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Acoubar

par Jacques Du Hamel (1603)
  • Edition de Michael Meere
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  • Relecture : Nina Hugot et Michael Meere


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ACOUBAR
TRAGEDIETRAGÉDIE :
TireeTirée des Amours de Pistion, et
Fortunie, en leur voyage
deau Canada.

Par MaistreMaître Jacques du Hamel AdvocatAvocat en la
cour de Parlement.

À Monsieur de Thiron.


À ROUEN,
DE L’IMPRIMEUR
Chez Raphaël du Petit Val,
Libraire et Imprimeur du RoyRoi,
devant la grand’grande porte du Palais.
1603.
Avec PrivilegePrivilège du RoyRoi.


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À
MESSIRE PHILIP-
pesPEDes-PortesDesportes, Conseiller du
RoyRoi, en ses Conseils d’EstatÉtat
et privé, Abbé de Thiron,
et Bon-portBonport. 1

MONSIEUR, Les rayons de vostrevotre grande renommeerenommée qui éclaire pour le jourdhuyjour d’hui 2 les plus beaux esprits de la France redevable à vos vertus, au lieu de servir de Phare à mon esprit pour le conduire en la nuictnuit de son ignorance, sembleroyentsembleraient avoir aveuglé les yeux de mon ameâme pour rendre ma cognoissanceconnaissance oublieuse, et la fidelitéfidélité de mon service, que je vous dediedédie, aucunement 3 desloyaledéloyale : si le commun hommage que
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chacun vous rend, ne m’incitoitincitait aà revererrevérer vos meritesmérites avec tant d’autres que les publianspubliant s’eternisentéternisent par eux 4 : veuvu que mesmemême une obligation particuliereparticulière force mon devoir à l’obeissanceobéissance que je desiredésire rendre volontiers à vos commandemenscommandements 5 , qui estansétant dignes non d’un plus fidellefidèle (car ambitieux de cet honneur, je ne le voudroisvoudrais cedercéder à personne) mais d’un plus grand et mieux capable que moymoi : font (sans neantmoinsnéanmoins prendre congé d’eux) que je me retire cestecette fois au Parnasse de vostrevotre faveur, pour obtenir de vos Musesmuses Françoisesfrançaises, et mignardes 6 un passeport aà la mienne grossieregrossière, qui venant des islesîles dedu Canada 7 où elle a chargé le sujet de son ouvrage, demeureroitdemeurerait au port d’un eterneléternel silence, comme estrangereétrangère, et impolie 8 (qualitezqualités qui la rendent de soysoi mal commode au trafic 9 ) si l’affection du tesmoignagetémoignage de mon humble desirdésir, ne l’eusteût tireetirée du navire de ma crainte, flottant de 10 long tempslongtemps dans les vagues d’une doute 11 irresolueirrésolue, pour vous l’offrir revestuerevêtue du manteau de vostrevotre excellence, et l’envoyer aux autres asseu-assur
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reerée de vostrevotre authoritéautorité qui luylui ayant fait prendre terre, la recevra, comme j’espereespère entre ses bras, et la conduira heureusement au reste de son voyage auquel 12 elle desiredésire faire paroistreparaître à tout le monde, que je suis à jamais,

MONSIEUR, VostreVotre tres-humbletrès humble, tres-fidelletrès fidèle et tres-obeissanttrès obéissant subjetsujet DU HAMEL.

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ARGUMENT.

Acoubar Royroi de GuylanGuilan 13 avoitavait deux ans entiers respiré 14 la venue de Fortunie, et soupiré son absence, quand pour éclarciréclaircir sa doute 15 , il consulta la science des Magiciensmagiciens de son pays, qui ayansayant aprisappris des hurlemenshurlements de leurs demonsdémons forcezforcés 16 , ce qu’il n’avoyentavaient peupu sçavoirsavoir du raportrapport d’aucunes 17 personnes libres, luylui firent entendre 18 , qu’Acoumat 19 qui estoitétait celuycelui qu’il avoitavait envoyé vers le Royroi d’Astracan 20 , pour l’asseurerassurer du desirdésir de son alliance, et de la foyfoi qu’il avoitavait donneedonnée à l’Infanteinfante sa fille, au lieu de l’amener fidelementfidèlement, l’avoitavait ravie de force, et conduitconduite en une terre estrangereétrangère où Mars 21 et Venus 22 (autant contraires qu’il sont aux autres pour le jourd’huyhui 23 , comme jadis honteux en soy-mesmesoi-même par la surprise de VulcanVulcain 24 estoyentétaient beninsbénins 25 et
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favorables : lequel oracle plus douteux que certain, apresaprès avoir estéété resolurésolu entendre les Islesîles dedu Canada, fit prendre à ce Princeprince une route plus agiteeagitée de flots, que conduite de zephirszéphyrs 26 , et moins assisteeassistée d’heur 27 , qu’enfleeenflée d’esperanceespérance. Car abordé qu’il fustfût apresaprès un naufrage tresgrandtrès grand au milieu de son voyage, et apresaprès la perte d’une bataille navallenavale, ou plustostplutôt d’une surprise que firent les Sauvagessauvages de ce pays, conduits de leur Royroi Castio, et assistezassistés d’un jeune Seigneurseigneur Françoisfrançais nommé Pistion, qui avoitavait depuis peu occupé la place des amours de Fortunie vacante de 28 long tempslongtemps, cuidant 29 avoir gagné un Royaumeroyaume nouveau, il perdit le sien, esperantespérant donner la liberté à une qui ne la vouloitvoulait plus recevoir de sa main, il se mistmit en servage 30 , et pensant osterôter la vie à son ennemyennemi, il se donna la mort par sa creancecréance 31 . Car apresaprès tous les essais qu’il avoitavait tenteztentés pour aborder de force, voyant que le feu de son courage, ne produisoitproduisait qu’une fumeefumée de vanité, et que les Sauvagessauvages qui tenoienttenaient le port estoyentétaient plus asseurezassurés de leur deffendéfen-
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cese, que luylui puissant pour les assaillir : Il obtint de ses Magiciensmagiciens, de l’enchantement desquels il se servoitservait, à defautdéfaut de secours plus certain, et combien qu’il eusteut32 cognuconnu leur mensonge, et esprouvééprouvé la tromperie de leurs démons, un nuage grossier qui voilant le soleil, de son obscurité, et empeschantempêchant les yeux de l’ennemyennemi de pouvoir descouvrirdécouvrir la surprise, luylui permistpermit de faire descendre ses gendarmes 33 en seuretésûreté, et de les conduire sans soupçon, jusqu’aux barricades de Castio, qui se voyant assailli, et ne sçachantsachant de quel costecôté l’ambuscadeembuscade estoitétait faite, au lieu de se joindre aux siens se jettajeta dans les troupes d’Acoubar, qui ayansayant remarqué entre tant de rustiques 34 sauvages, quelque especeespèce de majesté plus grande en cestuy-cicelui-ci, se jetterentjetèrent sur luylui poussezpoussés d’une commune ambition de son desastredésastre 35 , qui faisoitfaisait tomber quand et 36 soysoi la ruyneruine de tout son peuple, dont les uns se sauverentsauvèrent pour trainertraîner plus long tempslongtemps leur servage, les autres se ralierentrallièrent à Pistion, resolusrésolus de perdre la vie en ce jour mesmemême qu’ils devoyentdevaient per-
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dre la liberté. Acoubar jà victorieux de la mort de leur Royroi, se promistpromit de triompher bien tostbientôt de la desroutedéroute de ceux qui voulansvoulant rejoindre nouvelles forces, n’avoyentavaient ni le temps ni l’addresseadresse, veuvu que leur chef Françoisfrançais estoitétait mieux suivysuivi qu’entendu de ces estrangersétrangers, et plus contemplé en ses beaux faits d’armes par ces nouveaux aprentisapprentis, que secondé en sa valeur, qui remporta à Fortunie jà certaine de la mort de Castio, mais douteuse de la sienne, les marques de sa promesse, qu’elle aima mieux graver dans son cœur que de les voir sanglantes sur son chef 37 . Le remederemède fustfut prompt, ne voulant contempler un corps blessé, et luylui nier 38 son aide, elle qui pouvoitpouvait guarirguérir d’une seule œillade les amesâmes plus 39 offenceesoffensées. Il tient donc maintenant et son heur et sa vie de sa dame, puis quepuisque ses desirsdésirs furent n’agueresnaguère favorisezfavorisés de sa gracegrâce 40 , et son corps presentementprésentement garentigaranti de la mort : mais Acoubar qui estoitétait parti de si loin pour esteindreéteindre ses flamesflammes, arrivant peu apresaprès à elle, au lieu de trouver un
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ruisseau de pitié, qui le rafreschisserafraîchisse, il se plonge dans une fournaise de feintes, et de cruautezcruautés 41 qui le consume, recevant un cauterecautère 42 sans le sentir, lors qu’il succesuce les baisers de celle qui le trahit meschammentméchamment en son cœur, folastrantfolâtrant mignardement presprès de sa bouche. Ces premierespremières delicesdélices (commencement d’un poison plus dangereux) durerentdurèrent peu cestecette fois, à cause des nouvelles que qu’Ergaste l’un de ses gens, luylui apporta que son armeearmée se débandoitdébandait 43 si sa presenceprésence ne venoitvenait arresterarrêter leur fuite qui recouroitrecourait aux vaisseaux pour le bruit qui estoitétait de sa mort. La partie fustfut facile à remettre de la part de Fortunie, plus facheusefâcheuse de celle d’Acoubar, toutefois agreableagréable, puis quepuisque le salut de tant de monde, le r’apeloitrappelait de la jouissance de si peu de plaisirs. Les soldats qui auparavant trembloyenttremblaient de peur furent tellement r’asseurezrassurés voyansvoyant leur Royroi en vie qu’ils n’aspirent plus qu’aà le suyvresuivre quelque part qu’il s’achemine. CesteCette commune allegresseallégresse en causa une plus grande, car chacun fustfut d’avis de s’exercer en quelque honnestehonnête exerci-
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ce et de luiterlutter 44 doresnavantdorénavant pour l’honneur, eux qui avoyentavaient n’aguerenaguère si bien combatucombattu pour la victoire. Le Royroi trouva bon d’obeirobéir à leur envie, et voulant recognoistrereconnaître la fidelitéfidélité de ses gens, et honorer la veuëvue de sa Fortunie, commanda qu’on apprestastapprêtât une carrierecarrière 45 pour au lendemain courre 46 la bague 47 . Tout fustfut prestprêt à l’instant, veuvu qu’à grand peine la centiesmecentième partie de ceux qui desiroyentdésiraient cestecette journeejournée peurentpurent mettre la main à l’ouvrage, qu’ils estimoyentestimaient (chacun pour son regard 48 ) ne pouvoir estreêtre assez beau et commode, s’ils ny employoyentemployaient 49 leur industrie 50 , autant prompte que belle. Le HerautHéraut qui publia la joustejoute, la fistfit premierementpremièrement sçavoirsavoir à Fortunie qui ne demandoitdemandait que celle de Pistion : toutefois elle vouloitvoulait assister à l’une et l’autre, et pour avoir entre tant de gensd’armesgendarmes dont la presenceprésence aussi bien que l’arriveearrivée luylui estoitétait tréfacheusetrès fâcheuse, un objet sur lequel elle peustput dresser 51 la faveur de ses yeux, elle revestitrevêtit Pistion d’un accoustrementaccoutrement 52 de Sauvagesauvage, sous la couverture 53 duquel il entre dans
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la carrierecarrière, et sçeutsut aussi bien mettre dans leur bague, comme il avoitavait fait dans celle de sa Maistressemaîtresse : le prix luylui estantétant deu aussi tosttôt que 54 l’honneur, il va recevoir le joyau des mains de sa Damedame, et se retire sans parler dans une forestforêt trestrès obscure suyvantsuivant le commandement de Fortunie, qui feignant de regretter le diamant qu’elle avoitavait donné à ce Sauvagesauvage, anima Acoubar de le poursuyvrepoursuivre, et de luylui ravir si faire se pouvoitpouvait, le presentprésent qu’elle croyoitcroyait et l’avoitavait ainsi desirédésiré luylui estreêtre bien acquis, esperantespérant qu’il ne retourneroitretournerait 55 jamais de cestecette fuite. Acoubar qui avoitavait esteété eslevéélevé 56 de son Royaumeroyaume par la violence de son amour, ne voulut demeurer plus long tempslongtemps apresaprès le commandement de sa Damedame, mais partit incontinent 57 pour le trouver, ce qu’ayant fait en peu d’heure il se vistvit tout soudain par l’assaut de Pistion privé à tout jamais des yeux de son infidelleinfidèle, qui trahissant sa loyauté par cestecette feinte, envoya le Sauvagesauvage deguisédéguisé en la paisible possession de ses amours qui rendent 58 par cestecette mort
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la cruelle Catastrophecatastrophe 59 de cestecette Tragedietragédie, dont le sujet est traité avec une representationreprésentation plus naturelle, un discours plus polypoli, et une suite plus ample par le Sieursieur du Perier en ses amours de Pistion et Fortunie 60 .

[1] Né à Chartres en 1545, Philippe Desportes, poète officiel du roi Henri III, s’est rallié à la Ligue à la mort de celui-ci, mais il a fini par négocier la capitulation des places normandes encore en rébellion. Rival d’abord de Pierre de Ronsard et de François de Malherbe vers la fin de sa vie, Desportes s’est retiré dans ses somptueuses demeures de Vanves et de l’abbaye de Bonport, obtenues en récompense de ses derniers services. Il y menait une vie paisible, entouré de jeunes poètes qu’il protégeait et encourageait, tout en se consacrant à la poésie religieuse, jusqu’à sa mort en 1606.
[2] aujourd’hui.
[3] en quelque façon.
[4] ceux qui publient vos mérites acquièrent, de ce fait, une renommée éternelle (note d’Arbour, p. 3).
[5] Arbour suggère que Du Hamel semble laisser croire que Desportes l’a incité à faire imprimer sa tragédie.
[6] grâcieuses.
[7] Au XVIe siècle et au tournant du XVIIe, les explorateurs français croyaient que le Canada était un archipel, à l’instar de la légende des « îles fortunées « , perpétué depuis l’antiquité par les historiens grecs.
[8] rude.
[9] commerce.
[10] depuis.
[11] appréhension, perplexité.
[12] pendant lequel.
[13] Aussi transcrit « Gilan », le Guilan est une province de Perse, au bord de la mer Caspienne.
[14] désiré.
[15] son appréhension (nom féminin).
[16] soumis.
[17] quelques.
[18] comprendre.
[19] Dans la tragédie, il est appelé Acoumar (v. 935 et suivants).
[20] Une province russe, située sur la Volga et près de la mer Caspienne.
[21] Dieu de la guerre.
[22] Déesse de l’amour.
[23] aujourd’hui.
[24] Dieu forgeron, cf. v. 398, vv. 825-827 et v. 1304).
[25] favorables.
[26] Les zéphyrs sont les vents doux et favorable de l’ouest. Un leitmotiv de la pièce, les zéphyrs seront évoqués à plusieurs reprises, par Acoubar (v. 49, v. 241), par Castio (v. 558) et par Fortunie (v. 1452). Selon Furetière, « zéphir » « vient du mot Grec, qui signifie donnant la vie », une fausse étymologie qui rendrait ce terme assez ironique. En effet, ces vents de l’ouest amènent Acoubar au Canada où il mourra, pendant que les « doux zéphyrs » (v. 1452) apportent la voix de Fortunie à Pistion pour que celui-ci tue son rival.
[27] fortune, bonheur, succès.
[28] depuis.
[29] pensant, croyant.
[30] servitude.
[31] crédulité, foi ; Acoubar est mort parce qu’il a cru aux paroles de Fortunie.
[32] déjà.
[33] soldats.
[34] qui concerne la campagne, mais aussi grossier, mal polis.
[35] mort.
[36] en même temps, avec.
[37] tête.
[38] refuser.
[39] les plus.
[40] bienveillance.
[41] » et de cruautez « manque dans l’édition de 1611.
[42] remède par brûlure.
[43] se débanderait.
[44] rivaliser.
[45] un lieu fermé de barrières préparé pour les tournois.
[46] courir.
[47] Courir la bague : jeu de bague ; ancien jeu qui consiste à enfiler et à enlever au galop d’un cheval, avec une lance, une épée puis un bâton, un ou plusieurs anneaux suspendus à un poteau ou à une potence.
[48] chacun selon son point de vue.
[49] « employent » dans l’édition de 1611.
[50] art.
[51] diriger.
[52] habit.
[53] apparence.
[54] en même temps que.
[55] reviendrait.
[56] enlevé.
[57] aussitôt.
[58] achèvent.
[59] fin, dénouement.
[60] Selon Arbour, Du Hamel aurait pu prendre conscience du roman d’Antoine Du Périer, Les Amours de Pistion et de Fortunie, publié à Paris chez Thomas de La Ruelle à la fin de 1601, grâce à Claude Garnier. Celui-ci fréquentait Desportes et, ami de Du Périer, avait écrit un poème en tête de ce même roman (Arbour, op. cit., p. 8).

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ACTEURS.

Acoubar RoyRoi de GuylanGuilan. Le Magicien. Fortunie Infante d’Astracan. Pistion Cavalier Françoisfrançais. Castio RoyRoi dedu Canada. Les Sauvages. Les GensdarmesGendarmes d’Acoubar. Ergaste Gentilhomme d’Acoubar. Le HerautHéraut d’Acoubar. Choeur

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LA LOYAUTELOYAUTÉ TRAHIE, TRAGEDIETRAGÉDIE.

ACTE PREMIER.

Acoubar. Le Magicien.

Acoubar. 61

SAuvage, que te sert de refuser tes portes

Non jamais assiegeesassiégées à 62 mes fieresfières cohortes ?

Qui plustostplutôt derechef 63 retarderont les eaux

De leurs corps renversezrenversés que rentrer aux vaisseaux

5Je resterayresterai pied coycoi 64 jusqu’à tant que l’armeearmée

AyeAie 65 dedu Canada remporté le tropheetrophée.

PlustostPlutôt tout creveracrèvera que vainqueur dessus eux

Je ne bastissebâtisse icyici un saint temple à mes dieux.

Je sçaysais bien que le sort d’une inique fortune 66

10FustFut n’aguerenaguère pour toytoi, mais si elle est commune,

Et si l’estatétat humain se manie 67 en changeant,

Peuple, qui que tu sois je t’en ferayferai autant,

CeluyCelui n’est pas vainqueur qui pourchasse la gloire


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D’un combat commencé sans la tenir encore 68 .

15Mais celuycelui peut deux fois se joindre à l’ennemyennemi

Qui luylui monstramontra 69 le dos surmonté aà demydemi.

Ne t’orgueilly point 70 donc race non aguerrie

D’avoir encommencé 71 une telle tuerie 72 .

Je m’en ressentirayressentirai 73 pour venger tant de corps

20PasturePâture des poissons qui n’agueresnaguère sont morts

ParmyParmi les flots marins aux ondes infidellesinfidèles,

PoursuyvisPoursuivis impareils 74 de vos flechesflèches bourrelles 75 .

Ainsi comme lon voit trois lyonslions affamezaffamés

EspouvanterÉpouvanter affreux autant d’enfansenfants pasmezpâmés,

25Qui cuidanscuidant 76 échaperéchapper par leur fuite legerelégère 77

Demeurent sans mouvoir mesmemême dans la carrierecarrière.

Ou ainsi que souvent en la froide saison,

Quand les nuaux 78 obscurs brouillent nostrenotre horisonhorizon,

Et que pour menacer les geansgéants de la terre

30Jupiter 79 fait au ciel retentir son tonnerre,

Le Laboureurlaboureur en vain taschetâche d’aller devant

La greslegrêle qui le suit legerelégère 80 comme vent,

Il redouble ses pas, il se met hors d’aleinehaleine,

Encore est-il surpris au milieu de la plaine.

