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Acoubar
- Edition de Michael Meere
- Transcription, Modernisation et Annotation : Michael Meere
- Encodage : Nina Hugot
- Relecture du XML : Milène Mallevays
- Relecture : Nina Hugot et Michael Meere
TRAGEDIETRAGÉDIE :
TireeTirée des Amours de Pistion, et
Fortunie, en leur voyage
deau Canada.
Par MaistreMaître Jacques du Hamel AdvocatAvocat en la
cour de Parlement.
À Monsieur de Thiron.
À ROUEN,
DE L’IMPRIMEUR
Chez Raphaël du Petit Val,
Libraire et Imprimeur du RoyRoi,
devant la grand’grande porte du Palais.
1603.
Avec PrivilegePrivilège du RoyRoi.
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À
MESSIRE PHILIP-
pesPEDes-PortesDesportes, Conseiller du
RoyRoi, en ses Conseils d’EstatÉtat
et privé, Abbé de Thiron,
et Bon-portBonport. 1
MONSIEUR, Les rayons de vostrevotre grande renommeerenommée qui éclaire pour le jourdhuyjour d’hui 2 les plus beaux esprits de la France redevable à vos vertus, au lieu de servir de Phare à mon esprit pour le conduire en la nuictnuit de son ignorance, sembleroyentsembleraient avoir aveuglé les yeux de mon ameâme pour rendre ma cognoissanceconnaissance oublieuse, et la fidelitéfidélité de mon service, que je vous dediedédie, aucunement 3 desloyaledéloyale : si le commun hommage que
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chacun vous rend, ne m’incitoitincitait aà revererrevérer vos meritesmérites avec tant d’autres que les publianspubliant s’eternisentéternisent par eux 4 : veuvu que mesmemême une obligation particuliereparticulière force mon devoir à l’obeissanceobéissance que je desiredésire rendre volontiers à vos commandemenscommandements 5 , qui estansétant dignes non d’un plus fidellefidèle (car ambitieux de cet honneur, je ne le voudroisvoudrais cedercéder à personne) mais d’un plus grand et mieux capable que moymoi : font (sans neantmoinsnéanmoins prendre congé d’eux) que je me retire cestecette fois au Parnasse de vostrevotre faveur, pour obtenir de vos Musesmuses Françoisesfrançaises, et mignardes 6 un passeport aà la mienne grossieregrossière, qui venant des islesîles dedu Canada 7 où elle a chargé le sujet de son ouvrage, demeureroitdemeurerait au port d’un eterneléternel silence, comme estrangereétrangère, et impolie 8 (qualitezqualités qui la rendent de soysoi mal commode au trafic 9 ) si l’affection du tesmoignagetémoignage de mon humble desirdésir, ne l’eusteût tireetirée du navire de ma crainte, flottant de 10 long tempslongtemps dans les vagues d’une doute 11 irresolueirrésolue, pour vous l’offrir revestuerevêtue du manteau de vostrevotre excellence, et l’envoyer aux autres asseu-assur
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reerée de vostrevotre authoritéautorité qui luylui ayant fait prendre terre, la recevra, comme j’espereespère entre ses bras, et la conduira heureusement au reste de son voyage auquel 12 elle desiredésire faire paroistreparaître à tout le monde, que je suis à jamais,
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ARGUMENT.
Acoubar Royroi de GuylanGuilan 13 avoitavait deux ans entiers respiré 14 la venue de Fortunie, et soupiré son absence, quand pour éclarciréclaircir sa doute 15 , il consulta la science des Magiciensmagiciens de son pays, qui ayansayant aprisappris des hurlemenshurlements de leurs demonsdémons forcezforcés 16 , ce qu’il n’avoyentavaient peupu sçavoirsavoir du raportrapport d’aucunes 17 personnes libres, luylui firent entendre 18 , qu’Acoumat 19 qui estoitétait celuycelui qu’il avoitavait envoyé vers le Royroi d’Astracan 20 , pour l’asseurerassurer du desirdésir de son alliance, et de la foyfoi qu’il avoitavait donneedonnée à l’Infanteinfante sa fille, au lieu de l’amener fidelementfidèlement, l’avoitavait ravie de force, et conduitconduite en une terre estrangereétrangère où Mars 21 et Venus 22 (autant contraires qu’il sont aux autres pour le jourd’huyhui 23 , comme jadis honteux en soy-mesmesoi-même par la surprise de VulcanVulcain 24 estoyentétaient beninsbénins 25 et
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favorables : lequel oracle plus douteux que certain, apresaprès avoir estéété resolurésolu entendre les Islesîles dedu Canada, fit prendre à ce Princeprince une route plus agiteeagitée de flots, que conduite de zephirszéphyrs 26 , et moins assisteeassistée d’heur 27 , qu’enfleeenflée d’esperanceespérance. Car abordé qu’il fustfût apresaprès un naufrage tresgrandtrès grand au milieu de son voyage, et apresaprès la perte d’une bataille navallenavale, ou plustostplutôt d’une surprise que firent les Sauvagessauvages de ce pays, conduits de leur Royroi Castio, et assistezassistés d’un jeune Seigneurseigneur Françoisfrançais nommé Pistion, qui avoitavait depuis peu occupé la place des amours de Fortunie vacante de 28 long tempslongtemps, cuidant 29 avoir gagné un Royaumeroyaume nouveau, il perdit le sien, esperantespérant donner la liberté à une qui ne la vouloitvoulait plus recevoir de sa main, il se mistmit en servage 30 , et pensant osterôter la vie à son ennemyennemi, il se donna la mort par sa creancecréance 31 . Car apresaprès tous les essais qu’il avoitavait tenteztentés pour aborder de force, voyant que le feu de son courage, ne produisoitproduisait qu’une fumeefumée de vanité, et que les Sauvagessauvages qui tenoienttenaient le port estoyentétaient plus asseurezassurés de leur deffendéfen-
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cese, que luylui puissant pour les assaillir : Il obtint de ses Magiciensmagiciens, de l’enchantement desquels il se servoitservait, à defautdéfaut de secours plus certain, et combien qu’il eusteut jà 32 cognuconnu leur mensonge, et esprouvééprouvé la tromperie de leurs démons, un nuage grossier qui voilant le soleil, de son obscurité, et empeschantempêchant les yeux de l’ennemyennemi de pouvoir descouvrirdécouvrir la surprise, luylui permistpermit de faire descendre ses gendarmes 33 en seuretésûreté, et de les conduire sans soupçon, jusqu’aux barricades de Castio, qui se voyant assailli, et ne sçachantsachant de quel costecôté l’ambuscadeembuscade estoitétait faite, au lieu de se joindre aux siens se jettajeta dans les troupes d’Acoubar, qui ayansayant remarqué entre tant de rustiques 34 sauvages, quelque especeespèce de majesté plus grande en cestuy-cicelui-ci, se jetterentjetèrent sur luylui poussezpoussés d’une commune ambition de son desastredésastre 35 , qui faisoitfaisait tomber quand et 36 soysoi la ruyneruine de tout son peuple, dont les uns se sauverentsauvèrent pour trainertraîner plus long tempslongtemps leur servage, les autres se ralierentrallièrent à Pistion, resolusrésolus de perdre la vie en ce jour mesmemême qu’ils devoyentdevaient per-
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dre la liberté. Acoubar jà victorieux de la mort de leur Royroi, se promistpromit de triompher bien tostbientôt de la desroutedéroute de ceux qui voulansvoulant rejoindre nouvelles forces, n’avoyentavaient ni le temps ni l’addresseadresse, veuvu que leur chef Françoisfrançais estoitétait mieux suivysuivi qu’entendu de ces estrangersétrangers, et plus contemplé en ses beaux faits d’armes par ces nouveaux aprentisapprentis, que secondé en sa valeur, qui remporta à Fortunie jà certaine de la mort de Castio, mais douteuse de la sienne, les marques de sa promesse, qu’elle aima mieux graver dans son cœur que de les voir sanglantes sur son chef 37 . Le remederemède fustfut prompt, ne voulant contempler un corps blessé, et luylui nier 38 son aide, elle qui pouvoitpouvait guarirguérir d’une seule œillade les amesâmes plus 39 offenceesoffensées. Il tient donc maintenant et son heur et sa vie de sa dame, puis quepuisque ses desirsdésirs furent n’agueresnaguère favorisezfavorisés de sa gracegrâce 40 , et son corps presentementprésentement garentigaranti de la mort : mais Acoubar qui estoitétait parti de si loin pour esteindreéteindre ses flamesflammes, arrivant peu apresaprès à elle, au lieu de trouver un
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ruisseau de pitié, qui le rafreschisserafraîchisse, il se plonge dans une fournaise de feintes, et de cruautezcruautés 41 qui le consume, recevant un cauterecautère 42 sans le sentir, lors qu’il succesuce les baisers de celle qui le trahit meschammentméchamment en son cœur, folastrantfolâtrant mignardement presprès de sa bouche. Ces premierespremières delicesdélices (commencement d’un poison plus dangereux) durerentdurèrent peu cestecette fois, à cause des nouvelles que qu’Ergaste l’un de ses gens, luylui apporta que son armeearmée se débandoitdébandait 43 si sa presenceprésence ne venoitvenait arresterarrêter leur fuite qui recouroitrecourait aux vaisseaux pour le bruit qui estoitétait de sa mort. La partie fustfut facile à remettre de la part de Fortunie, plus facheusefâcheuse de celle d’Acoubar, toutefois agreableagréable, puis quepuisque le salut de tant de monde, le r’apeloitrappelait de la jouissance de si peu de plaisirs. Les soldats qui auparavant trembloyenttremblaient de peur furent tellement r’asseurezrassurés voyansvoyant leur Royroi en vie qu’ils n’aspirent plus qu’aà le suyvresuivre quelque part qu’il s’achemine. CesteCette commune allegresseallégresse en causa une plus grande, car chacun fustfut d’avis de s’exercer en quelque honnestehonnête exerci-
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ce et de luiterlutter 44 doresnavantdorénavant pour l’honneur, eux qui avoyentavaient n’aguerenaguère si bien combatucombattu pour la victoire. Le Royroi trouva bon d’obeirobéir à leur envie, et voulant recognoistrereconnaître la fidelitéfidélité de ses gens, et honorer la veuëvue de sa Fortunie, commanda qu’on apprestastapprêtât une carrierecarrière 45 pour au lendemain courre 46 la bague 47 . Tout fustfut prestprêt à l’instant, veuvu qu’à grand peine la centiesmecentième partie de ceux qui desiroyentdésiraient cestecette journeejournée peurentpurent mettre la main à l’ouvrage, qu’ils estimoyentestimaient (chacun pour son regard 48 ) ne pouvoir estreêtre assez beau et commode, s’ils n’y employoyentemployaient 49 leur industrie 50 , autant prompte que belle. Le HerautHéraut qui publia la joustejoute, la fistfit premierementpremièrement sçavoirsavoir à Fortunie qui ne demandoitdemandait que celle de Pistion : toutefois elle vouloitvoulait assister à l’une et l’autre, et pour avoir entre tant de gensd’armesgendarmes dont la presenceprésence aussi bien que l’arriveearrivée luylui estoitétait tréfacheusetrès fâcheuse, un objet sur lequel elle peustput dresser 51 la faveur de ses yeux, elle revestitrevêtit Pistion d’un accoustrementaccoutrement 52 de Sauvagesauvage, sous la couverture 53 duquel il entre dans
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la carrierecarrière, et sçeutsut aussi bien mettre dans leur bague, comme il avoitavait fait dans celle de sa Maistressemaîtresse : le prix luylui estantétant deudû aussi tosttôt que 54 l’honneur, il va recevoir le joyau des mains de sa Damedame, et se retire sans parler dans une forestforêt trestrès obscure suyvantsuivant le commandement de Fortunie, qui feignant de regretter le diamant qu’elle avoitavait donné à ce Sauvagesauvage, anima Acoubar de le poursuyvrepoursuivre, et de luylui ravir si faire se pouvoitpouvait, le presentprésent qu’elle croyoitcroyait et l’avoitavait ainsi desirédésiré luylui estreêtre bien acquis, esperantespérant qu’il ne retourneroitretournerait 55 jamais de cestecette fuite. Acoubar qui avoitavait esteété eslevéélevé 56 de son Royaumeroyaume par la violence de son amour, ne voulut demeurer plus long tempslongtemps apresaprès le commandement de sa Damedame, mais partit incontinent 57 pour le trouver, ce qu’ayant fait en peu d’heure il se vistvit tout soudain par l’assaut de Pistion privé à tout jamais des yeux de son infidelleinfidèle, qui trahissant sa loyauté par cestecette feinte, envoya le Sauvagesauvage deguisédéguisé en la paisible possession de ses amours qui rendent 58 par cestecette mort
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la cruelle Catastrophecatastrophe 59 de cestecette Tragedietragédie, dont le sujet est traité avec une representationreprésentation plus naturelle, un discours plus polypoli, et une suite plus ample par le Sieursieur du Perier en ses amours de Pistion et Fortunie 60 .
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ACTEURS.
Acoubar RoyRoi de GuylanGuilan. Le Magicien. Fortunie Infante d’Astracan. Pistion Cavalier Françoisfrançais. Castio RoyRoi dedu Canada. Les Sauvages. Les GensdarmesGendarmes d’Acoubar. Ergaste Gentilhomme d’Acoubar. Le HerautHéraut d’Acoubar. Choeur--- 15 ---
LA LOYAUTELOYAUTÉ TRAHIE, TRAGEDIETRAGÉDIE.
ACTE PREMIER.
Acoubar. 61
SAuvage, que te sert de refuser tes portes
Non jamais assiegeesassiégées à 62 mes fieresfières cohortes ?
Qui plustostplutôt derechef 63 retarderont les eaux
De leurs corps renversezrenversés que rentrer aux vaisseaux
5Je resterayresterai pied coycoi 64 jusqu’à tant que l’armeearmée
AyeAie 65 dedu Canada remporté le tropheetrophée.
PlustostPlutôt tout creveracrèvera que vainqueur dessus eux
Je ne bastissebâtisse icyici un saint temple à mes dieux.
Je sçaysais bien que le sort d’une inique fortune 66
10FustFut n’aguerenaguère pour toytoi, mais si elle est commune,
Et si l’estatétat humain se manie 67 en changeant,
Peuple, qui que tu sois je t’en ferayferai autant,
CeluyCelui n’est pas vainqueur qui pourchasse la gloire
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D’un combat commencé sans la tenir encore 68 .
15Mais celuycelui peut deux fois se joindre à l’ennemyennemi
Qui luylui monstramontra 69 le dos surmonté aà demydemi.
Ne t’orgueilly point 70 donc race non aguerrie
D’avoir encommencé 71 une telle tuerie 72 .
Je m’en ressentirayressentirai 73 pour venger tant de corps
20PasturePâture des poissons qui n’agueresnaguère sont morts
ParmyParmi les flots marins aux ondes infidellesinfidèles,
PoursuyvisPoursuivis impareils 74 de vos flechesflèches bourrelles 75 .
