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La Tragédie du sac de Cabrières

par Anonyme (ca 1566)
  • Edition de Charles-Louis Morand Métivier
  • Transcription : Charles-Louis Morand Métivier
  • Modernisation et Encodage : Nina Hugot
  • Annotation : Nina Hugot et Charles-Louis Morand Métivier
  • Relecture : Nina Hugot, Milène Mallevays, Julien Muller et Isabelle Pignone


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La Tragédie du sac de Cabrières

Charles-Louis Morand-Métivier, Université du Vermont

La Tragédie du sac de Cabrières, tragédie anonyme écrite entre 1559 et 1574, se démarque des autres tragédies de la Renaissance ; en effet, elle n’est basée ni sur un événement ou des personnages bibliques, ni sur l’antiquité gréco-latine. Mais sur un événement historique, très proche de son écriture. En 1545, les troupes royales ont assisté celles du parlement de Provence pour éradiquer les populations vaudoises du Luberon ; au cours de ce massacre, les villages de Cabrières et de Mérindol ont tous deux été détruits, et leur population exterminée ou déportée. C’est ce douloureux événement, par ailleurs assez méconnu, qui est au coeur de cette pièce de théâtre.

Bien que cette pièce soit connue de la majorité des seiziémistes, ce n’est que récemment qu’elle a connu un regain d’intérêt académique. C’est en 1994 que Roger Klotz, avec “Lecture méthodique de la Tragédie du sac de Cabrières,” a écrit le premier article sur la tragédie. Avant cela, la seule analyse de ses thèmes se résumait à l’appareil critique des éditions de Joseph Vianney (1927), Karl Christ (1928), et Daniella Bocassini (1990). La même année que Klotz, Olivier Millet a écrit la première analyse de fond de l’oeuvre, avec « “Vérité et mensonge dans la Tragédie du sac de Cabrières : Une dramaturgie de la parole en action, » qui se concentre sur le rôle de la bonne et de la mauvaise parole dans la construction des personnages de la pièce. En 2006, Anne Baretaud avec “Le Récit comme acte dans les tragédies bibliques du XVIe siècle » a utilisé Cabrières comme un des points d’encrage d’une analyse de la parole dans diverses tragédies. Nina Hugot, avec son article « Le “spectacle étrange” de la mort des femmes dans La Tragédie du sac de Cabrières (Anonyme, 1566-1568) » et son livre « D’une voix et plaintive et hardie » La tragédie française et le féminin entre 1537 et 1583 s’intéresse au rôle des femmes dans notre tragédie. Finalement, Charles-Louis Morand-Métivier a consacré un chapitre de sa thèse doctorale « Apprendre des massacres : émotions et nations dans la littérature francaise » à la tragédie ; il est par ailleurs l’auteur d’un analyse des personnages masculins de la tragédie sous le prisme du genre, « La Construction de la masculinité dans la Tragédie du sac de Cabrières : Le cas d’Opède, », et de la première édition critique et traduction de la pièce en anglais, The Tragedy of the Sack of Cabrières. En octobre 2023, Nina Hugot a organisé la première journée d’étude dévouée entièrement à la pièce, sur le campus de l’Université de Lorraine à Metz. Ces présentations, qui mirent en avant divers aspects de l’oeuvre, furent accompagnées d’une mise en scène de plusieurs passages de la tragédie par la compagnie Oghma -ce qui représenta sans doute la première fois que la pièce fut jouée. Les actes de ce colloque vont être publiés par la revue Le Verger.

Cette tragédie n’a ni actes, ni scènes. Devant les remparts de Cabrières, ville vaudoise assiégée par les troupes royales et provençales, Catderousse et Poulin, deux chefs des armées assiégeantes, critiquent d’Opède, leur supérieur : leur assaut a été repoussé, et ils reprochent à leur chef son manque de prise de décision et sa pleutrerie. D’Opède explique qu’il doute parce qu’il voit en le peuple de Cabrières un peuple choisi par Dieu. Cependant, après de nombreuses réflexions, il décide de se ranger du côté de ses hommes et de tout faire afin de détruire la ville. Afin d’arriver à ses fins, D’Opède demande à Poulin de se rendre chez les Vaudois afin de leur annoncer - ce qui est un piège - que les armées veulent se ranger de leur côté contre d’Opède (1-244). Le choeur se réjouit de la victoire des élus, permise par Dieu (245-370). Poulin est reçu par les deux chefs de Cabrières, le Maire et le Syndique. Si Le Maire est très critique de Poulin, et semble voir en lui la ruine à venir de Cabrières, Le Syndique veut donner une chance à ce dernier (371-654). Le choeur chante les méfaits du faux-parler (655-814). Les Vaudois lisent à D’Opède, qui prétend vouloir faire la paix, leur profession de foi (815-1014). Le choeur chante les pouvoirs de la parole vraie (1015-1230). Poulin annonce à d’Opède qu’il ne veut plus participer à la destruction de Cabrières ; D’Opède lui demande alors de retourner auprès des Vaudois pour obtenir leur profession de foi. Alors que le Maire et le Syndique continuent de déclamer les actes de leur profession de foi, les troupes de Catderousse et d’Opède pénètrent dans la ville, et commencent à massacrer toute la population, ce que les Vaudois découvrent avec horreur (1231-1412). Le choeur se lamente et condamne la cruauté de d’Oppède (1413-1532). Poulin, écoeuré d’avoir été à son corps défendant responsable de ce massacre, fait le terrible récit du massacre aux assiégés (1533-1726). Arrive Catderousse, qui persiste dans sa cruauté et mène le reste de la population au supplice : la cruauté de d’Oppède s’oppose au courage des Vaudois, et le Choeur prie alors que leur mort permette la création de nombreuses autres églises et communauté vaudoises (1533-1780).

La pièce met l’accent sur l’importance de la parole. C’est celle-ci, en effet, qui fait et défait les différents groupes qui la composent. La parole est centrale aux nombreuses interventions du Choeur, être omniscient qui glosent justement les utilisations qui sont faites des mots, soit dans un but positif -la protection et la glorification de la ville de Cabrières- soit dans un but négatif – celui de la destruction de la ville et de ses habitants. La parole illustre également un des autres thèmes de la pièce, à savoir celui de la religion. D’Opède, Poulin et Catderousse ne montrent que très peu d’intérêt pour la religion, en ne citant Dieu que très rarement, et sont très clairement représentés comme des monstres dont le seul objectif est d’éliminer les « vrais chrétiens » que sont les habitants de Cabrières. Ainsi, quand ils demandent au Syndic et au Maire de présenter la profession de foi de leur peuple, ce n’est qu’afin de les tromper et de préparer leur entrée dans la ville. On assiste ainsi à une opposition entre le prétexte religieux, utilisé par les troupes royales, et une population vaudoise qui vit sa vie entièrement dans le contexte religieux.


Bibliographie
1. Les éditions
Tragédie du sac de Cabrières, ms., Bibliothèque Vaticane, Codex pal. lat. 1983.
Anonyme, La Tragédie du sac de Cabrières. Tragédie inédite en vers français du xvie siècle, éd. F. Benoît et J. Vianey, Marseille, Institut Historique de Provence, 1927.
Tragédie du Sac de Cabrière, ein kalvinistisches Drama der Reformationszeit herausgegeben von Karl Christ, Halle (Saale), Max Niemeyer Verlag, 1928.
Anonyme, Tragédie du sac de Cabrières, éd. D. Boccassini, dans La Tragédie à l’époque d’Henri II et de Charles IX. 3 (1566 1567), Florence/Paris, Leo S. Olschki/Puf, 1989, p. 203 278.
The Tragedy of the Sack of Cabrières, éd. et trad. Charles-Louis Morand Métivier, Tempe, Arizona Center for Medieval and Renaissance Studies, 2022.
2. Les autres récits du sac
Bonjour Jacques, De bello in Capresienses commentaria, Paris, Louis Begat, 1549.
Crespin Jean, Histoire mémorable de la sécution et saccagement du peuple de Merindol et Cabrières et autre circon-voisins, appelez Vaudois, sl, sn, 1556.
Aubery Jacques, Histoire de l’exécution de Cabrières et de Mérindol, et d’uatres lieux de Provence, particulièrement déduites dans le Plaidoyé qu’en fit l’an 1551, par le commandement du Roy Henri II, et comme son Advocat Général en cette cause, Jacques Aubéry, Lieutenant Civil au Chastelet de Paris, et depuis Ambassadeur extraordinaire en Angleterre pour traitter de la Paix, l’an 1555, Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1645.
3. Études de la pièce
Klotz Roger, « Lecture méthodique de la Tragédie du Sac de Cabrières », L’Information littéraire, vol. 46, no 1, 1994, p. 36 39.
Millet Olivier, « Vérité et mensonge dans la Tragédie du sac de Cabrières : une dramaturgie de la parole en action », Australian Journal of French Studies, vol. 31, no 3, 1994, p. 259 273.
Pocquet du Haut-Jussé Tiphaine, ”La Tragédie du sac de Cabrières : une mémoire réparatrice au temps des guerres de religion ?”. Écrire la guerre, CEGES Lille, 2016. [hal-03910265].
Morand Métivier Charles-Louis, « La Construction de la Masculinité dans la Tragédie du Sac de Cabrières : Le Cas d’Opède », revue en ligne Modern Languages Open, 1, 22 mars 2018. [URL : https://modernlanguagesopen.org/articles/10.3828/mlo.v0i0.171]
Giacone Franco, « Le sac de Cabrières et de Mérindol, une tragédie anonyme ? », dans La Tragédie sainte en France (1550-1610). Problématiques d’un genre, dir. M. Mastroianni, Paris, Classiques Garnier, 2018, p. 253-267.
Hugot Nina, « Le “spectacle étrange” de la mort des femmes dans La Tragédie du sac de Cabrières (Anonyme, 1566-1568) », dans « Une honnête curiosité de s’enquérir de toutes choses ». Mélanges en l’honneur d’Olivier Millet, de la part de ses élèves, collègues et amis, Genève, Droz, 2021, p. 291-301.
Pocquet Du Haut-Jussé Tiphaine, « La tragédie du sac de Cabrières : une mémoire réparatrice au temps des guerres de religion ? », Écrire la guerre, CEGES Lille, 2016 [hal-03910265].
4. Etudes qui mentionnent la pièce
Baretaud Anne, « Le récit comme acte dans les tragédies bibliques du xvie siècle », Loxias 12 : « Le récit au théâtre (1) : de l’Antiquité à la modernité », mis en ligne le 28/02/2006.
Doudet Estelle, « La catastrophe dans le théâtre politique français (1460-1550) : moteur du spectaculaire, frontière de l’indicible », European drama, 2010, p. 47-71.
Morand Métivier Charles-Louis, Apprendre des massacres: émotions et nation dans la littérature du Moyen-âge et de la Renaissance. Diss. University of Pittsburgh, 2013. Voir chapitre 4, « Mettre en scène les hommes: masculinité et gouvernance dans la Tragédie du sac de Cabrières ».
Bouteille Charlotte, Représenter le présent. Formes et fonctions de « l’actualité » dans le théâtre d’expression française à l’époque des conflits religieux, 1554-1629, Paris, Classiques Garnier, à paraître.


--- 1r ---
 

Pour très- illustre PRINCE Monsieur Christophle Duc de Bavières, filzfils très- aimé De Mon Seigneur l’Electeur, et Comte PALATIN et ca.

Les personnages D’Opede Catderousse Poulin Le Maire Le Syndic Le Choeur

--- 1v ---
 

TRAGEDIE DU SAC DE CABRIERE

D’Opede Poulin et Catderousse

D’Opede

Un coeur vaillant mourra plustostplutôt qu’estreêtre vaincu

Et moymoi las malheureux auray aurais-je tant vescuvécu

Qu’à vaincre ou à mourir je preferepréfère la fuite !

Poulin

Le Lion fuit s’il a un Cerf pour sa conduite

5Ainsi le camp auquel commande un bonnet rond 1

Comme Neige au Soleil devant l’ennemi fond.

Catderousse

Vous vous entendez 2 trop aux procesprocès et enquestesenquêtes

À faire fouetter à faire couper testestêtes

Ou à faire souffrir quelque plus dure mort.

Poulin

10Encor 3 scavez savez-vous bien du droit faire le tort

Mais comme il faut donner chaudement les alarmes

Vous vous y entendez comm’commeun clerc fait aux armes.

Catderousse

Si nous eussions suivysuivi et redoublé l’assaut

N’eussions eussions-nous pas franchi le remparrempart de plainplein saut

15N’eussions eussions-nous pas desjadéjà l’enseigne sur la breschebrèche

Poulin

Nos ennemysennemis voyansvoyant que rien ne les empescheempêche

Ont seurementsûrement leur lieu Imprenable rendu

Et nous l’avons couards trop lachementlâchement perdu


--- 2r ---
 

Catderousse

Quiconque se veoitvoit chef d’une puissante armée

20S’il a profond au coeur la vertu imprimée

Jamais fortifier ne laisse l’Ennemi

Poulin

Si du tout il ne peut il le rompt à demi

TantostTantôt par fausse alarme et tantosttantôt de grand 4 force

L’assaut à l’improviste et rudement le force

Catderousse

25Le Coeur glacé de peur ne sait jamais pouvoir

Poulin

Ô le grand bien que c’est que de rien ne savoir

L’homme le plus rusé en procesprocès et querelequerelle

En la guerre n’eut onc 5 une once de cervelle

D’Opède

Bien qu’homme je ne soyesois à nul de vous pareil

30En force et hardiesse, aussi peu qu’en conseil

Les Conseils de la main en moymoi pourtant se treuventtrouvent

Tels que quelques amysamis quelquesfoisquelquefois les appreuventapprouvent.

Catderousse

Qui vous empescheempêche donc ayant si bons souldarssoudards 6

D’encor les hazarderhasarder au dernier sort de Mars ?

