acoubar, elle conçoit le plan pour vaincre le roi de Guilan. Son nom insinue la nature capricieuse de la fortune et donc du personnage. Par ailleurs, comme elle est originaire de cette zone frontière, ni pleinement européenne ni totalement orientale, elle rappelle le personnage de Rose dans La Soltane de Gabriel Bounin, issue de la même région12, ou encore Médée du pays des Scythes13. À l’instar de Rose et Médée, Fortunie, dans la tragédie de Du Hamel, catalyse toute l’action ; elle dissimule parfaitement ses intentions et échafaude des machinations, sans doute par son amour pour Pistion, pour détruire son ennemi, Acoubar.

Pistion : gentilhomme français, fidèle de Castio et amant de Fortunie. Aveuglé par l’amour passionnel pour Fortunie, il triomphe d’Acoubar sous l’identité d’un « sauvage » au dernier acte. « Pistion » vient du mot grec πιστός (pistos), signifiant « foi, fidélité » en grec.

Castio : roi du Canada et gardien de Fortunie. Vénérable souverain héroïque, il promet solennellement de protéger son pays et meurt sur le champ de bataille. « Castio » vient peut-être du mot espagnol castillo, signifiant « château », mais il se peut aussi que l’association au mot « castor », un animal important dans les coutumes des Amérindiens et surtout dans le commerce entre les Français et les Canadiens ait influencé ce choix.

La tragédie est écrite en vers, divisée en cinq actes mais sans division en scènes, avec un Chœur qui semble être une entité externe à l’action qui prononce des sentences morales et qui juge et jauge les actions des personnages. Les personnages déclament en alexandrins mais le Chœur varie le mètre des vers. La tragédie dure deux jours, depuis le deuxième assaut d’Acoubar jusqu’à sa mort.

Le premier acte commence in medias res et sert d’exposition à l’action dramatique grâce à un long monologue d’Acoubar, arrivé tout juste chez Castio au Canada. Il exprime sa détermination à vaincre les guerriers autochtones malgré la défaite passée. Déplorant les pertes subies lors du naufrage et de la bataille, il blâme la fortune et l’injustice des dieux qui ne punissent pas les « malfaisants » (I, v. 76) et qui ont permis le malheur. Il maudit aussi ceux qui l’ont mené à quitter son royaume pour cette entreprise, tout en accusant Fortunie de négligence pour ne pas l’avoir rejoint. Ne pouvant s’approcher par la force à cause du terrain défendu par Castio et ses gens, il se tourne vers la magie. Un Magicien entre et se vante de son pouvoir sur les démons, les astres et les forces naturelles, affirmant qu’il peut aider Acoubar. Il propose de créer un nuage obscur pour cacher l’approche des troupes d’Acoubar et surprendre l’ennemi. Acoubar accepte, bien que doutant déjà des magiciens, et ordonne à ses hommes de se préparer à attaquer. Le Magicien invoque les démons pour obscurcir le jour et semer le chaos, ce qui met en relief l’aspect surnaturel de cet univers tragique. Le Chœur clôt l’acte en méditant sur la nature inconstante et dangereuse des désirs humains, en particulier l’amour, et déplore la perte de la foi et de la justice dans le monde.

L’acte II débute par une scène entre Fortunie et Pistion, la première suppliant le dernier de ne pas risquer sa vie dans la bataille imminente contre Acoubar. Pistion exprime son amour pour elle mais affirme qu’il est lié par le devoir envers Castio et le peuple canadien qui lui ont donné asile et qu’il doit défendre. Fortunie doute de la capacité des Canadiens et de Pistion à vaincre les troupes aguerries d’Acoubar, mais Pistion maintient que sa loyauté est engagée envers Castio et que l’honneur est en jeu. Fortunie lui dit adieu, résignée ; resté seul, Pistion médite sur son dilemme entre son amour pour Fortunie et son devoir, décidant finalement de suivre sa décision initiale de combattre. Ensuite, Castio harangue ses troupes, expliquant qu’Acoubar les attaque sans raison, par pure ambition, et les appelle à la défense. Les autochtones réaffirment leur loyauté à Castio et leur détermination à défendre leur terre. Acoubar arrive et encourage ses gendarmes, leur promettant des récompenses avant d’attaquer. La bataille commence lors de laquelle Castio est tué et Pistion est blessé. Acoubar déclare sa victoire et condamne le « traître » (Acoumat, l’abducteur original qu’Acoubar veut punir) qui a cherché refuge au Canada, mais offre la clémence aux autres si on lui rend Fortunie14. Le Chœur revient sur le thème de la trahison, en lien avec la perte de la foi et de la justice, et exprime le désir de vengeance contre celui qui a trahi.

Pour ouvrir le troisième acte, nous retrouvons Fortunie seule qui se lamente, croyant Pistion mort ou en grand danger, et qui se reproche de ne pas avoir combattu à ses côtés. Pistion entre, blessé mais vivant. Il décrit la bataille, la mort de Castio, sa propre blessure et sa fuite. Fortunie le réprimande pour sa témérité, l’accusant d’avoir agi imprudemment en la quittant. Pistion accepte son sort comme une punition et exprime son désir de s’isoler pour faire pénitence. Il lui demande congé pour partir, lui offrant un adieu. Fortunie, affligée, refuse de le laisser partir et lui dit qu’elle le guérira avec une herbe locale dont elle connaît les vertus. Fortunie lui applique l’herbe, qui cause une vive douleur, qu’elle justifie comme nécessaire pour la guérison (III, vv. 900-01)15. Elle lui dit de se reposer pendant qu’elle va saluer Acoubar qui approche. Acoubar voit Fortunie et l’accueille avec amour, souhaitant qu’elle l’aime en retour. Acoubar envoie Ergaste à son camp pour ordonner à ses hommes de ne pas piller et de traiter les Canadiens avec douceur (sauf le traître Acoumat), car s’il entend prendre possession du royaume, il ne désire la vie que d’Acoumat, le traître original. Fortunie, pour écarter les soupçons de Pistion, invente une histoire : il y a six mois, un seigneur étranger (Pistion) l’a sauvée en tuant son ravisseur (Acoumat) et en le jetant à la mer. Elle ne connaît pas son nom mais sait qu’il était français et soucieux des dames. Depuis, elle vit « veuve sans mariage », ayant « offert son cœur au pied d’un bel autel » qu’elle a élevé pour lui (III, v. 1002 et v. 1005)16. C’est dans cette scène où nous constatons pleinement la capacité de Fortunie de dissimuler ses pensées et de manipuler même les hommes les plus puissants. (Même si elle complote contre Acoubar afin d’assurer son union avec Pistion, aveuglée elle aussi par sa passion amoureuse, la pièce ne s’en révèle pas moins misogyne.) Ergaste revient ensuite, annonçant que l’armée se débande, croyant Acoubar mort, et il presse Acoubar de revenir immédiatement. Acoubar décide de retarder sa conversation avec Fortunie et de la voir le lendemain. Fortunie, seule, exprime sa joie d’avoir cette nuit avec Pistion. Le Chœur chante le pouvoir irrésistible de l’Amour, qui soumet les princes et sages, et note qu’Acoubar, malgré ses serments, ne peut échapper à cette flamme.

Acoubar reprend son armée au commencement de l’acte IV, les blâmant pour leur couardise et leur trahison en se débandant. Ergaste rassure Acoubar, affirmant que l’ennemi est défait et ne présente plus de menace, et il propose d’organiser une joute pour divertir les hommes et honorer Fortunie. Acoubar accepte l’idée et ordonne à Ergaste et au Héraut d’annoncer la joute à Fortunie pour le lendemain. Dans la scène suivante, Pistion remercie Fortunie pour la nuit passée ensemble. Fortunie l’encourage à garder espoir et propose de tromper Acoubar. Pistion exprime son désespoir quant à leur avenir, suggérant qu’il pourrait devoir mourir ou s’éloigner pour qu’elle puisse être fidèle à Acoubar. Fortunie refuse catégoriquement cette idée, l’accusant de félonie et de vouloir partir sans sa permission. Pistion promet de la suivre, lorsque Fortunie voit revenir Ergaste et le Héraut. Pistion se cache tandis que les gens d’Acoubar annoncent la joute en l’honneur de Fortunie. Elle accepte d’y assister et d’offrir le prix : un diamant donné par sa mère. Elle demande si les autochtones sont invités, ce que le Héraut confirme, pendant que Pistion, en aparté, exprime son désir de participer et de gagner le prix, tout en craignant de paraître devant Acoubar. Ergaste et le Héraut partis, Fortunie propose alors le plan à Pistion de se « déguiser en sauvage soldard » (IV, v. 1313) pour qu’il participe à la joute. Il devra gagner le prix puis s’enfuir dans la forêt, ce qui poussera Acoubar à le poursuivre seul et qui permettra à Pistion de le tuer. C’est alors Fortunie le cerveau derrière ce plan fatal, que Pistion accepte volontiers. Le Chœur chante la puissance de Vénus/Cupidon qui a mené à cette situation et prédit qu’Acoubar sera trompé par Fortunie.

Entre les quatrième et cinquième actes, Pistion, déguisé, gagne le jeu de bague. Le Héraut ouvre le dernier acte en présentant à Fortunie le vainqueur, affirmant qu’il mérite le prix par sa valeur. Fortunie feint l’indignation et la colère, blâmant le Héraut d’avoir laissé un « sauvage » participer et gagner contre les troupes de son roi. Elle refuse de donner le diamant lorsqu’Acoubar intervient, rappelant qu’il a permis à tous de concourir. Fortunie persiste dans sa feinte colère et presse Acoubar de se venger. Acoubar refuse, lié par sa parole donnée pour la joute, mais Fortunie maintient que ce « sauvage » mérite le châtiment. À la fin, Fortunie donne le diamant au Héraut, et Acoubar ordonne que le vainqueur du jeu soit escorté en sûreté. Fortunie, seule avec Acoubar, continue sa dissimulation. Elle prévient Acoubar que ce guerrier victorieux pourrait chercher à prendre sa revanche. Elle lui reproche de ne pas avoir saisi l’occasion de se venger de lui en lui donnant le diamant. Finalement Acoubar change d’avis et décide de poursuivre seul le vainqueur du jeu dans le bois. Fortunie exulte, sachant qu’il est pris dans son piège. Elle exhorte Pistion à prendre sa vengeance, le qualifiant d’acte « digne d’homme » (V, v. 1455) qui le fera élire roi par le peuple17 et lui permettra de la posséder. Après que Pistion entre seul dans la forêt, perdu et désorienté, déplorant son sort et son absence de Fortunie, Acoubar arrive et le confronte, lui ordonnant de se rendre et de lui donner le diamant. Une dispute s’en ensuit et Pistion semble surprendre Acoubar en le frappant d’un coup mortel (V, v. 1552). Acoubar, blessé, crie à l’aide, offrant sa vie, sa couronne et Fortunie en échange de sa survie. Il a beau demander grâce auprès de Pistion, ce dernier insistant qu’Acoubar doit mourir parce qu’il a troublé le « saint hyménée » de Fortunie et Pistion (V, v. 1590). En mourant, Acoubar prédit les futurs malheurs de Pistion18 : « Cavalier, tu auras ta peine méritée / Quand lassée de toi pour un moindre dépit / Quelque nouveau viendra te tuer en ton lit » (V, vv. 1591-93)19.

D’un sujet tragique qui paraît simple au premier abord, la question posée à la fin de la tragédie devient complexe. Car, si Acoubar est le héros de la pièce, trahi deux fois et mort à cause d’une ruse conçue par sa propre femme qu’il aime tant, et pour qui le public est censé avoir de la pitié, comment comprendre le personnage de Pistion ?

Avant la bataille contre Acoubar, Pistion espérait diriger les troupes américaines pour montrer « la valeur de France », bâtissant des « villes », des « Louvres » et des « tours » qui « porteront à l’entour [s]es armes, et devises » (II, vv. 412-20), mais c’est un autre visage que montre le héros français après avoir tué son rival20. En effet, après que le Chœur met en garde contre les illusions de l’amour et déplore la mort d’Acoubar, Pistion, toujours déguisé, incarne la logique de la loi du plus fort dans son dernier monologue, prétendant être le roi d’une terre qu’il gouvernera par la guerre (V, vv. 1620-41). Il ne voit plus de rivaux, persuadé que les Perses n’oseront le défier et menaçant de ne pardonner aucune résistance. Usant de la métaphore du corps, il décrit les soldats comme des « membres » inertes, incapables de se rebeller après la destruction de leur « tête ». La pièce s’achève sur une image d’une violence saisissante : celle d’un lion qui, ayant dévoré le berger, peut démembrer sans entrave tout le troupeau. Le Canada passera désormais sous la coupe d’un guerrier français qui imposera une gouvernance sinon tyrannique, du moins ancrée dans les valeurs féodales de la virtuosité militaire21. On pourrait supposer que c’est l’amour-passion qui aveugle Pistion et qui le pousse à tuer son rival de sang-froid, mais cette dernière image du cavalier français, assoiffé de vengeance et de cruauté, provoque également de la crainte de celui qui semblait au début de la pièce si galant, mesuré et juste. L’ambiguïté du vainqueur français, source de la confusion des sentiments du public et d’une catharsis inaboutie, constitue peut-être la véritable force pathétique de la pièce.

III. Note sur la mise en scène

Le roman mythico-pastoral de Du Périer se prête facilement à l’adaptation dramatique : bien qu’il s’agisse d’un texte en prose, il se compose presque entièrement de dialogues et de monologues, et un narrateur qui intervient très peu dans le récit. Néanmoins, Du Hamel a dû faire des changements importants afin de répondre aux goûts du public et aux impératifs dramaturgiques de l’époque, quoiqu’il n’existe aucune trace de représentation au moment de la publication de la pièce. Dans son ensemble, puisque le dramaturge ne prévoit aucune transition d’un décor à l’autre, il est possible que Du Hamel ait envisagé un décor simultané pour sa pièce22. Mais d’autres scènes suggèrent une connaissance intime des pratiques scénographiques particulières de la scène rouennaise23. Par exemple, l’acte II met en avant une longue séquence de scènes spectaculaires et sanglantes de la bataille entre les forces de Castio et celles d’Acoubar (II, vv. 503-662), contrairement au récit du roman qui la décrit très peu24 et qui n’annonce qu’en passant la mort de Castio25. Nous constatons par ailleurs des effets de surplomb (c’est-à-dire, Acoubar et ses soldats escaladant une falaise), plusieurs entrées et sorties des personnages, une cadence accélérée dans l’action, les dernières paroles de Castio avant qu’il n’expire sur scène, la fuite de Pistion, blessé, et la déclaration de victoire d’Acoubar. Si le jeu de bague n’est pas montré, sans doute pour des raisons de faisabilité qu’autre chose, la confrontation d’Acoubar avec Pistion, et la mort violente de celui-là, sont mises en scène dans l’acte V de manière assez explicite. D’autres scènes encore démontrent une conception des entrées et des sorties des personnages, ou la présence muette des acteurs, avec des didascalie internes. Par exemple, Acoubar annonce l’arrivée sur scène du Magicien (I, v. 133), ou Fortunie, après avoir décidé de guérir Pistion, lui dit de l’attendre pendant qu’elle cherche l’herbe (III, v. 866). Nous observons aussi des didascalies externes, en italiques, telles que « Pistion blessé » (II, v. 623) ou « Acoubar mourant » (V, v. 1591). Les indications de lieu et d’actions qui ne sont pas précisées dans le texte de Du Hamel sont incluses dans les notes.

IV. Texte de la présente édition

Acoubar fut publié pour la première fois en 1603, réimprimée en 1611. On prétend qu’elle a été imprimée encore en 1615 dans un recueil, mais cette édition n’a pas été retrouvée26. Aucun manuscrit de la pièce n’existe.

Les éditions de 1603 et de 1611 sont très similaires si ce n’est que la taille de la police dans les pièces liminaires de celle de 1611 est plus grande que dans celle de 1603, et que l’orthographe et la ponctuation peuvent différer. Les variantes importantes—par exemple, une modification de texte—sont indiquées dans le texte. Nous avons respecté la ponctuation primitive de l’édition de 1603, mais nous apportons (et indiquons) des corrections lorsqu’il est clair qu’il s’agit d’une coquille.

Le formatage des pages de titre est aussi légèrement différent. Pour la page de titre de l’édition de 1603 (71 pages, in-12) :

ACOUBAR
TRAGEDIE :
TireeTirée des Amours de Pistion, et
Fortunie, en leur voyage
de Canada.
Par MaistreMaître Jacques du Hamel AdvocatAvocat en
la cour de Parlement.

AÀ Monsieur de Thiron.
AÀ ROUEN,
DE L’IMPRIMER
Chez Raphaël du Petit Val, Libraire et
Imprimeur du RoyRoi, devant la grand’
porte du Palais.
1603.
Avec PrivilegePrivilège du RoyRoi.

Celle de 1611 (71 pages, in-12) :

ACOUBAR
TRAGEDIETRAGÉDIE.
TireeTirée des Amours de Pistion, et
Fortunie, en leur voyage
de Canada.
Par MaistreMaître Jacques du Hamel AdvocatAvocat en la
cour de Parlement.

AÀ Monsieur de Thiron.
AÀ ROUEN.
DE L’IMPRIMERIE
Raphaël du Petit Val, Libraire et Im-
primeur du RoyRoi, devant la grand’ porte
du Palais, à l’Ange Raphaël.
1611.

L’édition de 1611 contiennent plus de coquilles et semble être moins soignée que celle de 1603. C’est pour cette raison que nous avons préféré présenter le texte de l’édition de 1603, conservée à la bibliothèque de l’Arsenal, cote 8-BL-13839. C’est d’ailleurs cette même édition que Margaret Adams White (1931) et Roméo Arbour (1973) ont choisie pour leurs éditions modernes.

Il est à noter que l’édition de M. Adams White ne dénombre pas les vers tandis que celle de R. Arbour contient deux erreurs de numérotation : d’abord, elle compte cinq vers entre « Son espoux […] si les Dieux ( vv. 655-60), alors qu’il s’agit en réalité de six vers (vv. 655-661) ; deuxièmement, elle compte cinq vers entre « Il faut tout endurer […] ne vois-tu rien, Ergaste » ( vv. 900-05), mais il y en a six ( vv. 901-07). Ainsi, R. Arbour compte en tout 1639 vers mais il y a en réalité 1641 vers27. (La pièce comprend ce nombre impair de vers, car le Chœur à la fin de l’acte II est constitué de neuf septains, pour en faire soixante-trois vers.)

Enfin, nous nous sommes livrés aux rectifications d’usage dans le texte original, qui nous ont paru nécessaires pour une meilleure intelligence du texte, en distinguant i et u voyelles de j et v consonnes et en changeant & en et.