35Lors 81 il change conseil 82 , et voyant qu’il ne peut

Aller sec au logis, puis quepuisque desjadéjà il pleut,

Il cherche les buissons pour s’il ne peut sa testetête

Au moins sauver son dos du coup de la tempestetempête,

Mais le flot pluvieux qui par l’ærair va bruyant

40Ne pardonne non plus à son dos qu’au devant :

L’orage estantétant passé, il ne juge partie

Qui ait peupu échaperéchapper les froideurs de la pluyepluie.

Mon courage pareil avoitavait malgré le sort

Entrepris d’amener mes vaisseaux en ce port.

45Les voiles mis au vent et l’ancre retireeretirée

AnimerentAnimèrent deslors 83 le furieux NeréeNérée 84

Et deslors 85 l’aperceuaperçu presageprésage du meschefméchef 86 ,


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Un orage cruel tournoyer sur mon chef.

Les ZephirsZéphyrs 87 (crevecœurcrève-cœur de mes plaintes tardives)

50Me rappelloyentrappelaient fuyard au sable de leurs rives.

DeslorsDès lors que je quittayquittai pour me rendre aux plus gransgrands

Cent mille fois maudits le respir 88 de leurs vensvents.

La vengeance des dieux enceinte de colerecolère

(Ainsi que je le croycrois) ne me pardonna guereguère,

55Car d’un vomissement elle jette sur moymoi,

Et les miens innocensinnocents de la coulpe 89 du Royroi :

(Car ils n’offençoyentoffensaient point en faisant leur office 90 )

Leur venin marqueté de haine et de justice.

Tout se bande 91 mutin 92 contre un qui ne veut rien,

60N’est-ce pas la raison, que recouvrer son bien ?

Mon dessein n’estoitétait autre : autre chose ne prie

Les Dieuxdieux que de me rendre à 93 toytoi ma Fortunie.

NeantmoinsNéanmoins au milieu de ma route j’ayai veuvu,

Mais ore 94 qu’ainsi soit, puis qupuisqu’ainsi vous a pleuplu,

65Tant de braves soldats de ma GuylanGuilan fecondeféconde

Par l’assaut de vos vents ensevelis dans l’onde.

QuoyQuoi ? vous avez cruels vomyvomi vostrevotre courroux

Contre un Royroi innocent, et vous vous dites doux.

Je croiraycroirai desormaisdésormais voyant telle injustice

70Qu’au ciel non plus qu’icyici ne regnerègne de justice :

Et apresaprès que l’AstreeAstrée 95 eut quitéquitté ces bas lieux

Qu’on luylui ferma 96 la porte, et l’entreeentrée des cieux.

Vous qui par tant de fois promistespromîtes debonnairesdébonnaires 97 ,

Que vous seriez des Roisrois gardiens tutelairestutélaires.

75Or 98 ne vous souvient plus contre moymoi irritezirrités

De rendre aux meffaisansmalfaisants 99 leurs peines meritezmérité’s.

Que si : mais je ne veux : non, je l’oserayoserai dire,

Vous ne destournezdétournez point de ma testetête vostrevotre ire 100 :

Je proteste 101 , ennemyennemi, des plus grands immortels

80RazerRaser à mon retour le pied de vos autels.

Il ne restera rien chez moymoi de la memoiremémoire


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De ces gransgrands Citadinscitadins envieux de ma gloire.

C’est affaire aux coüardscouards de n’oser soucieux

S’attaquer offencezoffensés à la troupe des Dieuxdieux :

85Comme ces fiers Geansgéants pareils à un Colossecolosse

Qui vouloyentvoulaient couronner Olympe du mont Osse 102 ,

Je les aborderayaborderais quand un foudre venteux

DevroitDevrait choir sur mon chef 103 comme jadis sur eux

Le tonnerre grondant qui cassa la cervelle

90De ces mutins, voulansvoulant mettre Dieu en tutelle.

Que me peut-il rester davantage, pervers 104

Que ce ravissement 105 regretté de mes vers,

DeploréDéploré de mes cris, ondoyant de mes larmes

Et bagnébaigné dans le sang du sort de mes vacarmes 106 ? 107

95MiserableMisérable Acoubar le plus funeste sort,

C’est en voulant mourir de ne trouver la mort.

Le rigoureux cizeauciseau dont la parque 108 menace

Les guerriers n’espouvanteépouvante aucunement ta face 109 .

Si fortune douteuse accompagne tes veuxvœux

100Vivant, ô triste Royroi, tu seras trop heureux :

Si comme elle a estéété : elle t’est adversaire,

Et tu meurs au combat ta peine est bien legerelégère.

Car c’est un doux trespastrépas : en perdant ses amours

D’en perdre le desirdésir, et la flameflamme des jours.

105Que fais tufais-tu donc icyici ? obeyObéis à l’envie

De ton ameâme qui veut courir à 110 Fortunie.

Haste toyHâte-toi donc, et si quelque amour est en toytoi.

FayFais paroistreparaître les feux d’une loyalleloyale foyfoi.

DepescheDépêche vitement 111 : une chose remise

110Ne succedesuccède 112 souvent au desirdésir de la prise.

Tu as estéété vaincu, repoussé mis à bas :

Et tu n’oseoses poltron relever les combats.

Que dira Fortunie ? helasHélas ! queQue dira elledira-t-elle?

Que tu n’ose 113 aborder une terre nouvelle ?

115Elle soupçonnera que c’est pour se venger,


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Qu’Acoubar hazardoithasardait 114 ses vaisseaux au 115 danger :

Non point pour la ravir durement asservie

Au traistretraître qui l’avoitavait de son maistremaître ravie.

Ses premierespremières amours 116 qui respiroyentrespiraient 117 à toytoi

120Douteront desormaisdésormais du serment de ta foyfoi.

L’arbrisseau une fois ployé de sa torture 118

N’est facile à dresser 119 quand l’escorceécorce en est dure.

Je luylui satisferaysatisferai avant que ces esprits

AgitezAgités de l’orage ayentaient ce soupçon pris,

125Mais quoyquoi ? jJ’ose beaucoup. Las ! queQue pourraypourrai-je faire,

Si la terre, le Ciel, et la mer m’est contraire ?

AmeÂme de mes amours, helashélas ! pardonnePardonne-moymoi,

Si comme je voudroisvoudrais, je ne cours point à 120 toytoi

Le chemin m’est bouché et la porte fermeefermée,

130Le hazardhasard 121 ennemyennemi, la fortune esprouveeéprouvée.

Entre tant de desirsdésirs : et si peu de moyens

Seulement je recours à nos Magiciensmagiciens. 122

En voicyvoici un venir, ainsi que je presageprésage

ResoluRésolu de mourir quoyquoi qu’il soit le passage,

135C’est le dernier essayessai, entre mille travaux 123

Qu’il me faut pratiquer pour sortir des vaisseaux.

Mes troupes dont le cœur, la valeur et l’audace

MaugreeMaugréent 124 despitantdépitant 125 le port de cestecette place

Qui leur est deffenduedéfendue : ainsi qu’un haut fossé

140ArresteArrête le cheval de son maistremaître poussé.

Car avec peu de gens j’ayai descendu à terre

Lassé trois jours entiers d’une navale guerre.

Ma bouche respiroitrespirait les broüillarsbrouillards de la mort,

Si je n’eusse soudain mis le pied en ce port.

145Mais d’aller plus avant, et de passer ces roches,

Castio, et ses gens sont campezcampés icyici proches,

Ils tiennent l’avenue, et la gardent si bien,

Que pour les aborder je ne contemple rien.

Ces horribles coupeaux incongnusinconnus et estrangesétranges 126


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150EspouvantentÉpouvantent à voir mes plus braves phalanges 127 .

Nul gendarme 128 tant fier qu’il soit et courageux,

N’oseroitoserait seulement se descouvrirdécouvrir à eux.

Vous sçavezsavez cestecette nuictnuit quantquand gendarmes indices 129

ParessoyentParessaient au sommet de ces hauts precipicesprécipices.

155J’en frissonne de peur, non de peur : car jamais

Ma valeur ne trembla pour un si peu d’objets :

Mais de despitdépit 130 , de rage, et d’ire forceneeforcenée 131

De ne pouvoir contre-eux aprocherapprocher mon armeearmée.

Le Magicien.

Ayant peupu commander aux demonsdémons qui à coup 132

160S’aprochentapprochent de mes cris et me revelentrévèlent tout.

Et ayant tant de fois fait rebrosserrebrousser farouche

Le Soleilsoleil au repos de sa nuitierenuitière 133 couche.

Fait jaunir son visage et ses rayons couvert

De blanc, de noir, de rouge, entremeslezentremêlés de verdvert,

165Commandé (obeyobéi des animaux barbares)

À Pluton 134 , à Minos 135 , aux spectres 136 , et aux lares 137 ,

CongnuConnu ce que les ans avoyentavaient138 fait passer

Et preveuprévu le destin que lon a peupu penser

Au conseil plus secret de la bande celestecéleste,

170Autant qu’elle fustfut onc 139 mon aide sera preste 140

À tes chastes desirsdésirs, flamesflammes d’un vrayvrai espouxépoux,

Et te serayserai beninbénin 141 puis quepuisque tu crois à nous.

Acoubar.

Tu sçaissais bien pour avoir d’un esprit trop volage

ObeyObéi à ta voix : que j’ayai fait un naufrage

175De gens et de vaisseaux : si horrible et nombreux

Qu’ils espouvanterontépouvanteront le nauchernocher 142 tenebreuxténébreux

Fuitif 143 dans sa nacelle 144 , agiteeagitée de rames,

Pour se sauver peureux de cestecette troupe d’amesâmes.

NeantmoinsNéanmoins essayant le reste encorencore un coup.

180HardyHardi, je te suyvraysuivrai et employerayemploierai tout.


--- 21 ---
 

Le Magicien.

Prince, ne doute point, j’ayai la Lunelune changeechangée

En cent mille façons semblable à un ProtheeProtée 145 .

J’ayai retenu le cours de Titan dans les cieux,

Et l’ayai fait estonnerétonner 146 tremblant sur les essieux

185De son char embourbé que plus le cheval pense

Emporter de roideur, moins alors il avance 147 .

Ainsi que la Remoreremore 148 attarde sous les eaux,

De sa dent affileeaffilée un monde de vaisseaux

Qui agitezagités du vent qui s’irrite et tempestetempête

190Ne destientdétient pourtant l’arrestarrêt qui les arrestearrête :

Ce petit animal est plus brave chez soysoi

Que les flots debatansdébattant 149 la force de leur Royroi.

Acoubar.

Ces faits sont incognusinconnus en la terre où nous sommes,

Sinon à vos esprits les deitesdéités des hommes.

Le Magicien.

195Ces demonsdémons infernaux, privezprivés du tout amour

Qui me dirent le lieu, la place, le sejourséjour,

Le polepôle, le pays, ou erroiterrait Fortunie

Tant ils furent forcezforcés 150 du sort de ma magie,

Ces mesmesmêmes aujourd’huyaujourd’hui, aujourd’huyaujourd’hui que je veux

200EstendreÉtendre mon pouvoir (si aucun j’ayai sur eux 151 )

Conjureront 152 mutins pour se monstrermontrer fidelesfidèles

Au serment que j’en ayai encontre 153 ces rebelles.

Et ne veux pas qu’aucun 154 averti du haut ton

De ma voix paresseux demeure chez Pluton 155 .

205Sus 156 qu’ils accourent tosttôt : cependant 157 je vous prie

De ranger promptement vostrevotre gendarmerie 158 .

Acoubar.

Quels scadrons 159 les premiers marcherons ? queQue veux-tu ?

Que je range des flots traitrement 160 combatucombattu ?

Engagé dans les eaux, dessus l’onde marine

210Fay-luyFais-lui donc un passage, afin qu’elle chemine.


--- 22 ---
 

Ou si quelque puissance est cacheecachée en tes vers,

FayFais que Neptun 161 se fende, et ses flots soyentsoient ouversouverts.

Tu rengregerengrèges 162 ma playeplaie, et la rensrends plus horrible.

Peu profite en malheur de bailler 163 l’impossible.

215Ce qui plus me retarde en ce port, sçaysais-tu pas

Que c’est pour ne pouvoir mettre mes gens à bas !

Ils ont prou 164 de valeur, d’hardiesse et courage :

Mais quoyquoi ? queQue feront-ils au bord de ce rivage ? 165

DequoyDe quoi me servira de voir un nombre grand

220S’il luylui est deffendudéfendu de passer plus avant ?

Si comme un Hannibal encorencore il falloitfallait fendre 166

Les Alpes 167 j’oseroisoserais sans doute l’entreprendre.

Mais mon ambition engageant mes soldars 168

TrouveroitTrouverait en ces rocs de plus fermes ramparsremparts,

225Inhumaine rigueur de voir que Fortunie,

Puisse moins s’aborder que la grande Italie.

Quels destroitsdétroits ? quelsQuels desertsdéserts ? quelsQuels hazardshasards sont autour

Du bien que lon desiredésire au combat de l’amour ?

Les vaisseaux aux rochers s’aprochentapprochent par les rames

230Les Princesprinces en aimant se reculent des Damesdames.

Le cheval furieux, qui martellemartèle de coups

La terre, ayant le frein, en chemine plus doux.

Une femme agreableagréable autant comme elle est belle

AdoreeAdorée qu’elle est en devient plus cruelle.

235L’orgueilleuse beauté dedagneusedédaigneuse d’amours,

Se flechitfléchit seulement plus humaine aux vieux jours.

Donc je t’accuse amie et cent fois je t’accuse,

Que tu n’accours à 169 moymoi, t’eschapantéchappant d’une ruse :

DesjaDéjà j’ayai fait pour toytoi, ce que je n’eusse pas

240Pour mon perepère vivant s’il estoitétait icyici bas.

Les ZephirsZéphyrs messagers de ma flameflamme impareille 170

Ont jà de ma venue assourdi ton oreille :

Et tu demeure 171 encorencore, ô fille d’Astracan 172

NegligenteNégligente de voir le Princeprince de GuylanGuilan 173


--- 23 ---
 

245Ton espouxépoux tresloyaltrès loyal, et à qui la nature

T’obligeoitobligeait sans le fait d’un desloyaldéloyal parjure.

Le Magicien.

Retenez ces regrets tant que 174 nous ayons veuvu,

Si mon enchantement quelque chose aura peupu.

Je m’en vayvais conjurer sans tarder davantage

250Mes demonsdémons de couvrir d’un obscurci nuage

Ces costescôtes de la mer, pour pressant leur réveil

Les surprendre chacun enchantezenchantés de sommeil,

Ou si les yeux ont jà surhaussé leur paupierepaupière,

Qu’ils cherchent sans y voir de PhebusPhébus 175 la lumierelumière.

255Nos soldats qui ont bien remarqué le sejourséjour,

Les environneront cependant à l’entour

Les presseront de presprès là où ils puissent estreêtre,

Et chargeront dessus sans y rien recognoistrereconnaître.

Acoubar.

Or soit à la bonne heure.

Le Magicien.

Allez tosttôt, et que tous

260S’aprestentapprêtent bien armezarmés de force et de courroux

Pour la testetête baisseebaissée aprocherapprocher ces sauvages,

Qui nous peussentpussent tenir long tempslongtemps en ces rivages,

Et honteux nous causer de reprendre en commun,

Le chemin trop divers des ondes de Neptun 176 .

Acoubar.

265Que si Mars quelque peu nos prieresprières écoute,

Favorisant nos vœux les voilavoilà en desroutedéroute.

Le Magicien.

Cependant mes demonsdémons, mes ombres, mes esprits

AcourezAccourez seconder mes desseins entrepris,

Par ces mains qui vous ont immolé tant d’offrandes

270Je vous evoqueévoque tous des infernallesinfernales bandes :

Et tous je vous appelle à mille et milliers

Pour debatredébattre l’honneur qui viendra des premiers.


--- 24 ---
 

J’entensentends un tintamarre : ils viennent, sus qu’en tonne

Ma voix a estéété ouyeouïe, ainsi que je l’ordonne.

275Semez parmyparmi Junon 177 les nuages obscurs

De l’eternelleéternelle nuictnuit enclose dans vos murs. 178

Couvrez-moymoi le Soleilsoleil, bandez 179 -moymoi son visage,

Et que parmyparmi le ciel ne se voyevoie qu’orage.

Qu’un ancien cahoschaos difforme sans compas

280Demeure pour un temps : que le haut soit en bas,

Le feu dessus la terre : et ThetisTéthys 180 releveerelévée

Se joigne à toytoi, òô Phebe 181 ! en ses ondes bagneebaignée.

VoilaVoilà tout comme il faut : au reste que chacun

Se propose de n’estreêtre à mes vœux importun :

285Suyvez-moySuivez-moi compagnons et autour de mes ælesailes.

Gardiens, maintenez des troupes infidelesinfidèles,

Nos soldats combatanscombattant sinon pour vostrevotre foyfoi

Pour obeirobéir au moins au vouloir de son Royroi. 182

LE CHOEUR.

LAs ! combien sont des humains 183

290Les desseins

Et contraires et volages,

Les uns se plaisent aux bois

Mille fois

Plus qu’ils ne font aux rivages.

 

295Les autres ambitieux

Envieux

Des richesses de ce monde

Les vont cherchanscherchant 184 nuictnuit et jour

À l’entour

300De cestecette machine ronde 185 .

 

Ne redoutansredoutant en la mer

D’abysmerabîmer


--- 25 ---
 

NyNi la Charybde 186 neni Scylle 187 ,

NyNi les autres accidensaccidents,

305Qui absensabsents

Ne sont cognusconnus dans la ville.

 

„Les autres vaincus des traits 188

„Et attraits,

„De la belle Ericienne 189 ,

310„Vont bien souvent egarans 190

„Leurs parens 191 ,

„Et leur Citécité ancienne.

 

„Car tant que l’ambition,

„Le brandon 192 ,

315„Et le desirdésir des richesses,

„Tant que l’envie d’avoir

„A pouvoir,

„ Les vertus ne sont maistressesmaîtresses.

 

Et entre tous ces desirsdésirs,

320Les plaisirs

De l’ameâme passionneepassionnée

Sont tous les plus dangereux

Entre ceux

Qui souvent l’ont accableeaccablée.

 

325Combien fol et esventééventé 193

Mal tenté

Est celuycelui qui se recreerecrée

À tes apasappâts et morceaux,

Les apeaux 194

330Dont nous surprend CythereeCythérée 195 ?

 

PourveuPourvu que de nos desirsdésirs, 196


--- 26 ---
 

„Les plaisirs

„Nous suyventsuivent une journeejournée,

„Nous estimons tous les maux

335InegauxInégaux

„À cette douceur succreesucrée.

 

„L’amour n’aprehendeappréhende rien

„Et le bien,

„Qu’il poursuit pour peu d’espace 197 ,

340„Ne luylui est trop cher vendu

„S’il l’a eu

„Avant que l’heure s’en passe. 198

ACTE II.

Fortunie. Pistion. Castio. Les Sauvages. Acoubar. Les gendarmesGendarmes d’Acoubar. 199

Fortunie.

PIstion tu veux donc, tu as donc cetcette envie

En mourant d’avancer la mort de Fortunie ?

345Tu ne veux donc plus vivre afin que me chassant

Ombre je te seconde 200 au sejourséjour palissantpâlissant ?

Tu respirerespires 201 ma mort en desirantdésirant la tienne

Avançant ta ClotonClotho 202 tu avanceavances la mienne.

En courant au trepastrépas Pistion je veux bien

350T’avertir ce faisant que tu pressepresses le mien.