Ainsi comme l’on voit trois lyonslions affamezaffamés
EspouvanterÉpouvanter affreux autant d’enfansenfants pasmezpâmés,
25Qui cuidanscuidant 76 échaperéchapper par leur fuite legerelégère 77
Demeurent sans mouvoir mesmemême dans la carrierecarrière.
Ou ainsi que souvent en la froide saison,
Quand les nuaux 78 obscurs brouillent nostrenotre horisonhorizon,
Et que pour menacer les geansgéants de la terre
30Jupiter 79 fait au ciel retentir son tonnerre,
Le Laboureurlaboureur en vain taschetâche d’aller devant
La greslegrêle qui le suit legerelégère 80 comme vent,
Il redouble ses pas, il se met hors d’aleinehaleine,
Encore est-il surpris au milieu de la plaine.
35Lors 81 il change conseil 82 , et voyant qu’il ne peut
Aller sec au logis, puis quepuisque desjadéjà il pleut,
Il cherche les buissons pour s’il ne peut sa testetête
Au moins sauver son dos du coup de la tempestetempête,
Mais le flot pluvieux qui par l’ærair va bruyant
40Ne pardonne non plus à son dos qu’au devant :
L’orage estantétant passé, il ne juge partie
Qui ait peupu échaperéchapper les froideurs de la pluyepluie.
Mon courage pareil avoitavait malgré le sort
Entrepris d’amener mes vaisseaux en ce port.
45Les voiles mis au vent et l’ancre retireeretirée
AnimerentAnimèrent deslors 83 le furieux NeréeNérée 84
Et deslors 85 l’aperceuaperçu presageprésage du meschefméchef 86 ,
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Un orage cruel tournoyer sur mon chef.
Les ZephirsZéphyrs 87 (crevecœurcrève-cœur de mes plaintes tardives)
50Me rappelloyentrappelaient fuyard au sable de leurs rives.
DeslorsDès lors que je quittayquittai pour me rendre aux plus gransgrands
Cent mille fois maudits le respir 88 de leurs vensvents.
La vengeance des dieux enceinte de colerecolère
(Ainsi que je le croycrois) ne me pardonna guereguère,
55Car d’un vomissement elle jette sur moymoi,
Et les miens innocensinnocents de la coulpe 89 du Royroi :
(Car ils n’offençoyentoffensaient point en faisant leur office 90 )
Leur venin marqueté de haine et de justice.
Tout se bande 91 mutin 92 contre un qui ne veut rien,
60N’est-ce pas la raison, que recouvrer son bien ?
Mon dessein n’estoitétait autre : autre chose ne prie
Les Dieuxdieux que de me rendre à 93 toytoi ma Fortunie.
NeantmoinsNéanmoins au milieu de ma route j’ayai veuvu,
Mais ore 94 qu’ainsi soit, puis qupuisqu’ainsi vous a pleuplu,
65Tant de braves soldats de ma GuylanGuilan fecondeféconde
Par l’assaut de vos vents ensevelis dans l’onde.
QuoyQuoi ? vous avez cruels vomyvomi vostrevotre courroux
Contre un Royroi innocent, et vous vous dites doux.
Je croiraycroirai desormaisdésormais voyant telle injustice
70Qu’au ciel non plus qu’icyici ne regnerègne de justice :
Et apresaprès que l’AstreeAstrée 95 eut quitéquitté ces bas lieux
Qu’on luylui ferma 96 la porte, et l’entreeentrée des cieux.
Vous qui par tant de fois promistespromîtes debonnairesdébonnaires 97 ,
Que vous seriez des Roisrois gardiens tutelairestutélaires.
75Or 98 ne vous souvient plus contre moymoi irritezirrités
De rendre aux meffaisansmalfaisants 99 leurs peines meritezmérité’s.
Que si : mais je ne veux : non, je l’oserayoserai dire,
Vous ne destournezdétournez point de ma testetête vostrevotre ire 100 :
Je proteste 101 , ennemyennemi, des plus grands immortels
80RazerRaser à mon retour le pied de vos autels.
Il ne restera rien chez moymoi de la memoiremémoire
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De ces gransgrands Citadinscitadins envieux de ma gloire.
C’est affaire aux coüardscouards de n’oser soucieux
S’attaquer offencezoffensés à la troupe des Dieuxdieux :
85Comme ces fiers Geansgéants pareils à un Colossecolosse
Qui vouloyentvoulaient couronner Olympe du mont Osse 102 ,
Je les aborderayaborderais quand un foudre venteux
DevroitDevrait choir sur mon chef 103 comme jadis sur eux
Le tonnerre grondant qui cassa la cervelle
90De ces mutins, voulansvoulant mettre Dieu en tutelle.
Que me peut-il rester davantage, pervers 104
Que ce ravissement 105 regretté de mes vers,
DeploréDéploré de mes cris, ondoyant de mes larmes
Et bagnébaigné dans le sang du sort de mes vacarmes 106 ? 107
95MiserableMisérable Acoubar le plus funeste sort,
C’est en voulant mourir de ne trouver la mort.
Le rigoureux cizeauciseau dont la parque 108 menace
Les guerriers n’espouvanteépouvante aucunement ta face 109 .
Si fortune douteuse accompagne tes veuxvœux
100Vivant, ô triste Royroi, tu seras trop heureux :
Si comme elle a estéété : elle t’est adversaire,
Et tu meurs au combat ta peine est bien legerelégère.
Car c’est un doux trespastrépas : en perdant ses amours
D’en perdre le desirdésir, et la flameflamme des jours.
105Que fais tufais-tu donc icyici ? obeyObéis à l’envie
De ton ameâme qui veut courir à 110 Fortunie.
Haste toyHâte-toi donc, et si quelque amour est en toytoi.
FayFais paroistreparaître les feux d’une loyalleloyale foyfoi.
DepescheDépêche vitement 111 : une chose remise
110Ne succedesuccède 112 souvent au desirdésir de la prise.
Tu as estéété vaincu, repoussé mis à bas :
Et tu n’oseoses poltron relever les combats.
Que dira Fortunie ? helasHélas ! queQue dira elledira-t-elle?
Que tu n’ose 113 aborder une terre nouvelle ?
115Elle soupçonnera que c’est pour se venger,
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Qu’Acoubar hazardoithasardait 114 ses vaisseaux au 115 danger :
Non point pour la ravir durement asservie
Au traistretraître qui l’avoitavait de son maistremaître ravie.
Ses premierespremières amours 116 qui respiroyentrespiraient 117 à toytoi
120Douteront desormaisdésormais du serment de ta foyfoi.
L’arbrisseau une fois ployé de sa torture 118
N’est facile à dresser 119 quand l’escorceécorce en est dure.
Je luylui satisferaysatisferai avant que ces esprits
AgitezAgités de l’orage ayentaient ce soupçon pris,
125Mais quoyquoi ? jJ’ose beaucoup. Las ! queQue pourraypourrai-je faire,
Si la terre, le Ciel, et la mer m’est contraire ?
AmeÂme de mes amours, helashélas ! pardonnePardonne-moymoi,
Si comme je voudroisvoudrais, je ne cours point à 120 toytoi
Le chemin m’est bouché et la porte fermeefermée,
130Le hazardhasard 121 ennemyennemi, la fortune esprouveeéprouvée.
Entre tant de desirsdésirs : et si peu de moyens
Seulement je recours à nos Magiciensmagiciens. 122
En voicyvoici un venir, ainsi que je presageprésage
ResoluRésolu de mourir quoyquoi qu’il soit le passage,
135C’est le dernier essayessai, entre mille travaux 123
Qu’il me faut pratiquer pour sortir des vaisseaux.
Mes troupes dont le cœur, la valeur et l’audace
MaugreeMaugréent 124 despitantdépitant 125 le port de cestecette place
Qui leur est deffenduedéfendue : ainsi qu’un haut fossé
140ArresteArrête le cheval de son maistremaître poussé.
Car avec peu de gens j’ayai descendu à terre
Lassé trois jours entiers d’une navale guerre.
Ma bouche respiroitrespirait les broüillarsbrouillards de la mort,
Si je n’eusse soudain mis le pied en ce port.
145Mais d’aller plus avant, et de passer ces roches,
Castio, et ses gens sont campezcampés icyici proches,
Ils tiennent l’avenue, et la gardent si bien,
Que pour les aborder je ne contemple rien.
Ces horribles coupeaux incongnusinconnus et estrangesétranges 126
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150EspouvantentÉpouvantent à voir mes plus braves phalanges 127 .
Nul gendarme 128 tant fier qu’il soit et courageux,
N’oseroitoserait seulement se descouvrirdécouvrir à eux.
Vous sçavezsavez cestecette nuictnuit quantquand gendarmes indices 129
ParessoyentParessaient au sommet de ces hauts precipicesprécipices.
155J’en frissonne de peur, non de peur : car jamais
Ma valeur ne trembla pour un si peu d’objets :
Mais de despitdépit 130 , de rage, et d’ire forceneeforcenée 131
De ne pouvoir contre-eux aprocherapprocher mon armeearmée.
Le Magicien.
Ayant peupu commander aux demonsdémons qui à coup 132
160S’aprochentapprochent de mes cris et me revelentrévèlent tout.
Et ayant tant de fois fait rebrosserrebrousser farouche
Le Soleilsoleil au repos de sa nuitierenuitière 133 couche.
Fait jaunir son visage et ses rayons couvert
De blanc, de noir, de rouge, entremeslezentremêlés de verdvert,
165Commandé (obeyobéi des animaux barbares)
À Pluton 134 , à Minos 135 , aux spectres 136 , et aux lares 137 ,
CongnuConnu ce que les ans avoyentavaient jà 138 fait passer
Et preveuprévu le destin que l’on a peupu penser
Au conseil plus secret de la bande celestecéleste,
170Autant qu’elle fustfut onc 139 mon aide sera preste 140
À tes chastes desirsdésirs, flamesflammes d’un vrayvrai espouxépoux,
Et te serayserai beninbénin 141 puis quepuisque tu crois à nous.
Acoubar.
Tu sçaissais bien pour avoir d’un esprit trop volage
ObeyObéi à ta voix : que j’ayai fait un naufrage
175De gens et de vaisseaux : si horrible et nombreux
Qu’ils espouvanterontépouvanteront le nauchernocher 142 tenebreuxténébreux
Fuitif 143 dans sa nacelle 144 , agiteeagitée de rames,
Pour se sauver peureux de cestecette troupe d’amesâmes.
NeantmoinsNéanmoins essayant le reste encorencore un coup.
180HardyHardi, je te suyvraysuivrai et employerayemploierai tout.
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Le Magicien.
Prince, ne doute point, j’ayai la Lunelune changeechangée
En cent mille façons semblable à un ProtheeProtée 145 .
J’ayai retenu le cours de Titan dans les cieux,
Et l’ayai fait estonnerétonner 146 tremblant sur les essieux
185De son char embourbé que plus le cheval pense
Emporter de roideur, moins alors il avance 147 .
Ainsi que la Remoreremore 148 attarde sous les eaux,
De sa dent affileeaffilée un monde de vaisseaux
Qui agitezagités du vent qui s’irrite et tempestetempête
190Ne destientdétient pourtant l’arrestarrêt qui les arrestearrête :
Ce petit animal est plus brave chez soysoi
Que les flots debatansdébattant 149 la force de leur Royroi.
Acoubar.
Ces faits sont incognusinconnus en la terre où nous sommes,
Sinon à vos esprits les deitesdéités des hommes.
Le Magicien.
195Ces demonsdémons infernaux, privezprivés du tout amour
Qui me dirent le lieu, la place, le sejourséjour,
Le polepôle, le pays, ouoù erroiterrait Fortunie
Tant ils furent forcezforcés 150 du sort de ma magie,
Ces mesmesmêmes aujourd’huyaujourd’hui, aujourd’huyaujourd’hui que je veux
200EstendreÉtendre mon pouvoir (si aucun j’ayai sur eux 151 )
Conjureront 152 mutins pour se monstrermontrer fidelesfidèles
Au serment que j’en ayai encontre 153 ces rebelles.
Et ne veux pas qu’aucun 154 averti du haut ton
De ma voix paresseux demeure chez Pluton 155 .
205Sus 156 qu’ils accourent tosttôt : cependant 157 je vous prie
De ranger promptement vostrevotre gendarmerie 158 .
Acoubar.
Quels scadrons 159 les premiers marcherons ? queQue veux-tu ?
Que je range des flots traitrement 160 combatucombattu ?
Engagé dans les eaux, dessus l’onde marine
210Fay-luyFais-lui donc un passage, afin qu’elle chemine.
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Ou si quelque puissance est cacheecachée en tes vers,
FayFais que Neptun 161 se fende, et ses flots soyentsoient ouversouverts.
Tu rengregerengrèges 162 ma playeplaie, et la rensrends plus horrible.
Peu profite en malheur de bailler 163 l’impossible.
215Ce qui plus me retarde en ce port, sçaysais-tu pas
Que c’est pour ne pouvoir mettre mes gens à bas !
Ils ont prou 164 de valeur, d’hardiesse et courage :
Mais quoyquoi ? queQue feront-ils au bord de ce rivage ? 165
DequoyDe quoi me servira de voir un nombre grand
220S’il luylui est deffendudéfendu de passer plus avant ?
Si comme un Hannibal encorencore il falloitfallait fendre 166
Les Alpes 167 j’oseroisoserais sans doute l’entreprendre.
Mais mon ambition engageant mes soldars 168
TrouveroitTrouverait en ces rocs de plus fermes ramparsremparts,
225Inhumaine rigueur de voir que Fortunie,
Puisse moins s’aborder que la grande Italie.
Quels destroitsdétroits ? quelsQuels desertsdéserts ? quelsQuels hazardshasards sont autour
Du bien que l’on desiredésire au combat de l’amour ?
Les vaisseaux aux rochers s’aprochentapprochent par les rames
230Les Princesprinces en aimant se reculent des Damesdames.
Le cheval furieux, qui martellemartèle de coups
La terre, ayant le frein, en chemine plus doux.
Une femme agreableagréable autant comme elle est belle
AdoreeAdorée qu’elle est en devient plus cruelle.
235L’orgueilleuse beauté dedagneusedédaigneuse d’amours,
Se flechitfléchit seulement plus humaine aux vieux jours.
Donc je t’accuse amie et cent fois je t’accuse,
Que tu n’accours à 169 moymoi, t’eschapantéchappant d’une ruse :
DesjaDéjà j’ayai fait pour toytoi, ce que je n’eusse pas
240Pour mon perepère vivant s’il estoitétait icyici bas.
Les ZephirsZéphyrs messagers de ma flameflamme impareille 170
Ont jà de ma venue assourdi ton oreille :
Et tu demeure 171 encorencore, ô fille d’Astracan 172
NegligenteNégligente de voir le Princeprince de GuylanGuilan 173
--- 23 ---
245Ton espouxépoux tresloyaltrès loyal, et à qui la nature
T’obligeoitobligeait sans le fait d’un desloyaldéloyal parjure.