[1] Sur les liens de parenté possibles entre notre auteur et les nombreux Du Hamel basés en Normandie entre les quinzième et dix-septième siècles, voir l’introduction de l’édition d’Acoubar par Margaret Adams White (The Earliest French Play about America : Acoubar ou La Loyauté Trahie, Republished with an Introduction, New York, Publications of the Institute of French Studies, Inc., 1931) et celle de Roméo Arbour pour la sienne (Acoubar ou la Loyauté trahie, Ottawa, Les Éditions de l’Université d’Ottawa, 1973) qui contiennent toutes deux des informations biographiques de Jacques Du Hamel.
[2] J. Du Hamel, Moyens pour deffendre à la suppression des procureurs du Roy aux courts ecclésiastiques, mentionnée ès lettres pattentes du 22 juillet 1610 et en la response du cahier des Estats de Normandie, faicte au Conseil de Sa Majesté, le 7. jour de septembre ensuyvant, où il [est] monstré comme ces offices sont très antiens, ordinaires et nécessaires pour la conservation de l’authorité, pollice et juridiction royalle, s.l., 1610.
[3] J. Du Hamel, La police royalle sur les personnes et choses ecclésiastiques, Paris, Jean Berjon, 1612. Dans ce texte il nous apprend qu’il était aussi Procureur du Roi en la Cour ecclésiastique de Rouen (p. 47).
[4] Christian Biet, « Introduction », Théâtre de la cruauté et récits sanglants en France (XVIe-XVIIe siècles), Paris, Robert Laffont, 2006, p. xv ; p. xviii.
[5] Sur Lucelle de Du Hamel, voir Henry C. Lancaster, The French Tragi-comedy : Its Origin and Development from 1552 to 1628, New York, Gordian Press, 1966 [1907], et, plus récemment, l’introduction d’Acoubar par R. Arbour (op. cit., pp. xiii-xv) ainsi que l’article d’Alban Déléris, « Les pièces tragi-comiques dans le théâtre provincial au début du XVIIe siècle. Excentricités formelles d’un théâtre excentré ? », Le « théâtre provincial » en France (XVIe-XVIIIe siècle), dir. Bénédicte Louvat et Pierre Pasquier, Littératures classiques, n° 97/3, 2018, pp. 175-89.
[6] « Quand la fille à Jacob par Sichem fut ravie, / Il en coûta la vie à la race d’Émor : / Car Dine à qui l’honneur fut plus cher que la vie, / Ne se contenta point d’une couronne d’or », signé I.D.H., Diverses tragedies sainctes, de plusieurs autheurs de ce temps. Recueillies par Raphael du Petit Val, Rouen, Raphaël du Petit Val, 1606, sig. A iij. Pendant longtemps on attribuait Sichem ravisseur à Jacques Du Hamel. Voir la thèse de Sybile Chevallier-Micki, Tragédies et théâtre rouennais, 1566-1640. Scénographies de la cruauté, Paris Nanterre, 2013, pp. 214-18.
[7] Le roman est réimprimé en 1606 chez le même imprimeur, intitulé Les Amours de Pistion et de Fortunie. Tirees du voyage de Canada, dicte France nouvelle. A la Royne Marguerite. Roméo Arbour a établi une édition critique du roman en 1973, publiée à Ottawa chez les Éditions de l’Université d’Ottawa. Pour une analyse de l’adaptation de du Hamel, voir Rosalba Guerini, « Les Amours de Pistion et Fortunie e Acoubar : dal romanzo alla tragedia », Saggi e ricerche sul teatro francese del Cinquecento, n° 3 (1985), pp. 197-211 ; et Michael Meere, « Les Amours de Pistion et Fortunie et Acoubar : de l’amour triomphant aux périls de la colonisation », Dramaturgies vagabondes, migrations romanesques : écritures en dialogue (XVIe-XVIIe siècles), dir. Magda Campanini, Paris, Honoré Champion, 2018, pp. 149-59.
[8] Du Hamel, Acoubar, Argument, p. 7. Il n’est pas surprenant que les personnages dans le roman et dans la tragédie se réfèrent au Canada en tant qu’île, car plusieurs récits de voyage considèrent le Canada comme un archipel. Néanmoins, l’insistance sur les îles est significative car, comme Thomas G. Pavel et Roland Greene le suggèrent, l’île est un lieu de fiction et de romance. Selon Greene, les îles et les fictions partagent plusieurs conditions qui leur permettent d’être les unes les substituts des autres : une cohérence interne, une différentiation absolue de leurs environnements, la possibilité d’avoir en soi un statut existentiel de monde, et, pour le lecteur ou le visiteur, le besoin d’une stratégie entre le continent et l’île, le monde et la fiction, l’ici et l’ailleurs (« islands and fictions share several conditions that allow them to stand in for each other : an internal consistency, an absolute differentiation from their surroundings, the possibility of having the existential status of a world, and, on the reader’s or visitors’ part, the need for a strategy between mainland and island, world and fiction, here and there »), Roland Greene, Unrequited Conquests : Love and Empire in the Colonial Americas, Chicago, University of Chicago Press, 1999, p. 7). Voir aussi Thomas G. Pavel, Fictional Worlds, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1989, p. 84 et Frank Greiner, Les Amours romanesques de la fin des guerres de religion au temps de l’Astrée (1585-1628). Fictions narratives et représentations culturelles, Paris, H. Champion, 2008, p. 386. Ainsi, dans le roman et surtout dans la tragédie, c’est dans cette île que l’amour et la guerre règnent : comme l’argument de la pièce l’explicite, le Canada est « une terre étrangère où Mars et Venus [...] étaient bénins et favorables » (Du Hamel, Acoubar, Argument, pp. 6-7).
[9] Bien que ces divinités ne participent pas directement dans la pièce, les personnages font référence aux dieux et déesses dont Mars, Vénus/Cythérée/Éricienne, Jupiter/Jupin, Neptune, Pluton, Diane, Phébus/Titan. Nous constatons des références aussi à des figures héroïques ou mythiques (Achille, Adon, Énée, Didon, Étéocle, Hannibal, Hector, Icare, Ixion, Médée, Oreste, Prométhée, Proserpine, Protée, Sirène, Tantale, Xerxès), à des lieux mythologiques (Cocyte, Léthé, Olympe, Tartare, Styx) et à des concepts (Astrée, Parques, Furies, Nérée, Thétis), une érudition témoignant du goût de l’époque pour l’Antiquité.
[10] Voir la notice sur le texte de la présente édition plus bas pour plus d’informations concernant ces éditions.
[11] La religion d’Acoubar n’est pas précisée dans la pièce, mais chez Du Périer c’est un chrétien. Si Du Périer christianise le royaume de Guilan et son roi Acoubar, c’est peut-être à cause du fait que les Perses, entre 1599 et 1602, au moment où Du Périer faisait imprimer son roman, ont signé des accords avec l’Espagne pour combattre les Turcs, tandis que les Français s’étaient alignés aux côtés de l’Empire ottoman sous François Ier. Pendant l’ambassade perse en Europe, de surcroît, trois secrétaires perses se sont convertis au catholicisme et l’un d’entre eux, Dom Philippe de Perse, a pris l’empereur espagnol Philippe III comme parrain. L’histoire des trois secrétaires se trouve dans les Relaciones de Dom Juan de Perse (anciennement Uruch Beg), publiées en 1604 à Valladolid. Sans pouvoir le prouver, il se peut néanmoins que Du Périer ait pris connaissance des trois convertis grâce à Anthony Sherley, connu en Europe suite à son service chez Robert Devereux, deuxième comte d’Essex, aux Pays-Bas ; Sherley fut par ailleurs ennobli par Henri IV vers 1591. Avec les quatre Perses, Sherley est aussi passé par Florence, Sienne et Rome, entre autres villes européennes, et il ne faut pas oublier que Du Périer a dédié son roman à Marguerite de Valois, fille de Catherine de Médicis. Des informations sur Sherley, Dom Juan de Perse et les autres Perses se trouvent dans l’Introduction de la traduction anglaise des Relaciones, éditée par Guy Le Strange et intitulée Don Juan of Persia : A Shi’ah Catholic 1560-1604 (Londres-New York, Harper and Brothers, 1926). Il existe plusieurs réimpressions de cette édition et traduction chez Routledge depuis 2004.
[12] Gabriel Bounin, La Soltane, Paris, G. Morel, 1561. Voir l’édition de Céline Fournial : https://cenhtor-msh-lorraine.cnrs.fr/s/melponum/page/soltane.
[13] Jean Bastier de la Péruse, Médée, Poitiers, Marnefz et Bouchetz, frères, c. 1555. Voir l’édition de Nina Hugot : https://cenhtor-msh-lorraine.cnrs.fr/s/melponum/page/medee.
[14] Selon Toby Wikström, ce modèle de conquête, basé sur la violence et l’invasion, est celui des Espagnols. En effet, l’arrivée d’Acoubar au Canada telle que la représente Du Hamel peut être vue comme une critique codée des conquêtes espagnoles du Nouveau Monde. Voir son article, « The Ambivalence of European Conquest : Jacques Du Hamel’s Acoubar ou la loyauté trahie (1603) », Les Nouveaux Mondes juridiques du Moyen Âge au XVIIe siècle, éd. Nicolas Lombart avec la collaboration de Clotilde Jaquelard, Paris, Classiques Garnier, 2015, pp. 107-129.
[15] Le nom de l’herbe magique n’est pas donné, mais il se peut que Du Périer fasse référence au Thuya occidental (ou cèdre blanc) dont parle Jacques Cartier dans sa deuxième relation (Jacques Cartier, Bref récit et succinte narration de la navigation faite en MDXXXV et MDXXXVI par le capitaine Jacques Cartier aux îles de Canada, Hochelaga, Saguenay et autres, Paris, Librairie Tross, 1863, p. 37-38 vº). Appelée « Ameda » ou « Hanneda », cette herbe est un remède contre le scorbut qui a affligé l’équipe de Cartier. Il a ramené des spécimens en France mais ils ont été perdus. Il est possible aussi que Du Périer fasse une référence mythologique à la figure de Médée, la magicienne qui ressuscite et guérit, évoquée par Fortunie un peu plus tôt (III, v. 764).
[16] Dans le roman, elle dit qu’elle est religieuse (Du Périer, Les Amours de Pistion, éd. Arbour, p. 113). Dans le roman et dans la pièce, elle arrive à tromper Acoubar et à le convaincre que son amour pour lui est sincère et qu’elle lui est restée fidèle.
[17] Comme Fortunie discute de la victoire de Pistion en termes d’élection au lieu de succession héréditaire, Wikström avance que la pièce semble avoir un penchant protestant (« « The Ambivalence of European Conquest », art. cit., p. 119-20 et pp. 126-28). Dans le roman, nous lisons que Pistion est « eleu Roy du pays » de « tous les Sauvages » (Du Périer, Les Amours de Pistion, éd. cit., p. 126).
[18] Dans le roman, Acoubar dénonce la trahison de Fortunie mais il ne prédit pas la mort de Pistion (Ibid., pp. 120-21).
[19] Il y a un vrai combat à la fin duquel Pistion donne à Acoubar un seul « coup mortel » dans le roman (Ibid., p. 125). Avant la mort du roi perse, Pistion se comporte comme un « véritable Chrestien » (Ibid.) ; après la mort du roi, le Français « vers[e] quelques larmes de pitié » (Ibid., p. 126). Cet acte de charité de la part de Pistion est absente dans la tragédie de Du Hamel.
[20] Chez Du Périer, un masque fait partie du déguisement de Pistion, qu’il jette par terre en apercevant Acoubar dans la forêt (Ibid., p. 124). On peut se demander si le déguisement de Pistion sur scène n’aurait pas aussi inclu un masque.
[21] Pour une analyse des implications géopolitique et éthiques de la conquête de « Nouvelle France » à travers la représentation de Pistion déguisé « en sauvage » à la fin de la pièce, voir M. Meere, « Les Amours de Pistion et Fortunie et Acoubar », art. cit. T. Wikström suggère aussi que Du Hamel présente une vision ambivalente de la conquête (« The Ambivalence of European Conquest », art. cit.).
[22] Lancaster E. Dabney, French Dramatic Literature in the Reign of Henri IV : A Study of the Extant Plays Composed in French between 1589 and 1610, Austin (Texas), University Cooperative Society, 1952, p. 254.
[23] Comme le confirme S. Chevallier-Micki, la « scénographie de la cruauté » à Rouen se répète d’une tragédie à l’autre, et Acoubar a bien sa place parmi les pièces de Nicolas Chrétien, de Pierre Troterel, de Pierre Mainfray et bien d’autres. Outre sa thèse déjà citée, voir aussi son article « Stage Designs of Cruelty : Theater in Rouen at the Turn of the Seventeenth Century », dans French Renaissance and Baroque Drama : Text, Performance, Theory, éd. Michael Meere, Newark (Delaware), University of Delaware Press, 2015, p. 213-22. S. Chevallier-Micki repère aussi l’utilisation de la tente—un autre trait commun dans la scénographie rouennaise—où Pistion et Fortunie habitent (voir les indications scéniques dans les notes de l’édition, par exemple au début de l’acte III).
[24] Du Périer, Les Amours de Pistion, éd. cit., p. 104.
[25] Ibid., p. 106.
[26] Voir l’introduction de R. Arbour, Acoubar, op. cit., p. xxix.
[27] R. Arbour souligne les erreurs de l’édition de M. Adams White dans son introduction (Ibid., pp. xxx-xxxi).


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À
MESSIRE PHILIP-
pesPEDes-PortesDesportes, Conseiller du
RoyRoi, en ses Conseils d’EstatÉtat
et privé, Abbé de Thiron,
et Bon-portBonport.28

MONSIEUR, Les rayons de vostrevotre grande renommeerenommée qui éclaire pour le jourdhuyjour d’hui29 les plus beaux esprits de la France redevable à vos vertus, au lieu de servir de Phare à mon esprit pour le conduire en la nuictnuit de son ignorance, sembleroyentsembleraient avoir aveuglé les yeux de mon ameâme pour rendre ma cognoissanceconnaissance oublieuse, et la fidelitéfidélité de mon service, que je vous dediedédie, aucunement30 desloyaledéloyale : si le commun hommage que
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chacun vous rend, ne m’incitoitincitait aà revererrévérer vos meritesmérites avec tant d’autres que les publianspubliant s’eternisentéternisent par eux31 : veuvu que mesmemême une obligation particuliereparticulière force mon devoir à l’obeissanceobéissance que je desiredésire rendre volontiers à vos commandemenscommandements32, qui estansétant dignes non d’un plus fidellefidèle (car ambitieux de cet honneur, je ne le voudroisvoudrais cedercéder à personne) mais d’un plus grand et mieux capable que moymoi : font (sans neantmoinsnéanmoins prendre congé d’eux) que je me retire cestecette fois au Parnasse de vostrevotre faveur, pour obtenir de vos Musesmuses Françoisesfrançaises, et mignardes33 un passeport aà la mienne grossieregrossière, qui venant des islesîles dedu Canada34 où elle a chargé le sujet de son ouvrage, demeureroitdemeurerait au port d’un eterneléternel silence, comme estrangereétrangère, et impolie35 (qualitezqualités qui la rendent de soysoi mal commode au trafic36) si l’affection du tesmoignagetémoignage de mon humble desirdésir, ne l’eusteût tireetirée du navire de ma crainte, flottant de37 long tempslongtemps dans les vagues d’une doute38 irresolueirrésolue, pour vous l’offrir revestuerevêtue du manteau de vostrevotre excellence, et l’envoyer aux autres asseu-assu-
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reerée de vostrevotre authoritéautorité qui luylui ayant fait prendre terre, la recevra, comme j’espereespère entre ses bras, et la conduira heureusement au reste de son voyage auquel39 elle desiredésire faire paroistreparaître à tout le monde, que je suis à jamais,

MONSIEUR, VostreVotre tres-humbletrès humble, tres-fidelletrès fidèle et tres-obeissanttrès obéissant subjetsujet DU HAMEL.

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ARGUMENT.

Acoubar Royroi de GuylanGuilan40 avoitavait deux ans entiers respiré41 la venue de Fortunie, et soupiré son absence, quand pour éclarciréclaircir sa doute42, il consulta la science des Magiciensmagiciens de son pays, qui ayansayant aprisappris des hurlemenshurlements de leurs demonsdémons forcezforcés43, ce qu’il n’avoyentavaient peupu sçavoirsavoir du raportrapport d’aucunes44 personnes libres, luylui firent entendre45, qu’Acoumat46 qui estoitétait celuycelui qu’il avoitavait envoyé vers le Royroi d’Astracan47, pour l’asseurerassurer du desirdésir de son alliance, et de la foyfoi qu’il avoitavait donneedonnée à l’Infanteinfante sa fille, au lieu de l’amener fidelementfidèlement, l’avoitavait ravie de force, et conduitconduite en une terre estrangereétrangère où Mars48 et Venus49 (autant contraires qu’ils sont aux autres pour le jourd’huyhui50, comme jadis honteux en soy-mesmesoi-même par la surprise de VulcanVulcain51 estoyentétaient beninsbénins52 et
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favorables : lequel oracle plus douteux que certain, apresaprès avoir estéété resolurésolu entendre les Islesîles dedu Canada, fit prendre à ce Princeprince une route plus agiteeagitée de flots, que conduite de zephirszéphyrs53, et moins assisteeassistée d’heur54, qu’enfleeenflée d’esperanceespérance. Car abordé qu’il fustfût apresaprès un naufrage tresgrandtrès grand au milieu de son voyage, et apresaprès la perte d’une bataille navallenavale, ou plustostplutôt d’une surprise que firent les Sauvagessauvages de ce pays, conduits de leur Royroi Castio, et assistezassistés d’un jeune Seigneurseigneur Françoisfrançais nommé Pistion, qui avoitavait depuis peu occupé la place des amours de Fortunie vacante de55 long tempslongtemps, cuidant56 avoir gagné un Royaumeroyaume nouveau, il perdit le sien, esperantespérant donner la liberté à une qui ne la vouloitvoulait plus recevoir de sa main, il se mistmit en servage57, et pensant osterôter la vie à son ennemyennemi, il se donna la mort par sa creancecréance58. Car apresaprès tous les essais qu’il avoitavait tenteztentés pour aborder de force, voyant que le feu de son courage, ne produisoitproduisait qu’une fumeefumée de vanité, et que les Sauvagessauvages qui tenoienttenaient le port estoyentétaient plus asseurezassurés de leur deffendéfen-
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cese, que luylui puissant pour les assaillir : Il obtint de ses Magiciensmagiciens, de l’enchantement desquels il se servoitservait, à defautdéfaut de secours plus certain, et combien qu’il eusteut59 cognuconnu leur mensonge, et esprouvééprouvé la tromperie de leurs démons, un nuage grossier qui voilant le soleil, de son obscurité, et empeschantempêchant les yeux de l’ennemyennemi de pouvoir descouvrirdécouvrir la surprise, luylui permistpermit de faire descendre ses gendarmes60 en seuretésûreté, et de les conduire sans soupçon, jusqu’aux barricades de Castio, qui se voyant assailli, et ne sçachantsachant de quel costecôté l’ambuscadeembuscade estoitétait faite, au lieu de se joindre aux siens se jettajeta dans les troupes d’Acoubar, qui ayansayant remarqué entre tant de rustiques61 sauvages, quelque especeespèce de majesté plus grande en cestuy-cicelui-ci, se jetterentjetèrent sur luylui poussezpoussés d’une commune ambition de son desastredésastre62, qui faisoitfaisait tomber quand et63 soysoi la ruyneruine de tout son peuple, dont les uns se sauverentsauvèrent pour trainertraîner plus long tempslongtemps leur servage, les autres se ralierentrallièrent à Pistion, resolusrésolus de perdre la vie en ce jour mesmemême qu’ils devoyentdevaient per-
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dre la liberté. Acoubar jà victorieux de la mort de leur Royroi, se promistpromit de triompher bien tostbientôt de la desroutedéroute de ceux qui voulansvoulant rejoindre nouvelles forces, n’avoyentavaient ni le temps ni l’addresseadresse, veuvu que leur chef Françoisfrançais estoitétait mieux suivysuivi qu’entendu de ces estrangersétrangers, et plus contemplé en ses beaux faits d’armes par ces nouveaux aprentisapprentis, que secondé en sa valeur, qui remporta à Fortunie jà certaine de la mort de Castio, mais douteuse de la sienne, les marques de sa promesse, qu’elle aima mieux graver dans son cœur que de les voir sanglantes sur son chef64. Le remederemède fustfut prompt, ne voulant contempler un corps blessé, et luylui nier65 son aide, elle qui pouvoitpouvait guarirguérir d’une seule œillade les amesâmes plus66 offenceesoffensées. Il tient donc maintenant et son heur et sa vie de sa dame, puis quepuisque ses desirsdésirs furent n’agueresnaguère favorisezfavorisés de sa gracegrâce67, et son corps presentementprésentement garentigaranti de la mort : mais Acoubar qui estoitétait parti de si loin pour esteindreéteindre ses flamesflammes, arrivant peu apresaprès à elle, au lieu de trouver un
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ruisseau de pitié, qui le rafreschisserafraîchisse, il se plonge dans une fournaise de feintes, et de cruautezcruautés68 qui le consume, recevant un cauterecautère69 sans le sentir, lors qu’il succesuce les baisers de celle qui le trahit meschammentméchamment en son cœur, folastrantfolâtrant mignardement presprès de sa bouche. Ces premierespremières delicesdélices (commencement d’un poison plus dangereux) durerentdurèrent peu cestecette fois, à cause des nouvelles que qu’Ergaste l’un de ses gens, luylui apporta que son armeearmée se débandoitdébandait70 si sa presenceprésence ne venoitvenait arresterarrêter leur fuite qui recouroitrecourait aux vaisseaux pour le bruit qui estoitétait de sa mort. La partie71 fustfut facile à remettre de la part de Fortunie, plus facheusefâcheuse de celle d’Acoubar, toutefois agreableagréable, puis quepuisque le salut de tant de monde, le r’apeloitrappelait de la jouissance de si peu de plaisirs. Les soldats qui auparavant trembloyenttremblaient de peur furent tellement r’asseurezrassurés voyansvoyant leur Royroi en vie qu’ils n’aspirent plus qu’aà le suyvresuivre quelque part qu’il s’achemine. CesteCette commune allegresseallégresse en causa une plus grande, car chacun fustfut d’avis de s’exercer en quelque honnestehonnête exerci-
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ce et de luiterlutter72 doresnavantdorénavant pour l’honneur, eux qui avoyentavaient n’aguerenaguère si bien combatucombattu pour la victoire. Le Royroi trouva bon d’obeirobéir à leur envie, et voulant recognoistrereconnaître la fidelitéfidélité de ses gens, et honorer la veuëvue de sa Fortunie, commanda qu’on apprestastapprêtât une carrierecarrière73 pour au lendemain courre74 la bague75. Tout fustfut prestprêt à l’instant, veuvu qu’à grand peine la centiesmecentième partie de ceux qui desiroyentdésiraient cestecette journeejournée peurentpurent mettre la main à l’ouvrage, qu’ils estimoyentestimaient (chacun pour son regard76) ne pouvoir estreêtre assez beau et commode, s’ils ny employoyentemployaient 77 leur industrie78, autant prompte que belle. Le HerautHéraut qui publia la joustejoute, la fistfit premierementpremièrement sçavoirsavoir à Fortunie qui ne demandoitdemandait que celle de Pistion : toutefois elle vouloitvoulait assister à l’une et l’autre, et pour avoir entre tant de gensd’armesgendarmes dont la presenceprésence aussi bien que l’arriveearrivée luylui estoitétait tréfacheusetrès fâcheuse, un objet sur lequel elle peustput dresser79 la faveur de ses yeux, elle revestitrevêtit Pistion d’un accoustrementaccoutrement80 de Sauvagesauvage, sous la couverture81 duquel il entre dans
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la carrierecarrière, et sçeutsut aussi bien mettre dans leur bague, comme il avoitavait fait dans celle de sa Maistressemaîtresse : le prix luylui estantétant deu aussi tosttôt que82 l’honneur, il va recevoir le joyau des mains de sa Damedame, et se retire sans parler dans une forestforêt trestrès obscure suyvantsuivant le commandement de Fortunie, qui feignant de regretter le diamant qu’elle avoitavait donné à ce Sauvagesauvage, anima Acoubar de le poursuyvrepoursuivre, et de luylui ravir si faire se pouvoitpouvait, le presentprésent qu’elle croyoitcroyait et l’avoitavait ainsi desirédésiré luylui estreêtre bien acquis, esperantespérant qu’il ne retourneroitretournerait83 jamais de cestecette fuite. Acoubar qui avoitavait esteété eslevéélevé84 de son Royaumeroyaume par la violence de son amour, ne voulut demeurer plus long tempslongtemps apresaprès le commandement de sa Damedame, mais partit incontinent85 pour le trouver, ce qu’ayant fait en peu d’heure il se vistvit tout soudain par l’assaut de Pistion privé à tout jamais des yeux de son infidelleinfidèle, qui trahissant sa loyauté par cestecette feinte, envoya le Sauvagesauvage deguisédéguisé en la paisible possession de ses amours qui rendent86 par cestecette mort
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la cruelle Catastrophecatastrophe87 de cestecette Tragedietragédie, dont le sujet est traité avec une representationreprésentation plus naturelle, un discours plus polypoli, et une suite plus ample par le Sieursieur du Perier en ses amours de Pistion et Fortunie88.

[28] Né à Chartres en 1545, Philippe Desportes, poète officiel du roi Henri III, s’est rallié à la Ligue à la mort de celui-ci, mais il a fini par négocier la capitulation des places normandes encore en rébellion. Rival d’abord de Pierre de Ronsard et de François de Malherbe vers la fin de sa vie, Desportes s’est retiré dans ses somptueuses demeures de Vanves et de l’abbaye de Bonport, obtenues en récompense de ses derniers services. Il y menait une vie paisible, entouré de jeunes poètes qu’il protégeait et encourageait, tout en se consacrant à la poésie religieuse, jusqu’à sa mort en 1606.
[29] aujourd’hui.
[30] en quelque façon.
[31] ceux qui publient vos mérites acquièrent, de ce fait, une renommée éternelle (note d’Arbour, p. 3).
[32] Arbour suggère que Du Hamel semble laisser croire que Desportes l’a incité à faire imprimer sa tragédie.
[33] grâcieuses.
[34] Au XVIe siècle et au tournant du XVIIe, les explorateurs français croyaient que le Canada était un archipel, à l’instar de la légende des « îles fortunées « , perpétué depuis l’antiquité par les historiens grecs.
[35] rude.
[36] commerce.
[37] depuis.
[38] appréhension, perplexité.
[39] pendant lequel.
[40] Aussi transcrit « Gilan », le Guilan est une province de Perse, au bord de la mer Caspienne.
[41] désiré.
[42] son appréhension (nom féminin).
[43] soumis.
[44] quelques.
[45] comprendre.
[46] Dans la tragédie, il est appelé Acoumar (v. 935 et suivants).
[47] Une province russe, située sur la Volga et près de la mer Caspienne.
[48] Dieu de la guerre.
[49] Déesse de l’amour.
[50] aujourd’hui.
[51] Dieu forgeron qui a pris sa femme Vénus et Mars en flagrant délit, (cf. v. 398, vv. 825-827 et v. 1304). Dans cette configuration triangulaire d’adultère, Acoubar serait comparé à Vulcain, trompé par sa femme Fortunie (Vénus) et son rival Pistion (Mars).
[52] favorables.
[53] Les zéphyrs sont les vents doux et favorable de l’ouest. Un leitmotiv de la pièce, les zéphyrs seront évoqués à plusieurs reprises, par Acoubar (v. 49, v. 241), par Castio (v. 558) et par Fortunie (v. 1452). Selon Furetière, « zéphir » « vient du mot Grec, qui signifie donnant la vie », une fausse étymologie qui rendrait ce terme assez ironique. En effet, ces vents de l’ouest amènent Acoubar au Canada où il mourra, pendant que les « doux zéphyrs » (v. 1452) apportent la voix de Fortunie à Pistion pour que celui-ci tue son rival.
[54] fortune, bonheur, succès.
[55] depuis.
[56] pensant, croyant.
[57] servitude.
[58] crédulité, foi ; Acoubar est mort parce qu’il a cru aux paroles de Fortunie.
[59] déjà.
[60] soldats.
[61] qui concerne la campagne, mais aussi grossier, mal polis.
[62] mort.
[63] en même temps, avec.
[64] tête.
[65] refuser.
[66] les plus.
[67] bienveillance.
[68] » et de cruautez « manque dans l’édition de 1611.
[69] remède par brûlure.
[70] se débanderait.
[71] départ.
[72] rivaliser.
[73] un lieu fermé de barrières préparé pour les tournois.
[74] courir.
[75] Courir la bague : jeu de bague ; ancien jeu qui consiste à enfiler et à enlever au galop d’un cheval, avec une lance, une épée puis un bâton, un ou plusieurs anneaux suspendus à un poteau ou à une potence.
[76] chacun selon son point de vue.
[77] « employent » dans l’édition de 1611.
[78] art.
[79] diriger.
[80] habit.
[81] apparence.
[82] en même temps que.
[83] reviendrait.
[84] enlevé.
[85] aussitôt.
[86] achèvent.
[87] fin, dénouement.
[88] Selon Arbour, Du Hamel aurait pu prendre conscience du roman d’Antoine Du Périer, Les Amours de Pistion et de Fortunie, publié à Paris chez Thomas de La Ruelle à la fin de 1601, grâce à Claude Garnier. Celui-ci fréquentait Desportes et, ami de Du Périer, avait écrit un poème en tête de ce même roman (Arbour, op. cit., p. 8).