D’Opède

35Un songe nuit et jour dormant veillant me bride

Par l’exemple fameux de la chaine d’Alcide 7

DelaquelleDe laquelle il tira vers luylui prompts les GauloysGaulois

Par l’oreille enyvrezennivrés du doux miel de sa voix

Tout ainsi cestecette ville à ma langue attachée

40Me semble tomber bas d’elle mesme-même arrachée


--- 2v ---
 

Mon DEVIN sur cela enquis m’a respondurépondu

De les vouloir forcer ce n’est que temps perdu

La lance n’y peut rien mais seulement la langue. 8

Poulin

J’ayai fait devant le Turc mainte fausse harangue 9

45Et si l’ayai maintesfoismaintes fois par mon faulxfaux doux parler

Contraint de cinq censcent naux 10 faire sur mer voler

Ses Bacchats 11 s’efforceoientefforçaient de tout m’y contredire

Je l’emportoyemportais pourtant bravement par mon dire.

Catderousse

» 12 Mais qui a un bon coeur et les armes au poinpoing

50» Du babil de la langue il n’a aucun besoin

D’Opede

» La langue (croyez) prend et ravit plus de ville

» Que la pique ou canon neni tous efforts hostiles.

Catderousse

» Une bonne entreprise on ne doit retarder

D’opede

Bien mais apresaprès faudra la langue hazarderhasarder

55De moymoi en attendant l’incertain de fortune

Je me retire à part sans compaigniecompagnie aucune

Poulin

Quel chef ! que gouverneur ! quel hardi combattant

Qui jusqu’à veoirvoir ses gens en bataille n’attend

Mais sur tous les poltrons 13 le poltron est si lache

60Qu’en lieu des premiers estreêtre il s’enfuit et se cache 14

Catderousse

Pensez qu’ainsi faisoitfaisait le superbe vainqueur 15

Duquel un monde seul ne contentoitcontentait le coeur.

Poulin

Allons poulserpousser nos gens que ces forts on canonne.


--- 3r ---
 

Catderousse

Que le dernier assaut de toutes parsparts on donne

Poulin

65Ou vivons y-y vainqueurs ou mourons y-y vaincuzvaincus

Catderousse

Si nous n’y entrons vifs mourons sous nos escusécus. 16

LE CHOEUR

Du sac de MerindolMérindol 17 cruellement funeste

Troupe captive au Camp de ces brigansbrigands je reste. 18

Les autres sont heureux qui errent par les champs

70Encor plus heureux sont ceux à qui ces meschansméchants

Ont esteintéteint les tormenstourments en esteignantéteignant la vie

La nostrenôtre à petit feu nous doit estreêtre ravie

Si faut il-il constamentconstamment tenir pour resolurésolu

Que c’est pour nostrenotre bien puis quepuisque DIEU l’a voulu.

75CabriereCabrières 19 cependant redouble son courage

Et d’Opede affoibliaffaibli de plus en plus enrage

PourceParce que contre Dieu n’y a force neni conseil

» Qu’il ne desrompedérompe ainsi que les nerfs d’un sommeil

Comme ces assiegezassiégés travaillent tous ensemble !

80Ce gros amas de peuple aux abeilles ressemble

Lesquelles pour se faire à part nouveau canton 20

S’entresuivent au son d’un clairsonnant laittonlaiton.

Ou quand pour reparerréparer leur utile dommage

ApresAprès qu’on a brisé l’orgueil de leur ouvrage

85Toutes devant les yeux de leur RoyRoi honnoréhonoré

Chambrittent 21 au compas leur palais tout doré

Un regimentrégiment des champs les richesses apporte

Qu’une autre troupe prend et deschargedécharge à la porte.


--- 3v ---
 

Maint scadron 22 au dedans les porte sur son flanc

90Dont les autres refont leurs salessalles rancrang à rancrang

Et ne cesse jamais cestecette race aeréeaérée

Tant que leur grand maison soit du tout reparéeréparée

Ceux de la ville ainsi travaillent aux remparsremparts

La terre sous leurs piezpieds fume de toutes parsparts

95L’un porte des fagots et l’autre force laine

L’autre tant de gazons qu’il en est hors d’alainehaleine

Force pierres ceux cy-ci ceux-là force fumier

Cestui cyCelui-ci des grands bois marchant tout le premier

Et ceux-là plus hastezhâtés y jettent leurs lits mesmesmêmes

100Mais cestui làcelui-là y fourre (ô mon Dieu) les corps blesmesblêmes

De leurs souldarssoudards occis 23 pour encor s’en servir

Voyez descendre l’un voyez l’autre gravir

À grands coups de mouton 24 les autres tant terrassent

Que leurs remparsremparts levés toute breschebrèche surpassent.

105Voyez vous l’ennemy contre le mur courir

Ô Dieu qui es leur fort vueillesVeuille 25 les secourir 26

Dieu par qui à ton peuple estoientétaient defensesdéfenses faites

De combattre devant que 27 sonner les trompettes.

Nous enseignant par là pour ne combattre en vain

110Qu’il faut que nous prenions les armes de ta main

Arme donques les tiens d’une hardiesse sainte

Et saisisaisis ces meschansméchants d’une mortelle crainte

Qu’ils ne soyentsoient jamais veusvus de ce lieu triomphanstriomphants

Pour avoir massacré ô PerePère tes enfansenfants 28

D’opede 29

115Est il-il donc arrestéarrêté qu’une heure en patience

Vivre ne me lairras 30 maudite conscience

PourquoyPourquoi veux je-je ce peuple estreêtre tout massacré


--- 4r ---
 

Ce peuple tout fidelefidèle et à Dieu consacré !

Ce peuple dont la vie est si saintement pure

120Que pour l’amour de luylui Dieu encor nous endure

France seroitserait en proyeproie et les FrançoisFrançais captifs

Ou serviroientserviraient au Turc ou esclaves craintifs

SeroientSeraient ja 31 transporteztransportés au profond des Hespaignes 32

Sans le voeu d’oraison que fait en ces montaignesmontagnes

125Ce saint tropeautroupeau tousjourstoujours pour le RoyRoi exaucé

Que fera donc ce camp qu’ici je tiens dressé ?

Le ciel leur favorise et m’est de tout contraire

Dieu prend leur cause en main et je les veux defairedéfaire

Si faut il-il passer outre ou mourir où je suis

130DesisterDésister je ne veux et aussi je ne puis

» Car l’homme qui du tout acheveachève un meschantméchant acte

» N’apparoitapparaît si meschantméchant qu’un sot qui s’en retracterétracte

» Cestui cyCelui-ci luy mesmelui-même est le Juge de son fait

» PourcePour ce 33 le condamnant qu’il le laisse imparfait

135» Mais l’autre qui poursuytpoursuit jusqu’à la fin son oeuvre

» Semble estreêtre vertueux quand tout son mal il coeuvre 34

» D’une perseverancepersévérance entiereentière sous espoir

» D’une agreableagréable issue à ses desirs avoir

Ô que si jamais donc je romps mon entreprise

140La roüe d’Ixion pour Ixion me brise 35

Que me serviroit servirait-il qu’au lieu d’un bonnet rond

De cestcet armet doré je me couvre le front ?

Au lieu de ma grand robberobe avoir cestecette cuirasse ?

Pour la plume en la main cestecette pesante masse ?

145Suis je-je quictantquittant ma mule armé sur ce roussin 36

Pour m’enfuir en lieu d’attendre et veoirvoir la fin

Ay Ai-je bruslébrûlé Pepin la Motte Saint Estienne


--- 4v ---
 

Lormarin, Valelaure et la Roche prochaine

Foudroyé Cabrieretteabysméabîmé MerindolMérindol

150Saccagé Saint Martin 37 ay ai-je ravi d’un vol

Vingt bourgs villes chasteauxchâteaux les ayai mis en braise

Comme n’ayansayant servi jamais que de fournaise

Ay Ai-je donques 38 destruitdétruit tant d’hommes et de lieux

Pour estreêtre pitoyable en lieu de furieux

155Afin qu’en espargnantépargnant ce reste de Canailles

Je leur quictequitte le fruit de toutes mes batailles

Seroit Serait-ce bien à fin que ce que j’ayai gaignégagné

Soit à mon ennemyennemi pour l’avoir espargnéépargné !

Et qu’on distdit de D’Opede il obtient bien victoire

160Mais il n’en scaitsait user à son profit neni gloire

Je les ayai condamnezcondamnés à perdre biens et corps

Qu’ils ne vivent donc plus ils m’enrichissent morts

Sus sus sus que pour moymoi leur arrestarrêt j’exequuteexécute

CesteCette grand’Courtisane 39 à qui mon bien j’impute

165Ayant de don du RoyRoi leur confiscation

M’a fait pour petit pris de son droit cession

Avec tout plainplein pouvoir de lever des gendarmes

Gens de pied et souldarssoudards bien exercezexercés aux armes

Enseignes desployerdéployer estendarsétendards, gomphanonsgonfanons

170Mener artillerie et braquer gros Canons

Voilà comme je suis generalgénéral capitaine

De tout ce camp lequel où il me plaitplaît je meine

Tous mourront du premier jusques au dernier rancrang

Ou je mettraymettrai Cabriere 40 au jour d’huyaujourd’hui toute en sang.

LE CHOEUR

175L’eterneléternel a ouyouï nostrenotre ardanteardente priereprière

Faisant que ces vilains ont tourné le derrière 41


--- 5r ---
 
Catderousse et D’opede

Catderousse

Nos ennemysennemis nous ont si vaillansvaillants repoussezrepoussés

Qu’ils ont de nos gens morts remplis tous leurs fossés

Poulin à cest’cette heure est pour vous tenir promesse

180Avecques 42 un herauthéraut presprès de leur forteresse

Nous voicyvoici vostrevotre gendre et saint Romain aussi 43

Et autres principaux qui retournons icyici

Nous avons d’un accord par Poulin fait la trevetrêve

Attendant que couvert son oeuvre il paracheveparachève

185Il a ja 44 fait sortir les gouverneurs vers luylui

Croyez qu’il les rendra captifs dans ce jour d’huyjourd’hui.

D’Opede

Si Poulin envers moymoi ne se monstremontre fidelefidèle

La peine de la mort ne m’est assésassez cruelle

Ô jour trop malheureux ! quelles gens se sont mis

190Pour renfort dans la ville avec nos ennemis

Catderousse

Autres qu’eux n’ont defautdéfaut tant de nos vaillansvaillants hommes

D’opede

Contr’Contreun d’eux neantmoinsnéanmoins vingt ou trente nous sommes.

Catderousse

Le plus foiblefaible souvent surmonte le plus fort

D’opede

Ainsi ballotte Mars le hazardhasard de son sort

Catderousse

195ToutesfoisToutefois comme ayant en ma main la victoire

J’enflamboyenflambai nos souldarssoudards ainsi du feu de gloire

SouldarsSoudards si vous avez tels coeurs qu’aviez devant 45

Ils sont vaincus c’est fait piquez donques avant

Le premier qui mettra les piezpieds sur la muraille

200Aura outre l’honneur cestecette riche medaillemédaille

Et le second aura ma chainechaîne de pur or


--- 5v ---
 

Le troisiesmetroisième un beau prisprix et le quatriesmequatrième encor

HarquebusiersArquebusiers tirez -vous trainanstraînant sur le ventre

Poulin, crioitcriait aussi : si le soleil y entre

205N’y entrerons -nous pas ? Courage là dedans

Les poltrons prient Dieu comme ja se rendansrendant

Je crie au canonnier qu’il redouble la breschebrèche

Qu’est du jour d’hyerhier encore toute freschefraîche

À grands coups de canon qu’il batte leurs remparsremparts

210Et ceux qui sont dessus fonce de toutes parsparts

Mais un plus asseuréassuré nostrenotre Canonnier perseperce

Par le milieu du corps et tout mort le renverse

De tout nostrenotre ScadronEscadron qui se serroitserrait de presprès

Les plus forts sont blessés et repoulsezrepoussés apresaprès

215Si dru ne chet 46 la greslegrêle au giron de la Terre

Comme tombent espés nous 47 vaillansvaillants gens de guerre

Panisse 48 alors crioitcriait : comment vous reculez

Et si en avez tant massacrés et bruslésbrûlés

Bon coeur souldartsoudard bon coeur sus entre monte tue

220Cependant qu’un chascunchacun combattant s’esvertueévertue

Ce Canonnier nous bat sans cesse et si adroit

Qu’il ne pourroitpourrait faillir quand faillir il voudroitvoudrait

Tout ce qu’on a escritécrit des cent mains de Briaire 49

Et cent bouches à feu est chose trop vulgaire

225Au prisprix de cestui cycelui-ci qui tirant bas et haut

Ne cesse de tuer tant que dure l’assaut

Pour les cent mains de l’autre et cent bouches ou forges

CestuiCelui a mille bras et mille ardentes gorges

Dont il vomit le feu si espésépais foudroyansfoudroyant

230Qu’en routteroute 50 et fuite il met le reste de nos gens

Mais quoyquoi pour eviteréviter une entiereentière defaitedéfaite

Ils n’ont point attendu qu’on sonnastsonnât la retraite


--- 6r ---
 

D’opede

» L’experience auzaux folsfous mais c’est trop tard apprend

» Qu’avant le coup le sage escouteécoute et conseil prend

235» Qui peut estreêtre vainqueur sans hazarderhasarder sa vie

» S’il la hazardehasarder il n’a de la garder envie

Mais puis quepuisque Poulin est allé parlementer

À eux devant le temps ne le faut tourmenter

Durant la trevetrêve allons au tour de la muraille

240PrenansPrenant garde que nul de ces meschantsméchants n’en saille 51 .

Car j’ayai juré que vif nul n’en eschapperaéchappera

Hommes femmes enfansenfants tout meurtrymeurtri y sera

Catderousse

Adieu donc car Poulin aux vilains fait entendre

Que Je veux contre vous pour eux les armes prendre 52

Le Choeur

245La victoire

Ne vient pas

NeNi la gloire ! par le pas

Ni compas

Du mortel

250L’immortel 53

Qui l’ordonne

Seul la donne

 

De nature l’escorceécorce est

Bien peu dure


--- 6v ---
 

255La forestforêt

Pourtant naistnaît

S’espessitépaissit

Se grossit

Et renforce

260Sous l’escorceécorce

 

L’arbre elle arme

Contre l’air

Et l’alarme 54

Rouge et clair

265De l’esclairéclair

Pour le fruit

Qu’il produit

De fleurs belles

Annuelles.