Le Magicien.
Retenez ces regrets tant que 174 nous ayons veuvu,
Si mon enchantement quelque chose aura peupu.
Je m’en vayvais conjurer sans tarder davantage
250Mes demonsdémons de couvrir d’un obscurci nuage
Ces costescôtes de la mer, pour pressant leur réveil
Les surprendre chacun enchantezenchantés de sommeil,
Ou si les yeux ont jà surhaussé leur paupierepaupière,
Qu’ils cherchent sans y voir de PhebusPhébus 175 la lumierelumière.
255Nos soldats qui ont bien remarqué le sejourséjour,
Les environneront cependant à l’entour
Les presseront de presprès là où ils puissent estreêtre,
Et chargeront dessus sans y rien recognoistrereconnaître.
Acoubar.
Or soit à la bonne heure.
Le Magicien.
Allez tosttôt, et que tous
260S’aprestentapprêtent bien armezarmés de force et de courroux
Pour la testetête baisseebaissée aprocherapprocher ces sauvages,
Qui nous peussentpussent tenir long tempslongtemps en ces rivages,
Et honteux nous causer de reprendre en commun,
Le chemin trop divers des ondes de Neptun 176 .
Acoubar.
265Que si Mars quelque peu nos prieresprières écoute,
Favorisant nos vœux les voilavoilà en desroutedéroute.
Le Magicien.
Cependant mes demonsdémons, mes ombres, mes esprits
AcourezAccourez seconder mes desseins entrepris,
Par ces mains qui vous ont immolé tant d’offrandes
270Je vous evoqueévoque tous des infernallesinfernales bandes :
Et tous je vous appelle à mille et milliers
Pour debatredébattre l’honneur qui viendra des premiers.
--- 24 ---
J’entensentends un tintamarre : ils viennent, sus qu’en tonne
Ma voix a estéété ouyeouïe, ainsi que je l’ordonne.
275Semez parmyparmi Junon 177 les nuages obscurs
De l’eternelleéternelle nuictnuit enclose dans vos murs. 178
Couvrez-moymoi le Soleilsoleil, bandez 179 -moymoi son visage,
Et que parmyparmi le ciel ne se voyevoie qu’orage.
Qu’un ancien cahoschaos difforme sans compas
280Demeure pour un temps : que le haut soit en bas,
Le feu dessus la terre : et ThetisTéthys 180 releveerelévée
Se joigne à toytoi, òô Phebe 181 ! en ses ondes bagneebaignée.
VoilaVoilà tout comme il faut : au reste que chacun
Se propose de n’estreêtre à mes vœux importun :
285Suyvez-moySuivez-moi compagnons et autour de mes ælesailes.
Gardiens, maintenez des troupes infidelesinfidèles,
Nos soldats combatanscombattant sinon pour vostrevotre foyfoi
Pour obeirobéir au moins au vouloir de son Royroi. 182
LE CHOEUR.
LAs ! combien sont des humains 183
290Les desseins
Et contraires et volages,
Les uns se plaisent aux bois
Mille fois
Plus qu’ils ne font aux rivages.
295Les autres ambitieux
Envieux
Des richesses de ce monde
Les vont cherchanscherchant 184 nuictnuit et jour
À l’entour
300De cestecette machine ronde 185 .
Ne redoutansredoutant en la mer
D’abysmerabîmer
--- 25 ---
NyNi la Charybde 186 neni Scylle 187 ,
NyNi les autres accidensaccidents,
305Qui absensabsents
Ne sont cognusconnus dans la ville.
„Les autres vaincus des traits 188
„Et attraits,
„De la belle Ericienne 189 ,
310„Vont bien souvent egarans 190
„Leurs parens 191 ,
„Et leur Citécité ancienne.
„Car tant que l’ambition,
„Le brandon 192 ,
315„Et le desirdésir des richesses,
„Tant que l’envie d’avoir
„A pouvoir,
„ Les vertus ne sont maistressesmaîtresses.
Et entre tous ces desirsdésirs,
320Les plaisirs
De l’ameâme passionneepassionnée
Sont tous les plus dangereux
Entre ceux
Qui souvent l’ont accableeaccablée.
325Combien fol et esventééventé 193
Mal tenté
Est celuycelui qui se recreerecrée
À tes apasappâts et morceaux,
Les apeaux 194
330Dont nous surprend CythereeCythérée 195 ?
PourveuPourvu que de nos desirsdésirs, 196
--- 26 ---
„Les plaisirs
„Nous suyventsuivent une journeejournée,
„Nous estimons tous les maux
335„InegauxInégaux
„À cette douceur succreesucrée.
„L’amour n’aprehendeappréhende rien
„Et le bien,
„Qu’il poursuit pour peu d’espace 197 ,
340„Ne luylui est trop cher vendu
„S’il l’a eu
„Avant que l’heure s’en passe. 198
ACTE II.
Fortunie.
PIstion tu veux donc, tu as donc cetcette envie
En mourant d’avancer la mort de Fortunie ?
345Tu ne veux donc plus vivre afin que me chassant
Ombre je te seconde 200 au sejourséjour palissantpâlissant ?
Tu respirerespires 201 ma mort en desirantdésirant la tienne
Avançant ta ClotonClotho 202 tu avanceavances la mienne.
En courant au trepastrépas Pistion je veux bien
350T’avertir ce faisant que tu pressepresses le mien.
Dédaignant les rayons de Titan porte-flameflamme 203
Tu mepriseméprises cruel le bonheur de ta dame :
Et te voulant jetterjeter parmyparmi les sers pointus
Des soldats d’Acoubar d’acier revestusrevêtus,
355Ton ambition n’est que vainqueur pour tropheetrophée
--- 27 ---
Triompher de ma mort Princesseprincesse infortuneeinfortunée,
Ou vaincu, quand et toytoi 204 d’une estrangeétrange façon
Au prince de GuylanGuilan me bailler à rançon 205 .
AuroyAurais-tu bien le cœur 206 ? auroyaurais-tu bien l’envie
360De trahir desloyaldéloyal l’honneur de Fortunie ?
Que pense tupenses-tu amyami seulette me laissant ?
Que pensera de toytoi mon esprit palissantpâlissant ?
Et que croiront les Dieuxdieux autheursauteurs de l’hymeneehyménée 207
De te voir nonchalant 208 quitter ta bien aymeebien-aimée ?
365Avant ton departirdépartir 209 pour un dernier adieu
Ne me refuse point d’ensanglanter ce lieu :
Fay moyFais-moi ce bon office : à jamais redevable
J’adorerayadorerai le coup de ton fer pitoyable :
Je t’en scauraysaurai bon grègré, hàha, Pistion croy moycrois-moi
370Que je tiendraytiendrai cela ottageotage 210 de ta foyfoi.
La glace dans mes os me seroitserait bien plus cherechère
Que l’absence de toytoi ma divine lumierelumière.
Tu ne t’estonneétonnes point, tu ne t’apresteapprêtes pas
De roidir contre moymoi la force de ton bras :
375Insensible Caphare : ô roches cent fois dures
VostreVotre plaisir consiste au bruit de mes murmures ! 211
Vous n’estesêtes point esmeuému de mes cris langoureux
Ains 212 semblez qu’aà dessein vous esjouissezéjouissez 213 d’eux.
„Les idoles des Dieuxdieux (estrangeresétrangères merveilles)
380„Quand nous les requeronsrequérons ouvrent bien les aureillesoreilles
Et Pistion dedagnedédaigne orgueilleux seulement
D’escouterécouter mes regrets, chose indigne d’Amantamant.
Pistion.
Belle de qui le dueildeuil m’est cent fois plus contraire
Que mon propre malheur, que ma propre miseremisère :
385Belle dont les souspirssoupirs, les regrets, les sanglots
PenetrentPénètrent violens 214 aux plus creux de mes os :
Belle qui arrousantarrosant de larmes ton visage
Fais flotter mon esprit proche de son naufrage.
--- 28 ---
Belle qui te plombant 215 la poitrine de coups
390Me meurtris 216 , jà navré 217 d’un funeste courroux
Contre mon esprit mesmemême : helashélas mon ameâme toute
Veux-tu qu’à Castio je facefasse banqueroute 218 ?
Ce Castio de qui les soldats aprestezapprêtés
DeffendentDéfendent en mourant nos propres libertezlibertés.
395Veux tuVeux-tu que je le quitequitte ? àÀ qui sa voix plaintive
Se pourra adresser s’il faut que je te suive ?
Quel desordredésordre en son camp ? queQue feront ses soldars 219
Peuple non aguerryaguerri aux traverses de Mars 220 ?
De quel costécôté fuitif 221 sauvera ilsauvera-t-il sa vie
400Si tu veux m’eleverélever 222 , ô cherechère Fortunie ?
Qu’une sainte douleur empareeemparée de toytoi
Te facefasse avoir regret du desastredésastre 223 d’un Royroi.
Son ombre (si le sort sur sa testetête devalledévale)
Se monstreroitmontrerait tousjourstoujours à nos yeux triste paslepâle,
405À jamais une voix pousseepoussée au tourautour de nous
Nous iroitirait menaçant de l’eternel éternel courroux.
Il me semble desjadéjà et desjadéjà je m’apresteapprête
Aux tourmenstourments forcenezforcenés 224 du furieux Oreste 225 .
M’amie permettez (puis quepuisque par son herauthéraut
410Acoubar nous assigne à peine de deffautdéfaut)
Que je marche premier et que par ma vaillance
L’on remarque les traits de la valeur de France.
Canada me requiert de luylui faire ce bien :
„À un peuple afligéaffligé on ne refuse rien.
415Ce sera de l’honneur pour nous parmyparmi ces Islesîles :
Quand apresaprès la victoire on bastirabâtira des villes :
Lors chacun redevable en eslevantélevant ses tours
Gravera le destin de mes chastes amours.
Leurs Louvres somptueux (Royallesroyales entreprises)
420Porteront à l’entour mes armes, et devises.
Fortunie.
Courant à l’incertain tu bastisbâtis sur les eaux :
--- 29 ---
Si tu meurs au combat, adieu Louvres royaux :
Adieu tes beaux palais : adieu l’honneur encore
Que tu vas respirant 226 du vent de la victoire.
425Pense tuPenses-tu, Pistion, empescherempêcher ces soldars 227
Qui ont vescuvécu tousjourstoujours sous les drapeaux de Mars ?
PensePenses-tu repousser par tes sauvages armes
Des plumes empanezempannés 228 un monde de Gendarmesgendarmes
Qui sortiront malgremalgré tes disciples nouveaux
430Du ventre monstrueux d’effroyables vaisseaux,
Et dont le corps brillant vestuvêtu d’une cuiracecuirasse
Promet espouvantableépouvantable une pareille audace
Que jadis le Gregeois 229 empreinte dans le cœur
PortoitPortait, quand du troyenTroyen 230 il demeura vainqueur ?
435Vous 231 n’estesêtes point bastansbattant contre si grande armeearmée.
Pistion
Ma foyfoi est neantmoinsnéanmoins au combat engageeengagée.
Fortunie.
Que pouvez vouspouvez-vous avoir plus precieuxprécieux que moymoi ?
Pistion.
Rien plus 232 que vostrevotre amour hors ma loyalleloyale foyfoi.
Fortunie.
Elle m’est jà acquise, et la tiens 233 la premierepremière.
Pistion.
440Il la faut donc fausser je n’y sçauroysaurais que faire.
Fortunie.
Pour si peu de sujet n’obeirobéir à mes vœux ?
Pistion.
Un desastredésastre commun m’appelle : je ne peux.
Fortunie.
C’est vostrevotre volonté qui vous presse maligne.
Pistion.
Mais c’est le mesmemême sort des Dieuxdieux qui me destine.
Fortunie.
445Les Dieuxdieux ne causent point une desloyautédéloyauté.
--- 30 ---
Pistion.
Je n’en commets aucune : ainçois 234 vostrevotre beauté
Me convie aà ce faire, or serois jeserais-je pas 235 traitretraître
De promettre à un Royroi, et puis n’oser parestreparaître ?
Le blasmeblâme qu’innocent j’endure, croyez moycroyez-moi
450Madame, ce n’est pas pour manquer à ma foyfoi
Si j’esperoyespérais, helashélas, qu’esgarezégarés 236 dans les roches
Nous peussionspussions d’Acoubar eviteréviter les aprochesapproches,
Nous garentirgarantir de luylui, et sortir de ses mains
Je voudroyvoudrais renoncer deslorsdès lors à mes desseins,
455Je quiteroyquitterais le Campcamp pour (sous vostrevotre conduite)
Me ranger asseuréassuré dans une antre petite.
Ce me seroitserait beaucoup de bien en vous suivant
De ne m’hazarderhasarder point au combat plus avant.
Mais s’ils mettent le pied dans cette Isleîle sauvage
460Quel astre nous pourra garentirgarantir de l’orage ?
Tout le sort nous menace : et n’y a pas icyici
Dame, qui plus que vous en doyvedoive avoir soucysouci.
Fortunie.
Or puis quepuisque je ne peux rompre ta fantasiefantaisie,
Adieu mon Pistion.
Pistion.
Adieu ma Fortunie,
465465 Adieu ma toute belle.
Fortunie.
Adieu : et puisse tupuisses-tu
Avoir les Dieuxdieux pour toytoi autant que la vertu. 237
Pistion 238 .
Quand Titan 239 sommeillant dans l’OceanOcéan se plonge,
Et quel ombreux Morphé 240 (divinité du songe)
Vient saisir les cerveaux, les troubler soucieux,
470Confondre pesle-meslepêle-mêle, et renverser les Cieuxcieux :
Quand dis-je les rayons se cachent dans la nue,
La terre n’est point tant que mon ameâme esperdueéperdue
--- 31 ---
Les fleurs qui alterezaltéré's 241 de ses feux ont produit
Au jour mille bouquets se reposent la nuit.
475Les chevaux qui lassezlassés à promener un Coutrecoutre 242
Ont labouré les champs ne passent point plus outre.
L’artisan se retire, et jusqu’au l’endemainlendemain
Donne trévetrêve agreableagréable au travail de sa main.
ToyToi seul (ô pauvre Amantamant) en perdant ta lumierelumière
480Tu demeure 243 esperduéperdu, et ne sçauroissaurais que faire.
HelasHélas te dois-je suivre ? àÀ qui dois-je ranger
Mes armes, et de qui deffendredéfendre le danger ?
Si Castio vivant laisse envahir sa terre,
Nous sommes sans reprise 244 impareils en la guerre :
485Si Fortunie aussi s’esgareégare 245 de mes yeux
Vainqueur je ne pourraypourrai rester victorieux,
Car l’esperantespérant sauver des mains de l’adversaire
Je luylui serayserai moy-mesmemoi-même ennemyennemi et contraire :
Je resterayresterai coulpablecoupable et entre tant de morts
490La sienne causera à mon ameâme un remorsremords
Qui l’ira tenaillant d’une dent non lasseelassée,
Comme on voit le vautour au corps de PrometheeProméthée
Se repaistrerepaître glouton, tousjourstoujours recommençant
Le banquet preparépréparé de son cœur renaissant. 246
495Mais desjadéjà le conseil 247 est pris de cet affaire :
Puis quePuisque je l’ayai voulu il me faudra parfaire,
Tant de belles raisons sont pour me retarder.