Dédaignant les rayons de Titan porte-flameflamme 203

Tu mepriseméprises cruel le bonheur de ta dame :

Et te voulant jetterjeter parmyparmi les sers pointus

Des soldats d’Acoubar d’acier revestusrevêtus,

355Ton ambition n’est que vainqueur pour tropheetrophée


--- 27 ---
 

Triompher de ma mort Princesseprincesse infortuneeinfortunée,

Ou vaincu, quand et toytoi 204 d’une estrangeétrange façon

Au prince de GuylanGuilan me bailler à rançon 205 .

AuroyAurais-tu bien le cœur 206 ? auroyaurais-tu bien l’envie

360De trahir desloyaldéloyal l’honneur de Fortunie ?

Que pense tupenses-tu amyami seulette me laissant ?

Que pensera de toytoi mon esprit palissantpâlissant ?

Et que croiront les Dieuxdieux autheursauteurs de l’hymeneehyménée 207

De te voir nonchalant 208 quitter ta bien aymeebien-aimée ?

365Avant ton departirdépartir 209 pour un dernier adieu

Ne me refuse point d’ensanglanter ce lieu :

Fay moyFais-moi ce bon office : à jamais redevable

J’adorerayadorerai le coup de ton fer pitoyable :

Je t’en scauraysaurai bon grègré, ha, Pistion croy moycrois-moi

370Que je tiendraytiendrai cela ottageotage 210 de ta foyfoi.

La glace dans mes os me seroitserait bien plus cherechère

Que l’absence de toytoi ma divine lumierelumière.

Tu ne t’estonneétonnes point, tu ne t’apresteapprêtes pas

De roidir contre moymoi la force de ton bras :

375Insensible Caphare : ô roches cent fois dures

VostreVotre plaisir consiste au bruit de mes murmures ! 211

Vous n’estesêtes point esmeuému de mes cris langoureux

Ains 212 semblez qu’aà dessein vous esjouissezéjouissez 213 d’eux.

„Les idoles des Dieuxdieux (estrangeresétrangères merveilles)

380„Quand nous les requeronsrequérons ouvrent bien les aureillesoreilles

Et Pistion dedagnedédaigne orgueilleux seulement

D’escouterécouter mes regrets, chose indigne d’Amantamant.

Pistion.

Belle de qui le dueildeuil m’est cent fois plus contraire

Que mon propre malheur, que ma propre miseremisère :

385Belle dont les souspirssoupirs, les regrets, les sanglots

PenetrentPénètrent violens 214 aux plus creux de mes os :

Belle qui arrousantarrosant de larmes ton visage

Fais flotter mon esprit proche de son naufrage.


--- 28 ---
 

Belle qui te plombant 215 la poitrine de coups

390Me meurtris 216 , jà navré 217 d’un funeste courroux

Contre mon esprit mesmemême : helashélas mon ameâme toute

Veux-tu qu’à Castio je facefasse banqueroute 218 ?

Ce Castio de qui les soldats aprestezapprêtés

DeffendentDéfendent en mourant nos propres libertezlibertés.

395Veux tuVeux-tu que je le quitequitte ? àÀ qui sa voix plaintive

Se pourra adresser s’il faut que je te suive ?

Quel desordredésordre en son camp ? queQue feront ses soldars 219

Peuple non aguerryaguerri aux traverses de Mars 220 ?

De quel costécôté fuitif 221 sauvera ilsauvera-t-il sa vie

400Si tu veux m’eleverélever 222 , ô cherechère Fortunie ?

Qu’une sainte douleur empareeemparée de toytoi

Te facefasse avoir regret du desastredésastre 223 d’un Royroi.

Son ombre (si le sort sur sa testetête devalledévale)

Se monstreroitmontrerait tousjourstoujours à nos yeux triste paslepâle,

405À jamais une voix pousseepoussée au tourautour de nous

Nous iroitirait menaçant de l’eternel éternel courroux.

Il me semble desjadéjà et desjadéjà je m’apresteapprête

Aux tourmenstourments forcenezforcenés 224 du furieux Oreste 225 .

M’amie permettez (puis quepuisque par son herauthéraut

410Acoubar nous assigne à peine de deffautdéfaut)

Que je marche premier et que par ma vaillance

Lon remarque les traits de la valeur de France.

Canada me requiert de luylui faire ce bien :

„À un peuple afligéaffligé on ne refuse rien.

415Ce sera de l’honneur pour nous parmyparmi ces Islesîles :

Quand apresaprès la victoire on bastirabâtira des villes :

Lors chacun redevable en eslevantélevant ses tours

Gravera le destin de mes chastes amours.

Leurs Louvres somptueux (Royallesroyales entreprises)

420Porteront à l’entour mes armes, et devises.

Fortunie.

Courant à l’incertain tu bastisbâtis sur les eaux :


--- 29 ---
 

Si tu meurs au combat, adieu Louvres royaux :

Adieu tes beaux palais : adieu l’honneur encore

Que tu vas respirant 226 du vent de la victoire.

425Pense tuPenses-tu, Pistion, empescherempêcher ces soldars 227

Qui ont vescuvécu tousjourstoujours sous les drapeaux de Mars ?

PensePenses-tu repousser par tes sauvages armes

Des plumes empanezempannés 228 un monde de Gendarmesgendarmes

Qui sortiront malgremalgré tes disciples nouveaux

430Du ventre monstrueux d’effroyables vaisseaux,

Et dont le corps brillant vestuvêtu d’une cuiracecuirasse

Promet espouvantableépouvantable une pareille audace

Que jadis le Gregeois 229 empreinte dans le cœur

PortoitPortait, quand du troyenTroyen 230 il demeura vainqueur ?

435Vous 231 n’estesêtes point bastansbattant contre si grande armeearmée.

Pistion

Ma foyfoi est neantmoinsnéanmoins au combat engageeengagée.

Fortunie.

Que pouvez vouspouvez-vous avoir plus precieuxprécieux que moymoi ?

Pistion.

Rien plus 232 que vostrevotre amour hors ma loyalleloyale foyfoi.

Fortunie.

Elle m’est jà acquise, et la tiens 233 la premierepremière.

Pistion.

440Il la faut donc fausser je n’y sçauroysaurais que faire.

Fortunie.

Pour si peu de sujet n’obeirobéir à mes vœux ?

Pistion.

Un desastredésastre commun m’appelle : je ne peux.

Fortunie.

C’est vostrevotre volonté qui vous presse maligne.

Pistion.

Mais c’est le mesmemême sort des Dieuxdieux qui me destine.

Fortunie.

445Les Dieuxdieux ne causent point une desloyautédéloyauté.


--- 30 ---
 

Pistion.

Je n’en commets aucune : ainçois 234 vostrevotre beauté

Me convie aà ce faire, or serois jeserais-je pas 235 traitretraître

De promettre à un Royroi, et puis n’oser parestreparaître ?

Le blasmeblâme qu’innocent j’endure, croyez moycroyez-moi

450Madame, ce n’est pas pour manquer à ma foyfoi

Si j’esperoyespérais, helashélas, qu’esgarezégarés 236 dans les roches

Nous peussionspussions d’Acoubar eviteréviter les aprochesapproches,

Nous garentirgarantir de luylui, et sortir de ses mains

Je voudroyvoudrais renoncer deslorsdès lors à mes desseins,

455Je quiteroyquitterais le Campcamp pour (sous vostrevotre conduite)

Me ranger asseuréassuré dans une antre petite.

Ce me seroitserait beaucoup de bien en vous suivant

De ne m’hazarderhasarder point au combat plus avant.

Mais s’ils mettent le pied dans cette Isleîle sauvage

460Quel astre nous pourra garentirgarantir de l’orage ?

Tout le sort nous menace : et n’y a pas icyici

Dame, qui plus que vous en doyvedoive avoir soucysouci.

Fortunie.

Or puis quepuisque je ne peux rompre ta fantasiefantaisie,

Adieu mon Pistion.

Pistion.

Adieu ma Fortunie,

465465 Adieu ma toute belle.

Fortunie.

Adieu : et puisse tupuisses-tu

Avoir les Dieuxdieux pour toytoi autant que la vertu. 237

Pistion 238 .

Quand Titan 239 sommeillant dans l’OceanOcéan se plonge,

Et quel ombreux Morphé 240 (divinité du songe)

Vient saisir les cerveaux, les troubler soucieux,

470Confondre pesle-meslepêle-mêle, et renverser les Cieuxcieux :

Quand dis-je les rayons se cachent dans la nue,

La terre n’est point tant que mon ameâme esperdueéperdue


--- 31 ---
 

Les fleurs qui alterezaltéré's 241 de ses feux ont produit

Au jour mille bouquets se reposent la nuit.

475Les chevaux qui lassezlassés à promener un Coutrecoutre 242

Ont labouré les champs ne passent point plus outre.

L’artisan se retire, et jusqu’au l’endemainlendemain

Donne trévetrêve agreableagréable au travail de sa main.

ToyToi seul (ô pauvre Amantamant) en perdant ta lumierelumière

480Tu demeure 243 esperduéperdu, et ne sçauroissaurais que faire.

HelasHélas te dois-je suivre ? àÀ qui dois-je ranger

Mes armes, et de qui deffendredéfendre le danger ?

Si Castio vivant laisse envahir sa terre,

Nous sommes sans reprise 244 impareils en la guerre :

485Si Fortunie aussi s’esgareégare 245 de mes yeux

Vainqueur je ne pourraypourrai rester victorieux,

Car l’esperantespérant sauver des mains de l’adversaire

Je luylui serayserai moy-mesmemoi-même ennemyennemi et contraire :

Je resterayresterai coulpablecoupable et entre tant de morts

490La sienne causera à mon ameâme un remorsremords

Qui l’ira tenaillant d’une dent non lasseelassée,

Comme on voit le vautour au corps de PrometheeProméthée

Se repaistrerepaître glouton, tousjourstoujours recommençant

Le banquet preparépréparé de son cœur renaissant. 246

495Mais desjadéjà le conseil 247 est pris de cet affaire :

Puis quePuisque je l’ayai voulu il me faudra parfaire,

Tant de belles raisons sont pour me retarder.

CeluyCelui ne doute rien qui se veut hazarderhasarder.

Il me faut au plustostplus tôt aprocherapprocher des gendarmes

500Pour monstrermontrer valeureux la force de mes armes

À ce peuple estrangerétranger, que je veux soustenirsoutenir

En tant que je pourraypourrai, quoyquoi qu’il doive advenir. 248

Castio

et 249 ses gendarmes sauvages

Amis, vous scavezsavez bien : ce n’est point ma folie

Qui a fait aborder cette gendarmerie

505À nos havres lointains : car il m’est incognuinconnu


--- 32 ---
 

Pour et à quel dessein Acoubar est venu :

Mon desirdésir de regnerrégner sur une autre province,

Et d’envahir ses ports n’a provoqué ce Princeprince :

Car je ne sçachesache 250 point de l’avoir offencéoffensé

510Soit en luylui mesfaisantméfaisant 251 ou en l’ayant pensé :

NeantmoinsNéanmoins desirantdésirant s’emparer de ma terre

Il vient de gayetégaieté me declarerdéclarer la guerre

ResoluRésolu de me perdre, et ainsi que l’on voit

PretendPrétend en mon Royaumeroyaume avoir eu quelque droit,

515Menace feu et sang, et d’une rage extrémeextrême

Cuide 252 jà accrocher mon Royalroyal diadesmediadème,

Le joindre avec le sien, comme estantétant sans danger

Permis aux plus puissanspuissants 253 devestirdévêtir l’estrangerétranger.

Ambition gloutonne : insatiable bouche

520Puisse devenir or tout cela que tu touche 254 ,

Puissent comme jadis à l’avare Tantal 255

Les viandes 256 t’affamer transmueestransmuées en metalmétal. 257

Tu declaredéclares la guerre à un Royroi legitimelégitime

Te jugeant le plus fort, irreparableirréparable crime,

525Mais si les Dieuxdieux hautains maintiennent l’equitééquité

Tu te verras punypuni de ta temeritétémérité.

Xerxe plus grand cent fois que ta guerriereguerrière adresse

S’estoitétait ainsi promis la couronne de GreceGrèce,

Mais luylui qui en allant couvroitcouvrait toutes les eaux

530Du passage Pontiquepontique avecque 258 ses vaisseaux

Se sauva sans sejourséjour parmyparmi l’onde marine

Dedans un seul restant du jour de Salamine 259 .

„Qui par trop entreprend n’en vient jamais à bout :

CeluyCelui n’avance point qui veut parfaire tout.

535TousjoursToujours hume le vent l’avare qui machine

„De son proche voisin la honteuse ruine.

„Tantal àa tousjourstoujours soif, et jamais souffreteux

„Il ne trempe sa langue altereealtérée de feux. 260


--- 33 ---
 

Les Sauvages.

Ainsi en adviendra à ce Royroi temerairetéméraire

540Qui se veut emparer d’une terre estrangereétrangère,

nyni luylui, nyni les siens jamais en ce destroitdétroit

AbordezAbordés nyni venus ne pretendirentprétendirent droit,

Et il vient reclamerréclamer d’une orgueilleuse audace

Un terroir incognuinconnu aux premiers de sa race :

545Mais tandis que ces bras pourront roidir contre eux

Ils n’asserviront point un peuple belliqueux :

Tant que nos muscles gros aux veines estenduesétendues

Pousseront de nos arcs leurs flechesflèches jusqu’aux nues

Tant que nous t’aurons Royroi et que dessous tes loixlois

550Tu nous voudras regirrégir en l’ombre de nos bois :

Tandis que nous vivrons nostrenotre belle province

Ne s’asservira point à un estrangeétrange 261 Princeprince.

Castio.

J’approuve vostrevotre cœur mais ce peuple guerrier

Aux charges ordinaire, au meurtre coustumiercoutumier

555Nous forcera peut estrepeut-être, et montant sur nos brechesbrèches

Redoutera fort peu la playeplaie de vos flechesflèches :

Ainsi qu’un haut rocher, ou qu’une grande tour

Ne s’esbranleébranle des coups d’un zephirzéphyr d’alentour.

Ce qui plus me travaille 262 , et me tient davantage

560C’est la crainte que j’ayai durant ce noir ombrage

Qu’ils ne viennent à terre : ayant gagné le bord

Acoubar tout soudain resteroitresterait le plus fort.

NostreNotre jour coustumiercoutumier estoitétait bien ordinaire

De nous offrir plustostplutôt les raysrais de sa lumierelumière,

565Je doute 263 la surprise : allez tout à l’entour

Du camp, et commandez qu’on batte le tambour.

Chacun se tienne prestprêt. 264

Pistion.

Castio, qu’on se serre.

Ordonnez promptement Acoubar a pris terre.


--- 34 ---
 

Son armeearmée s’avance, et jà de toutes parts

570Au pied de nos rochers viennent les estendarsétendards.

Castio.

Retirons nousRetirons-nous un peu : entendons le murmure. 265

Acoubar

à ses Gendarmes.

Ils sont proches d’icyici : mais enfansenfants je vous jure

Que si vous me suyvezsuivez d’une loyalleloyale foyfoi,

Je vous ferayferai presentprésent des largesses qu’un Royroi

575Peut libre departirdépartir 266 en recompenserécompense d’armes

À ceux qui l’ont suivysuivi invincibles Gendarmesgendarmes.

Ne doutez 267 rien : courage, aprochonsapprochons : que chacun. 268

Castio 269 .

Arme, arme, compagnons qu’il n’en reste pas un.

Acoubar.

Eux-mesmesEux-mêmes des premiers s’avancent, qu’on se range. 270

Pistion 271 .

580580 Sus entrons. 272

Acoubar.

Tenez ferme.

Pistion.

AprochonsApprochons, que je vangevenge

Le meurtre de mon Royroi

Acoubar.

Ils n’esperentespèrent plus rien :

Qu’on les suyvesuive de presprès : marchons, tenons les bien. 273

Castio 274 .

Courage, Pistion, que ma mort ne vous donne

Un desespoirdésespoir encor 275 de sauver ma couronne.

585Elle flotte : mais quoyquoi ? ralieRallie si tu peux

Mes gens pour la deffendredéfendre et te rejoindre mieux :

QuandQuant à moymoi vostrevotre prince, ombre je m’achemine

Au manoir de Pluton 276 où la mort me destine.

Adieu brave FrançoisFrançais envié du malheur :

590Pardonne moyPardonne-moi d’avoir employé ta valeur

En un choc si funeste, et si mal t’en arrive

Tu te ressentiras dessurdessus l’ombreuse rive


--- 35 ---
 

De ma temeritétémérité : car c’est en vain icyici

Que j’ayai de ton salut trop tard eu le soucysouci. 277

Les Gendarmes d’Acoubar.

595Tu es doncque 278 le Royroi ? Compagnon faisons trévetrêve,

Gardons leGardons-le seulement de peur qu’on ne l’enleveenlève.

„La victoire est à nous en tout : ne pense pas

ArresterArrêter le troupeau le berger mis à bas.

Nos gens vont cependant au 279 reste des Sauvagessauvages

600Ca et là esgarezégarés 280 au milieu des bocages.

OÔÔ jour cent fois heureux : nos prophetesprophètes ainsi

L’avoyentavaientrevelérévelé, et le croyoiscroyais aussi.

Les Sauvages

et Pistion. 281

Le bruit s’espandépand par toutpartout (Pistion) et l’armeearmée

Le croit, que Castio dont la dextre 282 asseureeassurée

605AvoitAvait trop entrepris, est mort sous les chevaux

De l’ennemyennemi vainqueur, qui versoitversait 283 à monceaux

Nos soldats inpareilsimpareils : ainsi que le tonnerre

DecoupeDécoupe en un instant les espicsépis de la terre,

Ou qu’une greslegrêle rude espandueépandue en un clos

610Vendange nos bons vins dans le raisin enclos.

Pistion.

Or donnons derechef l’assaut, chargeons encore,

PoursuyvonsPoursuivons le hazardhasard, ou perdons la victoire.

Nous sommes presque esgauxégaux : je voyvois de toutes parts

Des leurs 284 comme des miens un monde de soldars 285

615615 Qui gisent dans les champs.

Acoubar

et ses Gens. 286

EnfansEnfants je vous supliesupplie

Cessez de plus piller, voilavoilà il se ralierallie :

Ne permettons jamais qu’un ennemyennemi fuitif 287

Se rejoigne à ses gens ou nous eschapeéchappe vif.

Pistion.

Sus sus : il faut mourir arrache moyarrache-moi la vie,

620Ou que j’ayeaie la tienne amant de Fortunie. 288


--- 36 ---
 

Acoubar.

AprocheApproche Cavalier tu as trop de valleurvaleur

Pour loger dedans toytoi une tremblante peur.

Pistion

blessé.

Ainsi qu’Etheoclés mourant tua son frerefrère 289

Ma mort t’adjourneraajournera 290 son plus grand adversaire.

625Je pantelle, je meurs, que dois-je devenir ?

Ha Dieuxdieux 291 je reste seul, helashélas il me faut fuyrfuir. 292

Acoubar 293 .

Ore suis-je vainqueur, et ne reste personne

Qui vueilleveuille maintenant debattredébattre la couronne.

Castio leur grand Royroi nous a laissé son corps

630(Ainsi que l’on m’a dit) avecque 294 tant de morts

Que les Corbeauxcorbeaux gloutons se repaistrontrepaîtront encore

Six mois parmyparmi les champs du prix de ma victoire 295

Sacrifice agreableagréable aux Dieuxdieux, dont les effets

Punissent ceux qui ont decelédécelé les forfaits.

635Canada voulait donc (ô presomptueuseprésomptueuse Isleîle)

À mon traitre fuitif 296 servir de leur asile,

Le cacher dans ses tours, et mettre en seuretésûreté

Un desloyaldéloyal qui a ravyravi la liberté

Non seulement de toytoi (ma cherechère Fortunie)

640Mais de moymoi qui respire 297 au seul bruit de ta vie.