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ACTEURS.

Acoubar RoyRoi de GuylanGuilan. Le Magicien. Fortunie Infante d’Astracan. Pistion Cavalier Françoisfrançais. Castio RoyRoi dedu Canada. Les Sauvages. Les GensdarmesGendarmes d’Acoubar. Ergaste Gentilhomme d’Acoubar. Le HerautHéraut d’Acoubar. Choeur

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LA LOYAUTELOYAUTÉ TRAHIE, TRAGEDIETRAGÉDIE.

ACTE PREMIER.

Acoubar. Le Magicien.

Acoubar.89

SAuvage, que te sert de refuser tes portes

Non jamais assiegeesassiégées à90 mes fieresfières cohortes ?

Qui plustostplutôt derechef91 retarderont les eaux

De leurs corps renversezrenversés que rentrer aux vaisseaux

5Je resterayresterai pied coycoi92 jusqu’à tant que l’armeearmée

AyeAie93 dedu Canada remporté le tropheetrophée.

PlustostPlutôt tout creveracrèvera que vainqueur dessus eux

Je ne bastissebâtisse icyici un saint temple à mes dieux.

Je sçaysais bien que le sort d’une inique fortune94

10FustFut n’aguerenaguère pour toytoi, mais si elle est commune,

Et si l’estatétat humain se manie95 en changeant,

Peuple, qui que tu sois je t’en ferayferai autant,

CeluyCelui n’est pas vainqueur qui pourchasse la gloire


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D’un combat commencé sans la tenir encore96.

15Mais celuycelui peut deux fois se joindre à l’ennemyennemi

Qui luylui monstramontra le dos surmonté aà demydemi.

Ne t’orgueilly point97 donc race non aguerrie

D’avoir encommencé98 une telle tuerie99.

Je m’en ressentirayressentirai100 pour venger tant de corps

20PasturePâture des poissons qui n’agueresnaguère sont morts

ParmyParmi les flots marins aux ondes infidellesinfidèles,

PoursuyvisPoursuivis impareils101 de vos flechesflèches bourrelles102.

Ainsi comme lon voit trois lyonslions affamezaffamés

EspouvanterÉpouvanter affreux autant d’enfansenfants pasmezpâmés,

25Qui cuidanscuidant103 échaperéchapper par leur fuite legerelégère104

Demeurent sans mouvoir mesmemême dans la carrierecarrière.

Ou ainsi que souvent en la froide saison,

Quand les nuaux105 obscurs brouillent nostrenotre horisonhorizon,

Et que pour menacer les geansgéants de la terre

30Jupiter106 fait au ciel retentir son tonnerre,

Le Laboureurlaboureur en vain taschetâche d’aller devant

La greslegrêle qui le suit legerelégère107 comme vent,

Il redouble ses pas, il se met hors d’aleinehaleine,

Encore est-il surpris au milieu de la plaine.

35Lors108 il change conseil109, et voyant qu’il ne peut

Aller sec au logis, puis quepuisque desjadéjà il pleut,

Il cherche les buissons pour s’il ne peut sa testetête

Au moins sauver son dos du coup de la tempestetempête,

Mais le flot pluvieux qui par l’ærair va bruyant

40Ne pardonne non plus à son dos qu’au -devant :

L’orage estantétant passé, il ne juge partie

Qui ait peupu échaperéchapper les froideurs de la pluyepluie.

Mon courage pareil avoitavait malgré le sort

Entrepris d’amener mes vaisseaux en ce port.

45Les voiles mis au vent et l’ancre retireeretirée

AnimerentAnimèrent deslors110 le furieux NeréeNérée111

Et deslors112 l’aperceuaperçu presageprésage du meschefméchef113,


--- 17 ---
 

Un orage cruel tournoyer sur mon chef.

Les ZephirsZéphyrs114 (crevecœurcrève-cœur de mes plaintes tardives)

50Me rappelloyentrappelaient fuyard au sable de leurs rives.

DeslorsDès lors que je quittayquittai pour me rendre aux plus gransgrands

Cent mille fois maudits le respir115 de leurs vensvents.

La vengeance des dieux enceinte de colerecolère

(Ainsi que je le croycrois) ne me pardonna guereguère,

55Car d’un vomissement elle jette sur moymoi,

Et les miens innocensinnocents de la coulpe116 du Royroi :

(Car ils n’offençoyentoffensaient point en faisant leur office117)

Leur venin marqueté de haine et de justice.

Tout se bande118 mutin119 contre un qui ne veut rien,

60N’est-ce pas la raison, que recouvrer son bien ?

Mon dessein n’estoitétait autre : autre chose ne prie

Les Dieuxdieux que de me rendre à120 toytoi ma Fortunie.

NeantmoinsNéanmoins au milieu de ma route j’ayai veuvu,

Mais ore121 qu’ainsi soit, puis qupuisqu’ainsi vous a pleuplu,

65Tant de braves soldats de ma GuylanGuilan fecondeféconde

Par l’assaut de vos vents ensevelis dans l’onde.

QuoyQuoi ? vous avez cruels vomyvomi vostrevotre courroux

Contre un Royroi innocent, et vous vous dites doux.

Je croiraycroirai desormaisdésormais voyant telle injustice

70Qu’au ciel non plus qu’icyici ne regnerègne de justice :

Et apresaprès que l’AstreeAstrée122 eut quitéquitté ces bas lieux

Qu’on luylui ferma123 la porte, et l’entreeentrée des cieux.

Vous qui par tant de fois promistespromîtes debonnairesdébonnaires124,

Que vous seriez des Roisrois gardiens tutelairestutélaires.

75Or125 ne vous souvient plus contre moymoi irritezirrités

De rendre aux meffaisansmalfaisants126 leurs peines meritezmérité’s.

Que si : mais je ne veux : non, je l’oserayoserai dire,

Vous ne destournezdétournez point de ma testetête vostrevotre ire127 :

Je proteste128, ennemyennemi, des plus grands immortels

80RazerRaser à mon retour le pied de vos autels.

Il ne restera rien chez moymoi de la memoiremémoire


--- 18 ---
 

De ces gransgrands Citadinscitadins envieux de ma gloire.

C’est affaire aux coüardscouards de n’oser soucieux

S’attaquer offencezoffensés à la troupe des Dieuxdieux :

85Comme ces fiers Geansgéants pareils à un Colossecolosse

Qui vouloyentvoulaient couronner Olympe du mont Osse129,

Je les aborderayaborderais quand130 un foudre venteux

DevroitDevrait choir sur mon chef131 comme jadis sur eux

Le tonnerre grondant qui cassa la cervelle

90De ces mutins, voulansvoulant mettre Dieu en tutelle.

Que me peut-il rester davantage, pervers132

Que ce ravissement133 regretté de mes vers,

DeploréDéploré de mes cris, ondoyant de mes larmes

Et bagnébaigné dans le sang du sort de mes vacarmes134 ?135

95MiserableMisérable Acoubar le plus funeste sort,

C’est en voulant mourir de ne trouver la mort.

Le rigoureux cizeauciseau dont la parque136 menace

Les guerriers n’espouvanteépouvante aucunement ta face137.

Si fortune douteuse accompagne tes veuxvœux

100Vivant, ô triste Royroi, tu seras trop heureux :

Si comme elle a estéété : elle t’est adversaire,

Et tu meurs au combat ta peine est bien legerelégère.

Car c’est un doux trespastrépas : en perdant ses amours

D’en perdre le desirdésir, et la flameflamme des jours.

105Que fais tufais-tu donc icyici ? obeyObéis à l’envie

De ton ameâme qui veut courir à138 Fortunie.

Haste toyHâte-toi donc, et si quelque amour est en toytoi.

FayFais paroistreparaître les feux d’une loyalleloyale foyfoi.

DepescheDépêche vitement139 : une chose remise

110Ne succedesuccède140 souvent au desirdésir de la prise.

Tu as estéété vaincu, repoussé mis à bas :

Et tu n’oseoses poltron relever les combats.

Que dira Fortunie ? helasHélas ! que dira elledira-t-elle?

Que tu n’ose141 aborder une terre nouvelle ?

115Elle soupçonnera que c’est pour se venger,


--- 19 ---
 

Qu’Acoubar hazardoithasardait142 ses vaisseaux au143 danger :

Non point pour la ravir durement asservie

Au traistretraître qui l’avoitavait de son maistremaître ravie.

Ses premierespremières amours144 qui respiroyentrespiraient145 à toytoi

120Douteront desormaisdésormais du serment de ta foyfoi.

L’arbrisseau une fois ployé de sa torture146

N’est facile à dresser147 quand l’escorceécorce en est dure.

Je luylui satisferaysatisferai avant que ces esprits

AgitezAgités de l’orage ayentaient ce soupçon pris,

125Mais quoyquoi ? jJ’ose beaucoup. Las ! que pourraypourrai-je faire,

Si la terre, le Ciel, et la mer m’est contraire ?

AmeÂme de mes amours, helashélas ! pardonne-moymoi,

Si comme je voudroisvoudrais, je ne cours point à148 toytoi

Le chemin m’est bouché et la porte fermeefermée,

130Le hazardhasard149 ennemyennemi, la fortune esprouveeéprouvée.

Entre tant de desirsdésirs : et si peu de moyens

Seulement je recours à nos Magiciensmagiciens.150

En voicyvoici un venir, ainsi que je presageprésage

ResoluRésolu de mourir quoyquoi qu’il soit le passage,

135C’est le dernier essayessai, entre mille travaux151

152

Qu’il me faut pratiquer pour sortir des vaisseaux.

Mes troupes dont le cœur, la valeur et l’audace

MaugreeMaugréent153 despitantdépitant154 le port de cestecette place

Qui leur est deffenduedéfendue : ainsi qu’un haut fossé

140ArresteArrête le cheval de son maistremaître poussé.

Car avec peu de gens j’ayai descendu à terre

Lassé trois jours entiers d’une navale guerre.

Ma bouche respiroitrespirait les broüillarsbrouillards de la mort,

Si je n’eusse soudain mis le pied en ce port.

145Mais d’aller plus avant, et de passer ces roches,

Castio, et ses gens sont campezcampés icyici proches,

Ils tiennent l’avenue, et la gardent si bien,

Que pour les aborder je ne contemple rien.

Ces horribles coupeaux155 incongnusinconnus et estrangesétranges156


--- 20 ---
 

150EspouvantentÉpouvantent à voir mes plus braves phalanges157.

Nul gendarme158 tant fier qu’il soit et courageux,

N’oseroitoserait seulement se descouvrirdécouvrir à eux.

Vous sçavezsavez cestecette nuictnuit quantquand gendarmes indices159

ParessoyentParessaient au sommet de ces hauts precipicesprécipices.

155J’en frissonne de peur, non de peur : car jamais

Ma valeur ne trembla pour un si peu d’objets :

Mais de despitdépit160, de rage, et d’ire forceneeforcenée161

De ne pouvoir contre-eux aprocherapprocher mon armeearmée.

Le Magicien.

Ayant peupu commander aux demonsdémons qui à coup162

160S’aprochentapprochent de mes cris et me revelentrévèlent tout.

Et ayant tant de fois fait rebrosserrebrousser farouche

Le Soleilsoleil au repos de sa nuitierenuitière163 couche.

Fait jaunir son visage et ses rayons couvert

De blanc, de noir, de rouge, entremeslezentremêlés de verdvert,

165Commandé (obeyobéi des animaux barbares)

À Pluton164, à Minos165, aux spectres166, et aux lares167,

CongnuConnu ce que les ans avoyentavaient168 fait passer

Et preveuprévu le destin que lon a peupu penser

Au conseil plus secret de la bande celestecéleste,

170Autant qu’elle fustfut onc169 mon aide sera preste170

À tes chastes desirsdésirs, flamesflammes d’un vrayvrai espouxépoux,

Et te serayserai beninbénin171 puis quepuisque tu crois à nous.

Acoubar.

Tu sçaissais bien pour avoir d’un esprit trop volage

ObeyObéi à ta voix : que j’ayai fait un naufrage

175De gens et de vaisseaux : si horrible et nombreux

Qu’ils espouvanterontépouvanteront le nauchernocher172 tenebreuxténébreux

Fuitif173 dans sa nacelle174, agiteeagitée de rames,

Pour se sauver peureux de cestecette troupe d’amesâmes.

NeantmoinsNéanmoins essayant le reste encorencore un coup.

180HardyHardi, je te suyvraysuivrai et employerayemploierai tout.


--- 21 ---
 

Le Magicien.

Prince, ne doute point, j’ayai la Lunelune changeechangée

En cent mille façons semblable à un ProtheeProtée175.

J’ayai retenu le cours de Titan dans les cieux,

Et l’ayai fait estonnerétonner176 tremblant sur les essieux

185De son char embourbé que plus le cheval pense

Emporter de roideur, moins alors il avance177.

Ainsi que la Remoreremore178 attarde sous les eaux,

De sa dent affileeaffilée un monde de vaisseaux

Qui agitezagités du vent qui s’irrite et tempestetempête

190Ne destientdétient pourtant l’arrestarrêt qui les arrestearrête :

Ce petit animal est plus brave chez soysoi

Que les flots debatansdébattant179 la force de leur Royroi.

Acoubar.

Ces faits sont incognusinconnus en la terre où nous sommes,

Sinon à vos esprits les deitesdéités des hommes.

Le Magicien.

195Ces demonsdémons infernaux, privezprivés du tout amour

Qui me dirent le lieu, la place, le sejourséjour,

Le polepôle, le pays, ou erroiterrait Fortunie

Tant ils furent forcezforcés180 du sort de ma magie,

Ces mesmesmêmes aujourd’huyaujourd’hui, aujourd’huyaujourd’hui que je veux

200EstendreÉtendre mon pouvoir (si aucun j’ayai sur eux181)

Conjureront182 mutins pour se monstrermontrer fidelesfidèles

Au serment que j’en ayai encontre183 ces rebelles.

Et ne veux pas qu’aucun184 averti du haut ton

De ma voix paresseux demeure chez Pluton185.

205Sus186 qu’ils accourent tosttôt : cependant187 je vous prie

De ranger promptement vostrevotre gendarmerie188.

Acoubar.

Quels scadrons189 les premiers marcherons190 ? queQue veux-tu ?

Que je range des flots traitrementtraîtrement191 combatucombattu ?

Engagé dans les eaux, dessus l’onde marine

210Fay-luyFais-lui donc un passage, afin qu’elle chemine.


--- 22 ---
 

Ou si quelque puissance est cacheecachée en tes vers,

FayFais que Neptun192 se fende, et ses flots soyentsoient ouversouverts.

Tu rengregerengrèges193 ma playeplaie, et la rensrends plus horrible.

Peu profite en malheur de bailler194 l’impossible.

215Ce qui plus me retarde en ce port, sçaysais-tu pas

Que c’est pour ne pouvoir mettre mes gens à bas !

Ils ont prou195 de valeur, d’hardiesse et courage :

Mais quoyquoi ? queQue feront-ils au bord de ce rivage ?196

DequoyDe quoi me servira de voir un nombre grand

220S’il luylui est deffendudéfendu de passer plus avant ?

Si comme un Hannibal encorencore il falloitfallait fendre197

Les Alpes198 j’oseroisoserais sans doute l’entreprendre.

Mais mon ambition engageant mes soldars199

TrouveroitTrouverait en ces rocs de plus fermes ramparsremparts,

225Inhumaine rigueur de voir que Fortunie,

Puisse moins s’aborder que la grande Italie.

Quels destroitsdétroits ? quelsQuels desertsdéserts ? quelsQuels hazardshasards sont autour

Du bien que lon desiredésire au combat de l’amour ?

Les vaisseaux aux rochers s’aprochentapprochent par les rames

230Les Princesprinces en aimant se reculent des Damesdames.

Le cheval furieux, qui martellemartèle de coups

La terre, ayant le frein, en chemine plus doux.

Une femme agreableagréable autant comme elle est belle

AdoreeAdorée qu’elle est en devient plus cruelle.

235L’orgueilleuse beauté dedagneusedédaigneuse d’amours,

Se flechitfléchit seulement plus humaine aux vieux jours.

Donc je t’accuse amie et cent fois je t’accuse,

Que tu n’accours à200 moymoi, t’eschapantéchappant d’une ruse :

DesjaDéjà j’ayai fait pour toytoi, ce que je n’eusse pas

240Pour mon perepère vivant s’il estoitétait icyici bas.

Les ZephirsZéphyrs messagers de ma flameflamme impareille201

Ont jà de ma venue assourdi ton oreille :

Et tu demeure202 encorencore, ô fille d’Astracan203

NegligenteNégligente de voir le Princeprince de GuylanGuilan204


--- 23 ---
 

245Ton espouxépoux tresloyaltrès loyal, et à qui la nature

T’obligeoitobligeait sans le fait d’un desloyaldéloyal parjure.

Le Magicien.

Retenez ces regrets tant que205 nous ayons veuvu,

Si mon enchantement quelque chose aura peupu.

Je m’en vayvais conjurer sans tarder davantage

250Mes demonsdémons de couvrir d’un obscurci nuage

Ces costescôtes de la mer, pour pressant leur réveil

Les surprendre chacun enchantezenchantés de sommeil,

Ou si les yeux ont jà surhaussé leur paupierepaupière,

Qu’ils cherchent sans y voir de PhebusPhébus206 la lumierelumière.

255Nos soldats qui ont bien remarqué le sejourséjour,

Les environneront cependant à l’entour

Les presseront de presprès là où ils puissent estreêtre,

Et chargeront dessus sans y rien recognoistrereconnaître.

Acoubar.

Or soit à la bonne heure.

Le Magicien.

Allez tosttôt, et que tous

260S’aprestentapprêtent bien armezarmés de force et de courroux

Pour la testetête baisseebaissée aprocherapprocher ces sauvages,

Qui nous peussentpussent tenir long tempslongtemps en ces rivages,

Et honteux nous causer de reprendre en commun,

Le chemin trop divers des ondes de Neptun207.

Acoubar.

265Que si Mars quelque peu nos prieresprières écoute,

Favorisant nos vœux les voilavoilà en desroutedéroute.

Acoubar quitte la scène, laissant le Magicien seul.

 

Le Magicien.

Cependant mes demonsdémons, mes ombres, mes esprits

AcourezAccourez seconder mes desseins entrepris,

Par ces mains qui vous ont immolé tant d’offrandes

270Je vous evoqueévoque tous des infernallesinfernales bandes :

Et tous je vous appelle à mille et milliers

Pour debatredébattre l’honneur qui viendra des premiers.


--- 24 ---
 

J’entensentends un tintamarre : ils viennent, sus qu’en tonne

Ma voix a estéété ouyeouïe, ainsi que je l’ordonne.208

275Semez parmyparmi Junon209 les nuages obscurs

De l’eternelleéternelle nuictnuit enclose dans vos murs.210

Couvrez-moymoi le Soleilsoleil, bandez211-moymoi son visage,

Et que parmyparmi le ciel ne se voyevoie qu’orage.

Qu’un ancien cahoschaos difforme sans compas

280Demeure pour un temps : que le haut soit en bas,

Le feu dessus la terre : et ThetisTéthys212 releveerelevée

Se joigne à toytoi, òô Phebe213 ! en ses ondes bagneebaignée.

VoilaVoilà tout comme il faut : au reste que chacun

Se propose de n’estreêtre à mes vœux importun :

285Suyvez-moySuivez-moi compagnons et autour de mes ælesailes.

Gardiens, maintenez des troupes infidelesinfidèles,

Nos soldats combatanscombattant sinon pour vostrevotre foyfoi

Pour obeirobéir au moins au vouloir de son Royroi.214

LE CHOEUR.

LAs ! combien sont des humains215

290Les desseins

Et contraires et volages,

Les uns se plaisent aux bois

Mille fois

Plus qu’ils ne font aux rivages.

 

295Les autres ambitieux

Envieux

Des richesses de ce monde

Les vont cherchanscherchant 216 nuictnuit et jour

À l’entour

300De cestecette machine ronde217.

 

Ne redoutansredoutant en la mer

D’abysmerabîmer


--- 25 ---
 

NyNi la Charybde218 neni Scylle219,

NyNi les autres accidensaccidents,

305Qui absensabsents

Ne sont cognusconnus dans la ville.

 

„Les autres vaincus des traits220

„Et attraits,

„De la belle EricienneÉricienne221,

310„Vont bien souvent egarans222

„Leurs parens223,

„Et leur Citécité ancienne.

 

„Car tant que l’ambition,

„Le brandon224,

315„Et le desirdésir des richesses,

„Tant que l’envie d’avoir

„A pouvoir,

„ Les vertus ne sont maistressesmaîtresses.

 

Et entre tous ces desirsdésirs,

320Les plaisirs

De l’ameâme passionneepassionnée

Sont tous les plus dangereux

Entre ceux

Qui souvent l’ont accableeaccablée.

 

325Combien fol et esventééventé225

Mal tenté

Est celuycelui qui se recreerecrée

À tes apasappâts et morceaux,

Les appeaux226

330Dont nous surprend CythereeCythérée227 ?

 

PourveuPourvu que de nos desirsdésirs,228


--- 26 ---
 

„Les plaisirs

„Nous suyventsuivent une journeejournée,

„Nous estimons tous les maux

335InegauxInégaux

„À cette douceur succreesucrée.

 

„L’amour n’aprehendeappréhende rien

„Et le bien,

„Qu’il poursuit pour peu d’espace229,

340„Ne luylui est trop cher vendu

„S’il l’a eu

„Avant que l’heure s’en passe.230

ACTE II.

Fortunie. Pistion. Castio. Les Sauvages. Acoubar. Les gendarmesGendarmes d’Acoubar. 231

Fortunie.

PIstion tu veux donc, tu as donc cetcette envie

En mourant d’avancer la mort de Fortunie ?

345Tu ne veux donc plus vivre afin que me chassant

Ombre je te seconde232 au sejourséjour palissantpâlissant ?

Tu respirerespires233 ma mort en desirantdésirant la tienne

Avançant ta ClotonClotho234 tu avanceavances la mienne.

En courant au trepastrépas Pistion je veux bien

350T’avertir ce faisant que tu pressepresses le mien.

Dédaignant les rayons de Titan porte-flameflamme235

Tu mepriseméprises cruel le bonheur de ta dame :

Et te voulant jetterjeter parmyparmi les sers pointus

Des soldats d’Acoubar d’acier revestusrevêtus,

355Ton ambition n’est que vainqueur pour tropheetrophée


--- 27 ---
 

Triompher de ma mort Princesseprincesse infortuneeinfortunée,

Ou vaincu, quand et toytoi236 d’une estrangeétrange façon

Au prince de GuylanGuilan me bailler à rançon237.