„CeluyCelui ne doute rien qui se veut hazarderhasarder.
Il me faut au plustostplus tôt aprocherapprocher des gendarmes
500Pour monstrermontrer valeureux la force de mes armes
À ce peuple estrangerétranger, que je veux soustenirsoutenir
En tant que je pourraypourrai, quoyquoi qu’il doive advenir. 248
Castio
Amis, vous scavezsavez bien : ce n’est point ma folie
Qui a fait aborder cette gendarmerie
505À nos havres lointains : car il m’est incognuinconnu
--- 32 ---
Pour et à quel dessein Acoubar est venu :
Mon desirdésir de regnerrégner sur une autre province,
Et d’envahir ses ports n’a provoqué ce Princeprince :
Car je ne sçachesache 250 point de l’avoir offencéoffensé
510Soit en luylui mesfaisantméfaisant 251 ou en l’ayant pensé :
NeantmoinsNéanmoins desirantdésirant s’emparer de ma terre
Il vient de gayetégaieté me declarerdéclarer la guerre
ResoluRésolu de me perdre, et ainsi que l’on voit
PretendPrétend en mon Royaumeroyaume avoir eu quelque droit,
515Menace feu et sang, et d’une rage extrémeextrême
Cuide 252 jà accrocher mon Royalroyal diadesmediadème,
Le joindre avec le sien, comme estantétant sans danger
Permis aux plus puissanspuissants 253 devestirdévêtir l’estrangerétranger.
Ambition gloutonne : insatiable bouche
520Puisse devenir or tout cela que tu touche 254 ,
Puissent comme jadis à l’avare Tantal 255
Les viandes 256 t’affamer transmueestransmuées en metalmétal. 257
Tu declaredéclares la guerre à un Royroi legitimelégitime
Te jugeant le plus fort, irreparableirréparable crime,
525Mais si les Dieuxdieux hautains maintiennent l’equitééquité
Tu te verras punypuni de ta temeritétémérité.
Xerxe plus grand cent fois que ta guerriereguerrière adresse
S’estoitétait ainsi promis la couronne de GreceGrèce,
Mais luylui qui en allant couvroitcouvrait toutes les eaux
530Du passage Pontiquepontique avecque 258 ses vaisseaux
Se sauva sans sejourséjour parmyparmi l’onde marine
Dedans un seul restant du jour de Salamine 259 .
„Qui par trop entreprend n’en vient jamais à bout :
„CeluyCelui n’avance point qui veut parfaire tout.
535„TousjoursToujours hume le vent l’avare qui machine
„De son proche voisin la honteuse ruine.
„Tantal àa tousjourstoujours soif, et jamais souffreteux
„Il ne trempe sa langue altereealtérée de feux. 260
--- 33 ---
Les Sauvages.
Ainsi en adviendra à ce Royroi temerairetéméraire
540Qui se veut emparer d’une terre estrangereétrangère,
Où nyni luylui, nyni les siens jamais en ce destroitdétroit
AbordezAbordés nyni venus ne pretendirentprétendirent droit,
Et il vient reclamerréclamer d’une orgueilleuse audace
Un terroir incognuinconnu aux premiers de sa race :
545Mais tandis que ces bras pourront roidir contre eux
Ils n’asserviront point un peuple belliqueux :
Tant que nos muscles gros aux veines estenduesétendues
Pousseront de nos arcs leurs flechesflèches jusqu’aux nues
Tant que nous t’aurons Royroi et que dessous tes loixlois
550Tu nous voudras regirrégir en l’ombre de nos bois :
Tandis que nous vivrons nostrenotre belle province
Ne s’asservira point à un estrangeétrange 261 Princeprince.
Castio.
J’approuve vostrevotre cœur mais ce peuple guerrier
Aux charges ordinaire, au meurtre coustumiercoutumier
555Nous forcera peut estrepeut-être, et montant sur nos brechesbrèches
Redoutera fort peu la playeplaie de vos flechesflèches :
Ainsi qu’un haut rocher, ou qu’une grande tour
Ne s’esbranleébranle des coups d’un zephirzéphyr d’alentour.
Ce qui plus me travaille 262 , et me tient davantage
560C’est la crainte que j’ayai durant ce noir ombrage
Qu’ils ne viennent à terre : ayant gagné le bord
Acoubar tout soudain resteroitresterait le plus fort.
NostreNotre jour coustumiercoutumier estoitétait bien ordinaire
De nous offrir plustostplutôt les raysrais de sa lumierelumière,
565Je doute 263 la surprise : allez tout à l’entour
Du camp, et commandez qu’on batte le tambour.
Chacun se tienne prestprêt. 264
Pistion.
Castio, qu’on se serre.
Ordonnez promptement Acoubar a pris terre.
--- 34 ---
Son armeearmée s’avance, et jà de toutes parts
570Au pied de nos rochers viennent les estendarsétendards.
Castio.
Retirons nousRetirons-nous un peu : entendons le murmure. 265
Acoubar
Ils sont proches d’icyici : mais enfansenfants je vous jure
Que si vous me suyvezsuivez d’une loyalleloyale foyfoi,
Je vous ferayferai presentprésent des largesses qu’un Royroi
575Peut libre departirdépartir 266 en recompenserécompense d’armes
À ceux qui l’ont suivysuivi invincibles Gendarmesgendarmes.
Ne doutez 267 rien : courage, aprochonsapprochons : que chacun. 268
Castio 269 .
Arme, arme, compagnons qu’il n’en reste pas un.
Acoubar.
Eux-mesmesEux-mêmes des premiers s’avancent, qu’on se range. 270
Pistion 271 .
580580 Sus entrons. 272
Acoubar.
Tenez ferme.
Pistion.
AprochonsApprochons, que je vangevenge
Le meurtre de mon Royroi
Acoubar.
Ils n’esperentespèrent plus rien :
Qu’on les suyvesuive de presprès : marchons, tenons les bien. 273
Castio 274 .
Courage, Pistion, que ma mort ne vous donne
Un desespoirdésespoir encor 275 de sauver ma couronne.
585Elle flotte : mais quoyquoi ? ralieRallie si tu peux
Mes gens pour la deffendredéfendre et te rejoindre mieux :
QuandQuant à moymoi vostrevotre prince, ombre je m’achemine
Au manoir de Pluton 276 où la mort me destine.
Adieu brave FrançoisFrançais envié du malheur :
590Pardonne moyPardonne-moi d’avoir employé ta valeur
En un choc si funeste, et si mal t’en arrive
Tu te ressentiras dessurdessus l’ombreuse rive
--- 35 ---
De ma temeritétémérité : car c’est en vain icyici
Que j’ayai de ton salut trop tard eu le soucysouci. 277
Les Gendarmes d’Acoubar.
595Tu es doncque 278 le Royroi ? Compagnon faisons trévetrêve,
Gardons leGardons-le seulement de peur qu’on ne l’enleveenlève.
„La victoire est à nous en tout : ne pense pas
„ArresterArrêter le troupeau le berger mis à bas.
Nos gens vont cependant au 279 reste des Sauvagessauvages
600CàCa et là esgarezégarés 280 au milieu des bocages.
OÔÔ jour cent fois heureux : nos prophetesprophètes ainsi
L’avoyentavaient jà revelérévelé, et le croyoiscroyais aussi.
Les Sauvages
Le bruit s’espandépand par toutpartout (Pistion) et l’armeearmée
Le croit, que Castio dont la dextre 282 asseureeassurée
605AvoitAvait trop entrepris, est mort sous les chevaux
De l’ennemyennemi vainqueur, qui versoitversait 283 à monceaux
Nos soldats inpareilsimpareils : ainsi que le tonnerre
DecoupeDécoupe en un instant les espicsépis de la terre,
Ou qu’une greslegrêle rude espandueépandue en un clos
610Vendange nos bons vins dans le raisin enclos.
Pistion.
Or donnons derechef l’assaut, chargeons encore,
PoursuyvonsPoursuivons le hazardhasard, ou perdons la victoire.
Nous sommes presque esgauxégaux : je voyvois de toutes parts
Des leurs 284 comme des miens un monde de soldars 285
615615 Qui gisent dans les champs.
Acoubar
EnfansEnfants je vous supliesupplie
Cessez de plus piller, voilavoilà il se ralierallie :
Ne permettons jamais qu’un ennemyennemi fuitif 287
Se rejoigne à ses gens ou nous eschapeéchappe vif.
Pistion.
Sus sus : il faut mourir arrache moyarrache-moi la vie,
620Ou que j’ayeaie la tienne amant de Fortunie. 288
--- 36 ---
Acoubar.
AprocheApproche Cavalier tu as trop de valleurvaleur
Pour loger dedans toytoi une tremblante peur.
Pistion
Ainsi qu’Etheoclés mourant tua son frerefrère 289
Ma mort t’adjourneraajournera 290 son plus grand adversaire.
625Je pantelle, je meurs, que dois-je devenir ?
HàHa Dieuxdieux 291 je reste seul, helashélas il me faut fuyrfuir. 292
Acoubar 293 .
Ore suis-je vainqueur, et ne reste personne
Qui vueilleveuille maintenant debattredébattre la couronne.
Castio leur grand Royroi nous a laissé son corps
630(Ainsi que l’on m’a dit) avecque 294 tant de morts
Que les Corbeauxcorbeaux gloutons se repaistrontrepaîtront encore
Six mois parmyparmi les champs du prix de ma victoire 295
Sacrifice agreableagréable aux Dieuxdieux, dont les effets
Punissent ceux qui ont decelédécelé les forfaits.
635Canada voulait donc (ô presomptueuseprésomptueuse Isleîle)
À mon traitre fuitif 296 servir de leur asile,
Le cacher dans ses tours, et mettre en seuretésûreté
Un desloyaldéloyal qui a ravyravi la liberté
Non seulement de toytoi (ma cherechère Fortunie)
640Mais de moymoi qui respire 297 au seul bruit de ta vie.
Je t’aprendrayapprendrai mutin, et te ferayferai sçavoirsavoir
(Si tu es ignorant) en quoyquoi gistgît ton devoir.
Si tu éses eschapééchappé de ce commun orage,
Et tu resterestes vivant je t’en plains davantage.
645MiserableMisérable je pleinsplains touché d’un repentir,
La peine qu’il faudra que je facefasse sentir
À tes membres bruslezbrûlés d’une telle manieremanière
Que ton corps ne sera en plusieurs qu’un cauterecautère.
J’userayuserai neantmoinsnéanmoins encore de bonté
650Puis quPuisqu’on ne peut donner à ta desloyautédéloyauté :
Un suplicesupplice pareil, quel estrangeétrange 298 sauvage
--- 37 ---
EustEût voulu comme toytoi honnir 299 mon mariage ?
Frauder 300 de son attente et le Royroi d’Astracan,
Et ravir Fortunie au Princeprince de GuylanGuilan
655Son espouxépoux, qui t’avoitavait envoyé pour conduire
Sa Damedame, que tu as forceeforcée 301 en son navire ?
Et sans te contenter de ces faits attentezattentés
Tu la retiens, cruel, desjadéjà par deux Estezétés.
Rens-la-moyRends-la-moi en l’estatétat que tu me l’as ravie :
660Ou bien telle qu’elle est rens-moyrends-moi ma Fortunie.
Autrement de ce pas je sçauraysaurai si les Dieuxdieux
Te recellentrecèlent aussi en l’ombre de ces lieux. 302
LE CHŒUR. 303
LALÀ Déessedéesse Astrée 304
Voyant jà long tempslongtemps
665EstreÊtre dechasseedéchassée 305
Des villes, des champs
La foyfoi, la Justice
CedaCéda à malice
Ses regnesrègnes meschansméchants.
670Depuis sa partie 306
Las, nous n’avons veuvu
L’heur 307 de la patrie
SoustenuSoutenu d’un Dieudieu,
Comme elle regnanterégnante
675EstoitÉtait florissante
La paix en tout lieu.
L’inhumaine guerre
S’installa çà bas 308
Marchant sur la terre
680D’un horrible pas,
Portant quand et elle 309
La peine cruelle,
La faim, le trépas.
OÔ sainte Deessedéesse
685Que ne reviens tureviens-tu ?
Tu seras maistressemaîtresse
Par tout : attendu
Que de nos malices
DesjaDéjà les suplicessupplices
690Nous ont eperduéperdu.
La foyfoi est perdue,
„II n’est rien icyici
„Plus bas que la nue
„Que traitretraître soucysouci :
695„L’amitié jureejurée
„N’est point de dureedurée
„En ce siecle cysiècle-ci.
Le mal que je plore 310
Est de la façon :
700Plus cruel encore
Pour double raison :
Une foyfoi jureejurée
Me fut deslieedéliée
D’une trahison.
705Jupin 311 nous tourmente
De ces maux divers :
N’ayant eu attente
Aux signes aperts 312
Qu’avant la miseremisère
710L’onde marinieremarinière
Nous avoitavait ouverts.
MesmeMême par les songes
Que nous estimions
Des nuitiers 313 mensonges
715Mais or nous voyons
„Que la nuictnuit certaine
„PredisoitPrédisait la peine
„Que nous endurons.
Toutefois legerelégère,
720Si le desloyaldéloyal
Qui trahit naguerenaguère
Mon lictlit nuptial
EspreuveÉprouve mon ire,
Que j’oserayoserai dire
725Un tourment fatal. 314
ACTE III.
Fortunie.
PLorePLeure tout de nouveau Princesseprincesse infortuneeinfortunée,
AcompagneAccompagne de cris la route 316 de l’armeearmée :
PoursuyPoursuis en gemissantgémissant la fuite des soldars 317
De ton cher Pistion qui vaincus sont épars,
730Regrette leur desastredésastre, afin que la victore 318
D’Acoubar ton haineur 319 de toytoi triomphe encore.
Si tu n’as eu ce bien entre cent mille morts
À la mercymerci des coups de jetterjeter ton beau corps :
--- 40 ---
Si tu n’as peupu offrir ta poitrine poltronne
735Aux ferremensferrements pointus d’une picquepique felonnefélonne,
Choisi-toyChoisis-toi une peine, un tourment, une mort,
Un martyre cruel qui te gesnegêne 320 plus fort :
L’on te reprocheroitreprocherait qu’au Martialmartial carnage
Tu te retire 321 à part, et te mets au bagage 322 :
740Ne demeure seulette entre tant de blessezblessés
Contre qui les couteaux ne se soient adressezadressés :
Et qui n’espreuveéprouve point née sous meilleur astre
L’espouvantableépouvantable horreur de ce commun desastredésastre.
N’envie point ton heur, Fortunie : mais croycroi' 323
745Qu’il n’y en a pas un plus tourmenté que toytoi.