Je t’aprendrayapprendrai mutin, et te ferayferai sçavoirsavoir

(Si tu es ignorant) en quoyquoi gistgît ton devoir.

Si tu éses eschapééchappé de ce commun orage,

Et tu resterestes vivant je t’en plains davantage.

645MiserableMisérable je pleinsplains touché d’un repentir,

La peine qu’il faudra que je facefasse sentir

À tes membres bruslezbrûlés d’une telle manieremanière

Que ton corps ne sera en plusieurs qu’un cauterecautère.

J’userayuserai neantmoinsnéanmoins encore de bonté

650Puis quPuisqu’on ne peut donner à ta desloyautédéloyauté :

Un suplicesupplice pareil, quel estrangeétrange 298 sauvage


--- 37 ---
 

EustEût voulu comme toytoi honnir 299 mon mariage ?

Frauder 300 de son attente et le Royroi d’Astracan,

Et ravir Fortunie au Princeprince de GuylanGuilan

655Son espouxépoux, qui t’avoitavait envoyé pour conduire

Sa Damedame, que tu as forceeforcée 301 en son navire ?

Et sans te contenter de ces faits attentezattentés

Tu la retiens, cruel, desjadéjà par deux Estezétés.

Rens-la-moyRends-la-moi en l’estatétat que tu me l’as ravie :

660Ou bien telle qu’elle est rens-moyrends-moi ma Fortunie.

Autrement de ce pas je sçauraysaurai si les Dieuxdieux

Te recellentrecèlent aussi en l’ombre de ces lieux. 302

LE CHŒUR. 303

LALÀ Déessedéesse Astrée 304

Voyant jà long tempslongtemps

665EstreÊtre dechasseedéchassée 305

Des villes, des champs

La foyfoi, la Justice

CedaCéda à malice

Ses regnesrègnes meschansméchants.

 

670Depuis sa partie 306

Las, nous n’avons veuvu

L’heur 307 de la patrie

SoustenuSoutenu d’un Dieudieu,

Comme elle regnanterégnante

675EstoitÉtait florissante

La paix en tout lieu.

 

L’inhumaine guerre

S’installa çà bas 308

Marchant sur la terre

680D’un horrible pas,

Portant quand et elle 309

La peine cruelle,

La faim, le trépas.

 

OÔ sainte Deessedéesse

685Que ne reviens tureviens-tu ?

Tu seras maistressemaîtresse

Par tout : attendu

Que de nos malices

DesjaDéjà les suplicessupplices

690Nous ont eperduéperdu.

 

La foyfoi est perdue,

„II n’est rien icyici

„Plus bas que la nue

„Que traitretraître soucysouci :

695„L’amitié jureejurée

„N’est point de dureedurée

„En ce siecle cysiècle-ci.

 

Le mal que je plore 310

Est de la façon :

700Plus cruel encore

Pour double raison :

Une foyfoi jureejurée

Me fut deslieedéliée

D’une trahison.

 

705Jupin 311 nous tourmente

De ces maux divers :

N’ayant eu attente

Aux signes aperts 312

Qu’avant la miseremisère

710L’onde marinieremarinière

Nous avoitavait ouverts.

 

MesmeMême par les songes

Que nous estimions

Des nuitiers 313 mensonges

715Mais or nous voyons

„Que la nuictnuit certaine

PredisoitPrédisait la peine

„Que nous endurons.

 

Toutefois legerelégère,

720Si le desloyaldéloyal

Qui trahit naguerenaguère

Mon lictlit nuptial

EspreuveÉprouve mon ire,

Que j’oserayoserai dire

725Un tourment fatal. 314

ACTE III.

Fortunie. Pistion. Acoubar. Ergaste. 315

Fortunie.

PLorePLeure tout de nouveau Princesseprincesse infortuneeinfortunée,

AcompagneAccompagne de cris la route 316 de l’armeearmée :

PoursuyPoursuis en gemissantgémissant la fuite des soldars 317

De ton cher Pistion qui vaincus sont épars,

730Regrette leur desastredésastre, afin que la victore 318

D’Acoubar ton haineur 319 de toytoi triomphe encore.

Si tu n’as eu ce bien entre cent mille morts

À la mercymerci des coups de jetterjeter ton beau corps :


--- 40 ---
 

Si tu n’as peupu offrir ta poitrine poltronne

735Aux ferremensferrements pointus d’une picquepique felonnefélonne,

Choisi-toyChoisis-toi une peine, un tourment, une mort,

Un martyre cruel qui te gesnegêne 320 plus fort :

Lon te reprocheroitreprocherait qu’au Martialmartial carnage

Tu te retire 321 à part, et te mets au bagage 322 :

740Ne demeure seulette entre tant de blessezblessés

Contre qui les couteaux ne se soient adressezadressés :

Et qui n’espreuveéprouve point née sous meilleur astre

L’espouvantableépouvantable horreur de ce commun desastredésastre.

N’envie point ton heur, Fortunie : mais croycroi' 323

745Qu’il n’y en a pas un plus tourmenté que toytoi.

Entre tant de soldats qui gisent sur la terre

Dont les corps sont sanglanssanglants par le fer de la guerre,

Et entre tant de chefs nos fidelesfidèles amis

Qui ont souillé les pieds de leurs fiers ennemis.

750Le plus miserablemisérable est (ou soit qu’il reste en vie

Ou mort) bien plus heureux que toytoi, ô Fortunie.

Il floteflotte sans soucysouci sur le rivage pers 324

Qui neuf fois tournoyant vogue presprès des enfers,

Et passe 325 dans le creux d’une barque petite,

755Le vaisseau non émeuému du sommeillant Cocyte 326 .

„Quand l’arrestarrêt de la mort nous a bannis d’icyici

DevestusDévêtus de courroux nous sommes sans soucysouci.

Gens heureux mille fois qui n’avez autre cure 327

ApresAprès le doux trespastrépas que d’une sepulturesépulture.

760Un regret pitoyable, un triste crevecœurcrève-cœur

(Ainsi comme je sens) ne vous ronge le cœur,

Et un cuisant remorsremords laissé aux funeraillesfunérailles

Ne se rend derechef bourreau de vos entrailles.

Sur moymoi cestecette fureur qui MedeeMédée 328 enflamaenflamma

765Au sang de son sang propre : et qui meremère tua

La chair de sa chair mesmemême, et l’esprit de sa vie

R’allumeRallume les flambeaux de sa grand’ tyrannie. 329


--- 41 ---
 

AujourdhuyAujourd’hui égalant la rage d’Ixion 330 ,

Il me semble de voir l’ombre de Pistion 331

770AfreuseAffreuse, paslepâle, noire, et me donnant cruelle

Le reproche d’avoir este trop infidelleinfidèle :

M’acuseaccuse de parjure, et apresaprès son trespastrépas

Me dit que je devoydevais par toutpartout suyvresuivre ses pas,

Me charge de sa faute, et reproche l’offenceoffense

775Qui ne peut s’arresterarrêter dessus mon innocence.

Le blasmeblâme dont il veut ma clarté obscurcir

Retombe sur luy-mesmelui-même, et le vient renoircir.

Ainsi comme lon voit les Venitiennesvénitiennes glaces 332

Envoyer les rayons de Titan 333 à nos faces.

780Toy-mesmeToi-même tu fus cause, et si ne voulus pas 334

Me permettre, obstiné, de courir au trespastrépas,

Que j’irayirai talonnant d’une suite voisine,

Ta mort, si tu es mort, à la mort m’achemine.

N’en fis-je point instance ? etEt encore cent fois

785Je me mis en efeteffet de vestirvêtir le harnois 335 ,

Choisi le morion 336 , dont la superbe crestecrête

N’est digne que d’un chef pour se 337 monstrermontrer en testetête.

Les horribles Canonscanons, qu’onques 338 je n’ayai tenté

Ainsi que tu croyoiscroyais, m’eussent espouvantéépouvanté.

790Tu avoisavais ce soupçon, tu m’estimoisestimais trop lâche

Pour porter sur l’aureilleoreille un ondoyant panache.

Et donc tu as voulu seul tenter le moyen

De rompre ce grand Royroi mon haineur ancien ?

Seul tu l’as essayé : helashélas ! estoisÉtais-je indigne

795De te voir en mourant panchépenché sur ma poitrine ?

Je crains bien.

Pistion.

Pistion, pour ta temeritétémérité

Tu reçois le loyer 339 que tu as meritémérité.

Sain de corps, mais navré des beaux yeux de t’amie

Tu as voulu courir malgré ta Fortunie,


--- 42 ---
 

800Te mettre des premiers, et les troupes ranger

Et ore tu retourne 340 en un double danger.

NaguereNaguère es-tu parti blessé d’un doux martiremartyre,

Maintenant d’un cruel que tu n’oseroisoserais dire,

Et ce qui plus encor 341 rengregerengrège mon malheur,

805805 C’est que tout est perdu.

Fortunie.

Que dis-tu ?

Pistion.

Pour le seur> 342

La pluspartplupart de l’armeearmée àa veuvu la Parqueparque blesmeblême.

Fortunie.

Et le Royroi, que fait-il ?

Pistion.

Et Castio luy-mesmelui-même,

Qui tonnoittonnait furieux comme un foudre 343 en Estéété

Est tombé à mes pieds son tombeau aprestéapprêté.

810Le cuidant 344 relever, la troupe qui s’aprocheapproche

Me ceint environné du pendant 345 d’une roche,

Ou plus je me retire, alors cognusconnus-je bien

Le malheur qui me presse, et jà desjadéjà 346 me tien 347 :

Je m’enflameenflamme en moy-mesmemoi-même et osant davantage

815Je sens homme, et chevaux pour me faire passage,

Je r’alierallie ma suite, et voulant derechef

EsprouverÉprouver le combat j’eueus ce coup sur le chef 348 ,

Que je porte mourant à la troupe infernale

Pour gage le plus saint de ma flameflamme loyale.

820„ Les guerriers genereuxgénéreux blessezblessés au champ de Mars

„Non au dos mais au front, retournent plus gaillarsgaillards 349 ,

„Car fraudezfraudés 350 de l’honneur d’un inconstant tropheetrophée

„Ils remportent au moins leur valeur engraveeengravée

„Dans la playeplaie sanglante : onc poltron en enfer

825„Ne descendit marqué de la pointe du fer,

„Que les Cyclopes noirs, et chassieux 351 de braise

„Battent incessamment au pied de leur fournaise 352 :

„Ou si le coutelas leur a cassé les os


--- 43 ---
 

„Faute de l’avoir veuvu ils furent pris au dos.

Fortunie.

830„Trop de temeritétémérité n’est tenue à courage :

„On doit discrettementdiscrètement se sauver du naufrage.

CeluyCelui qui au milieu des ondoyantes eaux

Sans masmât nyni gouvernail desancredésancre ses vaisseaux,

Et à force de vœux sans rame nyni pilote

835Veut arresterarrêter apresaprès son navire qui floteflotte

Ne meritemérite (deçeudéçu en ses sots apetisappétits

Qui le trainenttraînent grondansgrondant) les faveurs de ThetisTéthys .

Ainsi en fistesfîtes-vous.

Pistion.

Ainsi veux-je, cruelle,

Endurer le tourment de ma faute mortelle :

840Ainsi veux-je languir, et rengregerrengréger tousjourstoujours

La playeplaie qui me mine en l’Avrilavril de mes jours 353 :

Ainsi veux-je en ces bois faire la penitencepénitence

Tant qu’il plaira aux Dieuxdieux, de mon outrecuidance 354 ,

Qui ne pourra jamais attendant le cercueil

845Endurer plus de maux que pour ton propre dueildeuil ;

Ainsi veux-je seulet dans une grotegrotte basse

Verser mille ruisseaux pour laver mon audace.

Or donne-moymoi congé de partir de ce lieu,

Pour gage de ma foyfoi je te donne un adieu :

850Rens-moyRends-moi le reciproqueréciproque : ô beauté amiable 355 !

Ne monstremontre plus long tempslongtemps à ma face coupable

Les rayons de tes yeux : cache dans leurs rideaux

Ces beaux feux empruntezempruntés des celestescélestes flambeaux. 356

Tu ne me responsréponds mot 357 , tu veux ma departiedépartie 358 ,

855Tu l’acordeaccordes, fayfais point 359 ? teTe taisant, Fortunie.

Fortunie.

Que plustostplutôt mon esprit aille croistrecroître les morts,

Qui descendent là baslà-bas devestusdévêtus de leurs corps

Et un nombre pareil que lon voit sur les rives


--- 44 ---
 

De fueillagesfeuillages tombeztombés aux Automnesautomnes tardives.

860Que plustostplutôt je te perde, ô clair Soleilsoleil des Cieuxcieux,

Que mon cher Pistion s’absente de mes yeux.

Si tu suis ma presenceprésence : à cetcette heure je prie

Toutes les deitezdéités de venger Fortunie.

Mon cœur ne manque point de courage : je sçaysais

865Un remederemède fort prompt, et si 360 te guarirayguérirai

Avant que le beau jour fuitif 361 de nos carrierescarrières

Se plonge dans le creux des ondes marinieresmarinières :

Attens-moyAttends-moi.

Pistion.

Je le veux : et jusques à la mort

Proteste t’obeirobéir.

Fortunie.

Tu m’obligeras fort.

Pistion.

870Puis quePuisque je l’ayai promis, je l’attendrayattendrai : mais ombres

DecochezDécochez, adressez vos funestes encombres 362

Sur mon chef miserablemisérable : helashélas ! siSi quelque amour

Vous enflameenflamme, Demonsdémons, accourcissez le jour

Du plus triste mortel qu’aujourdhuyaujourd’hui sous la Lunelune

875Vous puissiez contempler esclave de Fortune :

Non point que je me lasse, hé Dieuxdieux ! cC’est tout mon heur

De te suyvresuivre tousjourstoujours : car aussi mon malheur

Sourd 363 bien de plus avant : mais de voir trop felonnefélonne

La rage d’Acoubar qui ma route talonne :

880Aspire au mesmemême bien que je possedepossède heureux,

Et me veut abordé defrauderdéfrauder 364 de mon mieux 365 .

Ce faisfait me fait languir, et plus je me releverelève

Moins me peux-je donner de relácherelâche et de trévetrêve.

Tu respirerespires 366 pourtant à qui de son outil

885La Parque jà devroitdevrait avoir coupé le fil :

Tu suce 367 encore l’air, ô toytoi qui legerelégère ombre 368

DevroisDevrais avoir passé de StixStyx la rive sombre 369 !


--- 45 ---
 

Ce n’est point le desirdésir de vivre plus long tempslongtemps,

„Qui me retient icyici : c’est la foyfoi des amansamants

890Qu’on doit inviolable à jamais tenir seuresûre.

Fortunie.

MonstreMontre-moymoi, Pistion, le coup de ta blessure,

Ne celecèle point ta playeplaie à vue, dont la foyfoi

VoudroitVoudrait avoir baillé sa testetête au lieu de toytoi. 370

CetCette herbe que j’ayai mise aux parties mal-sainesmalsaines

895M’enseigna le pouvoir de ses forces certaines

Il y a jà long tempslongtemps : et depuis je n’ayai veuvu

Arriver plus de mal à ceux qui en ont eu,

Soufre Souffre-la quelque peu.

Pistion.

OÔ qu’elle est violente !

Je ne peux l’endurer tant elle me tourmente.

Fortunie.

900„Les remedesremèdes plus promtsprompts agissent bien plus fort,

„Il faut tout endurer pour n’endurer la mort.

Allez donner relascherelâche à vos esprits une heure,

Cependant 371 qu’Acoubar (dont le proche murmure

M’espouvanteépouvante desjadéjà herissanthérissant mes cheveux)

905905 Me viendra saluer.

Pistion.

Laissons faire les Dieuxdieux,

Ils soutiendront le droit d’un hymen si treschastetrès chaste. 372

Acoubar.

Qu’aperçois-je icyici presprès ? neNe vois-tu rien, Ergaste,

Dans ce petit fueillagefeuillage ? etEt n’aperçois-tu pas

Une rare beauté qui avance ses pas

910D’une gayegaie façon ? Je croycrois que c’est m’amie.

Ergaste.

C’est elle sans douter : c’est vostrevotre Fortunie,

PrevenezPrévenez son abord.


--- 46 ---
 

Fortunie.

OÔ Prince de GuylanGuilan

Qui te force d’aimer l’infante d’Astracan

D’un amour si loyal, que tu ose 373 aux rivages

915De nostrenotre Canada depiterdépiter 374 les Sauvagessauvages ?

Las ! queQue peux-je jamais meritermériter en ma foyfoi

Pour reciproqueréciproque deu à l’oficeoffice d’un Royroi ?

Acoubar, que veux-tu pour ta bonté royale ?

Je n’ayai rien de pareil : je n’ayai rien qui l’egaleégale.

Acoubar.

920Ce seul bien je requiers que nulle cruauté

Ne se loge jamais parmyparmi vostrevotre beautebeauté.

Et autant que je suis bruslébrûlé de vostrevotre flameflamme

Qu’autant le soyez voussoyez-vous de la mienne, Madame.

Fortunie.

Je seroyserais une Louvelouve, un Lyonlion, un rocher,

925Un Capharecaphare 375 tortu 376 insensible au toucher,

Un tronc inanimé et encor plus cruelle

Si je n’avoyavais le cœur d’une Damedame fidellefidèle.

Acoubar

Je le croycrois : mais Ergaste allez presentementprésentement

Vers mon Campcamp : que chacun s’y porte sagement,

930Je ne suis point venu pour gastergâter 377 cestecette terre,

Je luylui veux seulement faire une douce guerre.

Ergaste.

Je vayvais donc de ce pas commander de par vous

Sur peine d’encourir vostrevotre juste courroux,

Que personne ne traite en vainqueur legitimelégitime

935Ce peuple qu’Acoumar 378 rend fauteur 379 de son crime. 380

Fortunie.

Sire, puis quepuisque le Cielciel favorable aujourdhuyaujourd’hui

Vous rend malgré l’eforteffort victorieux sur luylui,

Puis quPuisqu’avec peu de morts vous avez le tropheetrophée

Contentez-vous du sang de la charge donneedonnée.


--- 47 ---
 

940N’allez point plus avant poursuyvrepoursuivre ces fuyarsfuyards

Qui ne virent jamais de si rudes hazarshasards

Nourris dans les forestsforêts.

Acoubar.

Pour vous je leur pardonne,

Retenant neantmoinsnéanmoins le sceptre, et la couronne.

Qu’ils retournent chez soysoi : les filles, les enfansenfants,

945Les chefs, les colonels qui fuyentfuient par les champs,

Les femmes, les soldats, si la foyfoi on me garde,

Seront en seuretesûreté dessous ma sauvegarde.

Acoumar sera seul traistretraître qu’il m’a estéété

Qui n’éprouvera point ma gracegrâce, nyni bonté.

950Aux autres je remets leur rebelle furie

D’Acoumar seulement je respire 381 la vie.

L’estrangerétranger trouvera un prince gracieux,

Mon subjetsujet desloyaldéloyal un Tygretigre furieux.

Ceux qui ouvertement m’ont declarédéclaré la guerre

955Seront de mes amis quoy quequoique Royroi en leur terre.

Le parjure vassal 382 qui m’a faussé sa foyfoi

N’a que faire d’attendre une gracegrâce de moymoi.

Où est-il ? queQue je sçachesache où il erre ce traistretraître.

Ha, je t’atraperayattraperai là où tu puisses estreêtre.

Fortunie.

960Il faudroitfaudrait donc, amyami, finissant nostrenotre amour

Prendre l’ombreux chemin de l’infernal sejourséjour.

Ce qui n’arrive, ô dieux ! laissezLaissez sa trace noire,

Et ne l’empeschezempêchez point à son aise de boire

Au fleuve LetheanLéthéan 383 , là où les trespasseztrépassés

965Oublient en beuvantbuvant les traits qui sont passezpassés,

Il pourroitpourrait retourné se souvenir encore

De ses premierespremières mœurs, ainsi que Pythagore 384 .