 

270De l’escailleécaille

L’ast 55 de mer

Fait sa maille

Pour s’armer

Et de l’äerair

275Les legiers 56

Chevaliers 57

Font rondelesrondelles

De leurs ailes.



--- 7r ---
 

La LimasseLimace

280Dans son fort

Se ramasse

Et n’en sort

Ains 58 tient fort

D’ongles grands

285Corne et densdents

Mainte bestebête

Se font testetête.

 

ChasqueChaque sorte 59

En ses droits

290Se tient forte

Mais des Rois

Nul harnois 60

Tant soit fort

Que la mort

295Ne les darde

Ne les garde 61

 

Quelque ruse

Ou scavoirsavoir

Dont l’homme use

300Quelque avoir

Ou pouvoir

Qu’il fait sien.

Ce n’est rien

Quand Dieu contre

305Fait sa monstremontre 62 .



--- 7v ---
 

Rien le nombre

Des souldarssoudards

De l’encombre et hazardshasards

Du dur Mars

310Quand Dieu veut

Rien ne peut

Tout en somme

Sauver l’homme

 

Ains 63 la dextre 64

315Du seul Dieu

Et seul maistremaître

En tout lieu

Au milieu

Du combat

320Seule abbatabat

Mort sur l’herbe

Le superbe.

 

Elle seule

À la mer

325Fait la geulegueule

Defermer 65

Puis ramer

À beau pied

Dans le gué

330Son armée

Pourchassée



--- 8r ---
 

Or l’Egypte

Pour cela

Plus s’irrite

335Dont par là

DevallaDévala

Au tombeau

Dessous l’eau

Qui l’engorge

340Dans sa gorge 66

 

La gent sainte

Puis 67 eut peur

D’un camp ceinte

Quand l’horreur

345Du GeantGéant

MaugreantMaugréant

La defiedéfie

De sa vie

 

Elle pleure

350Et David

Tout sur l’heure

Elle veitvit

Qui seul feitfit

Ce rocher

355 TrebuscherTrébucher

Bas à terre d’une pierre 68



--- 8v ---
 

Qui s’appuyeappuie

Au Seigneur

Et s’y fie

360Aura l’heur 69

Et l’honeurhonneur

Et le prisprix

D’avoir pris

Ses contraires

365Adversaires 70

Poulin le Maire le Choeur et le Syndique 71

Poulin

Ces captifs m’ont suivysuivi. Ils consultent ensemble

J’ayai peupu d’icyici ouyrouïr leurs propos dont je tremble 72

Le Maire

CeluyCelui qui parlemente à l’ennemyennemi se vend

Le choeur

L’asiégéassiégé par l’oreille en la prestantprêtant se prend

Le maire

370Ce n’est pas en la guerre où derechef on pechepèche

La premierepremière faute est une mortelle breschebrêche

Le choeur

La la premierepremière faute est d’un encombre tel

Qu’amender ne se peut par l’esprit du mortel.

Le maire

Quelle rage vous a privezprivés d’intelligence !


--- 9r ---
 

375Quelle fureur vous osteôte insensés cognoissanceconnaissance !

Qui vous a hors du sens si brutalement mis

Que de capituler avec nos ennemis !

Le Choeur

Si Cabriere 73 en avoitavait encore dix semblables

Ses murailles seroientseraient pour jamais imprenables

380L’appasappât et trahison de l’endormant flateurflatteur

Sans leur nuire cherroitchoirait 74 sur le chef 75 de l’autheurauteur

Le maire

Estimeriez -vous bien que vers vous Poulin sorte

De ce gouffre d’Opede et qu’il vous en apporte

Mot qui ne soit le fiel de douloureuse mort

Poulin

385C’est fait de moymoi c’est fait je suis pris je suis mort.

Le maire

N’apercevez -vous point le venin de d’opede !

Ou bien l’appercevantapercevant n’y mettez -vous remede

Helas cognoissez connaissez-vous si peu ce faux Poulin

Ce faux Poulin remplyrempli du faux esprit malin

390Ce faux Poulin duquel les Turcs sont les nourrices 76

Ce faux Poulin qui fait de toutes vertus vices

Ce faux Poulin qui croit en Dieu comm’comme un cheval

Le meschantméchant (croyez -moy) nostrenotre ruyneruine forge

Venant pour nous couper de nos cousteauxcouteaux la gorge

Le Syndique

395» Quand d’espererespérer la paix quelqu’quelque heureux signe luit

» SeditionSédition n’a lieu qu’entre les furieux 77


--- 9v ---
 

Pourtant doit l’eviteréviter quiconque sa charrue

Veut veoirvoir de halecrets en coutres revestuerevêtue 78

Maire retirez -vous pour n’empescherempêcher tel heur 79

Le maire

400C’est bien dit, car la mort aux ChrestiensChrétiens n’est malheur

Le choeur

Le feu celestecéleste rapt qu’on feint de PromethéeProméthée

Est le don de prudence heureusement entée.

Au cerveau de ce Maire : ô que s’il estoitétait creu 80

Jamais Ils ne seroientseraient consumés par le feu.

Le maire

405Adieu et vous gardez de vous livrer en proyeproie

Pour dire mais trop tard helashélas je n’y pensoye 81 82

Le Syndique

» Il faut par tous moyens plustostplutôt que par effort

» Faire que l’ennemyennemi cognoisseconnaisse qu’il a tort

AppellezAppelez donc Poulin. CaÇà 83 venez capitaine

410Dites -nous s’il vous plaistplaît la cause qui vous meinemène 84

Poulin

La cause vrais ChrestiensChrétiens vostrevotre bien seulement

Et à fin qu’asseurezassurés n’en doubtiezdoutiez nullement

PremierementPremièrement le Dieu que vous priez j’invoque

Qu’il vueilleveuille presiderprésider sur ce presentprésent colloque

415Qu’il n’y soit dit neni fait rien contre son honneur

Rien contre vous enfansenfants du ToutpuissantTout-puissant Seigneur

Ce fondement bien mis au nom de vostrevotre PerePère

Tel que vous me voyez tenez -moy vostrevotre frerefrère

D’autant que du profond gouffre d’iniquité


--- 10r ---
 

420Mon Dieu m’a fait surgir au port de vérité

Pour le glorifier je n’ayai honte de dire

MeschantMéchant ! que j’ayai osé de ma mère mesdiremédire

Comme d’une putain pour estreêtre par tel art

Du seigneur de Grignan reputéréputé le bastardbâtard 85

425 Plus tostPlutôt que d’estreêtre au vrayvrai dit le fils legitimelégitime

De mon perepère un pouvrepauvre hostehôte homme de nulle estime

VrayVrai est qu’entre les Turcs j’ayai aprisappris à mentir

Mais pleurant je ne fayfais las que m’en repentir

Christ ne m’a pas instruit en sa vérité sainte

430Qu’il ne m’ait fait hayrhaïr toute parolleparole feinte

Bien que tousjourstoujours Poulin bastardbâtard on jurera

Poulin pourtant menteur trouvé plus ne sera

VostreVotre tant bon seigneur est poulsépoussé d’un tel zelezèle

Qu’il m’a rendu en Christ la gracegrâce à Dieu fidelefidèle

435Ce qu’estreêtre je ne puis sans vous delivrerdélivrer tous

Ou bien que je ne meure aujourd’huyhui avec vous

Le Syndique

Le Sieur de Catderousse et sieur de cestecette ville

Pourrroit Pourrait-il bien entendre et aimer l’Evangile

Poulin

Pour vous en asseurerassurer d’un grand coeur il m’a dit

440Que plustostplutôt que souffrir à cestcet homme maudit

Toucher du bout du doigt une seule personne

À mille morts pour vous sa vie il abandonne

De moymoi voicyvoici le point sachez que quand Je voyvois

Si constante envers Dieu et envers vous sa foyfoi


--- 10v ---
 

445Je luylui baise la main et hautement m’escrieécrie

Mourons pour eux ou bien sauvons -les je vous prie

Il respondrépond qu’il est prestprêt demande seulement

Que je luylui vueilleveuille ouvrir le moyen et comment

Il faut que nous allons 86 (luylui di dis-je) expresexprès defendredéfendre

450À ce sot presidentprésident de rien plus entreprendre

Sur nul de vos subjectssujets neni sur leur bien aussi

Que dans demain il vuidevide et tout ce camp d’icyici

Autrement il scaurasaura qu’un Gentilhomme en guerre

Des mains d’un AdvocatAvocat scaitsait bien garder sa terre

455Quant est du differentdifférent pour vostrevotre foyfoi esmeuému

Qu’il en soit par le RoyRoi chrestiennementchrétiennement cogneuconnu

Le tout ainsi conclu nous allons à D’Opede

LuyLui d’un front refrongnérenfrogné d’une grimace laide

Et d’un regard hideux nous cuide espouventerépouvanter 87

460Vous l’eussiez veuvu crier se battre et tourmenter

Et qui pis est vomir blasphemesblasphèmes execrablesexécrables

Mais nonobstant ses cris si fermes et si stables

Persister il nous veoitvoit ou qu’il luylui faut mourir

Ou à son barreau d’Aix vistementvitement recourir

465Car j’avoyavais pratiqué souldarssoudards 88 et capitaines

Qui contre luylui jestoientjetaient la rage de leurs haines

Criant que ce larron ce vieil asneâne cassé

Tout à cest’cette heure soit par les piques passé

Luylui (comme de deux maux on doit prendre le moindre)

470À l’accord de vuidervider 89 contraint est venu joindre

« Car l’homme qui ne peut faire ainsi comm’commeIl veut

« Contraint est de vouloir seulement ce qu’il peut


--- 11r ---
 

Le Syndique

Quel accord s’il vous plaistplaît dites -le en sa substance 90

Poulin

C’est que pour sa deschargedécharge et pour son asseuranceassurance

475Sans laisser un seul point vous mettrez par escritécrit

La foyfoi que vous avez au PerePère en JesuchristJésus-Christ

Au saint Esprit aussi ; qu’à d’Opede à cestecette heure

Le tout clos soit porté à fin qu’il ne demeure

Pour quatre mille escusécus 91 c’est sa dernieredernière main

480VostreVotre seigneur pour vous s’est monstrémontré si humain

Qu’il a promis payer la somme toute entiereentière

Regardez regardez fidelesfidèles de Cabriere

Comme le Dieu vivant vostrevotre unique secours

Vous retire au jourd’huyaujourd’hui des pattes de cestcet ours

485À fin qu’ici tousjourstoujours vous chantiez les louanges

De Dieu qui seul a fait merveilles si estrangesétranges

En delivrantdélivrant les siens qu’il rend leurs ennemysennemis

Par son esprit changezchangés en leurs plus grands amis

Ainsi changé par luy autheurauteur de ma venue

490Je ne cerchecherche sinon que ma foyfoi soit cognueconnue

Entre vous par les fruits de Sainte Charité

TesmoignageTémoignage certain de ma fidelitéfidélité

Maintenant c’est à vous de veoirvoir sur cestcette affaire

Et si je puis encor 92 quelqu’autre chose faire

495Vous ne m’espargnerezépargnerez, l’effet vous fera veoirvoir,

Que j’aurayaurai comm’comme amyami fait du tout 93 mon devoir

Pour la fin Je vous pri 94 de faire en telle sorte

Que ce vilain s’en aille tenir ailleurs escorte

Le Syndique


--- 11v ---
 

Si là avec le Maire il vous plaistplaît deviser

500Nous pourrons entre nous plus libres adviseraviser

Ou si nous vous devons à poursuyvrepoursuivre semondre 95

Et vous remercier ou autrement respondrerépondre

Poulin

Je m’en vayvais avec luylui faites tout à loysirloisir

Et vous gardez du mal en lieu du bien choisir 96

Le Maire et Poulin

Le Maire

505Voici venir Poulin Poulin nostrenotre ruine

Poulin

Contre ce fin rusé faut que je contremine 97

Le maire

Mon Dieu tu me retiens qu’à ce traistretraître menteur

Je ne donne du plomb droitement dans le coeur

Ô maudite harquebusearquebuse ô maudites plombées

510Tant de personnes sont mortes par vous tombées.

Hélas ! estoit était-ce à finafin maintenant d’espargnerépargner

Ce meschantméchant pour le faire en nostrenotre sang baigner

Ah ! que n’est -il permis de bien faire en tuant

Et le sang estancherétancher du sang d’un sanguinaire

515Que tu n’y serves rien malheureux pistolet !

Rien malheureux Canon ! rien malheureux boulet !

Ô malheureux salpestresalpêtre 98 , ô malheureuse poudre

Puis quePuisque ce traistretraître à Dieu vous ne bruslezbrûlez en foudre

Poulin 99

Garde qu’à cestui celui-ci tu ne sois descouvertdécouvert

520Poulin ou tu seras percé à jour ouvert


--- 12r ---
 

Mon frère voyez -vous ces sept qui se pourmeinentpromènent

Et couplezcouplés deux à deux grand suite apresaprès eux meinentmènent

Le Maire

Si je les voyvois ? Oui il y a ja long tempslongtemps

Poulin

Ô qu’ils sont de me veoirvoir en ce lieu malcontensmal contents !