Entre tant de soldats qui gisent sur la terre
Dont les corps sont sanglanssanglants par le fer de la guerre,
Et entre tant de chefs nos fidelesfidèles amis
Qui ont souillé les pieds de leurs fiers ennemis.
750Le plus miserablemisérable est (ou soit qu’il reste en vie
Ou mort) bien plus heureux que toytoi, ô Fortunie.
Il floteflotte sans soucysouci sur le rivage pers 324
Qui neuf fois tournoyant vogue presprès des enfers,
Et passe 325 dans le creux d’une barque petite,
755Le vaisseau non émeuému du sommeillant Cocyte 326 .
„Quand l’arrestarrêt de la mort nous a bannis d’icyici
„DevestusDévêtus de courroux nous sommes sans soucysouci.
Gens heureux mille fois qui n’avez autre cure 327
ApresAprès le doux trespastrépas que d’une sepulturesépulture.
760Un regret pitoyable, un triste crevecœurcrève-cœur
(Ainsi comme je sens) ne vous ronge le cœur,
Et un cuisant remorsremords laissé aux funeraillesfunérailles
Ne se rend derechef bourreau de vos entrailles.
Sur moymoi cestecette fureur qui MedeeMédée 328 enflamaenflamma
765Au sang de son sang propre : et qui meremère tua
La chair de sa chair mesmemême, et l’esprit de sa vie
R’allumeRallume les flambeaux de sa grand’ tyrannie. 329
--- 41 ---
AujourdhuyAujourd’hui égalant la rage d’Ixion 330 ,
Il me semble de voir l’ombre de Pistion 331
770AfreuseAffreuse, paslepâle, noire, et me donnant cruelle
Le reproche d’avoir este trop infidelleinfidèle :
M’acuseaccuse de parjure, et apresaprès son trespastrépas
Me dit que je devoydevais par toutpartout suyvresuivre ses pas,
Me charge de sa faute, et reproche l’offenceoffense
775Qui ne peut s’arresterarrêter dessus mon innocence.
Le blasmeblâme dont il veut ma clarté obscurcir
Retombe sur luy-mesmelui-même, et le vient renoircir.
Ainsi comme l’on voit les Venitiennesvénitiennes glaces 332
Envoyer les rayons de Titan 333 à nos faces.
780Toy-mesmeToi-même tu fus cause, et si ne voulus pas 334
Me permettre, obstiné, de courir au trespastrépas,
Que j’irayirai talonnant d’une suite voisine,
Ta mort, si tu es mort, à la mort m’achemine.
N’en fis-je point instance ? etEt encore cent fois
785Je me mis en efeteffet de vestirvêtir le harnois 335 ,
Choisi le morion 336 , dont la superbe crestecrête
N’est digne que d’un chef pour se 337 monstrermontrer en testetête.
Les horribles Canonscanons, qu’onques 338 je n’ayai tenté
Ainsi que tu croyoiscroyais, m’eussent espouvantéépouvanté.
790Tu avoisavais ce soupçon, tu m’estimoisestimais trop lâche
Pour porter sur l’aureilleoreille un ondoyant panache.
Et donc tu as voulu seul tenter le moyen
De rompre ce grand Royroi mon haineur ancien ?
Seul tu l’as essayé : helashélas ! estoisÉtais-je indigne
795De te voir en mourant panchépenché sur ma poitrine ?
Je crains bien.
Pistion.
Pistion, pour ta temeritétémérité
Tu reçois le loyer 339 que tu as meritémérité.
Sain de corps, mais navré des beaux yeux de t’amie
Tu as voulu courir malgré ta Fortunie,
--- 42 ---
800Te mettre des premiers, et les troupes ranger
Et ore tu retourne 340 en un double danger.
NaguereNaguère es-tu parti blessé d’un doux martiremartyre,
Maintenant d’un cruel que tu n’oseroisoserais dire,
Et ce qui plus encor 341 rengregerengrège mon malheur,
805805 C’est que tout est perdu.
Fortunie.
Que dis-tu ?
Pistion.
Pour le seur> 342
La pluspartplupart de l’armeearmée àa veuvu la Parqueparque blesmeblême.
Fortunie.
Et le Royroi, que fait-il ?
Pistion.
Et Castio luy-mesmelui-même,
Qui tonnoittonnait furieux comme un foudre 343 en Estéété
Est tombé à mes pieds son tombeau aprestéapprêté.
810Le cuidant 344 relever, la troupe qui s’aprocheapproche
Me ceint environné du pendant 345 d’une roche,
Ou plus je me retire, alors cognusconnus-je bien
Le malheur qui me presse, et jà desjadéjà 346 me tien 347 :
Je m’enflameenflamme en moy-mesmemoi-même et osant davantage
815Je sens homme, et chevaux pour me faire passage,
Je r’alierallie ma suite, et voulant derechef
EsprouverÉprouver le combat j’eueus ce coup sur le chef 348 ,
Que je porte mourant à la troupe infernale
Pour gage le plus saint de ma flameflamme loyale.
820„ Les guerriers genereuxgénéreux blessezblessés au champ de Mars
„Non au dos mais au front, retournent plus gaillarsgaillards 349 ,
„Car fraudezfraudés 350 de l’honneur d’un inconstant tropheetrophée
„Ils remportent au moins leur valeur engraveeengravée
„Dans la playeplaie sanglante : onc poltron en enfer
825„Ne descendit marqué de la pointe du fer,
„Que les Cyclopes noirs, et chassieux 351 de braise
„Battent incessamment au pied de leur fournaise 352 :
„Ou si le coutelas leur a cassé les os
--- 43 ---
„Faute de l’avoir veuvu ils furent pris au dos.
Fortunie.
830„Trop de temeritétémérité n’est tenue à courage :
„On doit discrettementdiscrètement se sauver du naufrage.
CeluyCelui qui au milieu des ondoyantes eaux
Sans masmât nyni gouvernail desancredésancre ses vaisseaux,
Et à force de vœux sans rame nyni pilote
835Veut arresterarrêter apresaprès son navire qui floteflotte
Ne meritemérite (deçeudéçu en ses sots apetisappétits
Qui le trainenttraînent grondansgrondant) les faveurs de ThetisTéthys .
Ainsi en fistesfîtes-vous.
Pistion.
Ainsi veux-je, cruelle,
Endurer le tourment de ma faute mortelle :
840Ainsi veux-je languir, et rengregerrengréger tousjourstoujours
La playeplaie qui me mine en l’Avrilavril de mes jours 353 :
Ainsi veux-je en ces bois faire la penitencepénitence
Tant qu’il plaira aux Dieuxdieux, de mon outrecuidance 354 ,
Qui ne pourra jamais attendant le cercueil
845Endurer plus de maux que pour ton propre dueildeuil ;
Ainsi veux-je seulet dans une grotegrotte basse
Verser mille ruisseaux pour laver mon audace.
Or donne-moymoi congé de partir de ce lieu,
Pour gage de ma foyfoi je te donne un adieu :
850Rens-moyRends-moi le reciproqueréciproque : ô beauté amiable 355 !
Ne monstremontre plus long tempslongtemps à ma face coupable
Les rayons de tes yeux : cache dans leurs rideaux
Ces beaux feux empruntezempruntés des celestescélestes flambeaux. 356
Tu ne me responsréponds mot 357 , tu veux ma departiedépartie 358 ,
855Tu l’acordeaccordes, fayfais point 359 ? teTe taisant, Fortunie.
Fortunie.
Que plustostplutôt mon esprit aille croistrecroître les morts,
Qui descendent là baslà-bas devestusdévêtus de leurs corps
Et un nombre pareil que l’on voit sur les rives
--- 44 ---
De fueillagesfeuillages tombeztombés aux Automnesautomnes tardives.
860Que plustostplutôt je te perde, ô clair Soleilsoleil des Cieuxcieux,
Que mon cher Pistion s’absente de mes yeux.
Si tu suis ma presenceprésence : à cetcette heure je prie
Toutes les deitezdéités de venger Fortunie.
Mon cœur ne manque point de courage : je sçaysais
865Un remederemède fort prompt, et si 360 te guarirayguérirai
Avant que le beau jour fuitif 361 de nos carrierescarrières
Se plonge dans le creux des ondes marinieresmarinières :
Attens-moyAttends-moi.
Pistion.
Je le veux : et jusques à la mort
Proteste t’obeirobéir.
Fortunie.
Tu m’obligeras fort.
Pistion.
870Puis quePuisque je l’ayai promis, je l’attendrayattendrai : mais ombres
DecochezDécochez, adressez vos funestes encombres 362
Sur mon chef miserablemisérable : helashélas ! siSi quelque amour
Vous enflameenflamme, Demonsdémons, accourcissez le jour
Du plus triste mortel qu’aujourdhuyaujourd’hui sous la Lunelune
875Vous puissiez contempler esclave de Fortune :
Non point que je me lasse, hé Dieuxdieux ! cC’est tout mon heur
De te suyvresuivre tousjourstoujours : car aussi mon malheur
Sourd 363 bien de plus avant : mais de voir trop felonnefélonne
La rage d’Acoubar qui ma route talonne :
880Aspire au mesmemême bien que je possedepossède heureux,
Et me veut abordé defrauderdéfrauder 364 de mon mieux 365 .
Ce faisfait me fait languir, et plus je me releverelève
Moins me peux-je donner de relácherelâche et de trévetrêve.
Tu respirerespires 366 pourtant à qui de son outil
885La Parque jà devroitdevrait avoir coupé le fil :
Tu suce 367 encore l’air, ô toytoi qui legerelégère ombre 368
DevroisDevrais avoir passé de StixStyx la rive sombre 369 !
--- 45 ---
Ce n’est point le desirdésir de vivre plus long tempslongtemps,
„Qui me retient icyici : c’est la foyfoi des amansamants
890Qu’on doit inviolable à jamais tenir seuresûre.
Fortunie.
MonstreMontre-moymoi, Pistion, le coup de ta blessure,
Ne celecèle point ta playeplaie à vue, dont la foyfoi
VoudroitVoudrait avoir baillé sa testetête au lieu de toytoi. 370
CetCette herbe que j’ayai mise aux parties mal-sainesmalsaines
895M’enseigna le pouvoir de ses forces certaines
Il y a jà long tempslongtemps : et depuis je n’ayai veuvu
Arriver plus de mal à ceux qui en ont eu,
Soufre Souffre-la quelque peu.
Pistion.
OÔ qu’elle est violente !
Je ne peux l’endurer tant elle me tourmente.
Fortunie.
900„Les remedesremèdes plus promtsprompts agissent bien plus fort,
„Il faut tout endurer pour n’endurer la mort.
Allez donner relascherelâche à vos esprits une heure,
Cependant 371 qu’Acoubar (dont le proche murmure
M’espouvanteépouvante desjadéjà herissanthérissant mes cheveux)
905905 Me viendra saluer.
Pistion.
Laissons faire les Dieuxdieux,
Ils soutiendront le droit d’un hymen si treschastetrès chaste. 372
Acoubar.
Qu’aperçois-je icyici presprès ? neNe vois-tu rien, Ergaste,
Dans ce petit fueillagefeuillage ? etEt n’aperçois-tu pas
Une rare beauté qui avance ses pas
910D’une gayegaie façon ? Je croycrois que c’est m’amie.
Ergaste.
C’est elle sans douter : c’est vostrevotre Fortunie,
PrevenezPrévenez son abord.
--- 46 ---
Fortunie.
OÔ Prince de GuylanGuilan
Qui te force d’aimer l’infante d’Astracan
D’un amour si loyal, que tu ose 373 aux rivages
915De nostrenotre Canada depiterdépiter 374 les Sauvagessauvages ?
Las ! queQue peux-je jamais meritermériter en ma foyfoi
Pour reciproqueréciproque deudû à l’oficeoffice d’un Royroi ?
Acoubar, que veux-tu pour ta bonté royale ?
Je n’ayai rien de pareil : je n’ayai rien qui l’egaleégale.
Acoubar.
920Ce seul bien je requiers que nulle cruauté
Ne se loge jamais parmyparmi vostrevotre beautebeauté.
Et autant que je suis bruslébrûlé de vostrevotre flameflamme
Qu’autant le soyez voussoyez-vous de la mienne, Madame.
Fortunie.
Je seroyserais une Louvelouve, un Lyonlion, un rocher,
925Un Capharecaphare 375 tortu 376 insensible au toucher,
Un tronc inanimé et encor plus cruelle
Si je n’avoyavais le cœur d’une Damedame fidellefidèle.
Acoubar
Je le croycrois : mais Ergaste allez presentementprésentement
Vers mon Campcamp : que chacun s’y porte sagement,
930Je ne suis point venu pour gastergâter 377 cestecette terre,
Je luylui veux seulement faire une douce guerre.
Ergaste.
Je vayvais donc de ce pas commander de par vous
Sur peine d’encourir vostrevotre juste courroux,
Que personne ne traite en vainqueur legitimelégitime
935Ce peuple qu’Acoumar 378 rend fauteur 379 de son crime. 380
Fortunie.
Sire, puis quepuisque le Cielciel favorable aujourdhuyaujourd’hui
Vous rend malgré l’eforteffort victorieux sur luylui,
Puis quPuisqu’avec peu de morts vous avez le tropheetrophée
Contentez-vous du sang de la charge donneedonnée.
--- 47 ---
940N’allez point plus avant poursuyvrepoursuivre ces fuyarsfuyards
Qui ne virent jamais de si rudes hazarshasards
Nourris dans les forestsforêts.
Acoubar.
Pour vous je leur pardonne,
Retenant neantmoinsnéanmoins le sceptre, et la couronne.
Qu’ils retournent chez soysoi : les filles, les enfansenfants,
945Les chefs, les colonels qui fuyentfuient par les champs,
Les femmes, les soldats, si la foyfoi on me garde,
Seront en seuretesûreté dessous ma sauvegarde.
Acoumar sera seul traistretraître qu’il m’a estéété
Qui n’éprouvera point ma gracegrâce, nyni bonté.
950Aux autres je remets leur rebelle furie
D’Acoumar seulement je respire 381 la vie.
L’estrangerétranger trouvera un prince gracieux,
Mon subjetsujet desloyaldéloyal un Tygretigre furieux.
Ceux qui ouvertement m’ont declarédéclaré la guerre
955Seront de mes amis quoy quequoique Royroi en leur terre.
Le parjure vassal 382 qui m’a faussé sa foyfoi
N’a que faire d’attendre une gracegrâce de moymoi.
Où est-il ? queQue je sçachesache où il erre ce traistretraître.
HàHa, je t’atraperayattraperai là où tu puisses estreêtre.
Fortunie.
960Il faudroitfaudrait donc, amyami, finissant nostrenotre amour
Prendre l’ombreux chemin de l’infernal sejourséjour.
Ce qui n’arrive, ô dieux ! laissezLaissez sa trace noire,
Et ne l’empeschezempêchez point à son aise de boire
Au fleuve LetheanLéthéan 383 , là où les trespasseztrépassés
965Oublient en beuvantbuvant les traits qui sont passezpassés,
Il pourroitpourrait retourné se souvenir encore
De ses premierespremières mœurs, ainsi que Pythagore 384 .