Toute haine et rancœur s’ils devestentdévêtent mourans

Aussi le devons-nous, quoy quequoique restions vivans 385 .

970Il n’est rien de si beau que remettre la peine


--- 48 ---
 

„À celuycelui qui ne veut nous porter plus de haine.

Acoubar.

Je ne peux, c’est en vain : s’il est parmyparmi les morts

Je me veux assouvir au reste de son corps,

Il s’est mis à traverse 386 , et craignant ma cholerecolère

975Luy-mesmeLui-même s’est meurtri ou bien se l’est fait faire.

Fortunie.

Il y a jà six mois qu’un seigneur étranger

Que les flots orageux firent icyici ranger,

Courtois comme il estoitétait, et voyant mon servage 387

Poignardé le jettajeta dans le creux du rivage.

980Je le presse obligée en un si grand devoir

De me dire son nom que je ne peux sçavoirsavoir :

Seulement il me dit à force de priereprière

C’est la France qui est ma nourricierenourricière meremère,

Et comme la valeur en ce peuple est : aussi

985Des Damesdames nous avons la cure et le souci :

Plus qu’autre nation nous suyvonssuivons volontaires

Pour combatrecombattre invaincus l’ombre de leurs banieresbannières.

À ces mots il se jette au vaisseau qui l’attend

S’eloignantéloignant de mes yeux par le souflesouffle du vent.

990Je le conduyconduis de vœux, et luylui à ce qu’il semble

De signes me rend gracegrâce : alors promteprompte j’assemble

L’esprit de ma raison pour sçavoirsavoir une fois

La reglerègle qu’il falloitfallait tenir parmyparmi ces bois :

Car voyant que seulette en ces ombres sauvages

995J’avoyavais les oisillons (dont les simples ramages

Fredonnent curieux 388 au Printemsprintemps leur amour

Sous un air incognuinconnu aux chantres de la Courcour)

Compagnons de ma voix : et que les bocageresbocagères 389

S’accorderoyentaccorderaient peut estre-être au ton de mes miseresmisères,

1000Je prenprends nouvel advisavis 390 en ces lieux desirantdésirant

T’imiter, PhilomelePhilomèle, au regret de ton chant. 391

DésDès ce temps j’ayai vescuvécu vefveveuve sans mariage


--- 49 ---
 

Ainsi comme tu vois aux ombres d’un bocage :

DésDès ce temps soupirant 392 mon martyre cruel

1005Je t’ayai offert mon cœur au pied d’un bel autel

Que je t’ayai eslevéélevé, et pour le sacrifice

Donné journellement les vœux de mon service.

Acoubar.

OÔ constante beauté ! laLa foyfoi d’un vrayvrai époux

Quoy queQuoique grande, ne peut estreêtre digne de vous.

1010Il n’est rien si parfait qui encore meritemérite

De vostrevotre chaste amour la flameflamme plus petite. 393

Ergaste.

L’armeearmée se débande, et la crainte si fort

A saisi vos soldats, que tous vous cuident 394 mort.

Si vous ne paroissezparaissez, vostrevotre armeearmée en desroutedéroute

1015Rentre dans les vaisseaux, et jà se sauve toute,

Le bruit y est commun : l’amour ne vous doit point

Causer de mettre bas toute crainte et tout soin :

Si l’ennemyennemi venoitvenait à rallier sa force

Nous serions en danger surpris de telle amorce.

1020Donnez encore trévetrêve à la Damedame ce soir.

Acoubar 395 .

Adieu donc.

Ergaste.

Et demain vous la viendrez revoir. 396

Fortunie 397 .

VoilaVoilà un bon presageprésage ; ô que j’ayai d’allegresseallégresse

De ce qu’il a encorencore une telle traverse 398 .

Derechef cette nuictnuit, Pistion tu auras

1025Le bon-heurbonheur de coucher toytoi seul entre mes bras. 399

LE CHŒUR.

DU petit enfant la flécheflèche

„Est à craindre nuictnuit et jour :

TousjoursToujours il fait quelque bréchebrèche

„Aux flamesflammes, et à l’amour,


--- 50 ---
 

1030„Volage il nous environne

„Soit que soyons en malheurs,

„Ou qu’ayons une couronne

„De laurier comme vainqueurs.

 

„II n’a point esgardégard aux aagesâges

1035„Aux volontezvolontés nyni au temps :

VeuVu que ses flamesflammes volages

BruslentBrûlent mesmemême les enfansenfants.

„Il embrase la vieillesse

„D’un feu aussi grandement

1040„Que nous voyons la jeunesse

EstreÊtre eschauffeeéchauffée en aimant.

 

Les philosophes et sages

Qui pensent regirrégir les mœurs

Par le fard de leurs langages,

1045Ne peuvent puissanspuissants vainqueurs

Triompher de CythereeCythérée,

Qui maistrisemaîtrise princes, Roysrois,

Et la troupe gouverneegouvernée

De leurs politiques loixlois.

 

1050„Les jeunes, les vieux, les princes,

„Les Empereursempereurs couronnezcouronnés,

„Les magistrats des provinces,

„Et les Roysrois des astres neznés,

„Le joyeux, gaillard, le triste,

1055„Le pleureux, le casenniercasanier

„Sont escritsécrits en mesmemême liste

„Dedans l’amoureux papier.

 

Or Acoubar tu peux donque 400

Te dispenser du serment

1060Que tu avoisavais juré doncque 401

N’aller les femmes aimant :

Puis quPuisqu’il n’est en ta puissance

„De te pouvoir obliger


--- 51 ---
 

AÀ la foyfoi de continence

1065„Que tu as fait de legerléger 402 .

 

„Pour la perte d’une Damedame,

„Te pouvoispouvais-tu garentirgarantir

„De cette amoureuse flameflamme

„ Qui jamais ne peut mentir ?

1070PhoenixPhénix 403 de son amour mesmemême,

„Car cessant en un sujet

„Elle revengerevange l’extrémeextrême

ProduissantProduisant un autre objet. 404

ACTE IIIIIV.

Acoubar. Ergaste. Le HerautHéraut. Pistion. Fortunie. 405

Acoubar 406 .

Adonc 407 peuple mutin tu vouloisvoulais sans mot dire,

1075Et sans m’en avertir rentrer dans le navire ?

Vous avez eu (poltrons) cette temeritétémérité

De faire banqueroute 408 à la fidelitéfidélité

Que vous m’aviez jureejurée ? indignesIndignes de mes armes

Et du nom que portez 409 , vous n’estesêtes point gendarmes.

1080Quelle glace coüardecouarde est coulée en vos cœurs

Que vous tremblez de peur, et vous estesêtes vainqueurs 410 ,

Que vous monstrezmontrez le dos, et naguerenaguère en vos rages

Vous avez mis à sac tant de braves Sauvagessauvages,

Qui ne virent jamais en ces bords estrangersétrangers

1085Surpris beaucoup de fois de semblables dangers ?

Que si j’eusse manqué au combat où vous fustesfûtes

(J’y marchoismarchais le premier) mes douleurs seroyentseraient justes

Mais n’espargnantépargnant non plus mes bras que vostrevotre chef


--- 52 ---
 

J’ayai couru comme vous la risque 411 du meschefméchef.

1090Et vous me delaissezdélaissezdesloyallesdéloyales troupes)

ParmyParmi ces hauts rochers aux effroyables croupes :

Vous n’avez point de soin des scadrons separéséparé

Si un lyonlion m’assaut dans les bois esgaréégaré ? 412

Vous prenez du bon temps au perilpéril de ma vie,

1095Cependant 413 que je suis à chercher Fortunie,

Vous reposez sur l’herbe, et partanspartant 414 le butin

Laissez reprendre haleine au sauvage mutin

Qui viendra faire testetête 415 : ainsi qu’en la prairie

Deux fiers taureaux lassezlassés du choc de leur envie

1100En fin restent égaux, quand revenansrevenant aux coups

L’un s’est trouvé dessus, puis à l’instant dessous,

Recommencez la garde, et tousjourstoujours en alarmes

Soyez prestsprêts de courage et saisis de vos armes.

Ergaste. 416

Ces feux qui coustumierscoutumiers de briller aux ramparsremparts

1105Durant la sombre nuictnuit soudain que vos soldars 417

Se camperentcampèrent voisins avant que les surprendre

Sont esteinséteints maintenant, ou cachezcachés dans la cendre,

Et leurs chefs genereuxgénéreux qui faisoyentfaisaient tant d’éfortsefforts

Frissonnent des premiers, ou sont presque tous morts :

1110De sorte que des gens de ces deux exercites 418

Qui parurent à nous, nul ne soit aux garitesguérites

Sans sçavoirsavoir neantmoinsnéanmoins quel chemin plus certain

Les pourra garantir du coup de vostrevotre main.

Les canons delaissezdélaissés, et les bombardes 419 seules

1115Nous espouventeroyentépouvanteraient seulement de leurs gueules.

Non, non, ne doutez point : nous ne sommes que bien

ParmyParmi nos ennemis, et si 420 ne craignons rien :

Car tous ceux qui ont peupu eschaperéchapper la mesleemêlée

N’oseroyentoseraient attaquer le moindre de l’armeearmée.

1120Et que faisons nousfaisons-nous donc ? queQue restons nousrestons-nous icyici

Puis quePuisque tous leurs efforts ne tendent qu’à mercymerci 421 ?


--- 53 ---
 

Avancez, seurementsûrement, puis qupuisqu’en leur donnant vie

Ils recevront joyeux vostrevotre Gendarmeriegendarmerie.

Que requerez vousrequérez-vous plus d’un Sauvagesauvage deffaitdéfait

1125Que se rendre à vos pieds comme un humble sujet ?

Respirez vousRespirez-vous 422 sa mort ? luyLui voüez vousvouez-vous la corde 423

Vous qui par tant de fois fistesfîtes misericordemiséricorde ?

Ayez quelque douceur : deposantdéposant tout esmoyémoi,

Marchez non en vainqueur, mais en suite de Royroi :

1130Les Damesdames du pays, Callie 424 la premierepremière

Ayant jà oublié la parque 425 de son perepère,

Vous requiert d’une joustejoute, et tant d’autres soldars 426

DesirentDésirent s’exercer chagrins 427 des feux de Mars.

Acoubar. 428

Volontiers je t’escouteécoute : or poursuypoursuis je te prie.

Ergaste. 429

1135Vous devez ce bon-jourbon jour à vostrevotre Fortunie :

Elle qui a vescuvécu en tant d’austeritezaustérités

Non pour un peu de temps, mais depuis deux estezétés

Elle pour vostrevotre Amouramour qui a tant voulu faire

MeriteMérite bien qu’un coup on tire en 430 sa carrierecarrière,

1140(Sienne puis quepuisque pour elle on bride les courtauxcourtauds 431 )

Que la lance on y porte aux ferremensferrements Royauxroyaux 432 ,

Et que pour l’honorer les Damesdames par les rues

Y soyentsoient (mieux que devant) de fil d’or revestuesrevêtues.

Acoubar. 433

Va porter la nouvelle : et luylui baise la main

1145De ma part : que sans faute elle vienne demain :

Qu’elle prenne son teint et sa belle lumierelumière

Pour entre les beautezbeautés parestreparaître la premierepremière.

QuandQuant à moymoi, je deslogedéloge, et en un autre Champchamp

Je desiredésire aprocherapprocher les troupes de mon Campcamp.

1150HerautHéraut, despesche toydépêche-toi, vistementvitement, à la hastehâte

Va avertir le peuple, apresaprès qu’avec Ergaste

Tu l’auras fait sçavoirsavoir à Madame, et dis luydis-lui


--- 54 ---
 

Que ce sera demain n’ayant peupu aujourdhuyaujourd’hui.

Le HerautHéraut.

Mais quel prix le vainqueur en remportera, Siresire ?

Acoubar.

1155SçacheSache-le de m’amour : c’est à elle à le dire.

Au reste délogeons, qu’on batte le tambour

Qu’on parte promptement tandis qu’on voit le jour. 434

Pistion

et Fortunie

Encore cette nuictnuit pour ma prise dernieredernière

J’ayai reçeureçu dans tes bras ma faveur coustumierecoutumière.

1160Encore cette nuictnuit j’ayai cueillycueilli plusieurs fois

Le bien que lon desiredésire aux amoureuses loixlois.

Je ne m’attriste plus de la mort : qu’elle vienne

Prendre sa redevance ayant jà pris la mienne.

Fortunie.

Et tu vouloisvoulais mourir ?

Pistion.

Faute d’avoir pensé

1165Qu’on se peustpût esjouiréjouir 435 quand on est offencéoffensé.

Fortunie.

Ainsi mon Pistion, ne perds point le courage.

Aujourd’huyAujourd’hui un : demain nous aurons davantage.

„Peu à peu lon s’avance : et jamais d’un plein saut

On n’a veuvu de Geantgéant qui soit monté là hautlà-haut.

1170Icare quoy quequoique fol en ses emprises 436 vaines

S’aprochoitapprochait de son vol aux carrierescarrières hautaines

Si les feux du Soleilsoleil pour sa temeritétémérité,

N’eussent point amolyamolli l’ouvrage raportérapporté

Que son perepère DedalDédal 437 dans les prisons de CretteCrète

1175LuyLui avoitavait façonnezfaçonné d’une ruse funeste 438 .

Gouvernons nos Amoursamours d’un visage si beau

Qu’on deçoyvedéçoive Acoubar aveuglé du bandeau

De sa credulitécrédulité, attendansattendant qu’un bon Angeange

Nous trainetraîne fugitifs en quelque terre estrangeétrange 439 .


--- 55 ---
 

Pistion.

1180Qu’espere tuespères-tu de moymoi aupresauprès des yeux jaloux

(Puis quPuisqu’il t’estoitétait promis) d’Acoubar ton époux ?

Je serayserai trestrès joyeux que tu luylui sois fidellefidèle

Quand je serayserai partyparti et qu’une onde cruelle

Que je veux pour sepulchresépulcre, en retournant mon corps

1185M’avertira flottant aux rives de ses bords

„Que tu l’aimeaimes forceeforcée 440 en la loyloi de nature

„Qui deffenddéfend de commettre à son marymari injure.

Je me tiendraytiendrai pour gloire ayant vescuvécu çà bas

Qu’une Damedame m’aima jusqu’au jour du trépas.

1190Car si tu ne veux point à deux estreêtre maistressemaîtresse

(Endure seulement) ma lame vengeresse

Te delivreradélivrera d’un : afin qu’un plus que moymoi

RoyRoi te parfaceparfasse 441 Reinereine estantétant fille de Royroi.

Fortunie.

Que dis-tu ? quelleQuelle rage, et quelle felonniefélonie 442

1195Te force d’attenter au bonheur de ta vie ?

Tu veux donc sans égard de ta fidelitéfidélité

DepartirDépartir 443 triomphant de ma pudicité ?

Et en faire un Tropheetrophée aux autres qui infamesinfâmes

En riroyentriraient comme toytoi ignoransignorant de mes flamesflammes ?

1200Tant que tu m’aymerasaimeras Pistion je sçaysais bien,

Et l’espereespère de toytoi, que tu n’en feras rien,

Un FrançoisFrançais (comme toytoi) qui aura l’ameâme bonne

Ne commettra jamais trahison si felonnefélone.

Quitter ta Fortunie ? etEt procurer ce mal

1205À celle qui t’adore ? Ha tu éses trop loyal.

T’escarterécarter de mes yeux d’une fuite infidelleinfidèle

Ce sera Pistion sans congé de ta belle

Qui te desavouradésavou'ra protestant en sa foyfoi

Que tu es malheureux departydéparti malgré soysoi.

Pistion.

1210Quoy qu'Quoiqu'un grand creve-cœurcrève-cœur mes entrailles devoredévore


--- 56 ---
 

Madame neantmoinsnéanmoins je vous suivraysuivrai encore. 444

Fortunie.

Quel gage en donnez-vous ?

Pistion.

Par le saint Cupidon.

Fortunie,

Ainsi l’avoitavait 445 juré Æneas 446 à Didon,

Et ne laissa pourtant de quitter sa Carthage 447

1215Plus amoureux des flots que des bords du rivage,

Plus curieux de l’onde où il alloitallait suivant

L’espoir de l’Ausonie 448 agiteeagitée du vent

Que de mille citezcités qu’on luylui offroitoffrait paisibles

Proches sans traverser les Caphares horribles 449 .

1220Si quelque astre beninbénin 450 vous promet d’estreêtre Royroi

En pays estrangerétranger : c’est peu que vostrevotre foyfoi.

Pistion.

Je n’ayai point le desirdésir de chercher 451 l’Italie

NyNi les sceptres lointains au perilpéril de ma vie.

Vaincue vous ayant sans force de soldars 452

1225Je ne veux esprouveréprouver en autre champ de Mars

Si le sort des grands Dieuxdieux (que d’un esprit volage

Je tenteroytenterai) pourroitpourrait me donner davantage.

Content de ma fortune ayai-je 453 pas assez d’heur ?

Fortunie.

„Les victoires gagneesgagnées enflamentenflamment le vainqueur.

Pistion.

1230Il jouytjouit de la prise, et s’arrestearrête au tropheetrophée.

Fortunie.

Rien moins 454 , plus il poursuit sa route encommenceeencommencée 455 .

Pistion.

Il n’est donc pas encor 456 du tout victorieux.

Fortunie.

C’est que l’heureux hazardhasard 457 luylui fait espererespérer mieux.


--- 57 ---
 

Pistion.

Je suis venu à bout : rien plus je ne desiredésire.

Fortunie.

1235Vous celez 458 vostrevotre mal, et ne me l’osez dire.

Pistion.

Avoir autres penseespensées que les vostresvôtres jamais.

Fortunie.

Nenny 459 : ce n’est pas vous, je croiraycroirai desormaisdésormais

Qu’ayant ouyouï je suis sourde, et durant la lumierelumière

Ayant veuvu Pistion que c’est une Chymerechimère ?

1240PlustostPlutôt j’estimerayestimerai tournant dessus dessous

En guise de Cahoschaos que vous n’estesêtes point vous,

Ains 460 une autre personne, et puis qupuisqu’à la mesmemême heure

Vous reprenez subtil 461 vostrevotre antique figure 462 .

Vos desirsdésirs sont les miens : et encorencore osez vousosez-vous

1245D’un congé refusé me prier à genoux ?

„Cil 463 qui veut doctement contrefaire les feintes

„Se doit bien souvenir des premierespremières atteintes.

Mais je trouve fort bon qu’ayant fait un faux pas

Vous relevez la bride, et n’y demeurez pas.

1250Or que veulent ceux-cy ? desjaDéjà le cœur me tremble

Je frissonne de peur, c’est un herauthéraut ce semble

Seroit ceSerait-ce bien helashélas (mais Dieuxdieux faites que non)

Pour apelerappeler encorencore au combat Pistion ?

Je les veux escouterécouter. 464

Ergaste

et le HerautHéraut. 465

Me voicyvoici à la Rocheroche

1255Où nous fumesfûmes 466 long tempslongtemps sa tente est icyici proche.

La voilavoilà elle mesmeelle-même à propos.

Le HerautHéraut.

NostreNotre Royroi

Qui vous baise les mains par Ergaste et par moymoi

Vous prie mille fois (et estesêtes la premierepremière

Qui l’as sçeusu de sa part) demain à la carrierecarrière


--- 58 ---
 

1260Qu’il a fait apresterapprêter pour des joustesjoutes nouveaux

RecreerRecréer vostrevotre esprit embrouillé de travaux.

Ergaste.