AuroyAurais-tu bien le cœur238 ? auroyAurais-tu bien l’envie

360De trahir desloyaldéloyal l’honneur de Fortunie ?

Que pense tupenses-tu amyami seulette me laissant ?

Que pensera de toytoi mon esprit palissantpâlissant ?

Et que croiront les Dieuxdieux autheursauteurs de l’hymeneehyménée239

De te voir nonchalant240 quitter ta bien aymeebien-aimée ?

365Avant ton departirdépartir241 pour un dernier adieu

Ne me refuse point d’ensanglanter ce lieu :

Fay moyFais-moi ce bon office : à jamais redevable

J’adorerayadorerai le coup de ton fer pitoyable :

Je t’en scauraysaurai bon grègré, ha, Pistion croy moycrois-moi

370Que je tiendraytiendrai cela ottageotage242 de ta foyfoi.

La glace dans mes os me seroitserait bien plus cherechère

Que l’absence de toytoi ma divine lumierelumière.

Tu ne t’estonneétonnes point, tu ne t’apresteapprêtes pas

De roidir contre moymoi la force de ton bras :

375Insensible Caphare : ô roches cent fois dures

VostreVotre plaisir consiste au bruit de mes murmures !243

Vous n’estesêtes point esmeuému de mes cris langoureux

Ains244 semblez qu’aà dessein vous esjouissezéjouissez245 d’eux.

„Les idoles des Dieuxdieux (estrangeresétrangères merveilles)

380„Quand nous les requeronsrequérons ouvrent bien les aureillesoreilles

Et Pistion dedagnedédaigne orgueilleux seulement

D’escouterécouter mes regrets, chose indigne d’Amantamant.

Pistion.

Belle de qui le dueildeuil m’est cent fois plus contraire

Que mon propre malheur, que ma propre miseremisère :

385Belle dont les souspirssoupirs, les regrets, les sanglots

PenetrentPénètrent violens246 aux plus creux de mes os :

Belle qui arrousantarrosant de larmes ton visage

Fais flotter mon esprit proche de son naufrage.


--- 28 ---
 

Belle qui te plombant247 la poitrine de coups

390Me meurtris248, jà navré249 d’un funeste courroux

Contre mon esprit mesmemême : helashélas mon ameâme toute

Veux-tu qu’à Castio je facefasse banqueroute250 ?

Ce Castio de qui les soldats aprestezapprêtés

DeffendentDéfendent en mourant nos propres libertezlibertés.

395Veux tuVeux-tu que je le quitequitte ? àÀ qui sa voix plaintive

Se pourra adresser s’il faut que je te suive ?

Quel desordredésordre en son camp ? queQue feront ses soldars251

Peuple non aguerryaguerri aux traverses de Mars252 ?

De quel costécôté fuitif253 sauvera ilsauvera-t-il sa vie

400Si tu veux m’eleverélever254, ô cherechère Fortunie ?

Qu’une sainte douleur empareeemparée de toytoi

Te facefasse avoir regret du desastredésastre255 d’un Royroi.

Son ombre (si le sort sur sa testetête devalledévale)

Se monstreroitmontrerait tousjourstoujours à nos yeux triste paslepâle,

405À jamais une voix pousseepoussée au tourautour de nous

Nous iroitirait menaçant de l’eternel éternel courroux.

Il me semble desjadéjà et desjadéjà je m’apresteapprête

Aux tourmenstourments forcenezforcenés256 du furieux Oreste257.

M’amie permettez (puis quepuisque par son herauthéraut

410Acoubar nous assigne à peine de deffautdéfaut)

Que je marche premier et que par ma vaillance

Lon remarque les traits de la valeur de France.

Canada me requiert de luylui faire ce bien :

„À un peuple afligéaffligé on ne refuse rien.

415Ce sera de l’honneur pour nous parmyparmi ces Islesîles :

Quand apresaprès la victoire on bastirabâtira des villes :

Lors chacun redevable en eslevantélevant ses tours

Gravera le destin de mes chastes amours.

Leurs Louvres somptueux (Royallesroyales entreprises)

420Porteront à l’entour mes armes, et devises.

Fortunie.

Courant à l’incertain tu bastisbâtis sur les eaux :


--- 29 ---
 

Si tu meurs au combat, adieu Louvres royaux :

Adieu tes beaux palais : adieu l’honneur encore

Que tu vas respirant258 du vent de la victoire259.

425Pense tuPenses-tu, Pistion, empescherempêcher ces soldars260

Qui ont vescuvécu tousjourstoujours sous les drapeaux de Mars ?

PensePenses-tu repousser par tes sauvages armes

Des plumes empanezempannés261 un monde de Gendarmesgendarmes

Qui sortiront malgremalgré tes disciples nouveaux

430Du ventre monstrueux d’effroyables vaisseaux,

Et dont le corps brillant vestuvêtu d’une cuiracecuirasse

Promet espouvantableépouvantable une pareille audace

Que jadis le Gregeois262 empreinte dans le cœur

PortoitPortait, quand du troyenTroyen263 il demeura vainqueur ?

435Vous264 n’estesêtes point bastansbattant contre si grande armeearmée.

Pistion

Ma foyfoi est neantmoinsnéanmoins au combat engageeengagée.

Fortunie.

Que pouvez vouspouvez-vous avoir plus precieuxprécieux que moymoi ?

Pistion.

Rien plus265 que vostrevotre amour hors ma loyalleloyale foyfoi.

Fortunie.

Elle m’est jà acquise, et la tiens266 la premierepremière.

Pistion.

440Il la faut donc fausser je n’y sçauroysaurais que faire.

Fortunie.

Pour si peu de sujet n’obeirobéir à mes vœux ?

Pistion.

Un desastredésastre commun m’appelle : je ne peux.

Fortunie.

C’est vostrevotre volonté qui vous presse maligne.

Pistion.

Mais c’est le mesmemême sort des Dieuxdieux qui me destine.

Fortunie.

445Les Dieuxdieux ne causent point une desloyautédéloyauté.


--- 30 ---
 

Pistion.

Je n’en commets aucune : ainçois267 vostrevotre beauté

Me convie aà ce faire, or serois jeserais-je pas268traitretraître

De promettre à un Royroi, et puis n’oser parestreparaître ?

Le blasmeblâme qu’innocent j’endure, croyez moycroyez-moi

450Madame, ce n’est pas pour manquer à ma foyfoi

Si j’esperoyespérais, helashélas, qu’esgarezégarés269 dans les roches

Nous peussionspussions d’Acoubar eviteréviter les aprochesapproches,

Nous garentirgarantir de luylui, et sortir de ses mains

Je voudroyvoudrais renoncer deslorsdès lors à mes desseins,

455Je quiteroyquitterais le Campcamp pour (sous vostrevotre conduite)

Me ranger asseuréassuré dans une antre270 petite.

Ce me seroitserait beaucoup de bien en vous suivant

De ne m’hazarderhasarder point au combat plus avant.

Mais s’ils mettent le pied dans cette Isleîle sauvage

460Quel astre nous pourra garentirgarantir de l’orage ?

Tout le sort nous menace : et n’y a pas icyici

Dame, qui plus que vous en doyvedoive avoir soucysouci.

Fortunie.

Or puis quepuisque je ne peux rompre ta fantasiefantaisie,

Adieu mon Pistion.

Pistion.

Adieu ma Fortunie,

465Adieu ma toute belle.

Fortunie.

Adieu : et puisse tupuisses-tu

Avoir les Dieuxdieux pour toytoi autant que la vertu.271

Pistion272.

Quand Titan273 sommeillant dans l’OceanOcéan se plonge,

Et quel ombreux Morphé274 (divinité du songe)

Vient saisir les cerveaux, les troubler soucieux,

470Confondre pesle-meslepêle-mêle, et renverser les Cieuxcieux :

Quand dis-je les rayons se cachent dans la nue,

La terre n’est point tant que mon ameâme esperdueéperdue


--- 31 ---
 

Les fleurs qui alterezaltéré's275 de ses feux ont produit

Au jour mille bouquets se reposent la nuit.

475Les chevaux qui lassezlassés à promener un Coutrecoutre276

Ont labouré les champs ne passent point plus outre.

L’artisan se retire, et jusqu’au l’endemainlendemain

Donne trévetrêve agreableagréable au travail de sa main.

ToyToi seul (ô pauvre Amantamant) en perdant ta lumierelumière

480Tu demeure277 esperduéperdu, et ne sçauroissaurais que faire.

HelasHélas te dois-je suivre ? àÀ qui dois-je ranger

Mes armes, et de qui deffendredéfendre le danger ?

Si Castio vivant laisse envahir sa terre,

Nous sommes sans reprise278 impareils en la guerre :

485Si Fortunie aussi s’esgareégare279 de mes yeux

Vainqueur je ne pourraypourrai rester victorieux,

Car l’esperantespérant sauver des mains de l’adversaire

Je luylui serayserai moy-mesmemoi-même ennemyennemi et contraire :

Je resterayresterai coulpablecoupable et entre tant de morts

490La sienne causera à mon ameâme un remorsremords

Qui l’ira tenaillant d’une dent non lasseelassée,

Comme on voit le vautour au corps de PrometheeProméthée

Se repaistrerepaître glouton, tousjourstoujours recommençant

Le banquet preparépréparé de son cœur renaissant.280

495Mais desjadéjà le conseil281 est pris de cet affaire :

Puis quePuisque je l’ayai voulu il me faudra parfaire,

Tant de belles raisons sont pour me retarder.

CeluyCelui ne doute rien qui se veut hazarderhasarder.

Il me faut au plustostplus tôt aprocherapprocher des gendarmes

500Pour monstrermontrer valeureux la force de mes armes

À ce peuple estrangerétranger, que je veux soustenirsoutenir

En tant que je pourraypourrai, quoyquoi qu’il doive advenir.282

Castio

et283 ses gendarmes sauvages

Amis, vous scavezsavez bien : ce n’est point ma folie

Qui a fait aborder cette gendarmerie

505À nos havres lointains : car il m’est incognuinconnu


--- 32 ---
 

Pour et à quel dessein Acoubar est venu :

Mon desirdésir de regnerrégner sur une autre province,

Et d’envahir ses ports n’a provoqué ce Princeprince :

Car je ne sçachesache284 point de l’avoir offencéoffensé

510Soit en luylui mesfaisantméfaisant285 ou en l’ayant pensé :

NeantmoinsNéanmoins desirantdésirant s’emparer de ma terre

Il vient de gayetégaieté me declarerdéclarer la guerre

ResoluRésolu de me perdre, et ainsi que l’on voit

PretendPrétend en mon Royaumeroyaume avoir eu quelque droit,

515Menace feu et sang, et d’une rage extrémeextrême

Cuide286 jà accrocher mon Royalroyal diadesmediadème,

Le joindre avec le sien, comme estantétant sans danger

Permis aux plus puissanspuissants287 devestirdévêtir l’estrangerétranger.

Ambition gloutonne : insatiable bouche

520Puisse devenir or tout cela que tu touche288,

Puissent comme jadis à l’avare Tantal289

Les viandes290 t’affamer transmueestransmuées en metalmétal.291

Tu declaredéclares la guerre à un Royroi legitimelégitime

Te jugeant le plus fort, irreparableirréparable crime,

525Mais si les Dieuxdieux hautains maintiennent l’equitééquité

Tu te verras punypuni de ta temeritétémérité.

XerxeXerxés plus grand cent fois que ta guerriereguerrière adresse

S’estoitétait ainsi promis la couronne de GreceGrèce,

Mais luylui qui en allant couvroitcouvrait toutes les eaux

530Du passage Pontiquepontique avecque292 ses vaisseaux

Se sauva sans sejourséjour parmyparmi l’onde marine

Dedans un seul restant du jour de Salamine293.

„Qui par trop entreprend n’en vient jamais à bout :

CeluyCelui n’avance point qui veut parfaire tout.

535TousjoursToujours hume le vent l’avare qui machine

„De son proche voisin la honteuse ruine.

TantalTantale àa tousjourstoujours soif, et jamais souffreteux

„Il ne trempe sa langue altereealtérée de feux.294


--- 33 ---
 

Les Sauvages.

Ainsi en adviendra à ce Royroi temerairetéméraire

540Qui se veut emparer d’une terre estrangereétrangère,

nyni luylui, nyni les siens jamais en ce destroitdétroit

AbordezAbordés nyni venus ne pretendirentprétendirent droit,

Et il vient reclamerréclamer d’une orgueilleuse audace

Un terroir incognuinconnu aux premiers de sa race :

545Mais tandis que ces bras pourront roidir contre eux

Ils n’asserviront point un peuple belliqueux :

Tant que nos muscles gros aux veines estenduesétendues

Pousseront de nos arcs leurs flechesflèches jusqu’aux nues

Tant que nous t’aurons Royroi et que dessous tes loixlois

550Tu nous voudras regirrégir en l’ombre de nos bois :

Tandis que nous vivrons nostrenotre belle province

Ne s’asservira point à un estrangeétrange295 Princeprince.

Castio.

J’approuve vostrevotre cœur mais ce peuple guerrier

Aux charges ordinaire, au meurtre coustumiercoutumier

555Nous forcera peut estrepeut-être, et montant sur nos brechesbrèches

Redoutera fort peu la playeplaie de vos flechesflèches :

Ainsi qu’un haut rocher, ou qu’une grande tour

Ne s’esbranleébranle des coups d’un zephirzéphyr d’alentour.

Ce qui plus me travaille296, et me tient davantage

560C’est la crainte que j’ayai durant ce noir ombrage

Qu’ils ne viennent à terre : ayant gagné le bord

Acoubar tout soudain resteroitresterait le plus fort.

NostreNotre jour coustumiercoutumier estoitétait bien ordinaire

De nous offrir plustostplutôt les raysrais de sa lumierelumière,

565Je doute297 la surprise : allez tout à l’entour

Du camp, et commandez qu’on batte le tambour.

Chacun se tienne prestprêt.298

Pistion.

Castio, qu’on se serre.

Ordonnez promptement Acoubar a pris terre.


--- 34 ---
 

Son armeearmée s’avance, et jà de toutes parts

570Au pied de nos rochers viennent les estendarsétendards.

Castio.

Retirons nousRetirons-nous un peu : entendons le murmure.299

Acoubar

à ses Gendarmes.

Ils sont proches d’icyici : mais enfansenfants je vous jure

Que si vous me suyvezsuivez d’une loyalleloyale foyfoi,

Je vous ferayferai presentprésent des largesses qu’un Royroi

575Peut libre departirdépartir300 en recompenserécompense d’armes

À ceux qui l’ont suivysuivi invincibles Gendarmesgendarmes.

Ne doutez301 rien : courage, aprochonsapprochons : que chacun.302

Castio303.

Arme, arme, compagnons qu’il n’en reste pas un.

Acoubar.

Eux-mesmesEux-mêmes des premiers s’avancent, qu’on se range.304

Pistion305.

580Sus entrons.306

Acoubar.

Tenez ferme.

Pistion.

AprochonsApprochons, que je vangevenge

Le meurtre de mon Royroi

Acoubar.

Ils n’esperentespèrent plus rien :

Qu’on les suyvesuive de presprès : marchons, tenons les bien.307

Castio308.

Courage, Pistion, que ma mort ne vous donne

Un desespoirdésespoir encor309 de sauver ma couronne.

585Elle flotte : mais quoyquoi ? ralieRallie si tu peux

Mes gens pour la deffendredéfendre et te rejoindre mieux :

QuandQuant à moymoi vostrevotre prince, ombre je m’achemine

Au manoir de Pluton310 où la mort me destine.

Adieu brave FrançoisFrançais envié du malheur :

590Pardonne moyPardonne-moi d’avoir employé ta valeur

En un choc si funeste, et si mal t’en arrive

Tu te ressentiras dessurdessus l’ombreuse rive


--- 35 ---
 

De ma temeritétémérité : car c’est en vain icyici

Que j’ayai de ton salut trop tard eu le soucysouci.311

Les Gendarmes d’Acoubar.

595Tu es doncque312 le Royroi ? Compagnon faisons trévetrêve,

Gardons leGardons-le seulement de peur qu’on ne l’enleveenlève.

„La victoire est à nous en tout : ne pense pas

ArresterArrêter le troupeau le berger mis à bas.

Nos gens vont cependant au313 reste des Sauvagessauvages

600Çà et là esgarezégarés 314 au milieu des bocages.

OÔ jour cent fois heureux : nos prophetesprophètes ainsi

L’avoyentavaientrevelérévelé, et le croyoiscroyais aussi.

Les Sauvages

et Pistion.315

Le bruit s’espandépand par toutpartout (Pistion) et l’armeearmée

Le croit, que Castio dont la dextre316 asseureeassurée

605AvoitAvait trop entrepris, est mort sous les chevaux

De l’ennemyennemi vainqueur, qui versoitversait317 à monceaux

Nos soldats inpareilsimpareils : ainsi que le tonnerre

DecoupeDécoupe en un instant les espicsépis de la terre,

Ou qu’une greslegrêle rude espandueépandue en un clos

610Vendange nos bons vins dans le raisin enclos.

Pistion.

Or donnons derechef l’assaut, chargeons encore,

PoursuyvonsPoursuivons le hazardhasard, ou perdons la victoire.

Nous sommes presque esgauxégaux : je voyvois de toutes parts

Des leurs318 comme des miens un monde de soldars319

615Qui gisent dans les champs.

Acoubar

et ses Gens.320

EnfansEnfants je vous supliesupplie

Cessez de plus piller, voilavoilà il se ralierallie :

Ne permettons jamais qu’un ennemyennemi fuitif321

Se rejoigne à ses gens ou nous eschapeéchappe vif.

Pistion.

Sus sus : il faut mourir arrache moyarrache-moi la vie,

620Ou que j’ayeaie la tienne amant de Fortunie.322


--- 36 ---
 

Acoubar.

AprocheApproche Cavalier tu as trop de valleurvaleur

Pour loger dedans toytoi une tremblante peur.

Pistion

blessé.

Ainsi qu’EtheoclésÉtéoclès mourant tua son frerefrère323

Ma mort t’adjourneraajournera324 son plus grand adversaire.

625Je pantelle, je meurs, que dois-je devenir ?

Ha Dieuxdieux325 je reste seul, helashélas il me faut fuyrfuir.326

Acoubar327.

Ore suis-je vainqueur, et ne reste personne

Qui vueilleveuille maintenant debattredébattre la couronne.

Castio leur grand Royroi nous a laissé son corps

630(Ainsi que l’on m’a dit) avecque328 tant de morts

Que les Corbeauxcorbeaux gloutons se repaistrontrepaîtront encore

Six mois parmyparmi les champs du prix de ma victoire

Sacrifice agreableagréable aux Dieuxdieux, dont les effets

Punissent ceux qui ont decelédécelé les forfaits.

635Canada voulait donc (ô presomptueuseprésomptueuse Isleîle)

À mon traitretraître fuitif329 servir de leur asile,

Le cacher dans ses tours, et mettre en seuretésûreté

Un desloyaldéloyal qui a ravyravi la liberté

Non seulement de toytoi (ma cherechère Fortunie)

640Mais de moymoi qui respire330 au seul bruit de ta vie.

Je t’aprendrayapprendrai mutin, et te ferayferai sçavoirsavoir

(Si tu es ignorant) en quoyquoi gistgît ton devoir.

Si tu éses eschapééchappé de ce commun orage,

Et tu resterestes vivant je t’en plains davantage.

645MiserableMisérable je pleinsplains touché d’un repentir,

La peine qu’il faudra que je facefasse sentir

À tes membres bruslezbrûlés d’une telle manieremanière

Que ton corps ne sera en plusieurs qu’un cauterecautère.

J’userayuserai neantmoinsnéanmoins encore de bonté

650Puis quPuisqu’on ne peut donner à ta desloyautédéloyauté :

Un suplicesupplice pareil, quel estrangeétrange331 sauvage


--- 37 ---
 

EustEût voulu comme toytoi honnir332 mon mariage ?

Frauder333 de son attente et le Royroi d’Astracan,

Et ravir Fortunie au Princeprince de GuylanGuilan

655Son espouxépoux, qui t’avoitavait envoyé pour conduire

Sa Damedame, que tu as forceeforcée334 en son navire ?

Et sans te contenter de ces faits attentezattentés

Tu la retiens, cruel, desjadéjà par deux Estezétés.

Rens-la-moyRends-la-moi en l’estatétat que tu me l’as ravie :

660Ou bien telle qu’elle est rens-moyrends-moi ma Fortunie.

Autrement de ce pas je sçauraysaurai si les Dieuxdieux

Te recellentrecèlent aussi en l’ombre de ces lieux.335

LE CHŒUR.336

LALÀ Déessedéesse Astrée337

Voyant jà long tempslongtemps

665EstreÊtre dechasseedéchassée338

Des villes, des champs

La foyfoi, la Justice

CedaCéda à malice

Ses regnesrègnes meschansméchants.

 

670Depuis sa partie339

Las, nous n’avons veuvu

L’heur340 de la patrie

SoustenuSoutenu d’un Dieudieu,

Comme elle regnanterégnante

675EstoitÉtait florissante

La paix en tout lieu.

 

L’inhumaine guerre

S’installa çà bas341

Marchant sur la terre

680D’un horrible pas,


--- 38 ---
 

Portant quand et elle342

La peine cruelle,

La faim, le trépas.

 

OÔ sainte Deessedéesse

685Que ne reviens tureviens-tu ?

Tu seras maistressemaîtresse

Par tout : attendu

Que de nos malices

DesjaDéjà les suplicessupplices

690Nous ont eperduéperdu.

 

La foyfoi est perdue,

„II n’est rien icyici

„Plus bas que la nue

„Que traitretraître soucysouci :

695„L’amitié jureejurée

„N’est point de dureedurée

„En ce siecle cysiècle-ci.

 

Le mal que je plore343

Est de la façon :

700Plus cruel encore

Pour double raison :

Une foyfoi jureejurée

Me fut deslieedéliée

D’une trahison.

 

705Jupin344 nous tourmente

De ces maux divers :

N’ayant eu attente

Aux signes aperts345

Qu’avant la miseremisère

710L’onde marinieremarinière


--- 39 ---
 

Nous avoitavait ouverts.

 

MesmeMême par les songes

Que nous estimions

Des nuitiers346 mensonges

715Mais or nous voyons

„Que la nuictnuit certaine

PredisoitPrédisait la peine

„Que nous endurons.

 

Toutefois legerelégère,

720Si le desloyaldéloyal

Qui trahit naguerenaguère

Mon lictlit nuptial

EspreuveÉprouve mon ire,

Que j’oserayoserai dire

725Un tourment fatal.347

ACTE III.

Fortunie. Pistion. Acoubar. Ergaste.348

Fortunie.

PLorePLeure tout de nouveau Princesseprincesse infortuneeinfortunée,

AcompagneAccompagne de cris la route349 de l’armeearmée :

PoursuyPoursuis en gemissantgémissant la fuite des soldars350

De ton cher Pistion qui vaincus sont épars,

730Regrette leur desastredésastre, afin que la victore351

D’Acoubar ton haineur352 de toytoi triomphe encore.

Si tu n’as eu ce bien entre cent mille morts

À la mercymerci des coups de jetterjeter ton beau corps :


--- 40 ---
 

Si tu n’as peupu offrir ta poitrine poltronne

735Aux ferremensferrements pointus d’une picquepique felonnefélonne353,

Choisi-toyChoisis-toi une peine, un tourment, une mort,

Un martyre cruel qui te gesnegêne354 plus fort :

Lon te reprocheroitreprocherait qu’au Martialmartial carnage

Tu te retire355 à part, et te mets au bagage356 :

740Ne demeure seulette entre tant de blessezblessés

Contre qui les couteaux ne se soient adressezadressés :

Et qui n’espreuveéprouve point née sous meilleur astre

L’espouvantableépouvantable horreur de ce commun desastredésastre.