Toute haine et rancœur s’ils devestentdévêtent mourans
Aussi le devons-nous, quoy quequoique restions vivans 385 .
970Il n’est rien de si beau que remettre la peine
--- 48 ---
„À celuycelui qui ne veut nous porter plus de haine.
Acoubar.
Je ne peux, c’est en vain : s’il est parmyparmi les morts
Je me veux assouvir au reste de son corps,
Il s’est mis à traverse 386 , et craignant ma cholerecolère
975Luy-mesmeLui-même s’est meurtri ou bien se l’est fait faire.
Fortunie.
Il y a jà six mois qu’un seigneur étranger
Que les flots orageux firent icyici ranger,
Courtois comme il estoitétait, et voyant mon servage 387
Poignardé le jettajeta dans le creux du rivage.
980Je le presse obligée en un si grand devoir
De me dire son nom que je ne peux sçavoirsavoir :
Seulement il me dit à force de priereprière
C’est la France qui est ma nourricierenourricière meremère,
Et comme la valeur en ce peuple est : aussi
985Des Damesdames nous avons la cure et le souci :
Plus qu’autre nation nous suyvonssuivons volontaires
Pour combatrecombattre invaincus l’ombre de leurs banieresbannières.
À ces mots il se jette au vaisseau qui l’attend
S’eloignantéloignant de mes yeux par le souflesouffle du vent.
990Je le conduyconduis de vœux, et luylui à ce qu’il semble
De signes me rend gracegrâce : alors promteprompte j’assemble
L’esprit de ma raison pour sçavoirsavoir une fois
La reglerègle qu’il falloitfallait tenir parmyparmi ces bois :
Car voyant que seulette en ces ombres sauvages
995J’avoyavais les oisillons (dont les simples ramages
Fredonnent curieux 388 au Printemsprintemps leur amour
Sous un air incognuinconnu aux chantres de la Courcour)
Compagnons de ma voix : et que les bocageresbocagères 389
S’accorderoyentaccorderaient peut estre-être au ton de mes miseresmisères,
1000Je prenprends nouvel advisavis 390 en ces lieux desirantdésirant
T’imiter, PhilomelePhilomèle, au regret de ton chant. 391
DésDès ce temps j’ayai vescuvécu vefveveuve sans mariage
--- 49 ---
Ainsi comme tu vois aux ombres d’un bocage :
DésDès ce temps soupirant 392 mon martyre cruel
1005Je t’ayai offert mon cœur au pied d’un bel autel
Que je t’ayai eslevéélevé, et pour le sacrifice
Donné journellement les vœux de mon service.
Acoubar.
OÔ constante beauté ! laLa foyfoi d’un vrayvrai époux
Quoy queQuoique grande, ne peut estreêtre digne de vous.
1010Il n’est rien si parfait qui encore meritemérite
De vostrevotre chaste amour la flameflamme plus petite. 393
Ergaste.
L’armeearmée se débande, et la crainte si fort
A saisi vos soldats, que tous vous cuident 394 mort.
Si vous ne paroissezparaissez, vostrevotre armeearmée en desroutedéroute
1015Rentre dans les vaisseaux, et jà se sauve toute,
Le bruit y est commun : l’amour ne vous doit point
Causer de mettre bas toute crainte et tout soin :
Si l’ennemyennemi venoitvenait à rallier sa force
Nous serions en danger surpris de telle amorce.
1020Donnez encore trévetrêve à la Damedame ce soir.
Acoubar 395 .
Adieu donc.
Ergaste.
Et demain vous la viendrez revoir. 396
Fortunie 397 .
VoilaVoilà un bon presageprésage ; ô que j’ayai d’allegresseallégresse
De ce qu’il a encorencore une telle traverse 398 .
Derechef cette nuictnuit, Pistion tu auras
1025Le bon-heurbonheur de coucher toytoi seul entre mes bras. 399
LE CHŒUR.
„DU petit enfant la flécheflèche
„Est à craindre nuictnuit et jour :
„TousjoursToujours il fait quelque bréchebrèche
„Aux flamesflammes, et à l’amour,
--- 50 ---
1030„Volage il nous environne
„Soit que soyons en malheurs,
„Ou qu’ayons une couronne
„De laurier comme vainqueurs.
„II n’a point esgardégard aux aagesâges
1035„Aux volontezvolontés nyni au temps :
„VeuVu que ses flamesflammes volages
„BruslentBrûlent mesmemême les enfansenfants.
„Il embrase la vieillesse
„D’un feu aussi grandement
1040„Que nous voyons la jeunesse
„EstreÊtre eschauffeeéchauffée en aimant.
Les philosophes et sages
Qui pensent regirrégir les mœurs
Par le fard de leurs langages,
1045Ne peuvent puissanspuissants vainqueurs
Triompher de CythereeCythérée,
Qui maistrisemaîtrise princes, Roysrois,
Et la troupe gouverneegouvernée
De leurs politiques loixlois.
1050„Les jeunes, les vieux, les princes,
„Les Empereursempereurs couronnezcouronnés,
„Les magistrats des provinces,
„Et les Roysrois des astres neznés,
„Le joyeux, gaillard, le triste,
1055„Le pleureux, le casenniercasanier
„Sont escritsécrits en mesmemême liste
„Dedans l’amoureux papier.
Or Acoubar tu peux donque 400
Te dispenser du serment
1060Que tu avoisavais juré doncque 401
N’aller les femmes aimant :
„Puis quPuisqu’il n’est en ta puissance
„De te pouvoir obliger
--- 51 ---
„AÀ la foyfoi de continence
1065„Que tu as fait de legerléger 402 .
„Pour la perte d’une Damedame,
„Te pouvoispouvais-tu garentirgarantir
„De cette amoureuse flameflamme
„ Qui jamais ne peut mentir ?
1070„PhoenixPhénix 403 de son amour mesmemême,
„Car cessant en un sujet
„Elle revengerevange l’extrémeextrême
„ProduissantProduisant un autre objet. 404
ACTE IIIIIV.
Acoubar 406 .
Adonc 407 peuple mutin tu vouloisvoulais sans mot dire,
1075Et sans m’en avertir rentrer dans le navire ?
Vous avez eu (poltrons) cette temeritétémérité
De faire banqueroute 408 à la fidelitéfidélité
Que vous m’aviez jureejurée ? indignesIndignes de mes armes
Et du nom que portez 409 , vous n’estesêtes point gendarmes.
1080Quelle glace coüardecouarde est coulée en vos cœurs
Que vous tremblez de peur, et vous estesêtes vainqueurs 410 ,
Que vous monstrezmontrez le dos, et naguerenaguère en vos rages
Vous avez mis à sac tant de braves Sauvagessauvages,
Qui ne virent jamais en ces bords estrangersétrangers
1085Surpris beaucoup de fois de semblables dangers ?
Que si j’eusse manqué au combat où vous fustesfûtes
(J’y marchoismarchais le premier) mes douleurs seroyentseraient justes
Mais n’espargnantépargnant non plus mes bras que vostrevotre chef
--- 52 ---
J’ayai couru comme vous la risque 411 du meschefméchef.
1090Et vous me delaissezdélaissez (ô desloyallesdéloyales troupes)
ParmyParmi ces hauts rochers aux effroyables croupes :
Vous n’avez point de soin des scadrons separéséparé
Si un lyonlion m’assaut dans les bois esgaréégaré ? 412
Vous prenez du bon temps au perilpéril de ma vie,
1095Cependant 413 que je suis à chercher Fortunie,
Vous reposez sur l’herbe, et partanspartant 414 le butin
Laissez reprendre haleine au sauvage mutin
Qui viendra faire testetête 415 : ainsi qu’en la prairie
Deux fiers taureaux lassezlassés du choc de leur envie
1100En fin restent égaux, quand revenansrevenant aux coups
L’un s’est trouvé dessus, puis à l’instant dessous,
Recommencez la garde, et tousjourstoujours en alarmes
Soyez prestsprêts de courage et saisis de vos armes.
Ergaste. 416
Ces feux qui coustumierscoutumiers de briller aux ramparsremparts
1105Durant la sombre nuictnuit soudain que vos soldars 417
Se camperentcampèrent voisins avant que les surprendre
Sont esteinséteints maintenant, ou cachezcachés dans la cendre,
Et leurs chefs genereuxgénéreux qui faisoyentfaisaient tant d’éfortsefforts
Frissonnent des premiers, ou sont presque tous morts :
1110De sorte que des gens de ces deux exercites 418
Qui parurent à nous, nul ne soit aux garitesguérites
Sans sçavoirsavoir neantmoinsnéanmoins quel chemin plus certain
Les pourra garantir du coup de vostrevotre main.
Les canons delaissezdélaissés, et les bombardes 419 seules
1115Nous espouventeroyentépouvanteraient seulement de leurs gueules.
Non, non, ne doutez point : nous ne sommes que bien
ParmyParmi nos ennemis, et si 420 ne craignons rien :
Car tous ceux qui ont peupu eschaperéchapper la mesleemêlée
N’oseroyentoseraient attaquer le moindre de l’armeearmée.
1120Et que faisons nousfaisons-nous donc ? queQue restons nousrestons-nous icyici
Puis quePuisque tous leurs efforts ne tendent qu’à mercymerci 421 ?
--- 53 ---
Avancez, seurementsûrement, puis qupuisqu’en leur donnant vie
Ils recevront joyeux vostrevotre Gendarmeriegendarmerie.
Que requerez vousrequérez-vous plus d’un Sauvagesauvage deffaitdéfait
1125Que se rendre à vos pieds comme un humble sujet ?
Respirez vousRespirez-vous 422 sa mort ? luyLui voüez vousvouez-vous la corde 423
Vous qui par tant de fois fistesfîtes misericordemiséricorde ?
Ayez quelque douceur : deposantdéposant tout esmoyémoi,
Marchez non en vainqueur, mais en suite de Royroi :
1130Les Damesdames du pays, Callie 424 la premierepremière
Ayant jà oublié la parque 425 de son perepère,
Vous requiert d’une joustejoute, et tant d’autres soldars 426
DesirentDésirent s’exercer chagrins 427 des feux de Mars.
Acoubar. 428
Volontiers je t’escouteécoute : or poursuypoursuis je te prie.
Ergaste. 429
1135Vous devez ce bon-jourbon jour à vostrevotre Fortunie :
Elle qui a vescuvécu en tant d’austeritezaustérités
Non pour un peu de temps, mais depuis deux estezétés
Elle pour vostrevotre Amouramour qui a tant voulu faire
MeriteMérite bien qu’un coup on tire en 430 sa carrierecarrière,
1140(Sienne puis quepuisque pour elle on bride les courtauxcourtauds 431 )
Que la lance on y porte aux ferremensferrements Royauxroyaux 432 ,
Et que pour l’honorer les Damesdames par les rues
Y soyentsoient (mieux que devant) de fil d’or revestuesrevêtues.
Acoubar. 433
Va porter la nouvelle : et luylui baise la main
1145De ma part : que sans faute elle vienne demain :
Qu’elle prenne son teint et sa belle lumierelumière
Pour entre les beautezbeautés parestreparaître la premierepremière.
QuandQuant à moymoi, je deslogedéloge, et en un autre Champchamp
Je desiredésire aprocherapprocher les troupes de mon Campcamp.
1150HerautHéraut, despesche toydépêche-toi, vistementvitement, à la hastehâte
Va avertir le peuple, apresaprès qu’avec Ergaste
Tu l’auras fait sçavoirsavoir à Madame, et dis luydis-lui
--- 54 ---
Que ce sera demain n’ayant peupu aujourdhuyaujourd’hui.
Le HerautHéraut.
Mais quel prix le vainqueur en remportera, Siresire ?
Acoubar.
1155SçacheSache-le de m’amour : c’est à elle à le dire.
Au reste délogeons, qu’on batte le tambour
Qu’on parte promptement tandis qu’on voit le jour. 434
Pistion
Encore cette nuictnuit pour ma prise dernieredernière
J’ayai reçeureçu dans tes bras ma faveur coustumierecoutumière.
1160Encore cette nuictnuit j’ayai cueillycueilli plusieurs fois
Le bien que l’on desiredésire aux amoureuses loixlois.
Je ne m’attriste plus de la mort : qu’elle vienne
Prendre sa redevance ayant jà pris la mienne.
Fortunie.
Et tu vouloisvoulais mourir ?
Pistion.
Faute d’avoir pensé
1165Qu’on se peustpût esjouiréjouir 435 quand on est offencéoffensé.
Fortunie.
Ainsi mon Pistion, ne perds point le courage.
Aujourd’huyAujourd’hui un : demain nous aurons davantage.
„Peu à peu l’on s’avance : et jamais d’un plein saut
On n’a veuvu de Geantgéant qui soit monté là hautlà-haut.
1170Icare quoy quequoique fol en ses emprises 436 vaines
S’aprochoitapprochait de son vol aux carrierescarrières hautaines
Si les feux du Soleilsoleil pour sa temeritétémérité,
N’eussent point amolyamolli l’ouvrage raportérapporté
Que son perepère DedalDédal 437 dans les prisons de CretteCrète
1175LuyLui avoitavait façonnezfaçonné d’une ruse funeste 438 .
Gouvernons nos Amoursamours d’un visage si beau
Qu’on deçoyvedéçoive Acoubar aveuglé du bandeau
De sa credulitécrédulité, attendansattendant qu’un bon Angeange
Nous trainetraîne fugitifs en quelque terre estrangeétrange 439 .
--- 55 ---
Pistion.
1180Qu’espere tuespères-tu de moymoi aupresauprès des yeux jaloux
(Puis quPuisqu’il t’estoitétait promis) d’Acoubar ton époux ?
Je serayserai trestrès joyeux que tu luylui sois fidellefidèle
Quand je serayserai partyparti et qu’une onde cruelle
Que je veux pour sepulchresépulcre, en retournant mon corps
1185M’avertira flottant aux rives de ses bords
„Que tu l’aimeaimes forceeforcée 440 en la loyloi de nature
„Qui deffenddéfend de commettre à son marymari injure.
Je me tiendraytiendrai pour gloire ayant vescuvécu çà bas
Qu’une Damedame m’aima jusqu’au jour du trépas.
1190Car si tu ne veux point à deux estreêtre maistressemaîtresse
(Endure seulement) ma lame vengeresse
Te delivreradélivrera d’un : afin qu’un plus que moymoi
RoyRoi te parfaceparfasse 441 Reinereine estantétant fille de Royroi.
Fortunie.
Que dis-tu ? quelleQuelle rage, et quelle felonniefélonie 442
1195Te force d’attenter au bonheur de ta vie ?
Tu veux donc sans égard de ta fidelitéfidélité
DepartirDépartir 443 triomphant de ma pudicité ?
Et en faire un Tropheetrophée aux autres qui infamesinfâmes
En riroyentriraient comme toytoi ignoransignorant de mes flamesflammes ?