525Car ils n’ignorent pas qu’à chacun je racompteraconte

Leurs vies 100 qui feroyentferaient SathanSatan rougir de honte 101

Ce monstre qui la rage escumeécume furieux

Ce premier di dis-je à qui le feu sort par les yeux

Ce visage emprunté cestecette teste pointue

530Ce gros groin de pourceau cestcet aller de tortue

Ces grands oreilles d’asneâne et ces grands densdents de loup

Ce col à vis froncé dans le corps tout à coup

Ces levreslèvres contre Dieu à blasphémer hardies

Ces doigts crochezcrochés ainçois 102 ces gryphesgriffes de HarpyesHarpies

535Qui contaminent tout ce qui en est touché

Ces aixellesaisselles fyfi fyfi où le bouc est caché

Ce grand gouffre de ventre estayéétayé sur deux piles

LegièresLégères à destruiredétruire autrement immobiles

Dont le fondement est de deux pieds de gryphongriffon

540CesteCette bestebête puante et de faictfait et de nom

Puante si puant avant qu’elle soit morte

Que d’un mill’la sentant la femme grosse avorte

C’est d’Opede Minier 103 ah le ladre pourri

Par les TygresTigres petit fut de leur sang nourrynourri

545Depuis ses premiers ans ces premiers mets de Thrace

Jusqu’à crever l’on fait ainsi sanglante masse

D’un corps si bien marqué jugez quel est l’esprit

Qui fors que cruauté rien 104 en son temps n’apprit


--- 12v ---
 

Tel le corps tel l’esprit homme ne scauroitsaurait dire

550Lequel des deux le plus son compaignoncompagnon empire

Ce monstre si hideux ores 105 dans son chasteauchâteau

Bat la fausse monnoyemonnaie or’y tient le bourdeau 106

Ouvert à tous venansvenantscestcet inceste infameinfâme

Fait de sa propre seursoeur sa legitimelégitime femme

555Et pour mieux se monstrermontrer le meschantméchant des meschansméchants

Il a fait là le sang regorger par les champs

Le maire

Mais qui est cestuy celui-là qui l’accoste et le touche

Et comm’commeun gros matinmâtin 107 tourne vire et se couche ?

Poulin

C’est son vilain de gendre en toute cruauté

560Pire que son beau perepère et en desloyautédéloyauté

Pour scavoirsavoir ses vertus contentez -vous en somme

Que jamais le Soleil ne veidvit si meschantméchant homme

Le maire

Ces deux qu’on voit apresaprès si braves se marcher ?

Poulin

Ô qu’ils voudroyentvoudraient vous veoirvoir tous en piecespièces hascherhâcher !

565Le plus petit des deux a fait mourir son frerefrère

L’autre a rendu la mort pour sa vie à sa meremère

Le maire

Et cestcet autre fuyant sçavez savez-vous qui il est ?

Poulin

Je ne le scaysais que trop dont fort il m’en desplaistdéplaît

Il n’est SathanSatan nyni homme ains 108 pire que le diable

570Car la divinité il distdit n’estreêtre que fable

Des autres le premier n’a point aussi de Dieu

Non plus que le second qui se marche au milieu

Le maire

Le tiers 109 tant basanné 110 monstremontre bien à sa mine


--- 13r ---
 

Que pour estreêtre bourreau homme n’y a plus digne

Poulin

575Croyez qu’on ne pourroitpourrait jamais depeindredépeindre au vif

Les vices malheureux de ce malheureux Juif

Le maire

Monsieur de Catderousse ou est -il à cestcette heure ?

Poulin

S’il est veuvu avec eux prenez moy-moi que je meure

Car il les a en haine et tant que soufflera

580Du Pole Articq’ 111 la bise il ne les aimera

Le maire

Allons on nous rappelle ô combien je voudroye 112

Que ce cheval ne feistfît de Cabriere une Troye 113

Le Syndique Poulin et le Maire

Le Syndique

Nous remercions Dieu de ce qu’il a usé

De sa gracegrâce envers vous paravant 114 abusé

585Aux erreurs de SathanSatan en vous monstrantmontrant sa voyevoie

VoyeVoie 115 que qui la suit garde n’a qu’il fourvoyefourvoie 116

GracesGrâces nous luy rendons de vostrevotre volonté

Pour nous heureusement remettre en liberté

AumoinsAu moins s’il est ainsi que vous venez de dire.

Poulin

590Ah faites moy-moi mourir c’est ce que je desiredésire

Je suis las de tant vivre ô mort mon seul repos

Puis quePuisque ces gens de bien doubtentdoutent de mes propos

Le Syndique

La plus partplupart les croit bien mais jamais n’est si ferme

Ce qu’on dit simplement comme ce qu’on afferme 117

Poulin


--- 13v ---
 

595Ô souverain seigneur qui tient tout sous ta main

Seigneur qui nous defensdéfend de ton nom prendre en vain

Et qui as condamné avecques 118 le perjureparjure

CeluyCelui qui en mesprismépris pour neantnéant ton nom jure

Ô Seigneur qui destruisdétruit les traistrestraîtres et menteurs

600Et vois le plus profond de l’abysmeabîme des coeurs

Je te prie Eternel que sur moymoi tu desserres

Tes foudres tes esclairséclairs, tes esclattanséclatants tonnerres

Qu’à présent J’en soy’soisars 119 de tout salut forclos 120

Si pour ce peuple saint que ce camp tient enclos

605Je n’ayai pris le combat et trouvé la manieremanière

Pour sauver aujourd’huyaujourd’hui et delivrerdélivrer Cabriere

Que je soyesois ô mon Dieu comme CainCaïn maudit 121

S’il n’est ainsi du tout comme je leur ayai dit

Et qu’éternellement de ton fils le meritemérite

610En lieu de t’appaiserapaiser plus contre moymoi s’irrite

Le Ciel me soit fermé la fureur de la mer

Me vienne au plus hideux des gouffres abismerabîmer

L’air pour m’entretenir de tous venins m’emplisse

La terre ne me porte encor moins me nourrisse

615Si du tout je n’ayai dit la pure vérité

N’ayesaie jamais Seigneur de ce Poulin pitié

Le Syndique

À cestcette heure on vous croit toutesfoistoutefois je puis dire

Que mieux on vous eusteût creucru sans ainsi vous maudire

Poulin

Pour affermeraffirmer le vrayvrai est -ce fait meschammentméchamment

620D’en faire juge Dieu qui seul scaitsait si on ment ?

Le maire

Je crains que vrayvrai ne soit en ce vilain qui jure


--- 14r ---
 

Que plus jure vilain plus vilain se parjure

Le Syndique

Nous accordons le tout voicyvoici de nostrenotre part

Les points de nostrenotre foyfoi icyici escritsécrits à part

625Scellez et cachetez nostrenotre foyfoi sera veuevue

Par là telle qu’elle est tousjourstoujours par nous tenue

Le Maire et moymoi l’irons au nom de tous porter

Et à qui vous voudrez hardiment presenterprésenter

Le Maire

À la charge Messieurs qu’y laisserons la vie

630C’est honneur que pour Christ elle nous soit ravie

Poulin

Dieu vous facefasse en sa foyfoi heureux vivre et mourir

Au reste il faut encor 122 pour mieux vous secourir

Que Catderousse ou moymoi expressementexpressément à l’heure

Qu’on leveralèvera le siegesiège en la ville demeure

635À la routteroute d’un camp tousjourstoujours y a danger

Que les souldarssoudards cassezcassés ne courent saccager

Si tosttôt qu’on sonnera. Serre serre bagage

Vous nous aurez tous deux et quelqu’autre en hostageotage

Le Syndique

Nous nous fions en vous croyez que nous ferons

640Ce que nous conseillez et qu’ingrats ne serons

NyNi envers vous monsieur nyni envers nostrenotre maistremaître

Le maire

Ô mon Dieu s’obliger à bien faire à un traistretraître

Poulin

Ça mes deux freresfrères ça allons et qu’on ne cedecède

Rien de l’honneur de Dieu à ce meschantméchant d’Opede

Le maire

645JesuchristJésus-Christ m’a donné une si vive foyfoi

Que je confesserayconfesserai l’honneur que je luylui doydois


--- 14v ---
 

Le Syndique

Il n’y a glaive ou feu qui m’empescheempêche de dire

Qu’il est mon seul Sauveur neni m’en facefasse desdiredédire 123

LE CHOEUR 124

La langue maudite

650En sucre et en miel

MesleMêle et rend confite

Sa 125 poison de fiel

Poison nonpareille

Qui tant seulement

655En touchant l’oreille

Tue en un moment.

 

Elle n’a point d’ailes

Et vollevole en tous lieux

Ses fleschesflèches mortelles

660Darde jusqu’aux cieux

De la mort la source

Source de tout mal

N’a roulé sa course

Par autre canal.

 

665NostreNotre premier perepère

Par elle deceudéçu

Oyant 126 la viperevipère

PechePéché a conceuconçu

PechePéché dont le gage

670L’eternelleéternelle mort

Tout l’humain lignage

Lotit sous son sort. 127



--- 15r ---
 

Et quand la traistressetraîtresse

Adam a perdu

675La terre elle engresseengraisse

Du sang espanduépandu

Par le parricide

Qui en taintteint ses mains

Quand le monde il vuidevide

680Du quart des humains 128

 

Toutes phrenesiesfrénésies

Toute fausseté

Toutes heresieshérésies,

Toute impieteimpiété

685La langue fait croire

Pour la veritévérité

Et le Dieu de gloire

EstreÊtre vanité.

 

Ce que langue on nomme

690Ce feutfut le docteur

Qui feitfit que Sodome

AbysmaAbîma d’horreur 129

Elle est la sereinesirène

Qui doux en chantant

695Dans le gouffre meinemène

Quiconque l’entend

 

Les Juifs tant affole

Que de leur thresortrésor


--- 15v ---
 

FondansFondant une idole

700Dressent le veau d’or

LuyLui font sacrifice

Sans aucun remord

Joyeux en leur vice

Y dansent d’accord 130

 

705Et à Samarie

Fausse promet l’heur 131

De veoirvoir de Syrie

Son prince vainqueur

Qui d’une sagette 132

710Tout outre persépercé

CheutChut 133 de sa charrette

Mourant renversé 134

 

D’une eau fort petite

L’honneur du torrent

715Commençant sa fuite

Si roideraide la rend

Que les rocs il roule

TirezTirés de leur fort

Ainsi qu’une boule

720Partant d’un bras fort

 

Ainsi d’une mouche

La langue nous rend

Tant soit peu la touche

Un grand ElephantÉléphant 135

725D’elle vint la rage

PourquoyPourquoi ce grand tout


--- 16r ---
 

Noyé par naufrage

Fut de l’eau en bout 136

 

Et sa fin soudaine

730Viendra par le feu

Que cestecette vilaine

SoufleSouffle peu à peu

Comme d’une amorce

On veoitvoit ondoyer

735La flamme qu’à force

On ne ne peut noyer

 

Elle calomnie

TousjoursToujours veritévérité

Et tousjourstoujours denie,

740La droite equiteéquité

Par elle le vice

Est nommé vertu

Et droit et justice

Ce qui est tortu. 137

 

745Mais qui rompt les trevestrêves

CouvansCourant trahison

Ou qui fait les vefvesveuves 138

N’est -ce toytoi tison

Qui langue te nommes

750Langue qui du flanc

Des plus divins hommes

Fais courir le sang



--- 16v ---
 

Langue veneneusevénéneuse

Au marymari sa foyfoi

755La plus vertueuse

Viole par toytoi

La vierge pudique

Tu livres en main

Au paillard lubrique

760Lubrique putain

 

Qui pertperd la jeunesse ?

Tes allechemensallèchements

Qui pertperd la vieillesse ?

Tes enchantemensenchantements

765Du bien tu devises

Lequel te desplaistdéplaît

Car tu te deguisesdéguises

Ainsi qu’il te plaistplaît

 

Par toytoi la sourcieresorcière

770Murmurant ses vers

Nos corps en poussierepoussière

Anime de vers

La lune ensanglante

Et fait remonter

775L’eau precipitanteprécipitante 139

Et les monts sauter

 

La langue s’asseure 140

De meritermériter lozlos 141

Si elle demeure

780Muette en son clos

Clos fait de densdents fortes

Où en serre elle est


--- 17r ---
 

Comme entre deux portes

LuyLui servansservant d’arrestarrêt

 

785La fierefière meurtrieremeurtrière

SecretementSecrètement fait

Que pleine est la bierebière

De ceux qu’ell’defaitdéfait

Le jus qu’elle cache

790En un petit bout

Si elle le crache

Empoisonne tout

 

Pourtant j’ayai grand doute

Que ton oraison

795Poulin ne soit toute

Toute trahison

Car un mercenaire

Du Turc ne craint point

Pour gain de defairedéfaire

800Le corps à Christ joint.