N’envie point ton heur, Fortunie : mais croycroi'357

745Qu’il n’y en a pas un plus tourmenté que toytoi.

Entre tant de soldats qui gisent sur la terre

Dont les corps sont sanglanssanglants par le fer de la guerre,

Et entre tant de chefs nos fidelesfidèles amis

Qui ont souillé les pieds de leurs fiers ennemis.

750Le plus miserablemisérable est (ou soit qu’il reste en vie

Ou mort) bien plus heureux que toytoi, ô Fortunie.

Il floteflotte sans soucysouci sur le rivage pers358

Qui neuf fois tournoyant vogue presprès des enfers,

Et passe359 dans le creux d’une barque petite,

755Le vaisseau non émeuému du sommeillant Cocyte360.

„Quand l’arrestarrêt de la mort nous a bannis d’icyici

DevestusDévêtus de courroux nous sommes sans soucysouci.

Gens heureux mille fois qui n’avez autre cure361

ApresAprès le doux trespastrépas que d’une sepulturesépulture.

760Un regret pitoyable, un triste crevecœurcrève-cœur

(Ainsi comme je sens) ne vous ronge le cœur,

Et un cuisant remorsremords laissé aux funeraillesfunérailles

Ne se rend derechef bourreau de vos entrailles.

Sur moymoi cestecette fureur qui MedeeMédée362 enflamaenflamma

765Au sang de son sang propre : et qui meremère tua

La chair de sa chair mesmemême, et l’esprit de sa vie

R’allumeRallume les flambeaux de sa grand’ tyrannie.363


--- 41 ---
 

AujourdhuyAujourd’hui égalant la rage d’Ixion364,

Il me semble de voir l’ombre de Pistion365

770AfreuseAffreuse, paslepâle, noire, et me donnant cruelle

Le reproche d’avoir este trop infidelleinfidèle :

M’acuseaccuse de parjure, et apresaprès son trespastrépas

Me dit que je devoydevais par toutpartout suyvresuivre ses pas,

Me charge de sa faute, et reproche l’offenceoffense

775Qui ne peut s’arresterarrêter dessus mon innocence.

Le blasmeblâme dont il veut ma clarté obscurcir

Retombe sur luy-mesmelui-même, et le vient renoircir.

Ainsi comme lon voit les Venitiennesvénitiennes glaces366

Envoyer les rayons de Titan367 à nos faces.

780Toy-mesmeToi-même tu fus cause, et si ne voulus pas368

Me permettre, obstiné, de courir au trespastrépas,

Que j’irayirai talonnant d’une suite voisine,

Ta mort, si tu es mort, à la mort m’achemine.

N’en fis-je point instance ? etEt encore cent fois

785Je me mis en efeteffet de vestirvêtir le harnois369,

Choisi le morion370, dont la superbe crestecrête

N’est digne que d’un chef pour se371 monstrermontrer en testetête.

Les horribles Canonscanons, qu’onques372 je n’ayai tenté

Ainsi que tu croyoiscroyais, m’eussent espouvantéépouvanté.

790Tu avoisavais ce soupçon, tu m’estimoisestimais trop lâche

Pour porter sur l’aureilleoreille un ondoyant panache.

Et donc tu as voulu seul tenter le moyen

De rompre ce grand Royroi mon haineur ancien ?

Seul tu l’as essayé : helashélas ! estoisétais-je indigne

795De te voir en mourant panchépenché sur ma poitrine ?

Je crains bien.

Pistion.

Pistion, pour ta temeritétémérité

Tu reçois le loyer373 que tu as meritémérité.

Sain de corps, mais navré des beaux yeux de t’amie

Tu as voulu courir malgré ta Fortunie,


--- 42 ---
 

800Te mettre des premiers, et les troupes ranger

Et ore tu retourne374 en un double danger.

NaguereNaguère es-tu parti blessé d’un doux martiremartyre,

Maintenant d’un cruel que tu n’oseroisoserais dire,

Et ce qui plus encor375 rengregerengrège mon malheur,

805C’est que tout est perdu.

Fortunie.

Que dis-tu ?

Pistion.

Pour le seur>376

La pluspartplupart de l’armeearmée àa veuvu la Parqueparque blesmeblême.

Fortunie.

Et le Royroi, que fait-il ?

Pistion.

Et Castio luy-mesmelui-même,

Qui tonnoittonnait furieux comme un foudre en Estéété

Est tombé à mes pieds son tombeau aprestéapprêté.

810Le cuidant377 relever, la troupe qui s’aprocheapproche

Me ceint environné du pendant378 d’une roche,

Ou plus je me retire, alors cognusconnus-je bien

Le malheur qui me presse, et jà desjadéjà379 me tien380 :

Je m’enflameenflamme en moy-mesmemoi-même et osant davantage

815Je sens homme, et chevaux pour me faire passage,

Je r’alierallie ma suite, et voulant derechef

EsprouverÉprouver le combat j’eueus ce coup sur le chef381,

Que je porte mourant à la troupe infernale

Pour gage le plus saint de ma flameflamme loyale.

820„ Les guerriers genereuxgénéreux blessezblessés au champ de Mars

„Non au dos mais au front, retournent plus gaillarsgaillards382,

„Car fraudezfraudés383 de l’honneur d’un inconstant tropheetrophée

„Ils remportent au moins leur valeur engraveeengravée

„Dans la playeplaie sanglante : onc poltron en enfer

825„Ne descendit marqué de la pointe du fer,

„Que les Cyclopes noirs, et chassieux384 de braise

„Battent incessamment au pied de leur fournaise385 :

„Ou si le coutelas leur a cassé les os


--- 43 ---
 

„Faute de l’avoir veuvu ils furent pris au dos.

Fortunie.

830„Trop de temeritétémérité n’est tenue à courage :

„On doit discrettementdiscrètement se sauver du naufrage.

CeluyCelui qui au milieu des ondoyantes eaux

Sans masmât nyni gouvernail desancredésancre ses vaisseaux,

Et à force de vœux sans rame nyni pilote

835Veut arresterarrêter apresaprès son navire qui floteflotte

Ne meritemérite (deçeudéçu en ses sots apetisappétits

Qui le trainenttraînent grondansgrondant) les faveurs de ThetisTéthys .

Ainsi en fistesfîtes-vous.

Pistion.

Ainsi veux-je, cruelle,

Endurer le tourment de ma faute mortelle :

840Ainsi veux-je languir, et rengregerrengréger tousjourstoujours

La playeplaie qui me mine en l’Avrilavril de mes jours386:

Ainsi veux-je en ces bois faire la penitencepénitence

Tant qu’il plaira aux Dieuxdieux, de mon outrecuidance387,

Qui ne pourra jamais attendant le cercueil

845Endurer plus de maux que pour ton propre dueildeuil ;

Ainsi veux-je seulet dans une grotegrotte basse

Verser mille ruisseaux pour laver mon audace.

Or donne-moymoi congé de partir de ce lieu,

Pour gage de ma foyfoi je te donne un adieu :

850Rens-moyRends-moi le reciproqueréciproque : ô beauté amiable388 !

Ne monstremontre plus long tempslongtemps à ma face coupable

Les rayons de tes yeux : cache dans leurs rideaux

Ces beaux feux empruntezempruntés des celestescélestes flambeaux.389

Tu ne me responsréponds mot390, tu veux ma departiedépartie391,

855Tu l’acordeaccordes, fayfais point392 ? te taisant, Fortunie.

Fortunie.

Que plustostplutôt mon esprit aille croistrecroître les morts,

Qui descendent là baslà-bas devestusdévêtus de leurs corps

Et un nombre pareil que lon voit sur les rives


--- 44 ---
 

De fueillagesfeuillages tombeztombés aux Automnesautomnes tardives.

860Que plustostplutôt je te perde, ô clair Soleilsoleil des Cieuxcieux,

Que mon cher Pistion s’absente de mes yeux.

Si393 tu suis ma presenceprésence : à cetcette heure je prie

Toutes les deitezdéités de venger Fortunie.

Mon cœur ne manque point de courage : je sçaysais

865Un remederemède fort prompt, et si394 te guarirayguérirai

Avant que le beau jour fuitif395 de nos carrierescarrières

Se plonge dans le creux des ondes marinieresmarinières :

Attens-moyAttends-moi.

Pistion.

Je le veux : et jusques à la mort

Proteste t’obeirobéir.

Fortunie.

Tu m’obligeras fort.396

Pistion397.

870Puis quePuisque je l’ayai promis, je l’attendrayattendrai : mais ombres

DecochezDécochez, adressez vos funestes encombres398

Sur mon chef miserablemisérable : helashélas ! si quelque amour

Vous enflameenflamme, Demonsdémons, accourcissez le jour

Du plus triste mortel qu’aujourdhuyaujourd’hui sous la Lunelune

875Vous puissiez contempler esclave de Fortune :

Non point que je me lasse, hé Dieuxdieux ! c’est tout mon heur

De te suyvresuivre tousjourstoujours : car aussi mon malheur

Sourd399 bien de plus avant : mais de voir trop felonnefélonne

La rage d’Acoubar qui ma route talonne :

880Aspire au mesmemême bien que je possedepossède heureux,

Et me veut abordé defrauderdéfrauder400 de mon mieux401.

Ce faisfait me fait languir, et plus je me releverelève

Moins me peux-je donner de relácherelâche et de trévetrêve.

Tu respirerespires pourtant à qui de son outil

885La Parque jà devroitdevrait avoir coupé le fil :

Tu suce402 encore l’air, ô toytoi qui legerelégère ombre403

DevroisDevrais avoir passé de StixStyx la rive sombre404 !


--- 45 ---
 

Ce n’est point le desirdésir de vivre plus long tempslongtemps,

„Qui me retient icyici : c’est la foyfoi des amansamants

890Qu’on doit inviolable à jamais tenir seuresûre.405

Fortunie.

MonstreMontre-moymoi, Pistion, le coup de ta blessure,

Ne celecèle point ta playeplaie à une, dont la foyfoi

VoudroitVoudrait avoir baillé sa testetête au lieu de toytoi.406

CetCette herbe que j’ayai mise aux parties mal-sainesmalsaines

895M’enseigna le pouvoir de ses forces certaines

Il y a jà long tempslongtemps : et depuis je n’ayai veuvu

Arriver plus de mal à ceux qui en ont eu,

Soufre Souffre-la quelque peu.

Pistion.

OÔ qu’elle est violente !

Je ne peux l’endurer tant elle me tourmente.

Fortunie.

900„Les remedesremèdes plus promtsprompts agissent bien plus fort,

„Il faut tout endurer pour n’endurer la mort.

Allez donner relascherelâche à vos esprits une heure,

Cependant407 qu’Acoubar (dont le proche murmure

M’espouvanteépouvante desjadéjà herissanthérissant mes cheveux)

905Me viendra saluer.

Pistion.

Laissons faire les Dieuxdieux,

Ils soutiendront le droit d’un hymen si treschastetrès chaste.408

Acoubar.

Qu’aperçois-je icyici presprès ? neNe vois-tu rien, Ergaste,

Dans ce petit fueillagefeuillage ? etEt n’aperçois-tu pas

Une rare beauté qui avance ses pas

910D’une gayegaie façon ? Je croycrois que c’est m’amie.

Ergaste.

C’est elle sans douter : c’est vostrevotre Fortunie,

PrevenezPrévenez son abord.


--- 46 ---
 

Fortunie.

OÔ Prince de GuylanGuilan

Qui te force d’aimer l’infante d’Astracan

D’un amour si loyal, que tu ose409 aux rivages

915De nostrenotre Canada depiterdépiter410 les Sauvagessauvages ?

Las ! que peux-je jamais meritermériter en ma foyfoi

Pour reciproqueréciproque deu à l’oficeoffice d’un Royroi ?

Acoubar, que veux-tu pour ta bonté royale ?

Je n’ayai rien de pareil : je n’ayai rien qui l’egaleégale.

Acoubar.

920Ce seul bien je requiers que nulle cruauté

Ne se loge jamais parmyparmi vostrevotre beautebeauté.

Et autant que je suis bruslébrûlé de vostrevotre flameflamme

Qu’autant le soyez voussoyez-vous de la mienne, Madame.

Fortunie.

Je seroyserais une Louvelouve, un Lyonlion, un rocher,

925Un Capharecaphare411 tortu412 insensible au toucher,

Un tronc inanimé et encor plus cruelle

Si je n’avoyavais le cœur d’une Damedame fidellefidèle.

Acoubar

Je le croycrois : mais Ergaste allez presentementprésentement

Vers mon Campcamp : que chacun s’y porte sagement,

930Je ne suis point venu pour gastergâter413 cestecette terre,

Je luylui veux seulement faire une douce guerre.

Ergaste.

Je vayvais donc de ce pas commander de par vous

Sur peine d’encourir vostrevotre juste courroux,

Que personne ne traite en vainqueur legitimelégitime

935Ce peuple qu’Acoumar414 rend fauteur415 de son crime.416

Fortunie.

Sire, puis quepuisque le Cielciel favorable aujourdhuyaujourd’hui

Vous rend malgré l’eforteffort victorieux sur luylui,

Puis quPuisqu’avec peu de morts vous avez le tropheetrophée

Contentez-vous du sang de la charge donneedonnée.


--- 47 ---
 

940N’allez point plus avant poursuyvrepoursuivre ces fuyarsfuyards

Qui ne virent jamais de si rudes hazarshasards

Nourris dans les forestsforêts.

Acoubar.

Pour vous je leur pardonne,

Retenant neantmoinsnéanmoins le sceptre, et la couronne.

Qu’ils retournent chez soysoi : les filles, les enfansenfants,

945Les chefs, les colonels qui fuyentfuient par les champs,

Les femmes, les soldats, si la foyfoi on me garde,

Seront en seuretesûreté dessous ma sauvegarde.

Acoumar sera seul traistretraître qu’il m’a estéété

Qui n’éprouvera point ma gracegrâce, nyni bonté.

950Aux autres je remets leur rebelle furie

D’Acoumar seulement je respire417 la vie.

L’estrangerétranger trouvera un prince gracieux,

Mon subjetsujet desloyaldéloyal un Tygretigre furieux.

Ceux qui ouvertement m’ont declarédéclaré la guerre

955Seront de mes amis quoy quequoique Royroi en leur terre.

Le parjure vassal418 qui m’a faussé sa foyfoi

N’a que faire d’attendre une gracegrâce de moymoi.

Où est-il ? queQue je sçachesache où il erre ce traistretraître.

Ha, je t’atraperayattraperai là où tu puisses estreêtre.

Fortunie.

960Il faudroitfaudrait donc, amyami, finissant nostrenotre amour

Prendre l’ombreux chemin de l’infernal sejourséjour.

Ce qui n’arrive, ô dieux ! laissezLaissez sa trace noire,

Et ne l’empeschezempêchez point à son aise de boire

Au fleuve LetheanLéthéan419, là où les trespasseztrépassés

965Oublient en beuvantbuvant les traits qui sont passezpassés,

Il pourroitpourrait retourné se souvenir encore

De ses premierespremières mœurs, ainsi que Pythagore420.

Toute haine et rancœur s’ils devestentdévêtent mourans

Aussi le devons-nous, quoy quequoique restions vivans421.

970Il n’est rien de si beau que remettre la peine


--- 48 ---
 

„À celuycelui qui ne veut nous porter plus de haine.

Acoubar.

Je ne peux, c’est en vain : s’il est parmyparmi les morts

Je me veux assouvir au reste de son corps,

Il s’est mis à traverse422, et craignant ma cholerecolère

975Luy-mesmeLui-même s’est meurtri ou bien se l’est fait faire.

Fortunie.

Il y a jà six mois qu’un seigneur étranger

Que les flots orageux firent icyici ranger,

Courtois comme il estoitétait, et voyant mon servage423

Poignardé le jettajeta dans le creux du rivage.

980Je le presse obligée en un si grand devoir

De me dire son nom que je ne peux sçavoirsavoir :

Seulement il me dit à force de priereprière

C’est la France qui est ma nourricierenourricière meremère,

Et comme la valeur en ce peuple est : aussi

985Des Damesdames nous avons la cure et le souci :

Plus qu’autre nation nous suyvonssuivons volontaires

Pour combatrecombattre invaincus l’ombre de leurs banieresbannières.

À ces mots il se jette au vaisseau qui l’attend

S’eloignantéloignant de mes yeux par le souflesouffle du vent.

990Je le conduyconduis de vœux, et luylui à ce qu’il semble

De signes me rend gracegrâce : alors promteprompte j’assemble

L’esprit de ma raison pour sçavoirsavoir une fois

La reglerègle qu’il falloitfallait tenir parmyparmi ces bois :

Car voyant que seulette en ces ombres sauvages

995J’avoyavais les oisillons (dont les simples ramages

Fredonnent curieux424 au Printemsprintemps leur amour

Sous un air incognuinconnu aux chantres de la Courcour)

Compagnons de ma voix : et que les bocageresbocagères425

S’accorderoyentaccorderaient peut estre-être au ton de mes miseresmisères,

1000Je prenprends nouvel advisavis426 en ces lieux desirantdésirant

T’imiter, PhilomelePhilomèle, au regret de ton chant.427

DésDès ce temps j’ayai vescuvécu vefveveuve sans mariage


--- 49 ---
 

Ainsi comme tu vois aux ombres d’un bocage :

DésDès ce temps soupirant428 mon martyre cruel

1005Je t’ayai offert mon cœur au pied d’un bel autel

Que je t’ayai eslevéélevé, et pour le sacrifice

Donné journellement les vœux de mon service.

Acoubar.

OÔ constante beauté ! la foyfoi d’un vrayvrai époux

Quoy queQuoique grande, ne peut estreêtre digne de vous.

1010Il n’est rien si parfait qui encore meritemérite

De vostrevotre chaste amour la flameflamme plus petite.429

Ergaste.

L’armeearmée se débande, et la crainte si fort

A saisi vos soldats, que tous vous cuident430 mort.

Si vous ne paroissezparaissez, vostrevotre armeearmée en desroutedéroute

1015Rentre dans les vaisseaux, et jà se sauve toute,

Le bruit y est commun : l’amour ne vous doit point

Causer de mettre bas toute crainte et tout soin :

Si l’ennemyennemi venoitvenait à rallier sa force

Nous serions en danger surpris de telle amorce.

1020Donnez encore trévetrêve à la Damedame ce soir.

Acoubar431.

Adieu donc.

Ergaste.

Et demain vous la viendrez revoir.432

Fortunie433.

VoilaVoilà un bon presageprésage ; ô que j’ayai d’allegresseallégresse

De ce qu’il a encorencore une telle traverse434.

Derechef cette nuictnuit, Pistion tu auras

1025Le bon-heurbonheur de coucher toytoi seul entre mes bras.435

LE CHŒUR.

DU petit enfant la flécheflèche

„Est à craindre nuictnuit et jour :

TousjoursToujours il fait quelque bréchebrèche

„Aux flamesflammes, et à l’amour,


--- 50 ---
 

1030„Volage il nous environne

„Soit que soyons en malheurs,

„Ou qu’ayons une couronne

„De laurier comme vainqueurs.

 

„II n’a point esgardégard aux aagesâges

1035„Aux volontezvolontés nyni au temps :

VeuVu que ses flamesflammes volages

BruslentBrûlent mesmemême les enfansenfants.

„Il embrase la vieillesse

„D’un feu aussi grandement

1040„Que nous voyons la jeunesse

EstreÊtre eschauffeeéchauffée en aimant.

 

Les philosophes et sages

Qui pensent regirrégir les mœurs

Par le fard de leurs langages,

1045Ne peuvent puissanspuissants vainqueurs

Triompher de CythereeCythérée,

Qui maistrisemaîtrise princes, Roysrois,

Et la troupe gouverneegouvernée

De leurs politiques loixlois.

 

1050„Les jeunes, les vieux, les princes,

„Les Empereursempereurs couronnezcouronnés,

„Les magistrats des provinces,

„Et les Roysrois des astres neznés,

„Le joyeux, gaillard, le triste,

1055„Le pleureux, le casenniercasanier

„Sont escritsécrits en mesmemême liste

„Dedans l’amoureux papier.

 

Or Acoubar tu peux donque436

Te dispenser du serment

1060Que tu avoisavais juré doncque437

N’aller les femmes aimant :

Puis quPuisqu’il n’est en ta puissance

„De te pouvoir obliger


--- 51 ---
 

AÀ la foyfoi de continence

1065„Que tu as fait de legerléger438.

 

„Pour la perte d’une Damedame,

„Te pouvoispouvais-tu garentirgarantir

„De cette amoureuse flameflamme

„ Qui jamais ne peut mentir ?

1070PhoenixPhénix439 de son amour mesmemême,

„Car cessant en un sujet

„Elle revengerevange l’extrémeextrême

ProduissantProduisant un autre objet.440

ACTE IIIIIV.

Acoubar. Ergaste. Le HerautHéraut. Pistion. Fortunie.441

Acoubar442.

Adonc443 peuple mutin tu vouloisvoulais sans mot dire,

1075Et sans m’en avertir rentrer dans le navire ?

Vous avez eu (poltrons) cette temeritétémérité

De faire banqueroute444 à la fidelitéfidélité

Que vous m’aviez jureejurée ? indignesIndignes de mes armes

Et du nom que portez445, vous n’estesêtes point gendarmes.

1080Quelle glace coüardecouarde est coulée en vos cœurs

Que vous tremblez de peur, et vous estesêtes vainqueurs446,

Que vous monstrezmontrez le dos, et naguerenaguère en vos rages

Vous avez mis à sac tant de braves Sauvagessauvages,

Qui ne virent jamais en ces bords estrangersétrangers

1085Surpris beaucoup de fois de semblables dangers ?

Que si j’eusse manqué au combat où vous fustesfûtes

(J’y marchoismarchais le premier) mes douleurs seroyentseraient justes

Mais n’espargnantépargnant non plus mes bras que vostrevotre chef


--- 52 ---
 

J’ayai couru comme vous la risque447 du meschefméchef.

1090Et vous me delaissezdélaissezdesloyallesdéloyales troupes)

ParmyParmi ces hauts rochers aux effroyables croupes :

Vous n’avez point de soin des scadrons separéséparé

Si un lyonlion m’assaut dans les bois esgaréégaré ?448

Vous prenez du bon temps au perilpéril de ma vie,

1095Cependant449 que je suis à chercher Fortunie,

Vous reposez sur l’herbe, et partanspartant450 le butin

Laissez reprendre haleine au sauvage mutin

Qui viendra faire testetête451 : ainsi qu’en la prairie

Deux fiers taureaux lassezlassés du choc de leur envie

1100En fin452 restent égaux, quand revenansrevenant aux coups

L’un s’est trouvé dessus, puis à l’instant dessous,

Recommencez la garde, et tousjourstoujours en alarmes

Soyez prestsprêts de courage et saisis de vos armes.

Ergaste.453

Ces feux qui coustumierscoutumiers de briller aux ramparsremparts

1105Durant la sombre nuictnuit soudain que vos soldars454

Se camperentcampèrent voisins avant que les surprendre

Sont esteinséteints maintenant, ou cachezcachés dans la cendre,

Et leurs chefs genereuxgénéreux qui faisoyentfaisaient tant d’éfortsefforts

Frissonnent des premiers, ou sont presque tous morts :

1110De sorte que des gens de ces deux exercites455

Qui parurent à nous, nul ne soit aux garitesguérites

Sans sçavoirsavoir neantmoinsnéanmoins quel chemin plus certain

Les pourra garantir du coup de vostrevotre main.