Madame, son desirdésir est qu’à cette journeejournée

Vous puissiez contempler la fleur de son armeearmée

Qu’il a pour vous ravir de son traitretraître ennemyennemi

1265LeveeLevée en son pays épuisé qu’à demydemi,

La festefête y sera grande au moyen qu’on espereespère

Que vostrevotre majesté marchera la premierepremière,

Pour remettre le cœur à ces chefs valeureux

Qui ne respirent 467 plus que l’objet de vos yeux :

1270Et dont l’ambition ore n’a de visée

Qu’à recevoir de vous pour la bague emportée

Un riche diamant qu’il vous faut mettre à prisprix

(Ainsi veut Acoubar) comme lon a aprisappris.

Fortunie.

Puis quePuisque le Royroi beninbénin 468 de sa gracegrâce 469 me donne

1275Ce bon-jourbon jour desirédésiré plus cher que sa Couronnecouronne,

Je n’y manqueraymanquerai point : soyez ensoyez-en sans soucysouci.

Mais les Sauvagessauvages, quoyquoi ?

Le HerautHéraut.

Qu’ils y viennent aussi

Je les sommeraysommerai tous, descendus de leurs croupes

Pour debattredébattre l’honneur avec toutes nos troupes

12801280 Mais de combien diraydirai-je 470 ?

Fortunie.

Au vainqueur qui l’aura

Trente mille ducats, ou bien ce joyau làjoyau-là 471

Diamant tres-très exquis, que la Reinereine plaintive 472

Me donna en partant de ma natallenatale rive.

Quoy queQuoique je l’ayeaie cher : neantmoinsnéanmoins je vous veux

1285(OÔ suite d’Acoubar) recognoistrereconnaître de mieux 473 ,

Puis quePuisque pour me sauver d’eternelleséternelles alarmes

Que je souffroissouffrais icyici vous avez pris les armes.


--- 59 ---
 

„La Damedame qui d’autruyautrui a pris sa liberté

„Ne luylui peut satisfaire, ou soit qu’il l’ait tenté

1290„Car tousjourstoujours nostrenotre effet ne repondrépond au courage 474 .

Le HerautHéraut.

Vous viendrez.

Fortunie.

Sans faillir.

Ergaste.

SuyvonsSuivons 475 donc le voyage. 476

Pistion.

Que s’il m’estoitétait permis (oô ciel que ne veux-tu)

De desployerdéployer contre eux ma Françoisefrançaise vertu,

Ce seroitserait moymoi (maistressemaîtresse à mes coups favorable)

1295Qui prendroitprendrait ce joyau de ta main equitableéquitable. 477

Ce seroitserait moymoi tout seul, et nul autre que moymoi,

Qui offriroitoffrirait la bague, et la lance à ton Royroi :

Ton Royroi, dis-je, mais non : ton haineur adversaire

Dont j’aspire envieux une Parqueparque 478 legerelégère.

1300Je n’oseroyoserai parestreparaître au lieu où tu seras ?

Diane 479 me luyraluira, et tu esclaireraséclaireras

De tes plus beaux rayons une troupe rangeerangée

De soldats malotrus 480 qui ont l’ameâme tourneetournée

AutrepartAutre part : comme on voit le VulcanVulcain chassieux

1305T’œillader (beau PhebusPhébus) pour le mal de ses yeux 481 .

OÔ rage forceneeforcénée 482 : ô despitdépit 483 ! ôÔ detressedétresse !

N’oser suivre au tournoytournoi les pas de sa maistressemaîtresse.

DirayDirais-je couardise ? non ce n’est point peur :

Davantage je crains 484 que mon propre malheur.

Fortunie.

1310Je considereconsidère icyici une ruse fort bonne.

Pistion.

Quelle 485 ma Fortunie ?

Fortunie.

Encore je soupçonne 486 .

Pistion.

PourroisPourrais-tu garentirgarantir mon chemin de hazardhasard?


--- 60 ---
 

Fortunie.

Il vous faut 487 déguiser en Sauvagesauvage soldard 488 ,

J’en ayai quelques habits, et en façon grossieregrossière

1315Entrer comme ignorant, et courre 489 en la carrierecarrière,

Puis hasterhâter d’esperonséperons le cheval, qui dressé

Aussi bien que pas un, et des renesrênes pressé

Fera croire à ceux-cyci que l’escuyerécuyer habile

Est quelque deitédéité regnanterégnante dans cetcette Isleîle

1320Ou que ce BucephalBucéphal 490 monture d’un grand Royroi

Ne peut porter fumeux 491 qu’Alexandre sur soysoi :

ApresAprès mille destoursdétours conduit de l’esperanceespérance

De fraperfrapper à l’aneauanneau vous baisserez la lance :

En ce premier essayessai remarquez 492 seulement,

1325Au second l’emportant, venez soudainement

Me requerirrequérir du prix : l’ayant eu d’allegresseallégresse,

Retirez vousRetirez-vous alors du milieu de la presse 493 :

„L’envie suit l’honneur, et jamais on ne voit

„(Tant nous sommes pervers) vaincu qui ne conçoit

1330„De haynehaine contre ceux, qui mettent en tropheetrophée

„Pour un signe eterneléternel sa gloire ravageeravagée,

„Il respire 494 leur mort : ainsi que le serpent

Blesse son nourricier de sa pointue dent.

Pistion.

Puis quPuisqu’ainsi trouvez 495 bon de monstrermontrer mon courage

1335De FrançoisFrançais que je suis rendez moyrendez-moi un 496 Sauvagesauvage.

Non que je ne demeure en vivant sous vos loixlois

CeluyCelui que je suis or tres-fidelletrès fidèle et courtois.

Sus que j’ayeaie cet heur, que j’ayeaie cette gracegrâce 497

D’estreêtre paré de vous pour accroistreaccroître d’audace.

1340Ces mains qui armeront ma force de la leur

Me rendront un AchileAchille 498 impareil en valleurvaleur. 499


--- 61 ---
 

LE CHŒUR.

VEnusÉnusnus, nous te rendons gracegrâce

Qu’entre cent mille travaux,

Tu as donné une place,

1345Et un asyleasile à nos maux :

Qui fait qu’une belle Damedame

Assaillie de malheurs

BanitBannit le soin de son ameâme,

Et de ses joüesjoues les pleurs.

 

1350Jupiter qui de sa dextre

Semble regirrégir l’univers

Ne peut commander en maistremaître

Sur ces feux par trop divers :

Mais il faut qu’il obeisseobéisse

1355Aux attraits de son toucher :

Comme lon voit la genissegénisse

Craindre les mains du boucher.

 

Neptune qui obtint l’onde

Quand il falutfallut diviser

1360L’heritagehéritage de ce monde

N’y peut mesmemême reposer,

Sans y trouver resistancerésistance,

Et sans estreêtre gourmandé

De celuycelui qui a puissance

1365Sur tout l’univers bandé 500 .

 

Ce n’est donc chose nouvelle,

Si Cupidon que nu 501

Par sa puissance immortelle

VainquistVainquît ce nouveau venu :

1370Qui trompé de la caresse

De sa Damedame (dont la foyfoi

LuyLui aparoistraapparaîtra menteresse)

Viendra esclave de Royroi. 502


--- 62 ---
 

ACTE V

Le HerautHéraut. Fortunie. Acoubar. Pistion. 503

Le HerautHéraut.

VOicyVOici le Cavaliercavalier n’ayant point de semblable

1375Qui meritemérite le prix : si d’un droit equitableéquitable

Vous estimez autant les Sauvagessauvages soldars 504

Que ceux qui sont rengezrangés dessous nos estendarsétendards.

Madame, c’est luylui seul qui adextre 505 gendarme

Doit remporter vainqueur et l’honneur et la palme.

1380Entre tant de guerriers du Princeprince vostrevotre époux

Nul ne va empeschantempêchant qu’il n’obtienne de vous

Le diamant promis : ains 506 d’une voix commune

Admirent estonnezétonnés 507 le bien de sa fortune.

Fortunie.

HerautHéraut, que me dis tudis-tu ? oseOses-tu orgueilleux

1385PresenterPrésenter maintenant, ce Sauvagesauvage à mes yeux ?

OseOses-tu impudent fauteur 508 de son audace

Me l’adresser encor 509 conduyconduit en cette place ?

Tu te ligueligues pour luylui : et d’un œil arrestéarrêté 510

Tu contemplecontemples l’efeteffet de sa temeritétémérité ?

1390Tu presenteprésentes sa lance, et il devoitdevait sufiresuffire

À ta jasarde 511 voix seulement de le dire ?

Tu me viens reprocher desloyaldéloyal et sans foyfoi

Qu’un Sauvagesauvage a bravé les troupes de mon Royroi ?

Qu’il les a surpassezsurpassé's 512 en adresse guerriereguerrière ?

1395Tu le vas publiant, et tu le devoisdevais taire.

Ha Cielciel, je vous appelle, et vous atteste tous

IrreprochablesIrréprochables Dieuxdieux tesmoinstémoins de mon courroux.

PourquoyPourquoi fus-je presenteprésente ? et pourquoypourquoi temerairetéméraire


--- 63 ---
 

Osas tuOsas-tu aujourd’huyaujourd’hui entrer dans la carrierecarrière ?

1400Non, non, ô impudent n’espereespère point de moymoi

Le joyau de la course : exempte de ma foyfoi

Je m’en dispenseraydispenserai, et croiraycroirai ton audace

Avoir trop presuméprésumé de s’offrir à ma face.

Acoubar.

Il y pouvoitpouvait venir l’ayant fait publier.

Fortunie.

1405Je ne le tientiens pourtant pour brave Cavaliercavalier.

Acoubar.

„Dans les rustiques bois la valeur peut bien naistrenaître,.

Fortunie.

Vaincu par cy devantci-devant 513 osoitosait-il bien parestreparaître ?

Acoubar.

Sous ma fidelitéfidélité il s’y est avancé.

Fortunie.

Ore vengez-vous donc puis qupuisquestesêtes offencéoffensé.

Acoubar.

1410Aujourd’huyAujourd’hui n’est pas temps : ma foyfoi est engageeengagée.

Fortunie.

Aujourd huyAujourd’hui neantmoinsnéanmoins il poursuit le tropheetrophée.

Acoubar.

Aujourd huyAujourd’hui il le peut : car le prix luylui est deu.

Fortunie.

Vous vous devez venger aujourd’huyaujourd’hui l’ayant peupu.

Acoubar.

Il n’est point le moteur de la guerre, ains 514 complice.

Fortunie.

1415Il doit egallementégalement endurer le suplicesupplice.

Acoubar.

Chacun doit obeirobéir à son royroi.

Fortunie.

Et chacun

„Se venger quand il peut des haineux jusqu’à un 515 .


--- 64 ---
 

Acoubar.

Je ne sçaysais seulement s’il m’estoitétait adversaire.

Fortunie.

Vous le pouvez penser estantétant si temerairetéméraire

1420Que venir affronter mesmemême dans vos ramparsremparts

Et l’adresse, et l’honneur de vos braves soldars 516 ,

Mais tientiens : je ne veux plus contester davantage :

VoilaVoilà le diamant et trousse le bagage 517 . 518

Acoubar.

HerautHéraut, fayfais-le sortir en toute seuretésûreté. 519

Fortunie.

1425SçacheSache, sçachesache, Acoubar, qu’il est tout arrestéarrêté 520

Que ce Sauvagesauvage fier retourné dans ses roches

Fera à ton honneur d’execrablesexécrables reproches.

Superbe 521 il tentera ore victorieux

D’animer contre nous et la terre et les cieux.

1430OÔ que j’ayai de douleur aux Princessesprincesses commune

Qu’il nous est arrivé une telle fortune.

HelasHélas, que je suis triste : Acoubar, je prevoisprévois

Un desastredésastre cruel pancher 522 à cestecette fois

Sur ton chef et le mien, ayant veuvu qu’un Sauvagesauvage

1435Devant tes propres yeux nostrenotre gloire ravage,

Lors quLorsqu’il t’estoitétait permis de te venger de luylui

Que ne me donnoisdonnais-tu relácherelâche à mon ennuyennui 523 ?

Que ne me faisoisfaisais-tu en rendant la Justicejustice

À mes vœux requeransrequérant un si loüablelouable office ?

14401440 Car tu le pouvoispouvais bien.

Acoubar.

Encore je le veux.

Fortunie.

Mais tu ne le veux pas.

Acoubar.

Qui plus est je le veux :

Sus, qu’on apresteapprête tosttôt 524 mon cheval : qu’on aporteapporte


--- 65 ---
 

Mon harnois flamboyant, et ma lance plus forte.

Je le suivraysuivrai de presprès, et d’un assaut soudain

1445Vainqueur luylui ravirayravirai le joyau de la main.

Fortunie.

Allez-y donc vous seul : car d’une telle offenceoffense

Il ne faut pas qu’aucun aytait la cognoissanceconnaissance.

Acoubar.

Mon bras est sufisantsuffisant pour luylui donner la mort.

Ainsi grossier qu’il est, suis-je pas 525 assez fort ? 526

Fortunie 527 .

1450Je le tientiens : il est pris, c’en 528 est fait, et sa vie

Ne pend 529 plus que de toytoi. Pistion je te prie 530

Si quelque doux zephirzéphyr te r’aporterapporte ma voix,

Venge-toytoi d’Acoubar à ton gré cestecette fois.

Ne luylui pardonne point : amyami, si tu l’assomme 531

1455Tu feras aujourdhuyaujourd’hui unune œuvre digne d’homme.

Tu en seras absous par le Dieudieu Cupidon :

Ainsi gaignerasgagneras-tu cent mille ans de pardon.

Ce sera charité, et œuvre pitoyable

De sauver par la mort d’un Princeprince miserablemisérable

1460Une isleîledesertedéserte : en signe de ta foyfoi

Ce peuple t’élira doresnavantdorénavant son Royroi :

Il te reclameraréclamera, et moymoi ta Fortunie

Plus cherechère mille fois que leur propre Callie

Fille de Castio, qui prenant le supportsupport

1465De ses pauvres subjetssujets à tes pieds tomba mort.

Ayant bien commencé ta valeur te conjure

De suyvresuivre ton destin, et venger mon injure.

EmployeEmploie ton courage, et n’espargneépargne plus rien :

MonstreMontre-nous un chef d’œuvre et paracheveparachève bien,

1470PourveuPourvu que tu le vueilleveuilles, il n’est rien impossible

À tes bras invaincus dont la dextre terrible

RangeroitRangerait sous le joug de sa guerriereguerrière main

Le plus fier Rodomont 532 , et l’Hector 533 plus hautain. 534


--- 66 ---
 

Pistion 535 .

ParmyParmi ces grands desersdéserts : parmyparmi ces noires ombres,

1475ParmyParmi ces lieux obscurs, parmyparmi ces landes sombres,

Dans ces antres voisins qui portent sur le front

Les horribles coupeaux 536 de quelque estrangeétrange mont,

Je ne contemple icyici refuyrefui 537 de la fortune

Favorable jadis nyni Titan nyni la Lunelune.

1480Une nuictnuit sans cesser m’environne à l’entour

Et fuis incessamment apresaprès l’ombre du jour.

Si j’entensentends les oyseauxoiseaux fredonner leur ramage :

Je tourne çàça et là esperansespérant davantage :

Il me semble que c’est m’amie, dont la voix

1485Me r’appellerappelle egaréégaré dans l’ombre de ces bois. 538

Bref, rien ne s’ofreoffre à moymoi que tousjourstoujours je ne die 539 ,

C’est elle sans douter, voicyvoici ma Fortunie.

Je cours à 540 son image : et ainsi qu’Ixion 541

Tu n’aperçoyaperçois que vent malheureux Pistion :

1490Tu embrasse 542 une nue, encore trop legerelégère,

Tu ne la tiens que peu, et ne l’adores guereguère :

Si ce n’est que suyvantsuivant sa fuite pas à pas

Tu appelleappelles tousjourstoujours Fortunie au trépas

De son cher Pistion, qui honteux de sa gloire

1495DetesteDéteste abominable, et maudit sa victoire,

Qui luylui donnant le prix luylui ravit à ses yeux

Ta celestecéleste beauté qu’il estime bien mieux.

Que ne suis-je lacquaislaquais d’un soldat porte-pique

Ou de toytoi Acoubar esclave domestique ?

1500Je te verroyverrai, ma belle, et ore en mes ennuis

Je ne te peux chercher ne sçachantsachant où je suis.

Que si quelque Demondémon cognoitconnaît ce paisagepaysage

Et m’en veut retirer, je luylui ferayferai hommage,

Je luylui serayserai fidelefidèle, et avecque 543 mes vœux

1505OffrirayOffrirai à ses pieds une couple 544 de bœufs.

Ces mains ayansayant ouvert le ventre de la terre


--- 67 ---
 

Mettront le fondement d’une premierepremière pierre

Pour luylui bastirbâtir un temple, et d’un humble devoir

RecognoistrayReconnaîtrai tousjourstoujours son sacré-saintsacro-saint pouvoir.

1510Lors quLorsqu’il est question de l’amour d’une Damedame,

„Il faut franchir le pas, et elargirélargir son ameâme.

„Il ne faut plus douter 545 à dementirdémentir 546 sa foyfoi.

„Rien n’est si violent que l’amoureuse loyloi.

Pour elle je voudroyvoudrais d’une emprise 547 mutine

1515Au prince des enfers ravir sa Proserpine 548 ,

Et sçavoirsavoir si au Cielciel, plein de temeritétémérité,

Lon pourroitpourrait dérober le feu de PromethéProméthé 549 .

„Pour servir une Damedame en beauté acomplieaccomplie

„Je vendrayvendrai mon honneur, et trahiroytrahirai ma vie.

1520Mais que te sert cela, Pistion, et tu vois

Que personne n’entend ta douleur en ces bois ?

À qui la contecontes-tu ? auxAux bocageresbocagères seules ?

Ou bien aux sangliers, dont les sauvages gueullesgueules

IrriteesIrritées de tes cris à l’éfroyableeffroyable ton

1525Te viendroyentviendraient devorerdévorer comme le jeune Adon 550 ?

Va plorer ton desastredésastre en une grotte herbue

Or dans le creux muet de quelque antre bossue :

Emprisonne-toytoiSauvagesauvage revesturevêtu 551

Pour y finer 552 tes ans. 553

Acoubar.

Sus, demeure : où vas-tu ?

1530Arreste toyArrête-toi poltron : autrement à cet heurecette heure

Impareil à mon bras il faudra que tu meure 554 .

Rens-toyRends-toi à ma mercymerci, et ne recule pas :

Baille 555 le diamant : pose les armes bas.

Pistion.

DesloyalDéloyal, peux-tu bien avoir tant de courage ?

Acoubar

1535Un joyau de tel prix n’est deu à un Sauvagesauvage.

Ta premierepremière valeur ne m’a point estonnéétonné 556 .


--- 68 ---
 

Pistion.

Je n’ayai rien qui soit tien : car on me l’a donné :

Acoubar l’a voulu, et sous sa foyfoi loyale

Me suis acheminé à la joustejoute royale.

1540ToyToi, toytoi qui que tu sois obeyobéis à ton Royroi. 557

Acoubar.

Moy-mesmeMoi-même je le suis : c’est moy mesmemoi-même, c’est moymoi,

„Rien n’oblige les Roisrois aà garder leur promesse.

Pistion.

Tu veux donc m’ofenceroffenser d’une lame traistressetraîtresse :

Tu me pressepresses desjadéjà : or puis quepuisque tu es Royroi,

1545CerteCertes, c’est la raison que j’aprocheapproche 558 de toytoi.

Tu as de l’interestintérêt (comme moymoi en ta vie)

Que j’ayeaie 559 plus long tempslongtemps l’amour de Fortunie.

Acoubar.

Quel Sauvagesauvage voicyvoici ? ôÔ qu’il a bien aprisappris

Les traverses de Mars, et les mots de Cypris 560 !