 

Si donques ô sire

Ce troupeau te plaistplaît

Ta main le retire

De mort où il est

805Et auzaux bords estrangesétranges

De chascunechacune mer

Tes hautes louanges

FaironsFerons escumerécumer 142


--- 17v ---
 
D’opede le choeur le Syndique et le maire

D’opede

A finAfin que Poulin mieux paracheveparachève son oeuvre

810Et que nul de ceux cy-ci oisif ne le descoeuvre 143

Je les vayvais empescherempêcher à deduire 144 leur foyfoi

Amis il n’est besoin que nous allions au RoyRoi

Si vous me déclarez ce qui est en ce rolle 145

Je vous escouterayécouterai sans dire une parolleparole

Le Choeur

815EscoutezÉcoutez tous souldarssoudards 146 Gendarmes regimensrégiments

Comme Dieu par ses faits parolleparole et sacremenssacrements

Qui sont de sa clarté les trois evidensévidents signes

Se manifeste à ceux qui s’en sentent indignes

Le Syndique

L’escuécu de nostrenotre foyfoi nostrenotre victoire est tel

820Qu’au seul Dieu nous croyons qui seul est immortel

Le maire

Au Dieu qui seul est Dieu distinct en trois personnes

Qui tout de rien a fait et n’a fait qu’oeuvres bonnes

Le Syndique

Au Dieu qui de trois doitsdoigts ballançantbalançant ce grand tout

Le roule egalementégalement de l’un à l’autre bout

Le maire

825Au Dieu qui a lié d’une rondeur egalleégale

De toutes parsparts en soysoi cestecette tant grosse balle

Le Syndique

Au Dieu qui tient unis par accordansaccordants discorsdiscords

Les grands membres qui sont divers en ce grands corps

Le maire

Au Dieu qui fait virer et sans cesse desvuydedévide


--- 18r ---
 

830Au tourAutour de deux pivets le rond de ce grand vuidevide

Le Syndique

Au Dieu qui quand il veut tout le monde estonnerétonner

Ne fait sinon qu’un peu sa voix haute entonner

Le maire

Au Dieu qui fait nager sur les monts dedans l’onde

Les Dauphins de la mer s’il en levelève la bonde

Le Syndique

835Au Dieu qui la mer change en beaux champs defrichezdéfrichés

Empoudrant dans le fonds les poissons dessechezdesséchés

Le maire

Au Dieu qui jusqu’au ciel la vallée emmontaigneemmontagne

Et le mont sourcilleux applanitaplanit en CampaigneCampagne

Le Syndique

Au Dieu qui à la fin bruslerabrûlera l’univers

840Et sauvera les siens en perdant les pervers

Le maire

Au Dieu qui hait péché pour qui la Terre endure

BruslantBrûlant tantosttantôt de chauldchaud et tantosttantôt de froidure

Le Syndique

Soit qu’approchant la Torche il allonge les jours

Ou soit que l’eslongnantéloignant il les rongnerogne plus courts

Le maire

845Quand la terre est de soif beantebéante et embrasée

Il l’abbreuveabreuve et refait de sa pluyepluie et rosée

Le Syndique

Fait -elle trop la brave ? Il la despouilledépouille aussi

LuyLui ridant l’estomachestomac en glace tout transi


--- 18v ---
 

Le M.Le Maire

De neige il l’enfarine et la testetête chenue

850Il couvre de frimas où seroitserait toute nue

Le S.Le Syndique

Quant au poisson il fait un marbre de son eau

L’empierrant vif dedans ainsi qu’en un tombeau

Le M.Le Maire

C’est luylui qui seul refond ce marbre en son mol estreêtre

Et fait d’un tel ChrystalCristal l’eau coulante renaistrerenaître

Le S.Le Syndique

855Quand la bise enferrée en mille chants nouveaux

Par Zephire il enchante à l’ennuyennui les oiseaux

Le M.Le Maire

C’est luylui qui d’un regard de son grand oeil du monde

CesteCette meremère de tous rend chascunchacun an fecondeféconde

Le S.Le Syndique

De ses fleurs diaprée en cent mille couleurs

860Puis grosse de tous fruits engendrezengendrés de leurs fleurs

Le M.Le Maire

Qu’il garde et fait meurirmûrir jusqu’au vineux Automne

Lors sa main liberalelibérale à tout le monde en donne

Le S.Le Syndique

VrayVrai que pour nos meffaitsméfaits quelquefois Souverain

Tu fais le ciel de fer et la terre d’airain

Le M.Le Maire

865Bref tes faits ô Dieu sont faits si admirables

Qu’autre n’en feitfit n’en fait n’en fairafera de semblables

Le S.Le Syndique

Par les seuls faits pourtant du tout bon toutpuissanttout-puissant

Qui est l’enfant d’Adam de son Dieu cognoissantconnaissant ?


--- 19r ---
 

Le M.Le Maire

En lieu d’y veoirvoir bien clair de soysoi nostrenotre nature

870(Ignorant animal) pleine est de nuictnuit obscure

Le S.Le Syndique

L’aveugle ainsi ne peut du jeu de l’acteur

Bien qu’il soit au theatrethéâtre en estreêtre spectateur

Le M.Le Maire

Ainsi ne peut le sourd ce qu’on lui dit entendre

NyNi l’impotent manchot ce qu’on luylui donne prendre

Le S.Le Syndique

875Pourtant aussi d’ailleurs Dieu a l’homme esclairééclairé

S’estantétant son createurcréateur et sauveur declairédéclaré

Par le miel distillant de sa divine bouche

Le M.Le Maire

Donc si divinement tous ses sens il luylui touche

Qu’il cognoitconnaît comme Dieu l’avoitavait au plus beau lieu

880De la terre en honneur mis comme un demydemi-Dieu

Car quand il eut portrait sur sa divine idée

Sa Corne d’abondance fut en luylui si vuidéevidée

Qu’il n’y avoitavait un tel chef -d’oeuvre sous les cieux

Le S.Le Syndique

Il l’avoitavait tout comblé des presensprésents de son mieux

885Soit de sa crainte, amour, justice, cognoissanceconnaissance,

Soit de sagesse, force, et vrayevraie obeissanceobéissance.

Le M.Le Maire

Ou soit d’authoritéautorité et d’un exquis sçavoirsavoir

Soit d’un pur jugement soit d’un livre pouvoir

De tenir droit le cours de toutes ses pensées,

890OEuvres et volontés saintement compassées 147

Le S.Le Syndique

Vous comteriezcompteriez plustostplutôt les celestescélestes flambeaux

Les pleurs de l’occeanpcéan et le bords de ses eaux


--- 19v ---
 

Que les biens que receutreçut cestecette fange animée

De l’autheurauteur qui l’avoitavait si richement formée

Le M.Le Maire

895Ô largesse ! ô faveur ! ô libéralité !

Le S.Le Syndique

Ô Adam plus qu’ingrat ! quelle desloyautédéloyauté

D’avoir creucru l’ennemyennemi de tout l’humain lignage

Et sacrilegesacrilège estaintéteint du Dieu vivant l’image !

Le M.Le Maire

Il s’est faictfait ignorant esclave du pechépéché

900De son Dieu adversaire à SathanSatan attaché

N’ayant pas seulement du bien la seule envie.

Le S.Le Syndique

En tout vice plongé il ne peutput en sa vie

Produire que pechépéché pechépéché le fruit de mort

Comme engendre le vers la charrongnecharogne d’un mort.

Le M.Le Maire

905PechéPéché bouillone en luylui et la race il y plonge

Qui s’en emboit 148 ainsi comme d’humeur l’espongeéponge

Le S.Le Syndique

Tout le parfait change de sa perfection

En la perversité de sa corruption

Il ne retient plus rien de ses divines gracesgrâces

910Sinon (outre tout mal) du bien perdu les traces

Le M.Le Maire

Comme quand de l’orgueil d’un superbe ChasteauChâteau

Qui les cieux menaçoitmenaçait d’un haut rocher en l’eau

Ne reste qu’un bourbier sepulchresépulcre de ruines

Couverte d’une horreur de ronces et d’espinesépines


--- 20r ---
 

Le S.Le Syndique

915Pour s’estreêtre malheureux de tout bien despouillédépouillé

Et pour s’estreêtre meschantméchant en tout pechépéché souillé

Dieu juste l’a jugé à la mort eternelleéternelle

Et si fait gracegrâce encorencore au condamné rebelle

Le M.Le Maire

GraceGrâce par JesuchristJésus-Christ qui pour cela s’est fait

920Semence de la femme et a pechépéché defaitdéfait

Et la mort, par la mort satisfaisant au PerePère

Le S.Le Syndique

Par la mort qui occit l’homicide viperevipère

Le M.Le Maire

Par la mort qui seule est l’acquit de nos forfaits

Le S.Le Syndique

Par la mort qui seule est notre rançon et paix

Le M.Le Maire

925Par la mort qui seule est de la mort la victoire

Le S.Le Syndique

Par la mort qui seule est de tous ChrestiensChrétiens la gloire

Le M.Le Maire

Par la mort qui seule est le sacrifice entier

Qui seul l’homme refait des hauts cieux heretierhéritier

Le S.Le Syndique

Par la mort qui seule est divinement puissante

930D’abolir et la coulpe 149 et la peine sanglante

Le M.Le Maire

Par la mort qui seule est le vrayvrai et seul moyen

PourquoyPourquoi Dieu de son droit fait gracegrâce et n’en perd rien

Le S.Le Syndique

Car justice au pechépéché innocemment cruelle

Et la gracegrâce au pecheurpécheur saintement paternelle

935Ont le pechépéché destruitdétruit et le pecheurpécheur sauvé

Par cestecette mort où Dieu juste et bon est trouvé


--- 20v ---
 

Le M.Le Maire

OÔ divine bonté ! ô sagesse infinie

Ô abysmeabîme d’amour qui par l’ignominie

D’une maudite croix en quittant le forfait 150

940Au droit de ta justice entiereentière a satisfait

Le S.Le Syndique

PerePère tu es la source et la cause premierepremière

Du salut des esleusélus et ton fils la matierematière

La FoyFoi est l’instrument par qui 151 le S. 152 Esprit

Nous le fait recevoir de toytoi en JesuschristJésus-Christ

Le M.Le Maire

945EstantÉtant ainsi sauvezsauvés par la divine gracegrâce

Il faut qu’à Dieu chascunchacun obeissanceobéissance facefasse

Non pas en la façon que l’enragé bigot

Invente en son cerveau pour se monstrermontrer devotdévôt.

Le S.Le Syndique

Tout service forgé est devant Dieu infameinfâme

950Plus que devant nos yeux les draps souillezsouillés de femme

Le M.Le Maire

Combien de fois Seigneur as -tu dit en ta loyloi

Si je suis vostrevotre Dieu mon peuple servez moy-moi

Sans rien changer ou mettre à ce que je commande

L’obéir seul me plaitplaît et non pas vostrevotre offrande

Le S.Le Syndique

955Je veux dit -il aussi que prompts de coeur et main

Vous secouriez heureux chascunchacun chascunchacun prochain

Vous fait -il mille torts ? pour le mal bien luylui faites

Ce sont de charité mes saintes loixlois parfaites

Le M.Le Maire

HelasHélas qui est celuycelui qui en a le pouvoir ?

960Pouvoir ! ains 153 qui en peut le seul desirdésir avoir


--- 21r ---
 

PourcePour ce 154 la loyloi condamne equitablementéquitablement l’homme

Debteur 155 à son Seigneur de la totale somme

Que par sa seule faute il ne scauroitsaurait payer

Le S.Le Syndique

PourceParce qu’il a perdu jusqu’au dernier denier

965Tout ce qu’il avoitavait eu de la bonté divine

À son oeuvre enrichir prodiguement benignebénigne

Le M.Le Maire

Comment payrapaiera -t-il donc ? qu’il aille à JesuschristJésus-Christ

Qui cancellant 156 la debtedette et le contractcontrat escritécrit

Mourant l’a dechirédéchiré en la faveur du pouvre 157

970Qui par Christ acquitéacquitté son bien perdu recouvre.

Le S.Le Syndique

Sommes -nous derechef sous le pechépéché plongés

Allons à JesuschristJésus-Christ pour estreêtre soulagezsoulagés

Et par son Saint Esprit de nous fiante et ordures

Saintement il fairafera nouvelles creaturescréatures

Le M.Le Maire

975Allons allons à luylui et nous y puyseronspuiserons

Mille fois plus de bien que nous ne jugerons

Nous defaillirdéfaillir allons à luylui de bon courage

Car plus que reparéeréparée il a de Dieu l’image

JoingnantJoignant en un corps l’homme et la divinité

Le S.Le Syndique

980ArriereArrière donc d’Adam premierepremière dignité

Puisque perdre il t’a peupu par sa cheutechute mortelle

Mais celle que Christ donne est sans fin eternelleéternelle

L’emphyteoseemphytéose 158 estantétant en commis expiré

Adam merveilleux gain de sa perte a tiré.


--- 21v ---
 

Le M.Le Maire

985Pour ne le perdre plus Christ par son sacrifice

Incessamment nous rend Dieu son perepère propice

Nous ayant consacrezconsacrés tous sacrificateurs

Pour offrir en son nom du profond de nos coeurs

À son PerePère non point de boeufs moutons et chievreschèvres

990Mais en Esprit et foyfoi les bouveaux 159 de nos levreslèvres

Le S.Le Syndique

Encor’Encore icyici faut -il que le Saint -Esprit soit

CeluyCelui qui dans nos coeurs les prieresprières conçoit

Le M.Le Maire

Il nous faut craindre Dieu l’aimant d’amour non vaine

Nous faut aimer le bien le vice avoir en haine

Le S.Le Syndique

995Nous met sa loyloi au coeur l’engrave et l’y escritécrit

Nous nettoyenettoie arrousezarrosés du sang de JesuschristJésus-Christ

Le M.Le Maire

Et nourrit de son corps nos amesâmes affamées

Pour estreêtre de la mort eternelleéternelle sauvées

Le S.Le Syndique

Nous appliquant tout Christ ainsi qu’Il est le corps

1000Des umbresombres de la loyloi pour nous animer morts

Le M.Le Maire

À finAfin que conduisions nostrenotre mortelle course

À l’honneur du Seigneur de tous nos biens la source

D’ope.D’opède

Mais qui est cestuy celui-là qui s’en vient droit à moymoi ?

Est -ce Poulin ? oui, c’est bien luylui je le voyvois

1005Je vous orrayouïrai 160 tantosttantôt, si quelque chose reste.


--- 22r ---
 

Ô villains dangereux sept fois plus que la peste

Je vous ferayferai mourir par tourmenstourments si cruels

Que Phalaris 161 jamais n’en inventa de tels. 162

Le Coeur 163

Telephe 164 ne peutput onques 165

1010Trouver allegementallègement

NeNi remedesremèdes quelconques

Au mal de son tourment

Sinon que de sa lame

Le Grec cruel humain

1015La vieille playeplaie entame

Ja 166 faite de sa main 167

 

Ainsi, ô langue blemeblême

Qui n’a guerenaguère elancoisélançais

Tes dards contre toytoi mesme-même

1020Si fort t’en meurtrissoismeurtrissais

Qu’ores nulle momie

Ne t’en peut secourir

Par ta palinodie

Seule te peux guarirguérir

 

1025La plante dont Mercure

Arma le fin Gregois

AvoitAvait cestecette nature

Que Circe de sa voix

Vers remachés neni poudres

1030Malfaire ne pouvoitpouvait

NeNi de jus neni de foudres

À celuycelui qui l’avoitavait 168



--- 22v ---
 

Tel MolyMoli 169 que la langue

Ne fut onc sous le Ciel

1035Le fruit de sa harangue

Est un fruit tout de miel

Qui succrantsucrant les oreilles

Faire ouyrouïr voire aux morts

Ô Dieu les grands merveilles

1040Des tes divins thresorstrésors.