Les canons delaissezdélaissés, et les bombardes456 seules

1115Nous espouventeroyentépouvanteraient seulement de leurs gueules.

Non, non, ne doutez point : nous ne sommes que bien

ParmyParmi nos ennemis, et si457 ne craignons rien :

Car tous ceux qui ont peupu eschaperéchapper la mesleemêlée

N’oseroyentoseraient attaquer le moindre de l’armeearmée.

1120Et que faisons nousfaisons-nous donc ? queQue restons nousrestons-nous icyici

Puis quePuisque tous leurs efforts ne tendent qu’à mercymerci458 ?


--- 53 ---
 

Avancez, seurementsûrement, puis qupuisqu’en leur donnant vie

Ils recevront joyeux vostrevotre Gendarmeriegendarmerie.

Que requerez vousrequérez-vous plus d’un Sauvagesauvage deffaitdéfait

1125Que se rendre à vos pieds comme un humble sujet ?

Respirez vousRespirez-vous459 sa mort ? luyLui voüez vousvouez-vous la corde460

Vous qui par tant de fois fistesfîtes misericordemiséricorde ?

Ayez quelque douceur : deposantdéposant tout esmoyémoi,

Marchez non en vainqueur, mais en suite de Royroi :

1130Les Damesdames du pays, Callie461 la premierepremière

Ayant jà oublié la parque462 de son perepère,

Vous requiert d’une joustejoute, et tant d’autres soldars463

DesirentDésirent s’exercer chagrins464 des feux de Mars.

Acoubar.465

Volontiers je t’escouteécoute : or poursuypoursuis je te prie.

Ergaste.466

1135Vous devez ce bon-jourbon jour à vostrevotre Fortunie :

Elle qui a vescuvécu en tant d’austeritezaustérités

Non pour un peu de temps, mais depuis deux estezétés

Elle pour vostrevotre Amouramour qui a tant voulu faire

MeriteMérite bien qu’un coup on tire en467 sa carrierecarrière,

1140(Sienne puis quepuisque pour elle on bride les courtauxcourtauds468)

Que la lance on y porte aux ferremensferrements Royauxroyaux469,

Et que pour l’honorer les Damesdames par les rues

Y soyentsoient (mieux que devant) de fil d’or revestuesrevêtues.

Acoubar.470

Va porter la nouvelle : et luylui baise la main

1145De ma part : que sans faute elle vienne demain :

Qu’elle prenne son teint et sa belle lumierelumière

Pour entre les beautezbeautés parestreparaître la premierepremière.

QuandQuant à moymoi, je deslogedéloge, et en un autre Champchamp

Je desiredésire aprocherapprocher les troupes de mon Campcamp.

1150HerautHéraut, despesche toydépêche-toi, vistementvitement, à la hastehâte

Va avertir le peuple, apresaprès qu’avec Ergaste

Tu l’auras fait sçavoirsavoir à Madame, et dis luydis-lui


--- 54 ---
 

Que ce sera demain n’ayant peupu aujourdhuyaujourd’hui.

Le HerautHéraut.

Mais quel prix le vainqueur en remportera, Siresire ?

Acoubar.

1155SçacheSache-le de m’amour : c’est à elle à le dire.

Au reste délogeons, qu’on batte le tambour

Qu’on parte promptement tandis qu’on voit le jour.471

Pistion

et Fortunie

Encore cette nuictnuit pour ma prise dernieredernière

J’ayai reçeureçu dans tes bras ma faveur coustumierecoutumière.

1160Encore cette nuictnuit j’ayai cueillycueilli plusieurs fois

Le bien que lon desiredésire aux amoureuses loixlois.

Je ne m’attriste plus de la mort : qu’elle vienne

Prendre sa redevance ayant jà pris la mienne.

Fortunie.

Et tu vouloisvoulais mourir ?

Pistion.

Faute d’avoir pensé

1165Qu’on se peustpût esjouiréjouir472 quand on est offencéoffensé.

Fortunie.

Ainsi mon Pistion, ne perds point le courage.

Aujourd’huyAujourd’hui un : demain nous aurons davantage.

„Peu à peu lon s’avance : et jamais d’un plein saut

On n’a veuvu de Geantgéant qui soit monté là hautlà-haut.

1170Icare quoy quequoique fol en ses emprises473 vaines

S’aprochoitapprochait de son vol aux carrierescarrières hautaines

Si les feux du Soleilsoleil pour sa temeritétémérité,

N’eussent point amolyamolli l’ouvrage raportérapporté

Que son perepère DedalDédal474 dans les prisons de CretteCrète

1175LuyLui avoitavait façonnezfaçonné d’une ruse funeste475.

Gouvernons nos Amoursamours d’un visage si beau

Qu’on deçoyvedéçoive Acoubar aveuglé du bandeau

De sa credulitécrédulité, attendansattendant qu’un bon Angeange

Nous trainetraîne fugitifs en quelque terre estrangeétrange476.


--- 55 ---
 

Pistion.

1180Qu’espere tuespères-tu de moymoi aupresauprès des yeux jaloux

(Puis quPuisqu’il t’estoitétait promis) d’Acoubar ton époux ?

Je serayserai trestrès joyeux que tu luylui sois fidellefidèle

Quand je serayserai partyparti et qu’une onde cruelle

Que je veux pour sepulchresépulcre, en retournant mon corps

1185M’avertira flottant aux rives de ses bords

„Que tu l’aimeaimes forceeforcée477 en la loyloi de nature

„Qui deffenddéfend de commettre à son marymari injure.

Je me tiendraytiendrai pour gloire ayant vescuvécu çà bas

Qu’une Damedame m’aima jusqu’au jour du trépas.

1190Car si tu ne veux point à deux estreêtre maistressemaîtresse

(Endure seulement) ma lame vengeresse

Te delivreradélivrera d’un : afin qu’un plus que moymoi

RoyRoi te parfaceparfasse478 Reinereine estantétant fille de Royroi.

Fortunie.

Que dis-tu ? quelleQuelle rage, et quelle felonniefélonie479

1195Te force d’attenter au bonheur de ta vie ?

Tu veux donc sans égard de ta fidelitéfidélité

DepartirDépartir480 triomphant de ma pudicité ?

Et en faire un Tropheetrophée aux autres qui infamesinfâmes

En riroyentriraient comme toytoi ignoransignorant de mes flamesflammes ?

1200Tant que tu m’aymerasaimeras Pistion je sçaysais bien,

Et l’espereespère de toytoi, que tu n’en feras rien,

Un FrançoisFrançais (comme toytoi) qui aura l’ameâme bonne

Ne commettra jamais trahison si felonnefélonne.

Quitter ta Fortunie ? etEt procurer ce mal

1205À celle qui t’adore ? Ha tu éses trop loyal.

T’escarterécarter de mes yeux d’une fuite infidelleinfidèle

Ce sera Pistion sans congé de ta belle

Qui te desavouradésavou'ra protestant en sa foyfoi

Que tu es malheureux departydéparti malgré soysoi.

Pistion.

1210Quoy qu'Quoiqu' un grand creve-cœurcrève-cœur mes entrailles devoredévore


--- 56 ---
 

Madame neantmoinsnéanmoins je vous suivraysuivrai encore.481

Fortunie.

Quel gage en donnez-vous ?

Pistion.

Par le saint Cupidon.

Fortunie,

Ainsi l’avoitavait482 juré Æneas483 à Didon,

Et ne laissa pourtant de quitter sa Carthage484

1215Plus amoureux des flots que des bords du rivage,

Plus curieux de l’onde où il alloitallait suivant

L’espoir de l’Ausonie485 agiteeagitée du vent

Que de mille citezcités qu’on luylui offroitoffrait paisibles

Proches sans traverser les Caphares horribles486.

1220Si quelque astre beninbénin 487 vous promet d’estreêtre Royroi

En pays estrangerétranger : c’est peu que vostrevotre foyfoi.

Pistion.

Je n’ayai point le desirdésir de chercher488 l’Italie

NyNi les sceptres lointains au perilpéril de ma vie.

Vaincue vous ayant sans force de soldars489

1225Je ne veux esprouveréprouver en autre champ de Mars

Si le sort des grands Dieuxdieux (que d’un esprit volage

Je tenteroytenterai) pourroitpourrait me donner davantage.

Content de ma fortune ayai-je490 pas assez d’heur ?

Fortunie.

„Les victoires gagneesgagnées enflamentenflamment le vainqueur.

Pistion.

1230Il jouytjouit de la prise, et s’arrestearrête au tropheetrophée.

Fortunie.

Rien moins491, plus il poursuit sa route encommenceeencommencée492.

Pistion.

Il n’est donc pas encor493 du tout victorieux.

Fortunie.

C’est que l’heureux hazardhasard494 luylui fait espererespérer mieux.


--- 57 ---
 

Pistion.

Je suis venu à bout : rien plus je ne desiredésire.

Fortunie.

1235Vous celez495 vostrevotre mal, et ne me l’osez dire.

Pistion.

Avoir autres penseespensées que les vostresvôtres jamais.

Fortunie.

Nenny496 : ce n’est pas vous, je croiraycroirai desormaisdésormais

Qu’ayant ouyouï je suis sourde, et durant la lumierelumière

Ayant veuvu Pistion que c’est une Chymerechimère ?

1240PlustostPlutôt j’estimerayestimerai tournant dessus dessous

En guise de Cahoschaos que vous n’estesêtes point vous,

Ains497 une autre personne, et puis qupuisqu’à la mesmemême heure

Vous reprenez subtil498 vostrevotre antique figure499.

Vos desirsdésirs sont les miens : et encorencore osez vousosez-vous

1245D’un congé refusé me prier à genoux ?

„Cil500 qui veut doctement contrefaire les feintes

„Se doit bien souvenir des premierespremières atteintes.

Mais je trouve fort bon qu’ayant fait un faux pas

Vous relevez la bride, et n’y demeurez pas.

1250Or que veulent ceux-cy ? desjaDéjà le cœur me tremble

Je frissonne de peur, c’est un herauthéraut ce semble

Seroit ceSerait-ce bien helashélas (mais Dieuxdieux faites que non)

Pour apelerappeler encorencore au combat Pistion ?

Je les veux escouterécouter.501

Ergaste

et le HerautHéraut.502

Me voicyvoici à la Rocheroche

1255Où nous fumesfûmes 503 long tempslongtemps sa tente est icyici proche.

La voilavoilà elle mesmeelle-même à propos.

Le HerautHéraut.

NostreNotre Royroi

Qui vous baise les mains par Ergaste et par moymoi

Vous prie mille fois (et estesêtes la premierepremière

Qui l’as sçeusu de sa part) demain à la carrierecarrière


--- 58 ---
 

1260Qu’il a fait apresterapprêter pour des joustesjoutes nouveaux

RecreerRecréer vostrevotre esprit embrouillé de travaux504.

Ergaste.

Madame, son desirdésir est qu’à cette journeejournée

Vous puissiez contempler la fleur de son armeearmée

Qu’il a pour vous ravir de son traitretraître ennemyennemi

1265LeveeLevée en son pays épuisé qu’à demydemi,

La festefête y sera grande au moyen qu’on espereespère

Que vostrevotre majesté marchera la premierepremière,

Pour remettre le cœur à ces chefs valeureux

Qui ne respirent505 plus que l’objet de vos yeux :

1270Et dont l’ambition ore n’a de visée

Qu’à recevoir de vous pour la bague emportée

Un riche diamant qu’il vous faut mettre à prisprix

(Ainsi veut Acoubar) comme lon a aprisappris.

Fortunie.

Puis quePuisque le Royroi beninbénin506 de sa gracegrâce507 me donne

1275Ce bon-jourbon jour desirédésiré plus cher que sa Couronnecouronne,

Je n’y manqueraymanquerai point : soyez ensoyez-en sans soucysouci.

Mais les Sauvagessauvages, quoyquoi ?

Le HerautHéraut.

Qu’ils y viennent aussi

Je les sommeraysommerai tous, descendus de leurs croupes

Pour debattredébattre l’honneur avec toutes nos troupes

1280Mais de combien diraydirai-je508 ?

Fortunie.

Au vainqueur qui l’aura

Trente mille ducats509, ou bien ce joyau làjoyau-là510

Diamant tres-très exquis, que la Reinereine plaintive511

Me donna en partant de ma natallenatale rive.

Quoy queQuoique je l’ayeaie cher : neantmoinsnéanmoins je vous veux

1285(OÔ suite d’Acoubar) recognoistrereconnaître de mieux512,

Puis quePuisque pour me sauver d’eternelleséternelles alarmes

Que je souffroissouffrais icyici vous avez pris les armes.


--- 59 ---
 

„La Damedame qui d’autruyautrui a pris sa liberté

„Ne luylui peut satisfaire, ou soit qu’il l’ait tenté

1290„Car tousjourstoujours nostrenotre effet ne repondrépond au courage513.

Le HerautHéraut.

Vous viendrez.

Fortunie.

Sans faillir.

Ergaste.

SuyvonsSuivons514 donc le voyage.515

Pistion.

Que s’il m’estoitétait permis (oô ciel que ne veux-tu)

De desployerdéployer contre eux ma Françoisefrançaise vertu,

Ce seroitserait moymoi (maistressemaîtresse à mes coups favorable)

1295Qui prendroitprendrait ce joyau de ta main equitableéquitable.516

Ce seroitserait moymoi tout seul, et nul autre que moymoi,

Qui offriroitoffrirait la bague, et la lance à ton Royroi :

Ton Royroi, dis-je, mais non : ton haineur adversaire

Dont j’aspire envieux une Parqueparque517 legerelégère.

1300Je n’oseroyoserai parestreparaître au lieu où tu seras ?

Diane518 me luyraluira, et tu esclaireraséclaireras

De tes plus beaux rayons une troupe rangeerangée

De soldats malotrus519 qui ont l’ameâme tourneetournée

AutrepartAutre part : comme on voit le VulcanVulcain chassieux

1305T’œillader (beau PhebusPhébus) pour le mal de ses yeux520.

OÔ rage forceneeforcénée521 : ô despitdépit522 ! ô detressedétresse !

N’oser suivre au tournoytournoi les pas de sa maistressemaîtresse.

DirayDirais-je couardise ? non ce n’est point peur :

Davantage je crains523 que mon propre malheur.

Fortunie.

1310Je considereconsidère icyici une ruse fort bonne.

Pistion.

Quelle524 ma Fortunie ?

Fortunie.

Encore je soupçonne525.

Pistion.

PourroisPourrais-tu garentirgarantir mon chemin de hazardhasard?


--- 60 ---
 

Fortunie.

Il vous faut526 déguiser en Sauvagesauvage soldard527,

J’en ayai quelques habits, et en façon grossieregrossière

1315Entrer comme ignorant, et courre528 en la carrierecarrière,

Puis hasterhâter d’esperonséperons le cheval, qui dressé

Aussi bien que pas un, et des renesrênes pressé

Fera croire à ceux-cyci que l’escuyerécuyer habile

Est quelque deitédéité regnanterégnante dans cetcette Isleîle

1320Ou que ce BucephalBucéphal529 monture d’un grand Royroi

Ne peut porter fumeux530 qu’Alexandre sur soysoi :

ApresAprès mille destoursdétours conduit de l’esperanceespérance

De fraperfrapper à l’aneauanneau vous baisserez la lance :

En ce premier essayessai remarquez531 seulement,

1325Au second l’emportant, venez soudainement

Me requerirrequérir du prix : l’ayant eu d’allegresseallégresse,

Retirez vousRetirez-vous alors du milieu de la presse532 :

„L’envie suit l’honneur, et jamais on ne voit

„(Tant nous sommes pervers) vaincu qui ne conçoit

1330„De haynehaine contre ceux, qui mettent en tropheetrophée

„Pour un signe eterneléternel sa gloire ravageeravagée,

„Il respire533 leur mort : ainsi que le serpent

Blesse son nourricier de sa pointue dent.

Pistion.

Puis quPuisqu’ainsi trouvez534 bon de monstrermontrer mon courage

1335De FrançoisFrançais que je suis rendez moyrendez-moi un535 Sauvagesauvage.

Non que je ne demeure en vivant sous vos loixlois

CeluyCelui que je suis or tres-fidelletrès fidèle et courtois.

Sus que j’ayeaie cet heur, que j’ayeaie cette gracegrâce536

D’estreêtre paré de vous pour accroistreaccroître d’audace.

1340Ces mains qui armeront ma force de la leur

Me rendront un AchileAchille537 impareil en valleurvaleur.538


--- 61 ---
 

LE CHŒUR.

VEnusVÉnus, nous te rendons gracegrâce

Qu’entre cent mille travaux,

Tu as donné une place,

1345Et un asyleasile à nos maux :

Qui fait qu’une belle Damedame

Assaillie de malheurs

BanitBannit le soin de son ameâme,

Et de ses joüesjoues les pleurs.

 

1350Jupiter qui de sa dextre

Semble regirrégir l’univers

Ne peut commander en maistremaître

Sur ces feux par trop divers :

Mais il faut qu’il obeisseobéisse

1355Aux attraits de son toucher :

Comme lon voit la genissegénisse

Craindre les mains du boucher.

 

Neptune qui obtint l’onde

Quand il falutfallut diviser

1360L’heritagehéritage de ce monde

N’y peut mesmemême reposer,

Sans y trouver resistancerésistance,

Et sans estreêtre gourmandé

De celuycelui qui a puissance

1365Sur tout l’univers bandé539.

 

Ce n’est donc chose nouvelle,

Si Cupidon que nu540

Par sa puissance immortelle

VainquistVainquît ce nouveau venu :

1370Qui trompé de la caresse

De sa Damedame (dont la foyfoi

LuyLui aparoistraapparaîtra menteresse)

Viendra esclave de Royroi.541


--- 62 ---
 

ACTE V

Le HerautHéraut. Fortunie. Acoubar. Pistion.542

Le HerautHéraut.

VOicyVOici le Cavaliercavalier n’ayant point de semblable

1375Qui meritemérite le prix : si d’un droit equitableéquitable

Vous estimez autant les Sauvagessauvages soldars543

Que ceux qui sont rengezrangés dessous nos estendarsétendards.

Madame, c’est luylui seul qui adextre544 gendarme

Doit remporter vainqueur et l’honneur et la palme.

1380Entre tant de guerriers du Princeprince vostrevotre époux

Nul ne va empeschantempêchant qu’il n’obtienne de vous

Le diamant promis : ains545 d’une voix commune

Admirent estonnezétonnés546 le bien de sa fortune.

Fortunie.

HerautHéraut, que me dis tudis-tu ? oseOses-tu orgueilleux

1385PresenterPrésenter maintenant, ce Sauvagesauvage à mes yeux ?

OseOses-tu impudent fauteur547 de son audace

Me l’adresser encor548 conduyconduit en cette place ?

Tu te ligueligues pour luylui : et d’un œil arrestéarrêté549

Tu contemplecontemples l’efeteffet de sa temeritétémérité ?

1390Tu presenteprésentes sa lance, et il devoitdevait sufiresuffire

À ta jasarde550 voix seulement de le dire ?

Tu me viens reprocher desloyaldéloyal et sans foyfoi

Qu’un Sauvagesauvage a bravé les troupes de mon Royroi ?

Qu’il les a surpassezsurpassé's en adresse guerriereguerrière ?

1395Tu le vas publiant, et tu le devoisdevais taire.

Ha Cielciel, je vous appelle, et vous atteste tous

IrreprochablesIrréprochables Dieuxdieux tesmoinstémoins de mon courroux.

PourquoyPourquoi fus-je presenteprésente ? et pourquoypourquoi temerairetéméraire


--- 63 ---
 

Osas tuOsas-tu aujourd’huyaujourd’hui entrer dans la carrierecarrière ?

1400Non, non, ô impudent n’espereespère point de moymoi

Le joyau de la course : exempte de ma foyfoi

Je m’en dispenseraydispenserai, et croiraycroirai ton audace

Avoir trop presuméprésumé de s’offrir à ma face.

Acoubar.

Il y pouvoitpouvait venir l’ayant fait publier.

Fortunie.

1405Je ne le tientiens pourtant pour brave Cavaliercavalier.

Acoubar.

„Dans les rustiques bois la valeur peut bien naistrenaître,.

Fortunie.

Vaincu par cy devantci-devant551 osoitosait-il bien parestreparaître ?

Acoubar.

Sous ma fidelitéfidélité il s’y est avancé.

Fortunie.

Ore vengez-vous donc puis qupuisquestesêtes offencéoffensé.

Acoubar.

1410Aujourd’huyAujourd’hui n’est pas temps : ma foyfoi est engageeengagée.

Fortunie.

Aujourd huyAujourd’hui neantmoinsnéanmoins il poursuit le tropheetrophée.

Acoubar.

Aujourd huyAujourd’hui il le peut : car le prix luylui est deu.

Fortunie.

Vous vous devez venger aujourd’huyaujourd’hui l’ayant peupu.

Acoubar.

Il n’est point le moteur de la guerre, ains552 complice.

Fortunie.

1415Il doit egallementégalement endurer le suplicesupplice.

Acoubar.

Chacun doit obeirobéir à son royroi.

Fortunie.

Et chacun

„Se venger quand il peut des haineux jusqu’à un553.


--- 64 ---
 

Acoubar.

Je ne sçaysais seulement s’il m’estoitétait adversaire.

Fortunie.

Vous le pouvez penser estantétant si temerairetéméraire

1420Que venir affronter mesmemême dans vos ramparsremparts

Et l’adresse, et l’honneur de vos braves soldars554,

Mais tientiens : je ne veux plus contester davantage :

VoilaVoilà le diamant et trousse le bagage555.556

Acoubar.

HerautHéraut, fayfais-le sortir en toute seuretésûreté.557

Fortunie.

1425SçacheSache, sçachesache, Acoubar, qu’il est tout arrestéarrêté558

Que ce Sauvagesauvage fier retourné dans ses roches

Fera à ton honneur d’execrablesexécrables reproches.

Superbe559 il tentera ore victorieux

D’animer contre nous et la terre et les cieux.

1430OÔ que j’ayai de douleur aux Princessesprincesses commune

Qu’il nous est arrivé une telle fortune.

HelasHélas, que je suis triste : Acoubar, je prevoisprévois

Un desastredésastre cruel pancher560 à cestecette fois

Sur ton chef et le mien, ayant veuvu qu’un Sauvagesauvage

1435Devant tes propres yeux nostrenotre gloire ravage,

Lors quLorsqu’il t’estoitétait permis de te venger de luylui

Que ne me donnoisdonnais-tu relácherelâche à mon ennuyennui561 ?

Que ne me faisoisfaisais-tu en rendant la Justicejustice

À mes vœux requeransrequérant un si loüablelouable office ?

1440Car tu le pouvoispouvais bien.

Acoubar.

Encore je le veux.

Fortunie.

Mais tu ne le veux pas.

Acoubar.

Qui plus est je le veux :

Sus, qu’on apresteapprête tosttôt562 mon cheval : qu’on aporteapporte


--- 65 ---
 

Mon harnois flamboyant, et ma lance plus forte.

Je le suivraysuivrai de presprès, et d’un assaut soudain

1445Vainqueur luylui ravirayravirai le joyau de la main.

Fortunie.

Allez-y donc vous seul : car d’une telle offenceoffense

Il ne faut pas qu’aucun aytait la cognoissanceconnaissance.

Acoubar.

Mon bras est sufisantsuffisant pour luylui donner la mort.

Ainsi grossier qu’il est, suis-je pas563 assez fort ?564

Fortunie565.

1450Je le tientiens : il est pris, c’en566 est fait, et sa vie

Ne pend567 plus que de toytoi. Pistion je te prie568

Si quelque doux zephirzéphyr te r’aporterapporte ma voix,

Venge-toytoi d’Acoubar à ton gré cestecette fois.