1200Tant que tu m’aymerasaimeras Pistion je sçaysais bien,
Et l’espereespère de toytoi, que tu n’en feras rien,
Un FrançoisFrançais (comme toytoi) qui aura l’ameâme bonne
Ne commettra jamais trahison si felonnefélone.
Quitter ta Fortunie ? etEt procurer ce mal
1205À celle qui t’adore ? hàHa tu éses trop loyal.
T’escarterécarter de mes yeux d’une fuite infidelleinfidèle
Ce sera Pistion sans congé de ta belle
Qui te desavouradésavou'ra protestant en sa foyfoi
Que tu es malheureux departydéparti malgré soysoi.
Pistion.
1210Quoy qu'Quoiqu'un grand creve-cœurcrève-cœur mes entrailles devoredévore
--- 56 ---
Madame neantmoinsnéanmoins je vous suivraysuivrai encore. 444
Fortunie.
Quel gage en donnez-vous ?
Pistion.
Par le saint Cupidon.
Fortunie,
Ainsi l’avoitavait 445 juré Æneas 446 à Didon,
Et ne laissa pourtant de quitter sa Carthage 447
1215Plus amoureux des flots que des bords du rivage,
Plus curieux de l’onde où il alloitallait suivant
L’espoir de l’Ausonie 448 agiteeagitée du vent
Que de mille citezcités qu’on luylui offroitoffrait paisibles
Proches sans traverser les Caphares horribles 449 .
1220Si quelque astre beninbénin 450 vous promet d’estreêtre Royroi
En pays estrangerétranger : c’est peu que vostrevotre foyfoi.
Pistion.
Je n’ayai point le desirdésir de chercher 451 l’Italie
NyNi les sceptres lointains au perilpéril de ma vie.
Vaincue vous ayant sans force de soldars 452
1225Je ne veux esprouveréprouver en autre champ de Mars
Si le sort des grands Dieuxdieux (que d’un esprit volage
Je tenteroytenterai) pourroitpourrait me donner davantage.
Content de ma fortune ayai-je 453 pas assez d’heur ?
Fortunie.
„Les victoires gagneesgagnées enflamentenflamment le vainqueur.
Pistion.
1230Il jouytjouit de la prise, et s’arrestearrête au tropheetrophée.
Fortunie.
Rien moins 454 , plus il poursuit sa route encommenceeencommencée 455 .
Pistion.
Il n’est donc pas encor 456 du tout victorieux.
Fortunie.
C’est que l’heureux hazardhasard 457 luylui fait espererespérer mieux.
--- 57 ---
Pistion.
Je suis venu à bout : rien plus je ne desiredésire.
Fortunie.
1235Vous celez 458 vostrevotre mal, et ne me l’osez dire.
Pistion.
Avoir autres penseespensées que les vostresvôtres jamais.
Fortunie.
Nenny 459 : ce n’est pas vous, je croiraycroirai desormaisdésormais
Qu’ayant ouyouï je suis sourde, et durant la lumierelumière
Ayant veuvu Pistion que c’est une Chymerechimère ?
1240PlustostPlutôt j’estimerayestimerai tournant dessus dessous
En guise de Cahoschaos que vous n’estesêtes point vous,
Ains 460 une autre personne, et puis qupuisqu’à la mesmemême heure
Vous reprenez subtil 461 vostrevotre antique figure 462 .
Vos desirsdésirs sont les miens : et encorencore osez vousosez-vous
1245D’un congé refusé me prier à genoux ?
„Cil 463 qui veut doctement contrefaire les feintes
„Se doit bien souvenir des premierespremières atteintes.
Mais je trouve fort bon qu’ayant fait un faux pas
Vous relevez la bride, et n’y demeurez pas.
1250Or que veulent ceux-cy ? desjaDéjà le cœur me tremble
Je frissonne de peur, c’est un herauthéraut ce semble
Seroit ceSerait-ce bien helashélas (mais Dieuxdieux faites que non)
Pour apelerappeler encorencore au combat Pistion ?
Je les veux escouterécouter. 464
Ergaste
Me voicyvoici à la Rocheroche
1255Où nous fumesfûmes 466 long tempslongtemps sa tente est icyici proche.
La voilavoilà elle mesmeelle-même à propos.
Le HerautHéraut.
NostreNotre Royroi
Qui vous baise les mains par Ergaste et par moymoi
Vous prie mille fois (et estesêtes la premierepremière
Qui l’as sçeusu de sa part) demain à la carrierecarrière
--- 58 ---
1260Qu’il a fait apresterapprêter pour des joustesjoutes nouveaux
RecreerRecréer vostrevotre esprit embrouillé de travaux.
Ergaste.
Madame, son desirdésir est qu’à cette journeejournée
Vous puissiez contempler la fleur de son armeearmée
Qu’il a pour vous ravir de son traitretraître ennemyennemi
1265LeveeLevée en son pays épuisé qu’à demydemi,
La festefête y sera grande au moyen qu’on espereespère
Que vostrevotre majesté marchera la premierepremière,
Pour remettre le cœur à ces chefs valeureux
Qui ne respirent 467 plus que l’objet de vos yeux :
1270Et dont l’ambition ore n’a de visée
Qu’à recevoir de vous pour la bague emportée
Un riche diamant qu’il vous faut mettre à prisprix
(Ainsi veut Acoubar) comme l’on a aprisappris.
Fortunie.
Puis quePuisque le Royroi beninbénin 468 de sa gracegrâce 469 me donne
1275Ce bon-jourbon jour desirédésiré plus cher que sa Couronnecouronne,
Je n’y manqueraymanquerai point : soyez ensoyez-en sans soucysouci.
Mais les Sauvagessauvages, quoyquoi ?
Le HerautHéraut.
Qu’ils y viennent aussi
Je les sommeraysommerai tous, descendus de leurs croupes
Pour debattredébattre l’honneur avec toutes nos troupes
12801280 Mais de combien diraydirai-je 470 ?
Fortunie.
Au vainqueur qui l’aura
Trente mille ducats, ou bien ce joyau làjoyau-là 471
Diamant tres-très exquis, que la Reinereine plaintive 472
Me donna en partant de ma natallenatale rive.
Quoy queQuoique je l’ayeaie cher : neantmoinsnéanmoins je vous veux
1285(OÔ suite d’Acoubar) recognoistrereconnaître de mieux 473 ,
Puis quePuisque pour me sauver d’eternelleséternelles alarmes
Que je souffroissouffrais icyici vous avez pris les armes.
--- 59 ---
„La Damedame qui d’autruyautrui a pris sa liberté
„Ne luylui peut satisfaire, ou soit qu’il l’ait tenté
1290„Car tousjourstoujours nostrenotre effet ne repondrépond au courage 474 .
Le HerautHéraut.
Vous viendrez.
Fortunie.
Sans faillir.
Ergaste.
SuyvonsSuivons 475 donc le voyage. 476
Pistion.
Que s’il m’estoitétait permis (oô ciel que ne veux-tu)
De desployerdéployer contre eux ma Françoisefrançaise vertu,
Ce seroitserait moymoi (maistressemaîtresse à mes coups favorable)
1295Qui prendroitprendrait ce joyau de ta main equitableéquitable. 477
Ce seroitserait moymoi tout seul, et nul autre que moymoi,
Qui offriroitoffrirait la bague, et la lance à ton Royroi :
Ton Royroi, dis-je, mais non : ton haineur adversaire
Dont j’aspire envieux une Parqueparque 478 legerelégère.
1300Je n’oseroyoserai parestreparaître au lieu où tu seras ?
Diane 479 me luyraluira, et tu esclaireraséclaireras
De tes plus beaux rayons une troupe rangeerangée
De soldats malotrus 480 qui ont l’ameâme tourneetournée
AutrepartAutre part : comme on voit le VulcanVulcain chassieux
1305T’œillader (beau PhebusPhébus) pour le mal de ses yeux 481 .
OÔ rage forceneeforcénée 482 : ô despitdépit 483 ! ôÔ detressedétresse !
N’oser suivre au tournoytournoi les pas de sa maistressemaîtresse.
DirayDirais-je couardise ? héHé non ce n’est point peur :
Davantage je crains 484 que mon propre malheur.
Fortunie.
1310Je considereconsidère icyici une ruse fort bonne.
Pistion.
Quelle 485 ma Fortunie ?
Fortunie.
Encore je soupçonne 486 .
Pistion.
PourroisPourrais-tu garentirgarantir mon chemin de hazardhasard?
--- 60 ---
Fortunie.
Il vous faut 487 déguiser en Sauvagesauvage soldard 488 ,
J’en ayai quelques habits, et en façon grossieregrossière
1315Entrer comme ignorant, et courre 489 en la carrierecarrière,
Puis hasterhâter d’esperonséperons le cheval, qui dressé
Aussi bien que pas un, et des renesrênes pressé
Fera croire à ceux-cyci que l’escuyerécuyer habile
Est quelque deitédéité regnanterégnante dans cetcette Isleîle
1320Ou que ce BucephalBucéphal 490 monture d’un grand Royroi
Ne peut porter fumeux 491 qu’Alexandre sur soysoi :
ApresAprès mille destoursdétours conduit de l’esperanceespérance
De fraperfrapper à l’aneauanneau vous baisserez la lance :
En ce premier essayessai remarquez 492 seulement,
1325Au second l’emportant, venez soudainement
Me requerirrequérir du prix : l’ayant eu d’allegresseallégresse,
Retirez vousRetirez-vous alors du milieu de la presse 493 :
„L’envie suit l’honneur, et jamais on ne voit
„(Tant nous sommes pervers) vaincu qui ne conçoit
1330„De haynehaine contre ceux, qui mettent en tropheetrophée
„Pour un signe eterneléternel sa gloire ravageeravagée,
„Il respire 494 leur mort : ainsi que le serpent
Blesse son nourricier de sa pointue dent.
Pistion.
Puis quPuisqu’ainsi trouvez 495 bon de monstrermontrer mon courage
1335De FrançoisFrançais que je suis rendez moyrendez-moi un 496 Sauvagesauvage.
Non que je ne demeure en vivant sous vos loixlois
CeluyCelui que je suis or tres-fidelletrès fidèle et courtois.
Sus que j’ayeaie cet heur, que j’ayeaie cette gracegrâce 497
D’estreêtre paré de vous pour accroistreaccroître d’audace.
1340Ces mains qui armeront ma force de la leur
Me rendront un AchileAchille 498 impareil en valleurvaleur. 499
--- 61 ---
LE CHŒUR.
VEnusÉnusnus, nous te rendons gracegrâce
Qu’entre cent mille travaux,
Tu as donné une place,
1345Et un asyleasile à nos maux :
Qui fait qu’une belle Damedame
Assaillie de malheurs
BanitBannit le soin de son ameâme,
Et de ses joüesjoues les pleurs.
1350Jupiter qui de sa dextre
Semble regirrégir l’univers
Ne peut commander en maistremaître
Sur ces feux par trop divers :
Mais il faut qu’il obeisseobéisse
1355Aux attraits de son toucher :
Comme l’on voit la genissegénisse
Craindre les mains du boucher.
Neptune qui obtint l’onde
Quand il falutfallut diviser
1360L’heritagehéritage de ce monde
N’y peut mesmemême reposer,
Sans y trouver resistancerésistance,
Et sans estreêtre gourmandé
De celuycelui qui a puissance
1365Sur tout l’univers bandé 500 .
Ce n’est donc chose nouvelle,
Si Cupidon que nu 501
Par sa puissance immortelle
VainquistVainquît ce nouveau venu :
1370Qui trompé de la caresse
De sa Damedame (dont la foyfoi
LuyLui aparoistraapparaîtra menteresse)
Viendra esclave de Royroi. 502
--- 62 ---
ACTE V
Le HerautHéraut.
VOicyVOici le Cavaliercavalier n’ayant point de semblable
1375Qui meritemérite le prix : si d’un droit equitableéquitable
Vous estimez autant les Sauvagessauvages soldars 504
Que ceux qui sont rengezrangés dessous nos estendarsétendards.
Madame, c’est luylui seul qui adextre 505 gendarme
Doit remporter vainqueur et l’honneur et la palme.
1380Entre tant de guerriers du Princeprince vostrevotre époux
Nul ne va empeschantempêchant qu’il n’obtienne de vous
Le diamant promis : ains 506 d’une voix commune
Admirent estonnezétonnés 507 le bien de sa fortune.
Fortunie.
HerautHéraut, que me dis tudis-tu ? oseOses-tu orgueilleux
1385PresenterPrésenter maintenant, ce Sauvagesauvage à mes yeux ?
OseOses-tu impudent fauteur 508 de son audace
Me l’adresser encor 509 conduyconduit en cette place ?
Tu te ligueligues pour luylui : et d’un œil arrestéarrêté 510
Tu contemplecontemples l’efeteffet de sa temeritétémérité ?
1390Tu presenteprésentes sa lance, et il devoitdevait sufiresuffire
À ta jasarde 511 voix seulement de le dire ?
Tu me viens reprocher desloyaldéloyal et sans foyfoi
Qu’un Sauvagesauvage a bravé les troupes de mon Royroi ?
Qu’il les a surpassezsurpassé's 512 en adresse guerriereguerrière ?
1395Tu le vas publiant, et tu le devoisdevais taire.
HàHa Cielciel, je vous appelle, et vous atteste tous
IrreprochablesIrréprochables Dieuxdieux tesmoinstémoins de mon courroux.
PourquoyPourquoi fus-je presenteprésente ? et pourquoypourquoi temerairetéméraire
--- 63 ---
Osas tuOsas-tu aujourd’huyaujourd’hui entrer dans la carrierecarrière ?
1400Non, non, ô impudent n’espereespère point de moymoi
Le joyau de la course : exempte de ma foyfoi
Je m’en dispenseraydispenserai, et croiraycroirai ton audace
Avoir trop presuméprésumé de s’offrir à ma face.
Acoubar.
Il y pouvoitpouvait venir l’ayant fait publier.
Fortunie.
1405Je ne le tientiens pourtant pour brave Cavaliercavalier.
Acoubar.
„Dans les rustiques bois la valeur peut bien naistrenaître,.
Fortunie.
Vaincu par cy devantci-devant 513 osoitosait-il bien parestreparaître ?
Acoubar.
Sous ma fidelitéfidélité il s’y est avancé.
Fortunie.
Ore vengez-vous donc puis qupuisqu’estesêtes offencéoffensé.
Acoubar.
1410Aujourd’huyAujourd’hui n’est pas temps : ma foyfoi est engageeengagée.
Fortunie.
Aujourd huyAujourd’hui neantmoinsnéanmoins il poursuit le tropheetrophée.
Acoubar.
Aujourd huyAujourd’hui il le peut : car le prix luylui est deudû.
Fortunie.
Vous vous devez venger aujourd’huyaujourd’hui l’ayant peupu.
Acoubar.
Il n’est point le moteur de la guerre, ains 514 complice.
Fortunie.
1415Il doit egallementégalement endurer le suplicesupplice.
Acoubar.
Chacun doit obeirobéir à son royroi.
Fortunie.
Et chacun
„Se venger quand il peut des haineux jusqu’à un 515 .