 

Nulle autre ne revelerévèle

Le salut precieuxprécieux

NeNi l’amour paternelepaternelle

Qu’en ton fils glorieux

1045Tu monstresmontres à nous hommes

PlainsPleins de desloyautédéloyauté

Qui tousjourstoujours ingrats sommes

Envers ta grand bonté

 

Sans elle à l’Evangile

1050Qui le souverain bien

SainctementSaintement nous distille

NeNi croiroitcroirait le chrestienChrétien

Cent mille piperies 170

Des affronteurs caphardscafards 171

1055NeNi seroientseraient point haïeshaies

NeNi leurs masques ne fards

 

Un bien petit boysbois guide

CaÇà et là les grands naufs 172

Un petit mords de bride


--- 23r ---
 

1060Retient les fiers chevaux

Et la foiblefaible tenaille

Le gros barreau de fer

Que le forgeur entaille

Et puis fait rechaufferréchauffeur.

 

1065La langue ainsi gouverne

Petite qu’elle soit

Tout le monde et prosterne

Quiconque 173 nous deçoitdéçoit

Sans elle nulle ville

1070N’a estéété neni seroitserait

NeNi l’arme en soc utile

Changée on ne verroitverrait

 

Elle seule discorde

MeineMène et les mutins ords 174

1075Tous de chainechaîne et de corde

Les bras liezliés au corps

Par elle ils se bannissent

De toute cruauté

Et à la paix s’unissent

1080Contraints de volonté

 

L’ire l’homme surmonte

Et le fait furieux

Mais la langue le domtedompte

Et le rend gracieuxgrâcieux

1085Elle à David retire


--- 23v ---
 

Les armes de la main

Ja ja 175 prestprêt à occire

Nabal trop inhumain 176

 

À la peur couppecoupe l’aile

1090LuyLui faisant tenir bon

D’une victoire belle

Lui monstrantmontrant le guerdon

Au contraire elle glace

Des plus cruels le coeur

1095Leur palissantpâlissant la face

D’une fuite d’honneur

 

Qu’au prochain on ne nuysenuise

Violant l’équité

Par la langue est apprise

1100La loyloi de ChariteCharité

D’elle est le mariage

Lien du genre humain

Qui estendétend d’aageâge en aageâge

NostreNotre passé demain

 

1105Si le corps navré 177 seignesaigne

En danger de mourir

La langue nous enseigne

Comm’Commeil le faut guairirguérir

Par celle d’Hippocrate

1110S’appliquent tous les jours

Au cerveau foyefoie et rate

Mille presensprésents secours.



--- 24r ---
 

La langue outre console

Le mortel tourmenté

1115Du goustgoût de la parolleparole

Le pouvrepauvre est sustenté

Et les coeurs des debilesdébiles 178

En sont fortifiezfortifiés.

Les vefvesveuves et pupilles

1120GardezGardés de torts et grief

 

Par elle un des prophetesprophètes

Multiplie vingt pains

Dont cent bouches refaites

Plus en reste en leurs mains

1125D’elle l’huile regorge

Le rachaptrachat des mineurs

RetirezRetirés de la gorge

Des cruels crediteurscréditeurs

 

La femme Sunamite

1130Son fils mort vivre voit

Par une voix beneitebénite

De l’hostehôte qu’elle avoit 179 180

Par famine opressée

Ayant erré sept ans

1135Par la langue adressée

Au royroi receutreçut ses champs

 

RoyRoi dont David fut perepère 181

RoyRoi sur tous triomphant

À la dolente meremère


--- 24v ---
 

1140Ta voix rend vif l’enfant

Et l’enfant mort à celle

Qui au vif n’avoitavait rien

Ayant sous son aisselle

De nuit estaintéteint le sien

 

1145Si dru ne court la bise

Les chesneschênes arracher

Qu’à une voix se brise

L’audace de la chair

Si qu’en 182 laissant le vice

1150Le pecheurpécheur n’est plus tel

Ou bien sans qu’il guairisseguérisse

Il chet 183 d’un coup mortel

 

Quand Nathan vituperevitupère

Au nom de Dieu David

1155Le meurtrier adultereadultère

Se repentir il vit 184

La seule voix d’Elie

Le double Achab reprit

Les prestresprêtres de Bal lie

1160Qui le peuple meurtrit

 

À la parole seulleseule

De Jehu les limiers

DetrenchentDétranchent en leur gueule

Jezabel à quartiers 185

1165Et à celle de Pierre

L’hypocrite aumosnieraumônier

Tomba tout mort par terre

Et ne fut le dernier 186



--- 25r ---
 

Et contreignantcontraignant sa force

1170Sa douceur en priant

De rendre à Dieu s’efforce

Tout genouilgenoux bas ployant

Jusques aux bords où le more

Plonge ses noirs cheveux

1175Elle fait qu’on adore

L’eterneléternel par saints voeusvoeux

 

Elle invite à priereprière

Le coeur froid sommeillant

Quand priant la premierepremière

1180Survient le reveillantréveillant

Comme si premier prie

Le Coeur la langue esmeutémeut

Tellement qu’elle crie

Tout ce que le coeur veut

 

1185Anne pour estreêtre meremère

Du juste Samuel

Emflambant sa priereprière

D’un voeu continuel

D’ardeur ses levreslèvres ouvre

1190Pour parler maintefoismaintes fois

Son coeur donc se decoeuvredécouvre

Et provoque sa voix 187

 

CestCet accord tant louable

De la langue et du coeur

1195Le PechierPêcher delectabledélectable

DemonstreDémontre apresaprès sa fleur


--- 25v ---
 

Car à son fruit ressemble

Le coeur si rondement

Qu’à sa fueillefeuille qui tremble

1200La langue droitement

 

Ô personnes heureuses

Des quellesDesquelles pour la mort

Les langues non peureuses

Avec le coeur d’accord

1205De reclamerréclamer ne craignent

JesuschristJésus-Christ pour leur RoyRoi

NeNi pour tyran se feignent

De declarerdéclarer leur foyfoi.

 

C’est ce qu’ont fait sans feinte

1210Dedans un camp armé

Ces deux d’une voix sainte

Et d’un coeur animé

Ô que leur foyfoi tresampletrès ample

Qu’on leur oytoit 188 prononcer

1215À vous serve d’exemple

Pour JesusJésus confesser

 

Si 189 qu’en paix et en guerre

Toute langue de coeur

Chante dessus la Terre

1220La loz 190 de sa grandeur

Qui seul sur soysoi deschargedécharge

Les pecheurspécheurs accablezaccablés

Les rendansrendant (douce charge !)

De sa gracegrâce comblezcomblés 191


--- 26r ---
 
Dopede Poulin

Dop.D’opède

1225Mais un homme de bien tient tousjourstoujours sa promesse

P.Poulin

Si elle est contre Dieu de passer outre 192 il cesse

DD’opède

Nous sommes resolusrésolus que de Dieu il n’est point

PPoulin

Sa crainte toutesfoistoutefois les meschansméchants mord et poind

DD’opède

CesteCette crainte j’estime estreêtre des sots le vice

PPoulin

1230AumoinsAu moins craignez le RoyRoi armé de sa justice

DD’opède

Qui jamais luylui feroitferait le tout au vrayvrai entendre

PPoulin

Qui ? le sang des martyrs et des bruslezbrûlés la cendre

DD’opède

La cendre neni le sang ne peuvent point parler

PPoulin

Le sang d’Abel a fait devant Dieu bruire l’air 193

DD’opède

1235Si les ElephansÉléphants sont transformeztransformés en corneilles

PPoulin

Les rois ont longues mains grands coeurs bonnes aureillesoreilles

DD’opède

Ce qui est arrestéarrêté doit tenir par raison

PPoulin

OuyOui 194 de retourner chascunchacun à sa maison

DD’opède

Retourner on ne doit sans son dessein parfaire

PPoulin

1240PoursuyvrePoursuivre l’on ne doit en un meschantméchant affaire


--- 26v ---
 

D.D’opède

Tirez donc vostre espéeépée et m’en donnez au coeur

P.Poulin

Je ne serayserai de vous et moins d’eux le tueur

D.D’opède

Or sus D’opede sus que toymesmetoi même te tues

QuoyQuoi tu n’oses tu crains sus que tu t’esvertuesévertues

1245Tu tiens ta dague nue et cela est -ce tout

Tu trembles ô poltron enfonce jusqu’au bout

Tu la laisses tomber or ça je la ramasse

Et ne me puis tuer ainçois je me fais gracegrâce 195

Je ne veux que la mort et si ne puis mourir

1250Poulin faitezfaites le coup vueillezveuillez me secourir

P.Poulin

Il ne faut nyni de soysoi nyni d’autre estreêtre homicide

Allons faire sonner que ce camp d’ici vuydevide

DD’opède

Je vous requierrequiers un don Poulin un don petit

PPoulin

C’est quelque trahison que vostrevotre ire bastitbâtit

DD’opède

1255Ce que je demande est de nulle consequenceconséquence

PPoulin

PourveuPourvu que Dieu ou RoyRoi nullement je n’offense

DD’opède

Aussi ne ferez vous je vous l’asseureassure bien

PPoulin

Dites que c’est avant que je promette rien

DD’opède

Pour sauver mon honneur d’une façon civile

1260Faites que m’en allant je passe par la ville

Sans y faire sejourséjour La Composition

Telle que vous voudrez sera sans fiction


--- 27r ---
 

En tout de point en point estroittementétroitement gardée

La vie si j’y faux 196 me soit subit 197 ostéeôtée

PPoulin

1265Jurez -vous d’y entrer seulement vous dixiemedixième

DD’opède

Je renonce autrement ma foyfoi et mon baptesmebaptême

PPoulin

Et si tosttôt qu’y serez d’incontinent sortir

Sans que les habitants s’en puissent ressentir

DD’opède

Ô Terre ô mer ô puissance divine

1270Si aucune en y a ainsi qu’on le devine

Vous esprits familiers venez courez volez

Et en vostrevotre courrouzcourroux aujourd’huy immolez

Sous vostrevotre cruauté celuycelui qui vous invoque

Si tant peu que ce soit sa promesse il revoquerévoque

PPoulin

1275Regardez que soyez constant en vos propos

DD’opède

Pour ma fidelité vous chanterez mon lozlos 198

PPoulin

Je vais donc faire ouyrouïr 199 vistemementvitement

En haut et clair sonner par le camp la retraite

Monsieur de Catderousse et quelqu’autre avec moymoi

1280Nous en allons pour vous donner à tous la foyfoi 200

DD’opède

Les Capitaines sont tous de mon entreprise 201

Qu’en despitdépit de Poulin la ville sera prise

Cependant que le camp feindra de s’en aller

Pour amuser mes gens leur faut encor 202 parler 203

Dopede le choeur le Maire et Le Syndique

Le Maire

1285Loué soit l’Eternel qui a pris à mercymerci

Son peuple le sauvant de ce tyran icyici

Le S.Le Syndique


--- 27v ---
 

Ô seigneur ta vertu et ta bonté est telle

Que chanter ne les peut nulle langue mortelle

D.D’opède

AmysAmis vous me voyez ja 204 prestprêt à departir

1290Si par les SacremensSacrements me faites convertir

Le M.Le Maire

Dieu seul convertir l’homme et renouvelle et change

Si que d’un Diable on fait en un moment un ange

Le S.Le Syndique

Pour cestcette oeuvre il se sert ainsi que d’instruments

De sa parolleparole sainte et des deux sacremenssacrements

Le M.Le Maire

1295DequoyDe quoi la foyfoi en nous il produit et augmente

Le S.Le Syndique

La foyfoi nostrenotre ancre et port contre toute tourmente

Le M.Le Maire

La foyfoi qui nous fait croire ainsi que Dieu promet

Qu’unis à son cher fils de sa maison nous met

Le SLe Syndique

Nous couche en son estatétat et bouche à cour nous donne

Le M.Le Maire

1300Aux fidelesfidèles Christ là sa Sainte Table ordonne

Le S.Le Syndique

Christ qui a le mortel si precieuxprécieux si cher

Que nostrenotre ameâme il nourrit de son sang et sa chair

Le M.Le Maire

Autre nectar n’y a n’y a autre Ambroisie 205

Pour tousjourstoujours immortels vivre immortelle vie

Le S.Le Syndique

1305Ô viande ô breuvage en la croix appreciezappréciés

Pour donner vie aux morts tant peu soyent soient-ils goustezgoûtés

Le M.Le Maire

Ainsi Dieu n’est content de nous avoir fait estreêtre


--- 28r ---
 

Du rancrang de ses enfansenfants sans aussi nous repaistrerepaître

Le S.Le Syndique

Le baptesmebaptême est l’entrée en la maison de Dieu

1310Signe que plus bannis ne sommes en ce lieu

Comme las ! paravant 206 nous estionsétions de nature

La sang du fils de Dieu duquel l’eau est figure

Nos ordures de l’ameâme efface entieremententièrement

Ordures qui causoientcausaient nostrenotre bannissement

Le M.Le Maire

1315Encor 207 ce sacrement nous fait voir à l’oeil comme

NostreNotre perversité nostrenotre chair et vieil homme

Est mort ensevelyenseveli par vertu de la mort

Et sepulchresépulcre de Christ en ce que comme mort

Le baptisé ayant l’eau jusque sur la testetête

1320Comme enterré dessous quelque espace y arrestearrête

Le S.Le Syndique

De ce qu’il en sort vif cestecette nativité

Seconde le pur don de Christ resuscitéressuscité

Est entendue 208 à fin qu’à pechepéché mort il vive

À son Dieu purement et tousjourstoujours mieux poursuyvrepoursuivre

1325Le S.Esprit 209 en nous seul ce bien fait valoir

Nous donnant le parfaire avecques 210 le vouloir

Le M.Le Maire

Puis quePuisque cestecette entrée est du tout spirituelle

La nourriture aussi n’en peut estreêtre que telle

Or la CeneCène est le signe apparent au dehors

1330Que JesuschristJésus-Christ nous veut communiquer son corps

Nostre ameâme en substanter en l’espoir de la vie

Qui par mort ne peut estreêtre à ses membres ravie

Le S.Le Syndique

Comme le pain est propre à nostrenotre corps nourrir

Qu’on ne peut sans manger preserverpréserver de mourir


--- 28v ---
 

1335Le corps du Christ à l’ameâme est la seule viande 211

Qui de la mort d’enfer vivement la defendedéfende

De la mort qu’on ne peut eviteréviter nullement

Qu’en mangeant Christ par foyfoi spirituellement

Le M.Le Maire

Son sang nostrenotre ameâme aussi abbreuveabreuve et comble en joyejoie 212

1340Tout ainsi que le vin resjouytréjouit nostrenotre foyefoie

Brief nostrenotre ame recoit pleine refection

De son corps et son sang qui de sa passion

Nous rendent jouissansjouissants par une foyfoi certaine

C’est où le S Esprit 213 par la CeneCène nous meinemène.