Ne luylui pardonne point : amyami, si tu l’assomme569

1455Tu feras aujourdhuyaujourd’hui unune œuvre digne d’homme.

Tu en seras absous par le Dieudieu Cupidon :

Ainsi gaignerasgagneras-tu cent mille ans de pardon.

Ce sera charité, et œuvre pitoyable

De sauver par la mort d’un Princeprince miserablemisérable

1460Une isleîledesertedéserte : en signe de ta foyfoi

Ce peuple t’élira doresnavantdorénavant son Royroi :

Il te reclameraréclamera, et moymoi ta Fortunie

Plus cherechère mille fois que leur propre Callie

Fille de Castio, qui prenant le suportsupport

1465De ses pauvres subjetssujets à tes pieds tomba mort.

Ayant bien commencé ta valeur te conjure

De suyvresuivre ton destin, et venger mon injure.

EmployeEmploie ton courage, et n’espargneépargne plus rien :

MonstreMontre-nous un chef d’œuvre et paracheveparachève bien,

1470PourveuPourvu que tu le vueilleveuilles, il n’est rien impossible

À tes bras invaincus dont la dextre terrible

RangeroitRangerait sous le joug de sa guerriereguerrière main

Le plus fier Rodomont570, et l’Hector571 plus hautain.572


--- 66 ---
 

Pistion573.

ParmyParmi ces grands desersdéserts : parmyparmi ces noires ombres,

1475ParmyParmi ces lieux obscurs, parmyparmi ces landes sombres,

Dans ces antres voisins qui portent sur le front

Les horribles coupeaux574 de quelque estrangeétrange mont,

Je ne contemple icyici refuyrefui575 de la fortune

Favorable jadis nyni Titan nyni la Lunelune.

1480Une nuictnuit sans cesser m’environne à l’entour

Et fuis incessamment apresaprès l’ombre du jour.

Si j’entensentends les oyseauxoiseaux fredonner leur ramage :

Je tourne çà et là esperansespérant davantage :

Il me semble que c’est m’amie, dont la voix

1485Me r’appellerappelle egaréégaré dans l’ombre de ces bois.576

Bref, rien ne s’ofreoffre à moymoi que tousjourstoujours je ne die577,

C’est elle sans douter, voicyvoici ma Fortunie.

Je cours à578 son image : et ainsi qu’Ixion579

Tu n’aperçoyaperçois que vent malheureux Pistion :

1490Tu embrasse580 une nue, encore trop legerelégère,

Tu ne la tiens que peu, et ne l’adores guereguère :

Si ce n’est que suyvantsuivant sa fuite pas à pas

Tu appelleappelles tousjourstoujours Fortunie au trépas

De son cher Pistion, qui honteux de sa gloire

1495DetesteDéteste abominable, et maudit sa victoire,

Qui luylui donnant le prix luylui ravit à ses yeux

Ta celestecéleste beauté qu’il estime bien mieux.

Que ne suis-je lacquaislaquais d’un soldat porte-pique

Ou de toytoi Acoubar esclave domestique ?

1500Je te verroyverrais, ma belle, et ore en mes ennuis

Je ne te peux chercher ne sçachantsachant où je suis.

Que si quelque Demondémon cognoitconnaît ce paisagepaysage

Et m’en veut retirer, je luylui ferayferai hommage,

Je luylui serayserai fidelefidèle, et avecque581 mes vœux

1505OffrirayOffrirai à ses pieds une couple582 de bœufs.

Ces mains ayansayant ouvert le ventre de la terre


--- 67 ---
 

Mettront le fondement d’une premierepremière pierre

Pour luylui bastirbâtir un temple, et d’un humble devoir

RecognoistrayReconnaîtrai tousjourstoujours son sacré-saintsacro-saint pouvoir.

1510Lors quLorsqu’il est question de l’amour d’une Damedame,

„Il faut franchir le pas, et elargirélargir son ameâme.

„Il ne faut plus douter583 à dementirdémentir584 sa foyfoi.

„Rien n’est si violent que l’amoureuse loyloi.

Pour elle je voudroyvoudrais d’une emprise585 mutine

1515Au prince des enfers ravir sa Proserpine586,

Et sçavoirsavoir si au Cielciel, plein de temeritétémérité,

Lon pourroitpourrait dérober le feu de PromethéProméthé587.

„Pour servir une Damedame en beauté acomplieaccomplie

„Je vendrayvendrai mon honneur, et trahiroytrahirai ma vie.

1520Mais que te sert cela, Pistion, et tu vois

Que personne n’entend ta douleur en ces bois ?

À qui la contecontes-tu ? aux bocageresbocagères seules ?

Ou bien aux sangliers, dont les sauvages gueullesgueules

IrriteesIrritées de tes cris à l’éfroyableeffroyable ton

1525Te viendroyentviendraient devorerdévorer comme le jeune Adon588 ?

Va plorer ton desastredésastre en une grotte herbue

Or dans le creux muet de quelque antre bossue :

Emprisonne-toytoiSauvagesauvage revesturevêtu589

Pour y finer590 tes ans.591

Acoubar.

Sus, demeure : où vas-tu ?

1530Arreste toyArrête-toi poltron : autrement à cet heurecette heure

Impareil à mon bras il faudra que tu meure592.

Rens-toyRends-toi à ma mercymerci, et ne recule pas :

Baille593 le diamant : pose les armes bas.

Pistion.

DesloyalDéloyal, peux-tu bien avoir tant de courage ?

Acoubar

1535Un joyau de tel prix n’est deu à un Sauvagesauvage.

Ta premierepremière valeur ne m’a point estonnéétonné594.


--- 68 ---
 

Pistion.

Je n’ayai rien qui soit tien : car on me l’a donné :

Acoubar l’a voulu, et sous sa foyfoi loyale

Me suis acheminé à la joustejoute royale.

1540ToyToi, toytoi qui que tu sois obeyobéis à ton Royroi.595

Acoubar.

Moy-mesmeMoi-même je le suis : c’est moy mesmemoi-même, c’est moymoi,

„Rien n’oblige les Roisrois aà garder leur promesse.

Pistion.

Tu veux donc m’ofenceroffenser d’une lame traistressetraîtresse :

Tu me pressepresses desjadéjà : or puis quepuisque tu es Royroi,

1545CerteCertes, c’est la raison que j’aprocheapproche596 de toytoi.

Tu as de l’interestintérêt (comme moymoi en ta vie)

Que j’ayeaie597 plus long tempslongtemps l’amour de Fortunie.

Acoubar.

Quel Sauvagesauvage voicyvoici ? ôÔ qu’il a bien aprisappris

Les traverses de Mars, et les mots de Cypris598 !

1550Je doute : j’ayai grand peurgrand-peur, je crains bien, je pantelle,

Que je ne sois trahytrahi d’une Damedame infidelleinfidèle,

Pistion.

Tu soupçonnesoupçonnes ton mal :599 tu es pris à ce coup.

Acoubar

blessé.

À l’aide, je suis mort : il me faschefâche beaucoup

De demander la vie.

Pistion.

En vain cestecette priereprière.

1555Je veux avoir la perte, ou la victoire entiereentière600.

Acoubar.

Ne me poursuypoursuis plus tant : amyami je suis à toytoi.

Je me dydis ton vassal, je te confesse Royroi.

Je te cedecède601 Madame : au reste je te prie

Donne-moymoi (en prenant ma couronne) la vie.

1560Fay-moyFais-moi cestecette bontebonté d’un oficeoffice pieux.

N’es-tu pas à ton gré encor602 victorieux ?


--- 69 ---
 

Qu’espereespères-tu de plus ? dD’une triste requesterequête

Je te vayvais supliantsuppliant le salut de ma testetête.

VoilaVoilà ce qui me reste.

Pistion.

OÔ RoyRoi ! il faschefâche fort

1565À un Princeprince bien né de te donner la mort,

Ma volonté repugnerépugne : et neantmoinsnéanmoins forceeforcée603

Mon ameâme se transporte à ta mort avanceeavancée.

„Tu sçaissais bien que le sort des pauvres amoureux

„Est de n’avoir jamais compagnon604 avec eux.

Acoubar.

1570Tu aimeaimes Fortunie, helashélas, je te la cedecède.

Pistion.

Ainsi j’en diroydirais bien, si j’estoyétais sans remederemède.

Acoubar.

Franchement je la quitequitte.

Pistion.

Et franchement aussi

De visiter Pluton605 tu prendras le soucysouci.

Acoubar.

Tu auroisaurais ce courage ? ôÔ desloyalesdéloyales Damesdames !

1575AsseurezAssurez desormaisdésormais les hommes de vos flamesflammes :

Protestez, jurez tosttôt606, mal-habilesmalhabiles pourtant

Qui croiront vostrevotre foyfoi qui les va enchantant607.

Me devoisdevais-tu ourdir cestecette triste furie ?

Me devoisdevais-tu ainsi decevoirdécevoir608 Fortunie ?

1580T’avoisavais-je oncques609 causé un despitdépit610 dans le cœur

Si ce n’est en entrant que je restayrestai vainqueur ?

Plus heureux mille fois si au milieu des armes

J’eusse laissé sans Royroi mes scadrons de Gendarmesgendarmes.

Mourant je t’eusse creucru, tresfideletrès fidèle, et je vois

1585Que tu m’as abusé de tes propos courtois,

Ainsi que la Syrenesirène, afin que mon navire

TrebuchastTrébuchât dans le creux de ton courroux plein d’ire611.


--- 70 ---
 

Pistion.

VoilaVoilà trop accuser612 Madame, c’est en vain

Que tu te veux parer613 de l’assaut de ma main :

1590Tu as voulu troubler nostrenotre saint hymeneehyménée.614

Acoubar

mourant.

Cavalier, tu auras ta peine meriteeméritée

Quand lasseelassée de toytoi pour un moindre dépit615

Quelque nouveau viendra te tuer en ton lictlit.

Pour moymoi, je te pardonne, et sçaysais bien que ta Damedame

1595Te commanda de faire un acte si infameinfâme.616

LE CHŒUR.

CAche petit Cupidon

Ton brandon617

Et tes flamesflammes Cytheréescythérées618

Maintenant que nous voyons

1600Et oyons619

Les peines par toytoi données.

 

Tu as causé une mort

Et à tort :

ParquoyPar quoi devenus plus sages,

1605DesormaisDésormais redouterons :

Et craindrons

De tomber en tes nuages.

 

„Fol qui espereespère de toytoi

„Sans émoyémoi,

1610„Et sans douleur subsequentesubséquente,

„L’allegresseallégresse et les plaisirs

„Que tu dis

„Donner aux troupes amantes.



--- 71 ---
 

Autour du Dieudieu des amours

1615„Tous les jours

„Lon voit perirpérir un grand nombre

„D’amoureux infortunezinfortunés

DestinezDestinés

„À perirpérir par cet encombre.620

Pistion.

1620TU es mort neantmoinsnéanmoins : desormaisdésormais je peux bien

JouyrJouir de Fortunie et ne craindre plus rien.

Je suis Royroi du pays : et sans doute621 de guerre

PourrayPourrai doresnavantdorénavant gouverner cestecette terre :

Je n’ayai plus de pareil duquel l’ambition

1625Se voulutvoulût égaler au sort de Pistion.

Car pour toutes ses gens622, ils n’ont pas le courage

De tenir icyici ferme apresaprès un tel orage.

Je les estonnerayétonnerai en mettant cestecette nuit

Acoubar dans leur camp par mes troupes conduit.

1630Et si demain quelqu’un apresaprès que la lumierelumière

Les aura éclairezéclairés reste encore derrierederrière,

Il verra le courroux d’un Prince qui beninbénin

LuyLui aura fait sçavoirsavoir le trouble de sa fin :

Je ne pardonneraypardonnerai à pas un des Gendarmesgendarmes

1635Si pour me resisterrésister ils se mettent en armes :

„J’estime bien que non : ayant frapéfrappé le chef

„Les membres en ont peur, et craignent le méchef

Le Lyonlion qui a peupu623 malgré les voix hurlantes

Des dogues éveillezéveillés, passer jusques aux tentes

1640Du berger endormyendormi : lors qulorsqu’il l’a devorédévoré

Démembre puis apresaprès le troupeau à son gré.

FIN.