1550Je doute : j’ayai grand peurgrand-peur, je crains bien, je pantelle,

Que je ne sois trahytrahi d’une Damedame infidelleinfidèle,

Pistion.

Tu soupçonnesoupçonnes ton mal : 561 tu es pris à ce coup.

Acoubar

blessé.

À l’aide, je suis mort : il me faschefâche beaucoup

De demander la vie.

Pistion.

En vain cestecette priereprière.

1555Je veux avoir la perte, ou la victoire entiereentière 562 .

Acoubar.

Ne me poursuypoursuis plus tant : amyami je suis à toytoi.

Je me dydis ton vassal, je te confesse Royroi.

Je te cedecède 563 Madame : au reste je te prie

Donne-moymoi (en prenant ma couronne) la vie.

1560Fay-moyFais-moi cestecette bontebonté d’un oficeoffice pieux.

N’es-tu pas à ton gré encor 564 victorieux ?


--- 69 ---
 

Qu’espereespères-tu de plus ? dD’une triste requesterequête

Je te vayvais supliantsuppliant le salut de ma testetête.

VoilaVoilà ce qui me reste.

Pistion.

OÔ RoyRoi ! ilIl faschefâche fort

1565À un Princeprince bien né de te donner la mort,

Ma volonté repugnerépugne : et neantmoinsnéanmoins forceeforcée 565

Mon ameâme se transporte à ta mort avanceeavancée.

„Tu sçaissais bien que le sort des pauvres amoureux

„Est de n’avoir jamais compagnon 566 avec eux.

Acoubar.

1570Tu aimeaimes Fortunie, helashélas, je te la cedecède.

Pistion.

Ainsi j’en diroydirais bien, si j’estoyétais sans remederemède.

Acoubar.

Franchement je la quitequitte.

Pistion.

Et franchement aussi

De visiter Pluton 567 tu prendras le soucysouci.

Acoubar.

Tu auroisaurais ce courage ? ôÔ desloyalesdéloyales Damesdames !

1575AsseurezAssurez desormaisdésormais les hommes de vos flamesflammes :

Protestez, jurez tosttôt 568 , mal-habilesmalhabiles pourtant

Qui croiront vostrevotre foyfoi qui les va enchantant 569 .

Me devoisdevais-tu ourdir cestecette triste furie ?

Me devoisdevais-tu ainsi decevoirdécevoir 570 Fortunie ?

1580T’avoisavais-je oncques 571 causé un despitdépit 572 dans le cœur

Si ce n’est en entrant que je restayrestai vainqueur ?

Plus heureux mille fois si au milieu des armes

J’eusse laissé sans Royroi mes scadrons de Gendarmesgendarmes.

Mourant je t’eusse creucru, tresfideletrès fidèle, et je vois

1585Que tu m’as abusé de tes propos courtois,

Ainsi que la Syrenesirène, afin que mon navire

TrebuchastTrébuchât dans le creux de ton courroux plein d’ire 573 .


--- 70 ---
 

Pistion.

VoilaVoilà trop accuser 574 Madame, c’est en vain

Que tu te veux parer 575 de l’assaut de ma main :

1590Tu as voulu troubler nostrenotre saint hymeneehyménée. 576

Acoubar

mourant.

Cavalier, tu auras ta peine meriteeméritée

Quand lasseelassée de toytoi pour un moindre dépit 577

Quelque nouveau viendra te tuer en ton lictlit.

Pour moymoi, je te pardonne, et sçaysais bien que ta Damedame

1595Te commanda de faire un acte si infameinfâme. 578

LE CHŒUR.

CAche petit Cupidon

Ton brandon 579

Et tes flamesflammes Cytheréescythérées 580

Maintenant que nous voyons

1600Et oyons 581

Les peines par toytoi données.

 

Tu as causé une mort

Et à tort :

ParquoyPar quoi devenus plus sages,

1605DesormaisDésormais redouterons :

Et craindrons

De tomber en tes nuages.

 

„Fol qui espereespère de toytoi

„Sans émoyémoi,

1610„Et sans douleur subsequentesubséquente,

„L’allegresseallégresse et les plaisirs

„Que tu dis

„Donner aux troupes amantes.



--- 71 ---
 

Autour du Dieudieu des amours

1615„Tous les jours

„Lon voit perirpérir un grand nombre

„D’amoureux infortunezinfortunés

DestinezDestinés

„À perirpérir par cet encombre. 582

Pistion.

1620TU es mort neantmoinsnéanmoins : desormaisdésormais je peux bien

JouyrJouir de Fortunie et ne craindre plus rien.

Je suis Royroi du pays : et sans doute 583 de guerre

PourrayPourrai doresnavantdorénavant gouverner cestecette terre :

Je n’ayai plus de pareil duquel l’ambition

1625Se voulutvoulût égaler au sort de Pistion.

Car pour toutes ses gens 584 , ils n’ont pas le courage

De tenir icyici ferme apresaprès un tel orage.

Je les estonnerayétonnerai en mettant cestecette nuit

Acoubar dans leur camp par mes troupes conduit.

1630Et si demain quelqu’un apresaprès que la lumierelumière

Les aura éclairezéclairés reste encore derrierederrière,

Il verra le courroux d’un Prince qui beninbénin

LuyLui aura fait sçavoirsavoir le trouble de sa fin :

Je ne pardonneraypardonnerai à pas un des Gendarmesgendarmes

1635Si pour me resisterrésister ils se mettent en armes :

„J’estime bien que non : ayant frapéfrappé le chef

„Les membres en ont peur, et craignent le méchef

Le Lyonlion qui a peupu 585 malgré les voix hurlantes

Des dogues éveillezéveillés, passer jusques aux tentes

1640Du berger endormyendormi : lors qulorsqu’il l’a devorédévoré

Démembre puis apresaprès le troupeau à son gré.

FIN.