Le S.Le Syndique

1345Nous y certifiant que Christ se donne aux siens

Si que le possedantpossédant possedantpossédant tous ses biens

Le M.Le Maire

Davantage chascunchacun fait par le saint baptesmebaptême

Profession publique et par la CeneCène mesmemême

De sa Religion par tels actes monstrantmontrant

1350Que Christ pour son sauveur il recognoitreconnaît et prend.

Le S.Le Syndique

Ainsi porte l’archierarcher le soldardsoudard 214 le gend’armegendarme

L’escharpeécharpe de son prince au milieu de l’alarme

Pour declarerdéclarer à tous estreêtre telle sa foyfoi

Qu’il est prestprêt de mourir pour l’honneur de son royroi

1355Par les SacremensSacrements donc tesmoignetémoigne le fidelefidèle

Qu’il est prestprêt de mourir pour Christ et sa querelequerelle

Le M.Le Maire

Puis que d’un seul baptesmebaptême on nous a baptisezbaptisés

Nous nous monstronsmontrons un corps sans estreêtre divisezdivisés

Aussi un mesmemême pain fait de mesmemême farine

1360Mais bien de plusieurs grains cestecette union designedésigne


--- 29r ---
 

Qu’on voit en ceux qui sont unis en JesuschristJésus-Christ

Comm’Commeau chef est le corps et le corps à l’esprit

Dop.D’opède

C’est assesassez Je m’en vayvais ne vous croyant non plus

Que vous croyez au Pape aux prestresprêtres et reclus

1365C’est assesassez Je ne veux d’avantagedavantage poursuyvrepoursuivre

Il est temps de me joindre à mes gens pour les suivre 215

Le Choeur

L’on voit bien à cestecette heure ô Dieu ton jugement

Lequel ton saint PropheteProphète a crié hautement

Contre tous ceux qui ont ta doctrine haïe

1370OyesOyez Pervers oyez oyez dit Esaïe

Mais sçavez savez-vous comment oyansoyant n’entendez rien 216

VoyansVoyant et regardansregardant ne cognoissezconnaissez le bien

Endurcissez vos coeurs pour obstinezobstinés vous rendre

Sans de vostrevotre salut un jotaiota comprendre

1375Vous oyez vous voyez et tout vous est scellé

Car le bras du Seigneur ne vous l’haa revelé

Le S.Le Syndique

Mais qu’est -ce que je voyvois ? qu’est cela dans la fange ?

Ô rencontre incroyable ! helashélas spectacle estrangeétrange !

Le M.Le Maire

HelasHélas et qu’est cecyceci ? mon Dieu le coeur me fend

1380C’est une femme morte embrassant son enfant

Lequel encore vif de sa petite bouche

Veut prendre le tettontéton de peur qu’il ne le touche

De l’un des bras la meremère helashélas sans sentiment

Semble le reculer du mortel aliment

1385Aussi comme craignant que de fainfaim il ne meure

Que signe d’un tel soin apresaprès la mort demeure !

Semble de l’autre bras l’approcher de son sein


--- 29v ---
 

Pour du sang luylui esteindre et sa soif et sa fainfaim

S’il ne tettetète il mourra et s’il tettetète une morte

1390Voire la mort aussi par l’une ou l’autre sorte

Il ne peut eschapperéchapper Elle morte en ce point

Veut qu’il la tettetète, veut qu’il ne la tettetète point. 217

Le S.Le Syndique

J’en ayai un dont ma femme est la meremère et nourrice

De meremère elle fera vers cestuy cycelui-ci office

Le M.Le Maire

1395Ô puissance divine à qui fais -tu la guerre

Las ! à qui en veux -tu à un seul ver de terre

HelasHélas ! helashélas ! voicyvoici un trop cruel departdépart

Le S.Le Syndique

Quel ennuyennui vous saisit et vous tourmente à part

Le M.Le Maire

C’est icyici mon enfant cestecette morte est ma femme

Le Choeur

1400Cela n’est rien voyez Cabriere est toute en flamme

Les SoldarsSoldats sont entrezentrés qui mettent tout à feu

Si subit 218 que jamais ne l’ayons apperceu 219 !

Le S.Le Syndique

Voyez la terre et l’air jusques au haut des nues

Forcener en fumée et en flambes aigues

1405Fut -il jamais ouyouï ou trouvé par escritécrit

Si cruels ennemysennemis que ceux de JesuschristJésus-Christ 220

Le Choeur

Ne chante que pleurs mon Ode

CryCri 221 que le cruel Herode 222

Ne fut onc 223 si outrageux

1410Que d’Opede est furieux

Le payenpaïen juif perepère et perepère

N’occit ne tous leurs enfansenfants


--- 30r ---
 

N’employant sa main meurtrieremeurtrière 224

Sur ceux de plus de deux ans

 

1415Mais mon Dieu combien le passe

La cruauté de ce Thrace

Qui destruitdétruit quelle fureur !

Quelle rage quelquelle horreur !

Les enfansenfants naisnés et à naistrenaître

1420Ceux qui engendrezengendrés les ont

Et les ayeulxaïeux de leur estreêtre

Las ! par luylui tous meurtris sont

 

Ô Roy tresheureuxtrès heureux s’il venge

Le rapt meurtre et sac estrangeétrange

1425Qu’a fait ce loup furieux

Des enfansenfants du Dieu des cieux

Mais si tant peu soit encore

Vivre il souffre ce meschantméchant

Qui son sceptre deshonnoredéshonore

1430Il s’en ira trebuschanttrébuchant

 

SaulSaül perdit sa couronne

PourceParce que laschelâche il pardonne

Pensant se faire valoir

Contre Dieu et son vouloir

1435Au Roy des Amalechites

Qui par sa grand 225 cruauté

AvoitAvait de ce monde ostéôté

La fleur des IsraelitesIsraélites 226

 

Mais David tout au contraire


--- 30v ---
 

1440Est heureux faisant defairedéfaire

Les deux qui avoientavaient occis

Isboseth l’unique fils

Restant de royale race 227

Ainsi Dieu veut que tout RoyRoi

1445Des meurtriers 228 justice facefasse

Ou qu’il tombe en desarroydésarroi

 

Or le seigneur quoy quoiqu’il tarde

Puis que sur tout il prend garde

Rendra le juste paymentpaiement

1450À ce meschantméchant garnement

Bien que des prisons il sorte

Par les juges corrompus

Les clos d’enfer neni la porte

Par luylui ne seront rompus

 

1455Cependant sa conscience

Bourreau plainplein de deffiancedéfiance

Le privant de tout sejourséjour

Le tuera cent fois le jour

Sans qu’il aytait nulle puissance

1460De mourir Au demeurant

Toute la resjouyssanceréjouissance

SeroitSerait mourir en mourant

 

Rien n’aura qui tant luylui plaise

NeNi qui redouble son aise

1465Comme si le dard mortel


--- 31r ---
 

Aux maux le livre immortel

La mort est son esperanceespérance

Et son plus grand bien seroitserait

Quand pour toute delivrancedélivrance

1470Sa mort prochaine il verroitverrait

 

Les foudres et les tempestestempêtes

ParmyParmi un troppeautroupeau de bestesbêtes

Si dru n’abattent le corps

À terre tous roidesraides morts

1475Comme le Ciel se courrouce

Et de dards pleins de venin

VuideVide dessus 229 luylui sa trousse

Encor 230 luylui est trop beninbénin

 

Cent pestes ja 231 le saisissent

1480Mille rages l’envahissent

Mil 232 fievresfièvres et feux ardensardents

BrulentBrûlent jà son corps dedensdedans

DesjaDéjà je le voyvois sans cesse

S’élancer desesperéDésespéré

1485Et en sa plus grand destresseDétresse

EstreÊtre du sang alteréaltéré

 

Pour estaindreéteindre telle rage

Ne pouvant trouver breuvage

Il veut boire en un estangétang

1490Dont les sources soient de sang

Là pour eau desalterantedésaltérante


--- 31v ---
 

Dont il seroitserait soulagé

Le sang beubu son feu augmente

Tant qu’il devient enragé.

 

1495Ja 233 de tous costezcôtés qu’il voyevoie

Il n’appercoitaperçoit que l’OrfayeOrfraie

Que les morts et leurs tombeaux

Les hiboux et les Corbeaux

Son haleine est plus puante

1500Que ne pue 234 un serpent mort

Ou charoignecharogne se baignante

Au venin qui d’elle sort

 

Puis son sang on luylui fait rendre

Pour Enfer las de l’attendre

1505Avec syringuesseringues et fers

Hors des veines et des nerfs

De son corps tant deshonestedéshonnête

Ains 235 d’un monstre si puant

Que des piezpieds jusqu’à la testetête

1510L’hippomainehippomane 236 en est fluant

 

Que vomiroitvomirait un tel gouffre

Mais plustostplutôt miniereminière à souffre

Sinon toute puanteur

Pour empunaisir 237 le coeur

1515Qui est l’homme qui devine

Tout le sang qu’il va beuvantbuvant ?

Tant n’en beutbut d’Agrigentine

L’airain sur le feu bramant 238



--- 32r ---
 

Voy Vois-je pas desjadéjà qu’on livre

1520Son ameâme du corps delivredélivre 239

Aux enfers et aux tourmenstourments

Et eternelséternels grincements

Cependant cestecette famille

De martyrs victorieux

1525Comm’Commeau perepère plaistplaît la fille

À Dieu plaira dans les cieux

Poulin Le Maire Le Choeur et Le Syndique

Poulin

Ô malheureux d’Opede ! Ô Poulin malheureux !

Malheureux Catderousse ! Ô soldarssoldats furieux !

Ô chrestienschrétiens bienheureux ! ChrestiennesChrétiennes bienheureuses !

1530Ô combien vos morts sont devant Dieu précieuses !

AmysAmis oyez, oyez la barbare fureur

Ô cruautecruauté cruelle ô rigoureuse horreur !

Je suis cause du sac : ma langue au moins confesse 240

Que tout ce sang par toytoi est espanduépandu traistressetraîtresse

1535Mon delictdélit est trop grand pour en avoir pardon

Le Syndique

Contez -nous le massacre, octroyez -nous ce don

Le Maire

Ouvrez les yeux l’oeil peut vous faire tout entendre

Cabriere n’est plus rien que feu fumée et cendre

Le Choeur

Reprenez vostrevotre aleinehaleine et nous dites 241 comment

1540VostreVotre promesse effet n’a nyni vostrevotre serment

Poulin

D’opede ayant cassé ce sembloitsemblait son armée

La porte ne luylui est n’ 242 à dix autres fermée


--- 32v ---
 

Alors que l’on pensoitpensait loin de là les soldars 243

Il entre et à couvert suivysuivi par les pendarspendards

1545Se saisit de la porte eux entrezentrés à la file

Surprennent le chasteauchâteau ayant surpris la ville

Mettent le feu par toutpartout. D’opede voit de loin

VostreVotre femme Syndicq’ qui cachoitcachait en un coin

VostreVotre petit enfant il y court tout sur l’heure

1550Le fait cercherchercher à finafin que l’un et l’autre meure

La meremère pour son fils se presenteprésente à la mort

Priant et repriant entre ses bras le sort

Et luylui dit le voyant qu’il se prenoitprenait à rire

Si vous ne cognoissezconnaissez vostrevotre prochain martyre

1555Voyez que vostrevotre meremère en pleurs et larmes fond

HelasHélas ! mignon autant vous petits yeux en font

Faites bas le petit et par vostrevotre innocence

Impuissance à parler par vostrevotre contenance

Des larmezlarmes de vos yeux de vos tendrettes mains

1560Priez messieurs mignons d’estreêtre envers vous humains

Mais quoyquoi ? la cruauté en lieu d’estreêtre arrestéearrêtée

S’enflamma de plus fort par pitié irritée

Ce que la meremère obtient premierepremière elle mourra

Puis son enfant le tiers 244 le perepère souffrira 245

1565L’enfant pour estreêtre yssuissu de diabolique secte

L’engenceengeance des serpents en l’oeuf mesmemême est infecte.

Le Syn.Le Syndique

Nous sommes donc serpensserpents puisqu’en Dieu nous croyons

Et nos petits enfansenfants sont oeufs de Scorpions

P.Poulin

On les verroitverrait dit -il qui les laisseroitlaisserait croistrecroître

1570« MereMère il poursuytpoursuit veux -tu le Pape recognoistrereconnoître 246

« Pour celuycelui qui nous peut absoudre et condamner


--- 32ar ---
 

Et ainsi comme Dieu nous sauver et damner

Et ton fils ne sera pour ce coup mis en cendre »

Mais vostrevotre femme au lieu d’une telle offre prendre

1575« Mon fils dit -elle meure 247 et mon marymari et moymoi

PlustostPlutôt que renoncer ô seul sauveur ta foyfoi»

Le meschantméchant forcené de veoirvoir un tel courage

Les fait jetterjeter au feu pour esteindreéteindre sa rage

La meremère s’escriantécriant mon fils ô double dueildeuil !