--- 64 ---
Acoubar.
Je ne sçaysais seulement s’il m’estoitétait adversaire.
Fortunie.
Vous le pouvez penser estantétant si temerairetéméraire
1420Que venir affronter mesmemême dans vos ramparsremparts
Et l’adresse, et l’honneur de vos braves soldars 516 ,
Mais tientiens : je ne veux plus contester davantage :
VoilaVoilà le diamant et trousse le bagage 517 . 518
Acoubar.
HerautHéraut, fayfais-le sortir en toute seuretésûreté. 519
Fortunie.
1425SçacheSache, sçachesache, Acoubar, qu’il est tout arrestéarrêté 520
Que ce Sauvagesauvage fier retourné dans ses roches
Fera à ton honneur d’execrablesexécrables reproches.
Superbe 521 il tentera ore victorieux
D’animer contre nous et la terre et les cieux.
1430OÔ que j’ayai de douleur aux Princessesprincesses commune
Qu’il nous est arrivé une telle fortune.
HelasHélas, que je suis triste : Acoubar, je prevoisprévois
Un desastredésastre cruel pancher 522 à cestecette fois
Sur ton chef et le mien, ayant veuvu qu’un Sauvagesauvage
1435Devant tes propres yeux nostrenotre gloire ravage,
Lors quLorsqu’il t’estoitétait permis de te venger de luylui
Que ne me donnoisdonnais-tu relácherelâche à mon ennuyennui 523 ?
Que ne me faisoisfaisais-tu en rendant la Justicejustice
À mes vœux requeransrequérant un si loüablelouable office ?
14401440 Car tu le pouvoispouvais bien.
Acoubar.
Encore je le veux.
Fortunie.
Mais tu ne le veux pas.
Acoubar.
Qui plus est je le veux :
Sus, qu’on apresteapprête tosttôt 524 mon cheval : qu’on aporteapporte
--- 65 ---
Mon harnois flamboyant, et ma lance plus forte.
Je le suivraysuivrai de presprès, et d’un assaut soudain
1445Vainqueur luylui ravirayravirai le joyau de la main.
Fortunie.
Allez-y donc vous seul : car d’une telle offenceoffense
Il ne faut pas qu’aucun aytait la cognoissanceconnaissance.
Acoubar.
Mon bras est sufisantsuffisant pour luylui donner la mort.
Ainsi grossier qu’il est, suis-je pas 525 assez fort ? 526
Fortunie 527 .
1450Je le tientiens : il est pris, c’en 528 est fait, et sa vie
Ne pend 529 plus que de toytoi. Pistion je te prie 530
Si quelque doux zephirzéphyr te r’aporterapporte ma voix,
Venge-toytoi d’Acoubar à ton gré cestecette fois.
Ne luylui pardonne point : amyami, si tu l’assomme 531
1455Tu feras aujourdhuyaujourd’hui unune œuvre digne d’homme.
Tu en seras absous par le Dieudieu Cupidon :
Ainsi gaignerasgagneras-tu cent mille ans de pardon.
Ce sera charité, et œuvre pitoyable
De sauver par la mort d’un Princeprince miserablemisérable
1460Une isleîle jà desertedéserte : en signe de ta foyfoi
Ce peuple t’élira doresnavantdorénavant son Royroi :
Il te reclameraréclamera, et moymoi ta Fortunie
Plus cherechère mille fois que leur propre Callie
Fille de Castio, qui prenant le supportsupport
1465De ses pauvres subjetssujets à tes pieds tomba mort.
Ayant bien commencé ta valeur te conjure
De suyvresuivre ton destin, et venger mon injure.
EmployeEmploie ton courage, et n’espargneépargne plus rien :
MonstreMontre-nous un chef d’œuvre et paracheveparachève bien,
1470PourveuPourvu que tu le vueilleveuilles, il n’est rien impossible
À tes bras invaincus dont la dextre terrible
RangeroitRangerait sous le joug de sa guerriereguerrière main
Le plus fier Rodomont 532 , et l’Hector 533 plus hautain. 534
--- 66 ---
Pistion 535 .
ParmyParmi ces grands desersdéserts : parmyparmi ces noires ombres,
1475ParmyParmi ces lieux obscurs, parmyparmi ces landes sombres,
Dans ces antres voisins qui portent sur le front
Les horribles coupeaux 536 de quelque estrangeétrange mont,
Je ne contemple icyici refuyrefui 537 de la fortune
Favorable jadis nyni Titan nyni la Lunelune.
1480Une nuictnuit sans cesser m’environne à l’entour
Et fuis incessamment apresaprès l’ombre du jour.
Si j’entensentends les oyseauxoiseaux fredonner leur ramage :
Je tourne çàça et là esperansespérant davantage :
Il me semble que c’est m’amie, dont la voix
1485Me r’appellerappelle egaréégaré dans l’ombre de ces bois. 538
Bref, rien ne s’ofreoffre à moymoi que tousjourstoujours je ne die 539 ,
C’est elle sans douter, voicyvoici ma Fortunie.
Je cours à 540 son image : et ainsi qu’Ixion 541
Tu n’aperçoyaperçois que vent malheureux Pistion :
1490Tu embrasse 542 une nue, encore trop legerelégère,
Tu ne la tiens que peu, et ne l’adores guereguère :
Si ce n’est que suyvantsuivant sa fuite pas à pas
Tu appelleappelles tousjourstoujours Fortunie au trépas
De son cher Pistion, qui honteux de sa gloire
1495DetesteDéteste abominable, et maudit sa victoire,
Qui luylui donnant le prix luylui ravit à ses yeux
Ta celestecéleste beauté qu’il estime bien mieux.
Que ne suis-je lacquaislaquais d’un soldat porte-pique
Ou de toytoi Acoubar esclave domestique ?
1500Je te verroyverrai, ma belle, et ore en mes ennuis
Je ne te peux chercher ne sçachantsachant où je suis.
Que si quelque Demondémon cognoitconnaît ce paisagepaysage
Et m’en veut retirer, je luylui ferayferai hommage,
Je luylui serayserai fidelefidèle, et avecque 543 mes vœux
1505OffrirayOffrirai à ses pieds une couple 544 de bœufs.
Ces mains ayansayant ouvert le ventre de la terre
--- 67 ---
Mettront le fondement d’une premierepremière pierre
Pour luylui bastirbâtir un temple, et d’un humble devoir
RecognoistrayReconnaîtrai tousjourstoujours son sacré-saintsacro-saint pouvoir.
1510„Lors quLorsqu’il est question de l’amour d’une Damedame,
„Il faut franchir le pas, et elargirélargir son ameâme.
„Il ne faut plus douter 545 à dementirdémentir 546 sa foyfoi.
„Rien n’est si violent que l’amoureuse loyloi.
Pour elle je voudroyvoudrais d’une emprise 547 mutine
1515Au prince des enfers ravir sa Proserpine 548 ,
Et sçavoirsavoir si au Cielciel, plein de temeritétémérité,
L’on pourroitpourrait dérober le feu de PromethéProméthé 549 .
„Pour servir une Damedame en beauté acomplieaccomplie
„Je vendrayvendrai mon honneur, et trahiroytrahirai ma vie.
1520Mais que te sert cela, Pistion, et tu vois
Que personne n’entend ta douleur en ces bois ?
À qui la contecontes-tu ? auxAux bocageresbocagères seules ?
Ou bien aux sangliers, dont les sauvages gueullesgueules
IrriteesIrritées de tes cris à l’éfroyableeffroyable ton
1525Te viendroyentviendraient devorerdévorer comme le jeune Adon 550 ?
Va plorer ton desastredésastre en une grotte herbue
Or dans le creux muet de quelque antre bossue :
Emprisonne-toytoi là Sauvagesauvage revesturevêtu 551
Pour y finer 552 tes ans. 553
Acoubar.
Sus, demeure : où vas-tu ?
1530Arreste toyArrête-toi poltron : autrement à cet heurecette heure
Impareil à mon bras il faudra que tu meure 554 .
Rens-toyRends-toi à ma mercymerci, et ne recule pas :
Baille 555 le diamant : pose les armes bas.
Pistion.
DesloyalDéloyal, peux-tu bien avoir tant de courage ?
Acoubar
1535Un joyau de tel prix n’est deudû à un Sauvagesauvage.
Ta premierepremière valeur ne m’a point estonnéétonné 556 .
--- 68 ---
Pistion.
Je n’ayai rien qui soit tien : car on me l’a donné :
Acoubar l’a voulu, et sous sa foyfoi loyale
Me suis acheminé à la joustejoute royale.
1540ToyToi, toytoi qui que tu sois obeyobéis à ton Royroi. 557
Acoubar.
Moy-mesmeMoi-même je le suis : c’est moy mesmemoi-même, c’est moymoi,
„Rien n’oblige les Roisrois aà garder leur promesse.
Pistion.
Tu veux donc m’ofenceroffenser d’une lame traistressetraîtresse :
Tu me pressepresses desjadéjà : or puis quepuisque tu es Royroi,
1545CerteCertes, c’est la raison que j’aprocheapproche 558 de toytoi.
Tu as de l’interestintérêt (comme moymoi en ta vie)
Que j’ayeaie 559 plus long tempslongtemps l’amour de Fortunie.
Acoubar.
Quel Sauvagesauvage voicyvoici ? ôÔ qu’il a bien aprisappris
Les traverses de Mars, et les mots de Cypris 560 !
1550Je doute : j’ayai grand peurgrand-peur, je crains bien, je pantelle,
Que je ne sois trahytrahi d’une Damedame infidelleinfidèle,
Pistion.
Tu soupçonnesoupçonnes ton mal : 561 tu es pris à ce coup.
Acoubar
À l’aide, je suis mort : il me faschefâche beaucoup
De demander la vie.
Pistion.
En vain cestecette priereprière.
1555Je veux avoir la perte, ou la victoire entiereentière 562 .
Acoubar.
Ne me poursuypoursuis plus tant : amyami je suis à toytoi.
Je me dydis ton vassal, je te confesse Royroi.
Je te cedecède 563 Madame : au reste je te prie
Donne-moymoi (en prenant ma couronne) la vie.
1560Fay-moyFais-moi cestecette bontebonté d’un oficeoffice pieux.
N’es-tu pas à ton gré encor 564 victorieux ?
--- 69 ---
Qu’espereespères-tu de plus ? dD’une triste requesterequête
Je te vayvais supliantsuppliant le salut de ma testetête.
VoilaVoilà ce qui me reste.
Pistion.
OÔ RoyRoi ! ilIl faschefâche fort
1565À un Princeprince bien né de te donner la mort,
Ma volonté repugnerépugne : et neantmoinsnéanmoins forceeforcée 565
Mon ameâme se transporte à ta mort avanceeavancée.
„Tu sçaissais bien que le sort des pauvres amoureux
„Est de n’avoir jamais compagnon 566 avec eux.
Acoubar.
1570Tu aimeaimes Fortunie, helashélas, je te la cedecède.
Pistion.
Ainsi j’en diroydirais bien, si j’estoyétais sans remederemède.
Acoubar.
Franchement je la quitequitte.
Pistion.
Et franchement aussi
De visiter Pluton 567 tu prendras le soucysouci.
Acoubar.
Tu auroisaurais ce courage ? ôÔ desloyalesdéloyales Damesdames !
1575AsseurezAssurez desormaisdésormais les hommes de vos flamesflammes :
Protestez, jurez tosttôt 568 , mal-habilesmalhabiles pourtant
Qui croiront vostrevotre foyfoi qui les va enchantant 569 .
Me devoisdevais-tu ourdir cestecette triste furie ?
Me devoisdevais-tu ainsi decevoirdécevoir 570 Fortunie ?
1580T’avoisavais-je oncques 571 causé un despitdépit 572 dans le cœur
Si ce n’est en entrant que je restayrestai vainqueur ?
Plus heureux mille fois si au milieu des armes
J’eusse laissé sans Royroi mes scadrons de Gendarmesgendarmes.
Mourant je t’eusse creucru, tresfideletrès fidèle, et je vois
1585Que tu m’as abusé de tes propos courtois,
Ainsi que la Syrenesirène, afin que mon navire
TrebuchastTrébuchât dans le creux de ton courroux plein d’ire 573 .
--- 70 ---
Pistion.
VoilaVoilà trop accuser 574 Madame, c’est en vain
Que tu te veux parer 575 de l’assaut de ma main :
1590Tu as voulu troubler nostrenotre saint hymeneehyménée. 576
Acoubar
Cavalier, tu auras ta peine meriteeméritée
Quand lasseelassée de toytoi pour un moindre dépit 577
Quelque nouveau viendra te tuer en ton lictlit.
Pour moymoi, je te pardonne, et sçaysais bien que ta Damedame
1595Te commanda de faire un acte si infameinfâme. 578
LE CHŒUR.
CAche petit Cupidon
Ton brandon 579
Et tes flamesflammes Cytheréescythérées 580
Maintenant que nous voyons
1600Et oyons 581
Les peines par toytoi données.
Tu as causé une mort
Et à tort :
ParquoyPar quoi devenus plus sages,
1605DesormaisDésormais redouterons :
Et craindrons
De tomber en tes nuages.
„Fol qui espereespère de toytoi
„Sans émoyémoi,
1610„Et sans douleur subsequentesubséquente,
„L’allegresseallégresse et les plaisirs
„Que tu dis
„Donner aux troupes amantes.
--- 71 ---
Autour du Dieudieu des amours
1615„Tous les jours
„L’on voit perirpérir un grand nombre
„D’amoureux infortunezinfortunés
„DestinezDestinés
„À perirpérir par cet encombre. 582
Pistion.
1620TU es mort neantmoinsnéanmoins : desormaisdésormais je peux bien
JouyrJouir de Fortunie et ne craindre plus rien.
Je suis Royroi du pays : et sans doute 583 de guerre
PourrayPourrai doresnavantdorénavant gouverner cestecette terre :
Je n’ayai plus de pareil duquel l’ambition
1625Se voulutvoulût égaler au sort de Pistion.
Car pour toutes ses gens 584 , ils n’ont pas le courage
De tenir icyici ferme apresaprès un tel orage.
Je les estonnerayétonnerai en mettant cestecette nuit
Acoubar dans leur camp par mes troupes conduit.
1630Et si demain quelqu’un apresaprès que la lumierelumière
Les aura éclairezéclairés reste encore derrierederrière,
Il verra le courroux d’un Prince qui beninbénin
LuyLui aura fait sçavoirsavoir le trouble de sa fin :
Je ne pardonneraypardonnerai à pas un des Gendarmesgendarmes
1635Si pour me resisterrésister ils se mettent en armes :
„J’estime bien que non : ayant frapéfrappé le chef
„Les membres en ont peur, et craignent le méchef
Le Lyonlion qui a peupu 585 malgré les voix hurlantes
Des dogues éveillezéveillés, passer jusques aux tentes
1640Du berger endormyendormi : lors qulorsqu’il l’a devorédévoré
Démembre puis apresaprès le troupeau à son gré.
FIN.