[89] Acoubar est seul sur scène. La scène a lieu sur le rivage près duquel surgissent des falaises (« horribles coupeau », v. 149).
[90] par.
[91] de nouveau.
[92] de pied ferme.
[93] Nous gardons la conjugaison – avec ‘e’ au lieu de ‘t’ – afin de maintenir le mètre.
[94] sort, destin.
[95] se meut, progresse.
[96] Une rime oblique avec « encore », ou bien une indication que le mot aurait pu se prononcer « glore », comme le suggère le Dictionnaire Littré, s.v. « gloire ». Dans la même veine, voir aussi vv. 730-31 où Du Hamel fait rimer « encore » avec « victore ».
[97] Ne t’enorgueillis pas. « Ne t’orgueilly point » dans l’édition de 1603 ; « Ne t’orgueillir point » dans celle de 1611. Nous gardons cette forme du verbe « orgueillis » afin de maintenir le mètre.
[98] entrepris.
[99] Généralement, le e muet au milieu serait prononcé, mais il est aussi possible de ne pas le prononcer, le mot étant épelé parfois « turie » à l’époque.
[100] Selon Furetière, se ressentir « se dit figurément en Morale des differentes émotions de l’âme au souvenir des bienfaits, ou des injures receuës ».
[101] incomparables.
[102] meurtrières, mortelles, cruelles.
[103] croyant, pensant.
[104] rapide.
[105] nuages, nuées.
[106] Jupiter, Zeus pour les Grecs, est le roi des dieux. Il a le pouvoir de déclencher les orages.
[107] « legere » renvoie à « la gresle ».
[108] Alors.
[109] d'avis.
[110] dès ce moment (ici et au vers suivant).
[111] Nérée un dieu marin primitif, surnommé le « vieillard de la mer ».
[112] dès ce moment.
[113] issue fâcheuse.
[114] Les zéphyrs sont les vents doux et favorable de l’ouest.
[115] souffle.
[116] faute.
[117] devoir.
[118] ligue.
[119] rebelle, révolté.
[120] vers.
[121] maintenant.
[122] Avec sa mère Thémis, c’est une déesse qui personnifie la Justice.
[123] « fermast » dans l’édition de 1611.
[124] bienveillants, doux, gentils, voire nobles.
[125] Maintenant.
[126] malfaiteurs.
[127] colère.
[128] déclare formellement.
[129] Les Aloades, frères Otus et Éphialtès, étaient des géants qui tentèrent (mais échouèrent) d’ériger un amoncellement de montagnes (dont les monts Ossa et Pélion) au sommet duquel ils comptaient affronter les dieux sur le mont Olympe.
[130] encore que.
[131] tête.
[132] malheureux.
[133] action d’enlever de force, rapt.
[134] cris bruyants.
[135] Point d’exclamation après « vacarmes » dans l’édition de 1611.
[136] mort.
[137] L’image d’une des trois Parques, normalement Atropos (ou Morta pour les Romains), coupant le fil de la vie avec des ciseaux, était bien connue à l’époque.
[138] vers.
[139] vite.
[140] suit.
[141] Nous gardons cette forme du verbe afin de maintenir le mètre.
[142] exposait.
[143] vers le.
[144] Le mot « amour » peut être féminin ou masculin à cette époque.
[145] désiraient vivement.
[146] état de ce qui est tordu.
[147] redresser.
[148] vers.
[149] danger, péril.
[150] Ici Le Magicien entre en scène.
[151] tribulations.
[152] Acoubar s'adresse au Magicien.
[153] Maudit.
[154] méprisant.
[155] sommets, cimes d'unr montagne.
[156] étrangers.
[157] troupes armées.
[158] soldat.
[159] guetteurs.
[160] mépris.
[161] qui rend fou.
[162] immédiatement.
[163] nocturne.
[164] Dans la mythologie romaine, c’est le dieu des Enfers – Hadès pour les Grecs.
[165] Un roi mythologique de Crète et le père de Phèdre et d’Ariane (entre plusieurs entres). De son règne reste l’image d’un souverain juste et bon, que son père prenait souvent comme conseiller ou confident. Après sa mort, il devient juge des Enfers.
[166] ombres.
[167] Chez les Romains, esprit tutélaire chargé de protéger la maison, la cité.
[168] déjà.
[169] jamais.
[170] prête. Nous gardons cette forme afin de maintenir la rime avec « céleste ».
[171] Je te serai favorable.
[172] Une référence à Charon, le batelier des Enfers.
[173] Fugitif.
[174] petit bateau.
[175] Dans la mythologie grecque, Protée est une divinité marine dotée du pouvoir de se métamorphoser.
[176] ébranler.
[177] Une référence au dieu du Soleil, le titan Hélios, qui conduit son chariot du soleil à travers le ciel chaque jour. Le Magicien semble dire qu’il a projeté une ombre pour empêcher le soleil de briller.
[178] Le rémora est un poisson à ventouse qui s’attache à d’autres animaux de la mer (e.g., requins). Il est aussi l’objet, au cours de l’Antiquité et jusqu’au XVIIe siècle, d’une superstition forte sans doute due à sa ventouse qui aurait le pouvoir d’immobiliser des navires. Son étymologie remora ou echenéis (de exo : tenir, retenir et neios : bateau) atteste des pouvoirs surnaturels qui sont attribués à ce poisson.
[179] disputant, contestant.
[180] soumis.
[181] oui certes, j’ai du pouvoir sur eux.
[182] banniront.
[183] contre.
[184] qu'aucun d'entre eux.
[185] cf. v. 166.
[186] exclamation pour encourager à l’action.
[187] pendant ce temps.
[188] armée.
[189] escadrons.
[190] « marcherons » dans le texte ; nous corrigeons.
[191] traîtreusement.
[192] Neptune est le dieu romain des mers ; nous gardons cette orthographe (sans ‘e’ final) afin de maintenir le mètre.
[193] aggraves.
[194] donner.
[195] beaucoup.
[196] Deux points après « rivage » dans l’édition de 1611.
[197] traverser.
[198] Hannibal Barca (247-183/181 avant notre ère), était un général et homme politique carthaginois, rendu célèbre en partie grâce à sa traversée des Pyrénées et puis des Alpes.
[199] soldats ; nous gardons cette orthographe afin de maintenir la rime avec « rampars ».
[200] vers.
[201] incomparable, sans équivalent.
[202] Nous gardons cette forme de la conjugaison afin de maintenir le mètre.
[203] Fortunie.
[204] Acoubar.
[205] jusqu'à tant que.
[206] Phébus est le nom latin d’Apollon, le dieu du soleil personnifié.
[207] Nous gardons cette orthographe (sans ‘e’) afin de maintenir la rime avec « commun ».
[208] L’on peut imaginer des effets spéciaux tels que le tonnerre et l’obscurcissement de la scène.
[209] Assimilée à Héra pour les Grecs, femme de Jupiter (Zeus), Junon symbolise entre autres le mariage.
[210] Une référence à l’épisode d’Argus. Selon Ovide dans les Métamorphoses, « Junon, abaissant ses regards sur la terre, s’étonne de voir que d’épais nuages aient changé soudain, en une nuit profonde, le jour le plus brillant. Elle reconnaît bientôt que ces brouillards ne s’élevaient point du fleuve ni du sein de la terre humide. Elle cherche de tous côtés son époux qu’elle a si souvent vu et surpris infidèle, et ne le trouvant point dans le ciel : “Ou je me trompe, dit-elle, ou je suis encore outragée”; et s’élançant du haut de l’Olympe sur la terre, elle commande aux nuages de s’éloigner » (I, 601-688).
[211] couvrez.
[212] Téthys, dans la mythologie grecque, est soit une nymphe de la mer, soit une déesse de l’eau, l’une des cinquante Néréides, filles de l’un des « vieillards de la mer » Protée.
[213] Phébé, une référence poétique à la lune.
[214] Le Magicien sort pendant que Le Chœur entre en scène.
[215] « les » dans le texte. Nous corrigeons.
[216] « cerchans » dans l’édition de 1611.
[217] la Terre.
[218] Charybde est la fille de Poséidon et de Gaïa (la Terre). Pour avoir volé à Héraclès une partie du troupeau de Géryon, elle fut foudroyée par Zeus et changée en un gouffre marin. Là, trois fois par jour, elle avalait puis régurgitait de grandes quantités d’eau, incluant navires et poissons.
[219] Scylla est une nymphe qui fut changée en monstre marin par Circé. Elle est souvent associée à Charybde, près de qui elle réside de part et d’autre d’un détroit traditionnellement identifié avec le Détroit de Messine.
[220] Les guillemets inversés indiquent des lieux communs moraux, communs dans la tragédie de cette époque, notamment dans les chœurs.
[221] Vénus.
[222] égarant.
[223] parents ; « egarans » rime avec « parens », et à cette époque on prononcerait les dernières consonnes « ns ». Ainsi gardons-nous l’orthographe afin de maintenir la rime.
[224] le brandon, ou la flamme de l’Amour.
[225] étourdi.
[226] Selon Furetière, « un siflet d’Oiseleur, avec lequel il attrape les oiseaux en contrefaisant le son de leur voix ». La connotation d’être (sur)pris par le piège de Vénus est importante à retenir.
[227] l’amour.
[228] Un point suit « desirs » dans le texte, nous corrigeons.
[229] temps.
[230] Le Chœur quitte la scène.
[231] Fortunie et Pistion entrent en scène. La scène a lieu dans le bois près du campement de Castio.
[232] suive.
[233] désires.
[234] la mort. Clotho est l’une des trois Parques qui tient le fil des destinées humaines.
[235] le Soleil.
[236] en même temps que toi.
[237] « Bailler (donner) quelqu’un à rançon » signifie l’enlever dans l’intention de monnayer sa libération.
[238] le courage.
[239] mariage.
[240] indifférent.
[241] départ.
[242] gage.
[243] Le cap Capharée : c’est près de ce cap qu’à son retour de Troie la flotte grecque fut dispersée par une tempête soulevée par Zeus à la demande d’Athéna, en punition des outrages commis par Ajax (le Petit) ; trompés par les feux allumés par Nauplios, de nombreux navires grecs se brisèrent sur les rochers.
[244] Mais.
[245] vous vous réjouissez.
[246] violemment.
[247] frappant.
[248] tue.
[249] affligé, blessé moralement.
[250] Veux-tu que je manque à ma parole donnée à Castio.
[251] soldats, cf. v. 223.
[252] aux affres de la guerre.
[253] fugitif, cf. v. 177.
[254] enlever.
[255] mort.
[256] causés par la folie.
[257] Oreste, fils d’Agamemnon et de Clytemnestre, tue sa mère. Après ce crime il est tourmenté sans relâche par les Érinyes, des divinités persécutrices qui interviennent lorsque quelqu’un tue un membre de sa famille.
[258] désirant.
[259] Du Hamel fait rimer « encore » avec « victoire » à plusieurs reprises ; voir vv. 730-31 où il fait rimer « encore » avec « victore ».
[260] soldats, cf. v. 223.
[261] garnis de plumes.
[262] Grec, ici une référence à Achille.
[263] Hector. Fils de Priam et d’Hécube, Hector est un héros troyen de la guerre de Troie. Achille le tue pendant la guerre. C’est un personnage très populaire au Moyen Age et à la Renaissance, où il est même présenté comme l’ancêtre des Francs.
[264] Le changement de pronom, de « tu » à « vous » est assez abrupte ; Fortunie et Pistion se vouvoieront jusqu’au vers 466.
[265] Rien de plus.
[266] je la tiens.
[267] mais bien au contraire.
[268] ne serais-je pas.
[269] éloignés, disparus.
[270] Ce terme est parfois employé au féminin à cette époque.
[271] Fortunie quitte la scène.
[272] seul sur scène.
[273] cf. v. 183.
[274] Morphée ; nous gardons l’orthographe (sans ‘e’ final) afin de maintenir le mètre. Dans la mythologie grecque, Morphée est la divinité du sommeil et des rêves.
[275] altérées ; nous gardons l’orthographe pour maintenir le mètre.
[276] Selon Furetière : « grosse plaque de fer trenchante attachée à un des costés de la charruë pour fendre et verser la terre. Il differe du soc, qui est une autre grosse piece de fer pointu qui commence l’ouverture de la terre. Les Poëtes Bucoliques se servent souvent de cette épithete, Les coutres trenchants ».
[277] Nous gardons la conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir le mètre.
[278] reproche.
[279] s’éloigne.
[280] Prométhée est un Titan surtout connu pour avoir créé les hommes à partir de restes de boue transformés en roches, ainsi que pour le vol du « savoir divin » (le feu sacré de l’Olympe) qu’il rendit aux humains. Courroucé par sa ruse, Zeus, le roi des dieux, le condamna à avoir le foie dévoré par un aigle et être enchainé sur le Mont Caucase ou dans l’Atlas (massif).
[281] résolution.
[282] Castio et les Sauvages entrent en scène, Pistion se dirigeant vers une autre partie de la scène pour retrouver les Canadiens.
[283] Cette indication signale que Castio parle à ses gendarmes.
[284] sais ; nous gardons ce mode verbal et l’orthographe afin de maintenir le mètre.
[285] faisant du tort.
[286] Pense, croit.
[287] « au plus puissant » dans l’édition de 1611.
[288] Nous gardons la conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir la rime.
[289] Tantale, après avoir fait manger son propre fils aux dieux d’Olympe, fut soumis à un triple supplice. Homère raconte qu’il est placé au milieu d’un fleuve et sous des arbres fruitiers, mais le cours du fleuve s’assèche quand il se penche pour en boire, et le vent éloigne les branches de l’arbre quand il tend la main pour en attraper les fruits. Au-dessus de sa tête se tient en équilibre un énorme rocher qui menace de tomber à tout moment. Une angoisse mortelle étreint sans cesse sa gorge constituant ainsi le troisième supplice.
[290] nourriture.
[291] Dans son édition, M. Adams White propose qu’il s’agit d’une confusion entre le mythe de Tantale, ci-dessous, et celui du roi Midas (p. 74-75).
[292] Nous gardons cette orthographe afin de maintenir le mètre.
[293] Xerxès (c. 519-465 av. notre ère), est un roi perse qui a tenté d’envahir la Grèce, connu sous le nom de la deuxième guerre médique. Ici c’est une référence à la bataille navale qui s’est déroulée en 480 av. notre ère dans le détroit entre le continent et l’île de Salamine, et que Xerxès a perdue contre toute attente.
[294] Une virgule après « feux » dans la version originale ; nous corrigeons.
[295] étranger.
[296] fait souffrir.
[297] redoute, appréhende.
[298] Les Sauvages quittent la scène.
[299] Castio et Pistion se mettent à l’écart de la scène pendant qu’Acoubar et ses Gendarmes entrent en scène.
[300] partager.
[301] redoutez, appréhendez.
[302] Castio revient sur scène.
[303] s’adressant aux Sauvages.
[304] Les soldats se mettent en position pour la bataille. Pistion revient devant la scène.
[305] en s’adressant aux autres Sauvages.
[306] Les Sauvages entrent en scène, prennent position et commencent à se battre. Castio est blessé mortellement, écrasé – on apprend plus tard (v. 603-606) – par les chevaux d’Acoubar (sans doute hors scène).
[307] Castio revient sur scène, blessé.
[308] s’adressant à Pistion.
[309] Nous gardons l’apocope afin de maintenir le mètre.
[310] l’enfer.
[311] Castio expire.
[312] Nous gardons l’orthographe afin de maintenir le mètre.
[313] vers le.
[314] disparus.
[315] Ce sont les Sauvages qui parlent.
[316] main, main droite.
[317] renversait.
[318] « leur » dans le texte ; nous corrigeons.
[319] soldats, cf. v. 223.
[320] Acoubar s’adresse à ses soldats.
[321] fugitif, cf. v. 177.
[322] Pistion est frappé à la tête par un soldat du camp d’Acoubar. Les Sauvages et les Gendarmes d’Acoubar quittent la scène.
[323] Etéocle est le fils d’Œdipe et de Jocaste, et le frère de Polynice. Suite au suicide de Jocaste et à l’exile d’Œdipe, les frères devaient régner ensemble, en alternance, mais ils ont fini par s’entretuer.
[324] Ajourner : terme juridique qui signifie « assigner à comparaître à un moment déterminé ». Pistion jure que sa mort provoquera la mort d’Acoubar.
[325] « Ha ! Dieux » dans l’édition de 1611.
[326] Pistion quitte la scène.
[327] seul sur scène.
[328] cf. v. 530.
[329] fugitif cf. v. 177.
[330] désire.
[331] étranger.
[332] déshonorer, souiller.
[333] Tromper, Trahir.
[334] emprisonnée.
[335] Acoubar sort, et Le Chœur entre en scène.
[336] Ce Chœur est constitué de neuf septains, pour en faire soixante-trois vers, un nombre impair. Ainsi, à partir de l’acte III, le premier couplet commence avec un nombre pair (v. 726).
[337] avec sa mère Thémis, Astrée est une déesse qui personnifie la Justice.
[338] chassée, expulsée.
[339] départ.
[340] fortune, bonheur, succès.
[341] ici-bas.
[342] avec elle.
[343] pleure ; nous gardons cette forme afin de maintenir la rime avec « encore ».
[344] Il s’agit de Jupiter, le rois des dieux.
[345] ouverts.
[346] nocturnes.
[347] Le Chœur quitte la scène.
[348] Fortunie entre seule. La scène est dans le bois devant la tente de Fortunie et de Pistion.
[349] déroute.
[350] soldats, cf. v. 223.
[351] victoire ; nous gardons l’orthographe afin de maintenir la rime avec « encore ».
[352] ennemi.
[353] cruelle.
[354] tourmente.
[355] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir le mètre.
[356] chose sans importance.
[357] crois ; nous proposons cette forme afin de maintenir la rime avec « toy/toi ».
[358] bleu foncé, couvert par les eaux bleues.
[359] dépasse.
[360] Le Cocyte est un fleuve de l’Enfer païen, alimenté par les larmes des voleurs, pécheurs et de tous ceux qui se sont mal conduits. Sur ses rives, les âmes qui n’ont pas eu de sépultures (âmes perdues ou errantes) cherchent leurs chemins vers les Enfers.
[361] soin.
[362] Magicienne et femme de Jason, Médée rajeunit le père de celui-ci, Eson. Chassée de Colchide, après s’être enfuie avec Jason et la Toison d’or, ils s’installent à Corinthe où ils sont accueillis par le roi Créon. Mais Jason tombe amoureux de la fille du roi, Créuse, et il se marie avec elle, répudiant Médée. Celle-ci se venge en tuant sa rivale : elle lui offre une robe magique qui la brûle ainsi que son père, puis incendie le palais. Elle tue ensuite de ses mains les enfants qu’elle avait eus avec Jason. Jean Bastier de La Péruse a écrit une tragédie de Médée, publiée de manière posthume par ses amis vers 1555. (Voir l’édition de Nina Hugot).
[363] Pistion entre en scène.
[364] Ixion, roi de Lapithes en Thessalie, tua son beau-père. Après ce crime sacrilège, Ixion fut poursuivi par les Furies (Érinyes), lui causant à devenir fou, jusqu’à ce que Zeus accepta de le prendre en pitié. Voir plus loin, v. 1488.
[365] Pistion entre en scène. Il se peut qu’il reste dans l’ombre, un peu loin de Fortunie, et que, blessé, il s’approche d’elle lentement.
[366] Venise était connue pour la fabrication des miroirs.
[367] du soleil.
[368] et aussi tu ne voulus pas.
[369] armure.
[370] casque léger ; selon Furetière, « Le morion est pour les gens de pied : le heaume est pour les cavaliers pesamment armez ».
[371] « ce » dans le texte ; nous corrigeons.
[372] jamais.
[373] rétribution.
[374] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir le mètre.
[375] Nous gardons l’apocope afin de maintenir le mètre.
[376] Pour le sûr (sûrement). Nous maintenons cette forme pour la rime.
[377] pensant.
[378] pente, versant.
[379] jà desja : déjà.
[380] tient ; nous gardons l’orthographe (sans ‘t’) afin de maintenir la rime avec « bien ».
[381] sur la tête.
[382] vigoureux, joyeux.
[383] privés.
[384] humides.
[385] Une référence aux Cyclopes forgerons, les assistants d’Héphaïstos, le dieu du feu, de la forge et de la métallurgie, connu chez les Romains sous le nom de Vulcain, le mari de Vénus.
[386] en ma jeunesse.
[387] présomption.
[388] aimable.
[389] Un temps.
[390] Tu ne dis rien.
[391] départ.
[392] n’est-ce pas.
[393] Ainsi.
[394] aussi, certes.
[395] cf. v. 177.
[396] Fortunie quitte la scène.
[397] seul.
[398] obstacles, empêchements.
[399] Provient.
[400] priver, déposséder.
[401] ce qui est le meilleur, le plus précieux.
[402] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir le mètre.
[403] « Tu respires encor l’air, ô toy qui leger ombre » dans l’édition de 1611. Le mètre est alors maintenu, en changeant « encore » en « encor ».
[404] Le Styx est l’un des fleuves des Enfers.
[405] Fortunie revient sur scène avec des herbes à la main.
[406] Pistion baisse la tête et montre sa blessure. Fortunie commence à appliquer les herbes sur la plaie.
[407] Pendant.
[408] Pistion quitte la scène, prenant refuge dans la tente, pendant qu’Acoubar et Ergaste entrent en scène.
[409] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir le mètre.
[410] mépriser.
[411] cf. v. 375.
[412] tordu.
[413] détruire, dévaster.
[414] Celui qui a enlevé Fortunie et l’a amenée jusqu’au Canada ; voir l’argument de la tragédie.
[415] complice.
[416] Ergaste quitte la scène.
[417] désire.
[418] Acoumar, aussi nommé Acoumat.
[419] Il s’agit du Léthé, fleuve de l’Oubli aux Enfers. En buvant ses eaux, les morts oublient le passé.
[420] Pythagore (c. 580-495 av. notre ère) était un philosophe, mathématicien et scientifique présocratique. Selon la légende, Pythagore serait descendu à l’Hadès et en serait revenu.
[421] Nous gardons cette orthographe (« mourans » pour « mourant », « vivans » pour « vivant »), car les mots doivent rimer. On prononçait les s finaux en déclamant les vers à cette époque.
[422] Il s’est éloigné.
[423] servitude.
[424] délicats, extraordinaires.
[425] celles qui fréquentent les bocages.
[426] résolution.
[427] Selon Ovide dans Les Métamorphoses, Philomèle et sa sœur Procné sont transformée en oiseaux (hirondelle et rossignole, respectivement) après s’être vengées du crime du mari de Procné, Térée. Il avait violé Philomèle et puis a coupé sa langue pour l’empêcher de parler.
[428] éprouvant de la douleur, du regret.
[429] Ergaste revient sur scène.
[430] pensent, croient.
[431] à Fortunie.
[432] Acoubar et Ergaste quittent la scène.
[433] seule.
[434] tout ce qui s’oppose à un dessein, à la réalisation d’une chose, empêchement, obstacle. Fortunie fait référence à la dissolution de l’armée d’Acoubar, ce qui l’oblige à la quitter.
[435] Fortunie quitte la scène (ou rejoint Pistion dans la tente). Le Chœur entre.
[436] Nous gardons cette forme, ainsi qu’au vers 1060, afin de maintenir la rime féminine.
[437] « doncque » dans le texte ; nous corrigeons pour assurer le sens, « de ne jamais aller »
[438] à la légère.
[439] Un oiseau légendaire, doué de longévité et caractérisé par son pouvoir de renaître après s’être consumé sous l’effet de sa propre chaleur. Il symbolise ainsi les cycles de mort et de résurrection.
[440] Le Chœur quitte la scène.
[441] Acoubar, Ergaste, le Héraut et le soldats d’Acoubar entrent en scène. Ils se retrouvent au campement d’Acoubar, peut-être au rivage où la pièce a commencé.
[442] s’adressant à son armée.
[443] Ainsi donc.
[444] manquer.
[445] vous portez.
[446] alors que vous êtes vainqueurs.
[447] Le substantif « risque » peut être féminin ou masculin à cette époque.
[448] Une préfiguration de la fin de la pièce, où Acoubar se trouvera seul face à son ennemi, Pistion, et où ce dernier se décrira comme un lion (v. 1638).
[449] Pendant.
[450] partageant.
[451] tenir tête, résister.
[452] À la fin.
[453] s’adressant à Acoubar.
[454] soldats, cf. v. 223.
[455] troupes armées.
[456] machines de guerre qui, à l’aide de cordes et de ressorts, servaient à lancer des projectiles (boulets, etc.).
[457] aussi, certes.
[458] qu’à demander grâce.
[459] Désirez-vous.
[460] Condamnez-vous le sauvage à être pendu.
[461] C’est la fille de Castio.
[462] mort.
[463] soldats, cf. v. 223.
[464] attristés.
[465] À Ergaste.
[466] À Acoubar.
[467] aille, se rende dans.
[468] chevaux de selle court et forts.
[469] Une référence au jeu de bague, dont il sera question plus tard (vv. 1270-1273 ; vv. 1294-1297).
[470] Au Héraut.
[471] Acoubar, Ergaste, le Héraut et les soldats quittent la scène. Pistion et Fortunie entrent en scène, sortant de leur tente dans la forêt.
[472] réjouir.
[473] entreprises.
[474] Dédale, le père d’Icare. Nous gardons l’orthographe (sans ‘e’ final) afin de maintenir le mètre.
[475] Dédale crée des ailes pour son fils Icare afin de quitter leur lieu d’exil crétois. Mais Icare, oubliant les conseils de son père, vole trop près du soleil et la cire qui tient les ailes. Ainsi meurt-il précipité dans la mer qui porte désormais son nom.
[476] étrangère.
[477] soumise.
[478] Afin qu'il puisse améliorer ton statut, en passant de princesse à reine.
[479] cruauté.
[480] T’en aller.
[481] Notons à nouveau le basculement vers le vouvoiement (cf. v. 435).
[482] « avoir » dans le texte ; nous corrigeons.
[483] Enée.
[484] Selon Virgile, en quittant Didon à Carthage, Énée lui promit de revenir la retrouver. Mais Didon se désespère et se suicide avec le poignard qu’Énée lui a laissé (Énéide, IV). Étienne Jodelle est l’auteur d’une tragédie à ce sujet, Didon se sacrifiant, écrite vers 1555 mais publiée de manière posthume en 1574.
[485] L'Italie.
[486] cf. v. 375.
[487] bienveillant.
[488] « cercher » dans l’édition de 1611.
[489] soldats, cf. v. 223.
[490] n’ai-je.
[491] Rien de moins.
[492] entreprise.
[493] Nous gardons l’apocope afin de maintenir le mètre.
[494] chance.
[495] cachez.
[496] Non.
[497] Mais, plutôt.
[498] adroitement.
[499] « Heure » peut rimer avec « figure » à cette époque.
[500] Celui.
[501] Pistion quitte la scène, ou se cache de la vue d’Ergaste et du Héraut qui s’approchent, peut-être en retournant dans la tente. Ergaste et le Héraut entrent en scène.
[502] Tous deux s’adressent à Fortunie.
[503] « fusmes » dans l’édition de 1611.
[504] tribulation.
[505] désirent.
[506] favorable.
[507] bienveillance, faveur.
[508] Combien d’argent gagnera le vainqueur ?
[509] Selon Cotgrave, un ducat en France (en 1611) vaut environ cinq ou six shillings d’argent ; selon Furetière, un ducat « vaut environ un écu en argent, & deux étant d'or » en 1690. De toute manière, c’est une somme considérable et il importe de noter que Fortunie parle en ducats et non en louis ou en écus, ce qui souligne le caractère étranger de cette monnaie.
[510] Fortunie sort et montre un diamant.
[511] La mère de Fortunie.
[512] de mon mieux.
[513] Arbour suggère le sens suivant de ces vers, qui semble être dits en aparté : « la Dame qui a repris sa liberté d’un homme, ne peut plus lui être agréable, quoi qu’il fasse, car chez elle l’amour ne correspond jamais au courage que l’on peut démontrer » (p. 60).
[514] Poursuivons.
[515] Ergaste et le Héraut quittent la scène. Pistion revient sur scène.
[516] Pistion tutoie à nouveau Fortunie.
[517] mort.
[518] Diane (ou Artémis) est la déesse de la chasse et de la chasteté. Son ennemie est Vénus (Aphrodite), déesse de l’amour.
[519] rustres, grossiers.
[520] Une référence à Phébus qui informe Vulcain de la relation amoureuse entre sa femme Vénus et Mars, raconté par Ovide dans ses Métamorphoses et illustré par Antonio Tempesta dans la trente-troisième planche de son ouvrage Metamorphoseon sive transformationum, « Coniugis furtum Sol Vulcano detegit » (Anvers, Pieter de Jode, 1606) : https://images.bnf.fr/#/detail/354134/1.
[521] qui rend fou.
[522] colère.
[523] Je crains plus (autre chose) que mon propre malheur.
[524] Laquelle.
[525] doute.
[526] C’est au tour de Fortunie de vouvoyer Pistion.
[527] soldat, cf. v. 223.
[528] courir.
[529] Bucéphale est le cheval d’Alexandre le Grand. Nous gardons l’orthographe (sans ‘e’ final) afin de maintenir le mètre.
[530] qui fume, sous l’effet de la transpiration.
[531] observez, considérez attentivement.
[532] foule.
[533] désire.
[534] vous trouvez.
[535] en.
[536] faveur.
[537] cf. v. 433.
[538] Fortunie et Pistion quittent la scène. Le Chœur entre en scène.
[539] en révolte.
[540] « Si Cupidon qui tout nu » dans l’édition de 1611. Le vers de l’édition de 1603 semble erroné car il ne contient que six syllabes au lieu de sept.
[541] Le Chœur quitte la scène.
[542] Le Héraut, Fortunie, Acoubar et Pistion (déguisé en habits « sauvages ») entrent en scène. Le jeu de bague terminé, Pistion a déjà gagné lorsque la scène commence. La scène est sans doute le campement de Castio de l’acte II.
[543] soldats, cf. v. 223.
[544] agile, adroit.
[545] mais plutôt.
[546] frappés de stupeur.
[547] partisan.
[548] Nous gardons l’apocope afin de maintenir le mètre.
[549] calme, tranquille.
[550] bavarde.
[551] auparavant.
[552] mais.
[553] jusqu’au dernier.
[554] soldats, cf. v. 223.
[555] plie bagage.
[556] Fortunie donne le diamant à Acoubar, qui le donne à Pistion.
[557] Pistion et le Héraut quittent la scène.
[558] certain.
[559] Orgueilleux.
[560] épancher, verser.
[561] chagrin, tourment.
[562] vite.
[563] ne suis-je pas.
[564] Acoubar quitte la scène.
[565] seule sur scène.
[566] « s'en » dans le texte. Nous corrigeons.
[567] dépend.
[568] Dans l’édition de 1603, il est écrit : « Ne pend plus que de toi. Pist. Ie te prie ».
[569] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’ final) afin de maintenir la rime avec « homme ».
[570] Rodomont est un personnage courageux dans le Roland furieux de L’Arioste.
[571] cf. note v. 434.
[572] Fortunie quitte la scène. Pistion entre à nouveau en scène, toujours déguisé en « sauvage », dans un lieu retiré du bois.
[573] seul.
[574] sommets d’une montagne.
[575] fui à nouveau ; selon R. Arbour, ce mot veut dire « évité, abandonné ».
[576] Une référence au « doux zéphyr » qui « rapporte [l]a voix » de Fortunie jusqu’à Pistion (v. 1452).
[577] dise. Nous maintenons cette conjugaison archaïque pour la rime et le compte syllabique.
[578] vers.
[579] Ixion, après avoir été sauvé de sa folie par Zeus (voir v. 768), fut invité sur l’Olympe où il s’efforce d’abuser de Héra, la femme de celui-ci. Zeus, enragé, crée une nuée (du nom de Néphélé) qui ressemble à son épouse. Ixion, crédule, prend cette nuée pour Héra et la viole. Zeus les prend sur le fait, et de cette union est né Centaure.
[580] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’ final) afin de maintenir le mètre.
[581] avec, cf. v. 530.
[582] Le substantif « couple » peut être féminin ou masculin à cette époque.
[583] appréhender de.
[584] trahir.
[585] entreprise, ici attaque.
[586] Proserpine est la déesse des saisons. La mythologie grecque raconte qu’elle a été enlevée par Pluton, dieu des Enfers qui l’a ensuite épousée. Un accord aurait été conclu avec celui-ci afin qu’elle puisse retourner avec sa famille certaines périodes de l’année. Ainsi, elle passe six mois aux Enfers (ce qui symbolise notre automne et notre hiver) puis six mois avec sa mère (ce qui correspond à nos printemps et été).
[587] cf. v. 492.
[588] Il s’agit d’Adonis, le dieu de la beauté et du désir. C’était l’amant de Vénus (Aphrodite), déesse de l’amour. Selon Ovide, il fut tué par un sanglier envoyé de Diane (Artémis).
[589] vêtu en sauvage.
[590] finir, achever.
[591] Acoubar entre en scène.
[592] meures. Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’ final) afin de maintenir la rime avec « heure ».
[593] Donne.
[594] Une virgule à la fin du vers dans l’édition originale ; nous corrigeons.
[595] Pistion fait semblant de ne pas reconnaître Acoubar, ce qui lui permet de l’insulter en le tutoyant.
[596] que je m’approche.
[597] Que je n’aie ; la négation est omise.
[598] L’île où Vénus était vénérée ; ici, une référence à l’amour.
[599] Pistion frappe Acoubar.
[600] Une virgule à la fin du vers dans l’édition originale ; nous corrigeons.
[601] Une virgule après « cede » dans le texte ; nous corrigeons.
[602] Nous gardons l’apocope afin de maintenir le mètre.
[603] obligée.
[604] rival.
[605] cf. v. 166.
[606] vite.
[607] séduisant, ensorcelant.
[608] tromper.
[609] jamais.
[610] amertume passagère éprouvée par l’amant(e) déçu(e).
[611] Les sirènes sont des créatures de la mer qui, en chantant doucement, attirent les marins qui passent et leur font naufrager à cause des rochers près desquels elles vivent.
[612] Une virgule après « accuser » dans le texte ; nous corrigeons.
[613] esquiver le coup.
[614] Avec la didascalie « mourant » ajoutée à la prochaine et dernière réplique d’Acoubar, il se peut que Pistion le frappe encore.
[615] cf. v. 1580.
[616] Acoubar expire. Soit Pistion reste sur la scène pendant que le Chœur entre en scène, soit il quitte la scène brièvement pour revenir prononcer son dernier monologue.
[617] cf. v. 314.
[618] propre à l’amour.
[619] écoutons.
[620] Soit le Chœur reste sur scène, soit il la quitte afin que Pistion déclame seul sur scène son dernier monologue pour clore la pièce.
[621] appréhension.
[622] Le mot « gens » peut être un substantif féminin ou masculin à cette époque.
[623] Cette référence au lion renvoie à la crainte d’Acoubar d’être abandonné par ses soldats dans la forêt (v. 1093).