[61] Acoubar est seul sur scène.
[62] par.
[63] de nouveau.
[64] de pied ferme.
[65] Nous gardons la conjugaison – avec ‘e’ au lieu de ‘t’ – afin de maintenir le mètre.
[66] sort, destin.
[67] se meut, progresse.
[68] Une rime oblique avec « encore », ou bien une indication que le mot aurait pu se prononcer « glore », comme le suggère le Dictionnaire Littré, s.v. « gloire ». Dans la même veine, voir aussi vv. 730-31 où Du Hamel fait rimer « encore » avec « victore ».
[69] Il s’agit de la forme du verbe au futur, montrera. Nous gardons « monstra/montra » afin de maintenir le mètre.
[70] « Ne t’orgueillir point » dans l’édition de 1611 ; Ne t’enorgueillis pas. Nous gardons cette forme du verbe « orgueilly » afin de maintenir le mètre.
[71] entrepris.
[72] Généralement, le e muet au milieu serait prononcé, mais il est aussi possible de ne pas le prononcer, le mot étant épelé parfois « turie » à l’époque.
[73] Selon Furetière, se ressentir « se dit figurément en Morale des differentes émotions de l’âme au souvenir des bienfaits, ou des injures receuës ».
[74] incomparables.
[75] meurtrières, mortelles, cruelles.
[76] croyant, pensant.
[77] rapide.
[78] nuages, nuées.
[79] Jupiter, Zeus pour les Grecs, est le roi des dieux. Il a le pouvoir de déclencher les orages.
[80] « legere » renvoie à « la gresle ».
[81] Alors.
[82] d'avis.
[83] dès ce moment (ici et au vers suivant).
[84] Nérée un dieu marin primitif, surnommé le « vieillard de la mer ».
[85] dès ce moment.
[86] issue fâcheuse.
[87] Les zéphyrs sont les vents doux et favorable de l’ouest.
[88] souffle.
[89] faute.
[90] devoir.
[91] ligue.
[92] rebelle, révolté.
[93] vers.
[94] maintenant.
[95] Avec sa mère Thémis, c’est une déesse qui personnifie la Justice.
[96] « fermast » dans l’édition de 1611.
[97] bienveillants, doux, gentils, voire nobles.
[98] Maintenant.
[99] malfaiteurs.
[100] colère.
[101] déclare formellement.
[102] Le Mont Osse était, selon le cosmographe Sebastian Münster, le siège et demeure des Lapithes qui faisaient la guerre contre les Centaures. (La Cosmographie universelle de tout le monde, trad. par François de Belleforest, tome II, Paris, 1575, p. 33).
[103] tête.
[104] malheureux.
[105] action d’enlever de force, rapt.
[106] cri bruyant.
[107] Point d’exclamation après « vacarmes » dans l’édition de 1611.
[108] mort.
[109] L’image d’une des trois Parques, normalement Atropos (ou Morta pour les Romains), coupant le fil de la vie avec des ciseaux, était bien connue à l’époque.
[110] vers.
[111] vite.
[112] suit.
[113] Nous gardons cette forme du verbe afin de maintenir le mètre.
[114] exposait
[115] vers le.
[116] Le mot « amour » peut être féminin ou masculin à cette époque.
[117] désiraient vivement.
[118] état de ce qui est tordu.
[119] redresser.
[120] vers.
[121] danger, péril.
[122] Ici Le Magicien entre en scène.
[123] tribulations.
[124] Maudit.
[125] méprisant.
[126] étrangers.
[127] troupes armées.
[128] soldat.
[129] guetteurs.
[130] mépris.
[131] qui rend fou.
[132] immédiatement.
[133] nocturne.
[134] Dans la mythologie romaine, c’est le dieu des Enfers – Hadès pour les Grecs.
[135] Un roi mythologique de Crète et le père de Phèdre et d’Ariane (entre plusieurs entres). De son règne reste l’image d’un souverain juste et bon, que son père prenait souvent comme conseiller ou confident. Après sa mort, il devient juge des Enfers.
[136] ombres.
[137] Chez les Romains, esprit tutélaire chargé de protéger la maison, la cité.
[138] déjà.
[139] jamais.
[140] prête. Nous gardons cette forme afin de maintenir la rime avec « céleste ».
[141] Je te serai favorable.
[142] Une référence à Charon, le batelier des Enfers.
[143] Fugitif.
[144] petit bateau.
[145] Dans la mythologie grecque, Protée est une divinité marine dotée du pouvoir de se métamorphoser.
[146] ébranler.
[147] Une référence au dieu du Soleil, le titan Hélios, qui conduit son chariot du soleil à travers le ciel chaque jour. Le Magicien semble dire qu’il a projeté une ombre pour empêcher le soleil de briller.
[148] Le rémora est un poisson à ventouse qui s’attache à d’autres animaux de la mer (e.g., requins). Il est aussi l’objet, au cours de l’Antiquité et jusqu’au XVIIe siècle, d’une superstition forte sans doute due à sa ventouse qui aurait le pouvoir d’immobiliser des navires. Son étymologie remora ou echenéis (de exo : tenir, retenir et neios : bateau) atteste des pouvoirs surnaturels qui sont attribués à ce poisson.
[149] disputant, contestant.
[150] soumis.
[151] oui certes, j’ai du pouvoir sur eux.
[152] banniront.
[153] contre.
[154] qu'aucun d'entre eux.
[155] cf. v. 166.
[156] exclamation pour encourager à l’action.
[157] pendant ce temps.
[158] armée.
[159] escadrons.
[160] traîtreusement.
[161] Neptune est le dieu romain des mers ; nous gardons cette orthographe (sans ‘e’ final) afin de maintenir le mètre.
[162] aggraves.
[163] donner.
[164] beaucoup.
[165] Deux points après « rivage » dans l’édition de 1611.
[166] traverser.
[167] Hannibal Barca (247-183/181 avant notre ère), était un général et homme politique carthaginois, rendu célèbre en partie grâce à sa traversée des Pyrénées et puis des Alpes.
[168] soldats ; nous gardons cette orthographe afin de maintenir la rime avec « rampars ».
[169] vers.
[170] incomparable, sans équivalent.
[171] Nous gardons cette forme de la conjugaison afin de maintenir le mètre.
[172] Fortunie.
[173] Acoubar.
[174] jusqu'à tant que.
[175] Phébus est le nom latin d’Apollon, le dieu du soleil personnifié.
[176] Nous gardons cette orthographe (sans ‘e’) afin de maintenir la rime avec « commun ».
[177] Assimilée à Héra pour les Grecs, femme de Jupiter (Zeus), Junon symbolise entre autres le mariage.
[178] Une référence à l’épisode d’Argus. Selon Ovide dans les Métamorphoses, « Junon, abaissant ses regards sur la terre, s’étonne de voir que d’épais nuages aient changé soudain, en une nuit profonde, le jour le plus brillant. Elle reconnaît bientôt que ces brouillards ne s’élevaient point du fleuve ni du sein de la terre humide. Elle cherche de tous côtés son époux qu’elle a si souvent vu et surpris infidèle, et ne le trouvant point dans le ciel : “Ou je me trompe, dit-elle, ou je suis encore outragée”; et s’élançant du haut de l’Olympe sur la terre, elle commande aux nuages de s’éloigner » (I, 501-688).
[179] couvrez.
[180] Téthys, dans la mythologie grecque, est soit une nymphe de la mer, soit une déesse de l’eau, l’une des cinquante Néréides, filles de l’un des « vieillards de la mer » Protée.
[181] Phébé, une référence poétique à la lune.
[182] Acoubar et Le Magicien quittent la scène. Le Chœur entre en scène.
[183] « les » dans le texte. Nous corrigeons.
[184] « cerchans » dans l’édition de 1611.
[185] la Terre.
[186] Charybde est la fille de Poséidon et de Gaïa (la Terre). Pour avoir volé à Héraclès une partie du troupeau de Géryon, elle fut foudroyée par Zeus et changée en un gouffre marin. Là, trois fois par jour, elle avalait puis régurgitait de grandes quantités d’eau, incluant navires et poissons.
[187] Scylla est une nymphe qui fut changée en monstre marin par Circé. Elle est souvent associée à Charybde, près de qui elle réside de part et d’autre d’un détroit traditionnellement identifié avec le Détroit de Messine.
[188] Les guillemets inversés indiquent des lieux communs moraux, communs dans la tragédie de cette époque, notamment dans les chœurs.
[189] Vénus.
[190] égarant.
[191] parents ; « egarans » rime avec « parens », et à cette époque on prononcerait les dernières consonnes « ns ». Ainsi gardons-nous l’orthographe afin de maintenir la rime.
[192] petit fragment enflammé qui s’échappe d’un feu ; au figuré : personne, chose ou événement qui provoque des conflits, des querelles.
[193] étourdi.
[194] appels.
[195] l’amour.
[196] Un point suit « desirs » dans le texte, nous corrigeons.
[197] temps.
[198] Le Chœur quitte la scène.
[199] Fortunie et Pistion entrent en scène.
[200] suive.
[201] désires.
[202] la mort. Clotho est l’une des trois Parques qui tient le fil des destinées humaines.
[203] le Soleil.
[204] en même temps que toi.
[205] « Bailler (donner) quelqu’un à rançon » signifie l’enlever dans l’intention de monnayer sa libération.
[206] le courage.
[207] mariage.
[208] indifférent.
[209] départ.
[210] gage.
[211] Le cap Capharée : c’est près de ce cap qu’à son retour de Troie la flotte grecque fut dispersée par une tempête soulevée par Zeus à la demande d’Athéna, en punition des outrages commis par Ajax (le Petit) ; trompés par les feux allumés par Nauplios, de nombreux navires grecs se brisèrent sur les rochers.
[212] Mais.
[213] vous vous réjouissez.
[214] violemment.
[215] frappant.
[216] tue.
[217] affligé, blessé moralement.
[218] Veux-tu que je manque à ma parole donnée à Castio.
[219] soldats, cf. v. 223.
[220] aux affres de la guerre.
[221] fugitif, cf. v. 177.
[222] enlever.
[223] mort.
[224] causés par la folie.
[225] Oreste, fils d’Agamemnon et de Clytemnestre, tue sa mère. Après ce crime il est tourmenté sans relâche par les Érinyes, des divinités persécutrices qui interviennent lorsque quelqu’un tue un membre de sa famille.
[226] désirant.
[227] soldats, cf. v. 223.
[228] garnis de plumes.
[229] Grec, ici une référence à Achille.
[230] Hector. Fils de Priam et d’Hécube, Hector est un héros troyen de la guerre de Troie. Achille le tue pendant la guerre. C’est un personnage très populaire au Moyen Age et à la Renaissance, où il est même présenté comme l’ancêtre des Francs.
[231] Le changement de pronom, de « tu » à « vous » est assez abrupte ; Fortunie et Pistion se vouvoieront jusqu’au vers 466.
[232] Rien de plus.
[233] je la tiens.
[234] mais bien au contraire.
[235] ne serais-je pas.
[236] éloignés, disparus.
[237] Fortunie quitte la scène.
[238] seul sur scène.
[239] cf. v. 183.
[240] Morphée ; nous gardons l’orthographe (sans ‘e’ final) afin de maintenir le mètre. Dans la mythologie grecque, Morphée est la divinité du sommeil et des rêves.
[241] altérées ; nous gardons l’orthographe pour maintenir le mètre.
[242] Selon Furetière : « grosse plaque de fer trenchante attachée à un des costés de la charruë pour fendre et verser la terre. Il differe du soc, qui est une autre grosse piece de fer pointu qui commence l’ouverture de la terre. Les Poëtes Bucoliques se servent souvent de cette épithete, Les coutres trenchants ».
[243] Nous gardons la conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir le mètre.
[244] reproche.
[245] s’éloigne.
[246] Prométhée est un Titan surtout connu pour avoir créé les hommes à partir de restes de boue transformés en roches, ainsi que pour le vol du « savoir divin » (le feu sacré de l’Olympe) qu’il rendit aux humains. Courroucé par sa ruse, Zeus, le roi des dieux, le condamna à avoir le foie dévoré par un aigle et être enchainé sur le Mont Caucase ou dans l’Atlas (massif).
[247] résolution.
[248] Castio et les Sauvages entrent en scène.
[249] Cette indication signale que Castio parle à ses gendarmes.
[250] sais ; nous gardons ce mode verbal et l’orthographe afin de maintenir le mètre.
[251] faisant du tort.
[252] Pense, croit.
[253] « au plus puissant » dans l’édition de 1611.
[254] Nous gardons la conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir la rime.
[255] Tantale, après avoir fait manger son propre fils aux dieux d’Olympe, fut soumis à un triple supplice. Homère raconte qu’il est placé au milieu d’un fleuve et sous des arbres fruitiers, mais le cours du fleuve s’assèche quand il se penche pour en boire, et le vent éloigne les branches de l’arbre quand il tend la main pour en attraper les fruits. Au-dessus de sa tête se tient en équilibre un énorme rocher qui menace de tomber à tout moment. Une angoisse mortelle étreint sans cesse sa gorge constituant ainsi le troisième supplice.
[256] nourriture.
[257] Dans son édition, Margaret Adams White propose qu’il s’agit d’une confusion entre le mythe de Tantale, ci-dessous, et celui du roi Midas (p. 74-75).
[258] Nous gardons cette orthographe afin de maintenir le mètre.
[259] Xerxès (c. 519-465 av. notre ère), est un roi perse qui a tenté d’envahir la Grèce, connu sous le nom de la deuxième guerre médique. Ici c’est une référence à la bataille navale qui s’est déroulée en 480 av. notre ère dans le détroit entre le continent et l’île de Salamine, et que Xerxès a perdue contre toute attente.
[260] Une virgule après « feux » dans la version originale ; nous corrigeons.
[261] étranger.
[262] fait souffrir.
[263] redoute, appréhende.
[264] Les Sauvages quittent la scène.
[265] Castio et Pistion se mettent à l’écart de la scène pendant qu’Acoubar et ses Gendarmes entrent en scène.
[266] partager.
[267] redoutez, appréhendez.
[268] Castio revient sur scène.
[269] s’adressant aux Sauvages.
[270] Les soldats se mettent en position pour la bataille. Pistion revient devant la scène.
[271] en s’adressant aux autres Sauvages.
[272] Les Sauvages entrent en scène, prennent position et commencent à se battre. Castio est blessé mortellement, écrasé – on apprend plus tard (v. 603-606) – par les chevaux d’Acoubar (sans doute hors scène).
[273] Castio revient sur scène, blessé.
[274] s’adressant à Pistion.
[275] Nous gardons l’apocope afin de maintenir le mètre.
[276] l’enfer.
[277] Castio expire.
[278] Nous gardons l’orthographe afin de maintenir le mètre.
[279] vers le.
[280] disparus.
[281] Ce sont les Sauvages qui parlent.
[282] main, main droite.
[283] renversait.
[284] « leur » dans le texte ; nous corrigeons.
[285] soldats, cf. v. 223.
[286] Acoubar s’adresse à ses soldats.
[287] fugitif, cf. v. 177.
[288] Pistion est frappé à la tête par un soldat du camp d’Acoubar. Les Sauvages et les Gendarmes d’Acoubar quittent la scène.
[289] Etéocle est le fils d’Œdipe et de Jocaste, et le frère de Polynice. À la suicide de Jocaste et de l’exile d’Œdipe, les frères devaient régner ensemble, en alternance, mais ils ont fini par s’entretuer.
[290] Ajourner : terme juridique qui signifie « assigner à comparaître à un moment déterminé ». Pistion jure que sa mort provoquera la mort d’Acoubar.
[291] « Ha ! Dieux » dans l’édition de 1611.
[292] Pistion quitte la scène.
[293] seul sur scène.
[294] cf. v. 530.
[295] Les mots « encore » et « victoire » ne riment pas mais nous gardons l’orthographe telle quelle. Voir vv. 730-31 où Du Hamel fait rimer « encore » avec « victore ».
[296] fugitif cf. v. 177.
[297] désire.
[298] étranger.
[299] déshonorer, souiller.
[300] Tromper, Trahir.
[301] emprisonnée.
[302] Acoubar sort, et Le Chœur entre en scène.
[303] Ce Chœur est constitué de neuf septains, pour en faire soixante-trois vers, un nombre impair. Ainsi, à partir de l’acte III, le premier couplet commence avec un nombre pair (v. 726).
[304] avec sa mère Thémis, Astrée est une déesse qui personnifie la Justice.
[305] chassée, expulsée.
[306] départ.
[307] fortune, bonheur, succès.
[308] ici-bas.
[309] avec elle.
[310] pleure ; nous gardons cette forme afin de maintenir la rime avec « encore ».
[311] Il s’agit de Jupiter, le rois des dieux.
[312] ouverts.
[313] nocturnes.
[314] Le Chœur quitte la scène.
[315] Fortunie entre seule en scène.
[316] déroute.
[317] soldats, cf. v. 223.
[318] victoire ; nous gardons l’orthographe afin de maintenir la rime avec « encore ».
[319] ennemi.
[320] tourmente.
[321] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir le mètre.
[322] chose sans importance.
[323] crois ; nous proposons cette forme afin de maintenir la rime avec « toy/toi ».
[324] bleu foncé, couvert par les eaux bleues.
[325] dépasse.
[326] Le Cocyte est un fleuve de l’Enfer païen, alimenté par les larmes des voleurs, pécheurs et de tous ceux qui se sont mal conduits. Sur ses rives, les âmes qui n’ont pas eu de sépultures (âmes perdues ou errantes) cherchent leurs chemins vers les Enfers.
[327] soin.
[328] Magicienne et femme de Jason, Médée rajeunit le père de celui-ci, Eson. Chassée de Colchide, après s’être enfuie avec Jason et la Toison d’or, ils s’installent à Corinthe où ils sont accueillis par le roi Créon. Mais Jason tombe amoureux de la fille du roi, Créuse, et il se marie avec elle, répudiant Médée. Celle-ci se venge en tuant sa rivale : elle lui offre une robe magique qui la brûle ainsi que son père, puis incendie le palais. Elle tue ensuite de ses mains les enfants qu’elle avait eus avec Jason. Jean Bastier de La Péruse a écrit une tragédie de Médée, publiée de manière posthume par ses amis vers 1555. (Voir l’édition de Nina Hugot.)
[329] Pistion entre en scène.
[330] Ixion, roi de Lapithes en Thessalie, tua son beau-père. Après ce crime sacrilège, Ixion fut poursuivi par les Furies (Érinyes), lui causant à devenir fou, jusqu’à ce que Zeus accepta de le prendre en pitié.
[331] Pistion entre en scène. Il se peut qu’il reste dans l’ombre, un peu loin de Fortunie, et que, blessé, il s’approche d’elle lentement.
[332] Venise était connue pour la fabrication des miroirs.
[333] du soleil.
[334] et aussi tu ne voulus pas.
[335] armure.
[336] casque léger ; selon Furetière, « Le morion est pour les gens de pied : le heaume est pour les cavaliers pesamment armez ».
[337] « ce » dans le texte ; nous corrigeons.
[338] jamais.
[339] rétribution.
[340] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir le mètre.
[341] Nous gardons l’apocope afin de maintenir le mètre.
[342] Pour le sûr (sûrement). Nous maintenons cette forme pour la rime.
[343] Foudre est masculin au XVIe siècle.
[344] pensant.
[345] pente, versant.
[346] jà desja : déjà.
[347] tient ; nous gardons l’orthographe (sans ‘t’) afin de maintenir la rime avec « bien ».
[348] sur la tête.
[349] vigoureux, joyeux.
[350] privés.
[351] humides.
[352] Les Cyclopes sont des géants dans la mythologie grecque qui n’ont qu’un œil au milieu du front. Ici une référence aux Cyclopes forgerons, les assistants d’Héphaïstos, le dieu du feu, de la forge et de la métallurgie, connu chez les Romains sous le nom de Vulcain, le mari de Vénus.
[353] en ma jeunesse.
[354] présomption.
[355] aimable.
[356] Un temps.
[357] Tu ne dis rien.
[358] départ.
[359] n’est-ce pas.
[360] aussi, certes.
[361] cf. v. 177.
[362] obstacles, empêchements.
[363] Provient.
[364] priver, déposséder.
[365] ce qui est le meilleur, le plus précieux.
[366] désires.
[367] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir le mètre.
[368] « Tu respires encor l’air, ô toy qui leger ombre » dans l’édition de 1611. Le mètre est alors maintenu, en changeant « encore » en « encor ».
[369] Le Styx est l’un des fleuves des Enfers.
[370] Pistion baisse la tête et montre sa blessure. Fortunie commence à appliquer du baume sur la plaie.
[371] Pendant.
[372] Pistion quitte la scène, pendant qu’Acoubar et Ergaste entrent en scène.
[373] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’) afin de maintenir le mètre.
[374] mépriser.
[375] cf. v. 375.
[376] tordu.
[377] détruire, dévaster.
[378] Celui qui a enlevé Fortunie et l’a amenée jusqu’au Canada ; voir l’argument de la tragédie.
[379] complice.
[380] Ergaste quitte la scène.
[381] désire.
[382] Acoumar, aussi nommé Acoumat.
[383] Il s’agit du Léthé, fleuve de l’Oubli aux Enfers. En buvant ses eaux, les morts oublient le passé.
[384] Pythagore (c. 580-495 av. notre ère) était un philosophe, mathématicien et scientifique présocratique.
[385] Nous gardons cette orthographe (« mourans » pour « mourant », « vivans » pour « vivant »), car les mots doivent rimer. On prononçait les s finaux en déclamant les vers à cette époque.
[386] Il s’est éloigné.
[387] servitude.
[388] délicats, extraordinaires.
[389] celles qui fréquentent les bocages.
[390] résolution.
[391] Selon Ovide dans Les Métamorphoses, Philomèle et sa sœur Procné sont transformée en oiseaux (hirondelle et rossignole, respectivement) après s’être vengées du crime du mari de Procné, Térée. Il avait violé Philomèle et puis a coupé sa langue pour l’empêcher de parler.
[392] éprouvant de la douleur, du regret.
[393] Ergaste revient sur scène.
[394] pensent, croient.
[395] à Fortunie.
[396] Acoubar et Ergaste quittent la scène.
[397] seule.
[398] tout ce qui s’oppose à un dessein, à la réalisation d’une chose, empêchement, obstacle. Fortunie fait référence à la dissolution de l’armée d’Acoubar, ce qui l’oblige à la quitter.
[399] Fortunie quitte la scène. Le Chœur entre.
[400] Nous gardons cette forme, ainsi qu’au vers 1060, afin de maintenir la rime féminine.
[401] « doncque » dans le texte ; nous corrigeons pour assurer le sens, « de ne jamais aller ».
[402] à la légère.
[403] Un oiseau légendaire, doué de longévité et caractérisé par son pouvoir de renaître après s’être consumé sous l’effet de sa propre chaleur. Il symbolise ainsi les cycles de mort et de résurrection.
[404] Le Chœur quitte la scène.
[405] Acoubar, Ergaste, le Héraut et le soldats d’Acoubar entrent en scène.
[406] s’adressant à son armée.
[407] Ainsi donc.
[408] manquer.
[409] vous portez.
[410] alors que vous êtes vainqueurs.
[411] Le substantif « risque » peut être féminin ou masculin à cette époque.
[412] Une préfiguration de la fin de la pièce, où Acoubar se trouvera seul face à son ennemi, Pistion, et où ce dernier se décrira comme un lion (v. 1638).
[413] Pendant.
[414] partageant.
[415] tenir tête, résister.
[416] s’adressant à Acoubar.
[417] soldats, cf. v. 223.
[418] troupes armées.
[419] machines de guerre qui, à l’aide de cordes et de ressorts, servaient à lancer des projectiles (boulets, etc.).
[420] aussi, certes.
[421] qu’à demander grâce.
[422] Désirez-vous.
[423] Condamnez-vous le sauvage à être pendu.
[424] C’est la fille de Castio.
[425] mort.
[426] soldats, cf. v. 223.
[427] attristés.
[428] À Ergaste.
[429] À Acoubar.
[430] aille, se rende dans.
[431] chevaux de selle court et forts.
[432] Une référence au jeu de bague, dont il sera question plus tard (vv. 1270-1273 ; vv. 1294-1297).
[433] Au Héraut.
[434] Acoubar, Ergaste, le Héraut et les soldats quittent la scène. Pistion et Fortunie entrent en scène, qui se cachent encore dans la forêt.
[435] réjouir.
[436] entreprises.
[437] Dédale, le père d’Icare. Nous gardons l’orthographe (sans ‘e’ final) afin de maintenir le mètre.
[438] Dédale crée des ailes pour son fils Icare afin de quitter leur lieu d’exil crétois. Mais Icare, oubliant les conseils de son père, vole trop près du soleil et la cire qui tient les ailes. Ainsi meurt-il précipité dans la mer qui porte désormais son nom.
[439] étrangère.
[440] soumise.
[441] Afin qu'il puisse améliorer ton statut, en passant de princesse à reine.
[442] cruauté.
[443] T’en aller.
[444] Notons à nouveau le basculement vers le vouvoiement (cf. v. 435).
[445] « avoir » dans le texte ; nous corrigeons.
[446] Enée.
[447] Selon Virgile, en quittant Didon à Carthage, Énée lui promit de revenir la retrouver. Mais Didon se désespère et se suicide avec le poignard qu’Énée lui a laissé (Énéide, IV). Étienne Jodelle est l’auteur d’une tragédie à ce sujet, Didon se sacrifiant, écrite vers 1555 mais publiée de manière posthume en 1574.
[448] L'Italie.
[449] cf. v. 375.
[450] bienveillant.
[451] « cercher » dans l’édition de 1611.
[452] soldats, cf. v. 223.
[453] n’ai-je.
[454] Rien de moins.
[455] entreprise.
[456] Nous gardons l’apocope afin de maintenir le mètre.
[457] chance.
[458] cachez.
[459] Non.
[460] Mais, plutôt.
[461] adroitement.
[462] « Heure » peut rimer avec « figure » à cette époque.
[463] Celui.
[464] Pistion quitte la scène, ou se cache de la vue d’Ergaste et du Héraut qui s’approchent. Ergaste et le Héraut entrent en scène.
[465] Tous deux s’adressent à Fortunie.
[466] « fusmes » dans l’édition de 1611.
[467] désirent.
[468] favorable.
[469] bienveillance, faveur.
[470] Combien d’argent gagnera le vainqueur ?
[471] Fortunie sort et montre un diamant.
[472] La mère de Fortunie.
[473] de mon mieux.
[474] Arbour suggère le sens suivant de ces vers, qui semble être dits en aparté : « la Dame qui a repris sa liberté d’un homme, ne peut plus lui être agréable, quoi qu’il fasse, car chez elle l’amour ne correspond jamais au courage que l’on peut démontrer » (p. 60).
[475] Poursuivons.
[476] Ergaste et le Héraut quittent la scène. Pistion revient sur scène.
[477] Pistion tutoie à nouveau Fortunie.
[478] mort.
[479] Diane (ou Artémis) est la déesse de la chasse et de la chasteté. Son ennemie est Vénus (Aphrodite), déesse de l’amour.
[480] rustres, grossiers.
[481] Une référence à Phébus qui informe Vulcain de la relation amoureuse entre sa femme Vénus et Mars, raconté par Ovide dans ses Métamorphoses et illustré par Antonio Tempesta dans la trente-troisième planche de son ouvrage Metamorphoseon sive transformationum, « Coniugis furtum Sol Vulcano detegit » (Anvers, Pieter de Jode, 1606) : https://images.bnf.fr/#/detail/354134/1.
[482] qui rend fou.
[483] colère.
[484] Je crains plus (autre chose) que mon propre malheur.
[485] Laquelle.
[486] doute.
[487] C’est au tour de Fortunie de vouvoyer Pistion.
[488] soldat, cf. v. 223.
[489] courir.
[490] Bucéphale est le cheval d’Alexandre le Grand. Nous gardons l’orthographe (sans ‘e’ final) afin de maintenir le mètre.
[491] qui fume, sous l’effet de la transpiration.
[492] observez, considérez attentivement.
[493] foule.
[494] désire.
[495] vous trouvez.
[496] en.
[497] faveur.
[498] cf. v. 433
[499] Fortunie et Pistion quittent la scène. Le Chœur entre en scène.
[500] en révolte.
[501] « Si Cupidon qui tout nu » dans l’édition de 1611. Le vers de l’édition de 1603 semble erroné car il ne contient que six syllabes au lieu de sept.
[502] Le Chœur quitte la scène.
[503] Le Héraut, Fortunie, Acoubar et Pistion (déguisé en habits « sauvages ») entrent en scène. Le jeu de bague terminé, Pistion a déjà gagné lorsque la scène commence.
[504] soldats, cf. v. 223.
[505] agile, adroit.
[506] mais plutôt.
[507] frappés de stupeur.
[508] partisan.
[509] Nous gardons l’apocope afin de maintenir le mètre.
[510] calme, tranquille.
[511] bavarde.
[512] surpassées : nous gardons la forme originale afin de maintenir le mètre.
[513] auparavant.
[514] (mais) plutôt.
[515] jusqu’au dernier.
[516] soldats, cf. v. 223.
[517] plie bagage.
[518] Fortunie donne le diamant à Acoubar, qui le donne à Pistion.
[519] Pistion et le Héraut quittent la scène.
[520] certain.
[521] Orgueilleux.
[522] épancher, verser.
[523] chagrin, tourment.
[524] vite.
[525] ne suis-je pas.
[526] Acoubar quitte la scène.
[527] seule sur scène.
[528] « s'en » dans le texte. Nous corrigeons.
[529] dépend.
[530] Dans l’édition de 1603, il est écrit : « Ne pend plus que de toi. Pist. Ie te prie ».
[531] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’ final) afin de maintenir la rime avec « homme ».
[532] Rodomont est un personnage courageux dans le Roland furieux de L’Arioste.
[533] cf. note v. 434.
[534] Fortunie quitte la scène. Pistion entre à nouveau en scène, toujours déguisé en « sauvage ».
[535] seul.
[536] sommets d’une montagne.
[537] fui à nouveau ; selon R. Arbour, ce mot veut dire « évité, abandonné ».
[538] Une référence au « doux zéphyr » qui « rapporte [l]a voix » de Fortunie jusqu’à Pistion (v. 1452).
[539] dise. Nous maintenons cette conjugaison archaïque pour la rime et le compte syllabique.
[540] vers.
[541] Ixion, après avoir été sauvé de sa folie par Zeus (voir v. 768), fut invité sur l’Olympe où il s’efforce d’abuser de Héra, la femme de celui-ci. Zeus, enragé, crée une nuée (du nom de Néphélé) qui ressemble à son épouse. Ixion, crédule, prend cette nuée pour Héra et la viole. Zeus les prend sur le fait, et de cette union est né Centaure.
[542] Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’ final) afin de maintenir le mètre.
[543] avec, cf. v. 530.
[544] Le substantif « couple » peut être féminin ou masculin à cette époque.
[545] appréhender de.
[546] trahir.
[547] entreprise, ici attaque.
[548] Proserpine est la déesse des saisons. La mythologie grecque raconte qu’elle a été enlevée par Pluton, dieu des Enfers qui l’a ensuite épousée. Un accord aurait été conclu avec celui-ci afin qu’elle puisse retourner avec sa famille certaines périodes de l’année. Ainsi, elle passe six mois aux Enfers (ce qui symbolise notre automne et notre hiver) puis six mois avec sa mère (ce qui correspond à nos printemps et été).
[549] cf. v. 492.
[550] Il s’agit d’Adonis, le dieu de la beauté et du désir. C’était l’amant de Vénus (Aphrodite), déesse de l’amour. Selon Ovide, il fut tué par un sanglier envoyé de Diane (Artémis).
[551] vêtu en sauvage.
[552] finir, achever.
[553] Acoubar entre en scène.
[554] meures. Nous gardons cette conjugaison (sans ‘s’ final) afin de maintenir la rime avec « heure ».
[555] Donne.
[556] Une virgule à la fin du vers dans l’édition originale ; nous corrigeons.
[557] Pistion fait semblant de ne pas reconnaître Acoubar, ce qui lui permet de l’insulter en le tutoyant.
[558] que je m’approche.
[559] Que je n’aie ; la négation est omise.
[560] L’île où Vénus était vénérée ; ici, une référence à l’amour.
[561] Pistion frappe Acoubar.
[562] Une virgule à la fin du vers dans l’édition originale ; nous corrigeons.
[563] Une virgule après « cede » dans le texte ; nous corrigeons.
[564] Nous gardons l’apocope afin de maintenir le mètre.
[565] obligée.
[566] rival.
[567] cf. v. 166.
[568] vite.
[569] séduisant, ensorcelant.
[570] tromper.
[571] jamais.
[572] amertume passagère éprouvée par l’amant(e) déçu(e).
[573] Les sirènes sont des créatures de la mer qui, en chantant doucement, attirent les marins qui passent et leur font naufrager à cause des rochers près desquels elles vivent.
[574] Une virgule après « accuser » dans le texte ; nous corrigeons.
[575] esquiver le coup.
[576] Avec la didascalie « mourant » ajoutée à la prochaine et dernière réplique d’Acoubar, il se peut que Pistion le frappe encore.
[577] cf. v. 1580.
[578] Acoubar expire. Soit Pistion reste sur la scène pendant que le Chœur entre en scène, soit il quitte la scène brièvement pour revenir prononcer son dernier monologue.
[579] cf. v. 314.
[580] propre à l’amour.
[581] écoutons.
[582] Soit le Chœur reste sur scène, soit il la quitte afin que Pistion déclame seul sur scène son dernier monologue pour clore la pièce.
[583] appréhension.
[584] Le mot « gens » peut être un substantif féminin ou masculin à cette époque.
[585] Cette référence au lion renvoie à la crainte d’Acoubar d’être abandonné par ses soldats dans la forêt (v. 1093).