1580CesteCette flamme fera de nous deux un cercueil

Petit tesmointémoin de Christ dans cestecette flambe horrible

Vous bruslezbrûlez avec moymoi sentant la mort terrible

Ainsi tous deux bruslansbrûlant sont morts pour Jesuchrist

Le M.Le Maire

Et le Seigneur au ciel a receureçu leur Esprit

Le Syn.Le Syndique

1585Pour le regnerègne de Christ ô tendre creaturecréature

Mon fils tu as souffert petit la mort bien dure

Ma fidellefidèle compaignecompagne a monstrémontré par effet

Que ChrestienneChrétienne elle estoitétait de parolleparole et de fait

Le M.Le Maire

Revenez s’il vous plaistplaît à la cruelle histoire

1590Par laquelle augmenter JesuschristJésus-Christ veut sa gloire

P.Poulin

ApresAprès ce j’entendientendis les plus grands hurlemenshurlements

J’y cours helashélas ! c’estoyentétaient rapts et violemensviolements 248

Des filles que faisoitfaisait Pannisse dans le temple

Puis vives les brusloitbrûlait. D’Opede à son exemple

1595Tous ceux -là qu’honnoroithonorait saintement le poil blanc

EsgorgeoitÉgorgeait au chasteauchâteau se baignant en leur sang

Tout ce massacre il fait pour avoir leur substance

SoldarsSoldats dit -il soldarssoldats fait n’a pas qui commence

Ne pensez pas non non qu’il soit temps que cessions


--- 32av ---
 

1600Tuez tuez tuez car leurs possessions

Avoir je ne pourraypourrai si quelqu’un en eschappeéchappe

Voudriez -vous espargnerépargner les ennemysennemis du Pape

Tuez souldarssoldats tuez et luylui criant ainsi

Regarde ses meurtriers leur voit le coeur transytransi

1605Et de crier plus fort que cesse entre les armes

L’esgardégard de l’aageâge ou sexe ou des pleurs et des larmes

Ce vaillant Hannibal 249 ce superbe vainqueur

Enflambant 250 par ces cris de ses soldarssoldats le coeur

Luy-mesmeLui-même les enfansenfants avec les meresmères rengerange

1610Pesle-meslePêle-mêle enfermezenfermés en une mesmemême grange

Craignant qu’un Orphelin eschappantéchappant de bon-heurbonheur

Ne feitfît un jour vuydervider de son bien ce voleur

En ce lieu il enserre 251 avec les femmes grosses 252

Les autres vierges (Las ! quelles heureuses nopcesnoces !)

1615Puis il y met le feu : Or ainsi que brusloyentbrûlaient

La Là-dedans ces martyrs les MeresMères qui vouloyentvoulaient

Bien monstrermontrer que l’amour qu’à tous apprend nature

Ne pourrait estreêtre esteintéteint par une mort si dure

Toutes faisansfaisant chemin par où le feu se fend

1620PoulsentPoussent et jectentjettent hors chascunechacune leur enfant

« Le trop grand amour nuytnuit car les meresmères bruslantesbrûlantes

En pensant les sauver des flammes violentes

Pour une seule mort deux fois les font mourir

Là ce monstre escumantécumant encontr’encontreeux vient courir

1625Et à grands coups de pique et corps et bras leur perseperce

Et my-rostismi-rôtis sanglanssanglants dans le feu les renverse

Ainsi ce petit peuple et doux et tendrelet

Ce petit peuple helashélas petit peuple de lait

Par glaive et feu est mort chascunchacun sur les mammellesmamelles

1630Qui l’avoyentavaient allaité un petit pouls en elles


--- 33r ---
 

Dans la flambe apperceuaperçu monstroitmontrait leurs grands douleurs

Non point pour leur mort propre ains 253 pour celle des leurs

Leurs bouches et leurs bras qui dedans la fournaise

EmbrassoyentEmbrassaient leurs petits en gros charbons de braise

1635Elles ont veuvu changer puis tous leurs corps en feu

Aveques 254 leurs enfansenfants ont plus sentysenti que veu 255 . 256

LE Ch.Le choeur

PovresPauvres femmes pourquoypourquoi avez -vous estéété meresmères ?

N’ayant jamais conceuconçu vos morts seroyentseraient legiereslégères 257

Car vous n’eussiez point veusvu avec vous dans le feu

1640BruslerBrûler cruellement vos enfansenfants et neveux

NeNi vos enfansenfants neni vous ne feussiezfussiez morts ensemble.

P.Poulin

La mort de leurs maris à la leur ne ressemble

D’autant que ce brusleurbrûleur pour rechanger d’esbatébat

Fait dresser dans les prezprés double nouveau combat

1645contr’contreune moytiémoitié se tenanstenant (quelle danse) !

Ses vaillansvaillants chevaliers il fait courre la lançe

Et au sang de ceux -enferrezenferrés à la fois

Du fer jusqu’à la main chascunchacun rougir son bois

L’autre moytiémoitié il fait (ô coeur plus dur que marbre !)

1650AttachezAttacher tous de rancrang chascunchacun à chascunchacun arbre

Du haut des meursmurs 258 les veoitvoit à jour ouvert perserpercer

Et sur leurs genoux morts les testestêtes renverser

Ils tirent contre oyez 259 cent mille harquebousadesarquebusades 260

Contre un blanc 261 de ChrestiensChrétiens ils font leurs grands bravades

1655Le plus presprès en est loin pour le moins de cent pas

Car leur mort sans languir plaisir ne donroit 262 pas

Au reste il fait dresser la dedans-dedans un trophée

Y engrave en airain non pas les vers d’Orphée


--- 33v ---
 

Ains 263 les actes cruels de sa grand cruauté

1660Qu’il veut perpetuerperpétuer à la posterité

Or Catderousse vient envoyé par Dopede

Catderousse qui tous à ce meschantméchant vous cedecède

Scavez Savez-vous quelles sont ses imprecationsimprécations

Ses despitsdépits maugreemensmaugréments et execrationsexécrations

1665«Ô furies d’Enfer ô infernales umbresombres

Ô tous malins esprits foudroyansfoudroyant les encombres

Ô phantosmesfantômes erranserrants avec rage et fureur

Ô vous Diables remplis d’une eternelleéternelle horreur

Ô par mes maudissons 264 je vous consacre et voue

1670Ce Peuple que je quitte et du tout desavouedésavoue

Pour le bien de d’Opede et de luylui et des siens

LuyLui renoncantrenonçant le droit de tous mes anciens

Et si ce n’est de coeur je vous pry 265 qu’à cestcette heure

Devant tous enragé par vos tourmenstourments je meure»

Le Ch.Le Choeur

1675Du cruel insensé la priereprière aura lieu 266

Et bien tostbientôt sentira sur soysoi la main de Dieu

Les diables l’empliront d’une mortelle crainte

Et frayeurs de tourmenstourments que sentira constrainte

Son ameâme miserablemisérable et à table mangeant

1680Bien tostBientôt il la rendra furieux enrageant 267

Le M.Le Maire

Que sa mort tousjourstoujours soit aux plus grands en memoiremémoire

Pour plus ne se dresser contre le RoyRoi de gloire

Le Ch.Le Choeur

Ces ChrestiensChrétiens sont heureux à qui Dieu fait ce bien

Que pour son nom et lozlos 268 la vie n’est plus rien

1685Ils ont souffert la mort pour sa sainte querelequerelle

Et il leur donne au ciel la couronne immortelle


--- 34r ---
 

D’un tel diademediadème il a le juste Abel sacré

Aussi feut fut-il pour luylui le premier massacré

DespuisDepuis tousjourstoujours SathanSatan des meschansméchants l’ire attise 269

1690Et contre JesuchristJésus-Christ et contre son EgliseÉglise

Combien feitfit Jezabel de prophetesprophètes meurtrir 270

Et combien de martyrs Antioche flestrirflétrir

EscorcherÉcorcher et bruslerbrûler par toute la Judée

Pour avoir saintement la LoyLoi de Dieu gardeegardée 271

1695Ne voulansvoulant rien cedercéder à cestecette vanité

Qui se mettoitmettait devant toute divinité

Si tostSitôt que JesuchristJésus-Christ est apparu sur terre

L’Ascalonite Herode à mort luylui fait la guerre

Et cuidant 272 le tuer il fait de mesmemême flanc

1700De mille enfansenfants meurtris sortir le laictlait et sang 273

DespuisDepuis tousjourstoujours le monde a redoublé sa rage

Contre tes saints ô Christ et contre eux plus enrage

Mais tout est pour ta gloire et tel est ton vouloir

Donne -nous donc pour toytoi de mourir le pouvoir

1705De Merindol le reste errant pour l’Evangile

Dans les monts et forestsforêts ne le laisse inutile

Mourir de faim Seigneur c’est ton troupeau chassé

Entre les loups receureçu des hommes pourchassé

Ton troupeau que dix jours la mortelle famine

1710Contraint de se nourrir d’escorceécorce et de racine

Où il en trouve il est du crudcru gland se paissant

Et est à ton vouloir du tout 274 acquiesantacquiesçant

Ton troupeau pour te rendre jusqu’à la mort hommage

De ta vertu reçoive invincible courage

1715Ton troupeau tant defaitdéfait qu’au -dedans de leurs corps

Et au travers l’on veoitvoit le jour comme dehors

Ne veux -tu regarder de ton oeil amiable 275

Ton peuple retranché ton peuple miserablemisérable


--- 34v ---
 

Las ! ce loup acharné le mettra tout à mort

1720Si ta main aujourdhuyaujourd’hui ne rompt tout son effort

Qu’encontre tous Tyrans en toytoi tant ils se fient

Qu’en nos cendres ton templ’temple un jour ils n’edifientédifient. 276

Catderousse le Maire le Syndique le Choeur

Catd.Catderousse

Fut -il donques 277 plaisir tel que de se venger

De ceux qui tenanstenant bon te faisoyentfaisaient enrager

1725Comme ce feu me plaistplaît Neron n’en eut telle joyejoie

Quand en Rome il voyoitvoyait derechef 278 bruslerbrûler TroyeTroie

Marchez Maire et Syndique pour accomplir mon voeu

Marchez pour estreêtre mis tout à cest’cette heure au feu

Et vostrevotre fils aussi ô captifs miserablesmisérables

1730Faites leur compaigniecompagnie innocensinnocents et coulpablescoupables

Venez -y volontiers que sert le reculer 279

Je vous vayvais faire ensemble à petit feu bruslerbrûler 280

Le M.Le Maire

La constance des morts la peur en hardiesse

Nous change et fait aller mourir en grand liesse 281

Catd.Catderousse

1735Le subjectsujet d’une loyloi autre que son Seigneur

D’estreêtre entre les vivansvivants ne doit avoir l’honneur

Le S.Le Syndique

Le fidelefidèle reçoit sa mort en patience

Pour ne devoir qu’à Dieu toute sa conscience

Le M.Le Maire

Mon cher fils mon enfant Dieu facefasse en nostrenotre mort

1740Que le meschantméchant cognoisseconnaisse en nos tourmenstourments son tort

Le Ch.Le Choeur

PerePère eterneléternel ô Dieu avec mesm’même essence

Est ton fils bien aimé ta seule sapience 282


--- 35r ---
 

Ton seul fils engendré de toytoi avant les cieux

Ton cher fils envoyé en ces terrestres lieux

1745Pour apporter la paix aux mondains incogneueinconnue 283

Et nous donner la foyfoi que les tiens ont tenue

Affranchis et sauvezsauvés par le sang de luylui seul

Du regnerègne de pechépéché et du mortel cercueil

Du lyonlion 284 rugissant de sa patte et sa gueule

1750Comme toytoi et ton fils n’est qu’une essence seule 285

PerePère tu es en luylui luylui en toytoi est aussi

Je pri’ 286 qu’il soit en nous qu’en luylui soyons aussi

A finAfin que sa vertu maintenant se parfaceparfasse

En nos InfirmitezInfirmités et nos pechezpéchés efface

1755Nous gardant à ce coup nostrenotre coeur de faillir

Puis ce combat fini vueillesveuille nous recueillir

Catd.Catderousse

Ah c’est trop babillé, marchez, tant de foyfoi dire !

Car quand le four est chauldchaud est -il pas temps de cuire

Le S.Le Syndique

Nous y allons Monsieur il ne faut tant debattredébattre

1760Contre le feu chascunchacun tout nudnu s’en va combattre

Catd.Catderousse

Comm’Commeils y courent droit ! Ils sont folsfous je le voyvois

Le M.Le Maire

La victoire mouransmourant nous aurons par la foyfoi

Le Ch.Le Choeur

Ô souverain seigneur ô grand Dieu des alarmes

Puis quePuisque tu as si chers nos soupirs et nos larmes

1765Que comm’commeen un vaisseau tu te les penspends au col

FayFais pour une Cabriere et pour un Merindol

NaistreNaître et fleurir tousjourstoujours mill’milleEglisesÉglises en France

Qui par ta vérité deschassentdéchassent l’ignorance

Des FrançoisFrançais trop seduitsséduits par l’AntechristAntéchrist Romain


--- 35v ---
 

1770Nous entrons en la flambe asseurezassurés sous ta main

D’estreêtre aujourd’huyaujourd’hui receusreçus en ta celestecéleste gloire

Si tosttôt qu’avons goustégoûté la coupe qu’il faut boire

Pour tousjourstoujours vivre heureux apresaprès ce court mourir 287

Catd.Catderousse

Entrez au feu pour veoirvoir s’il vous peut secourir

FIN

[1] un homme de loi.
[2] Comprendre "vous comptez trop sur".
[3] Nous conservons cette forme pour le compte syllabique.
[4] Nous conservons cette forme pour le compte syllabique.
[5] jamais.
[6] soldats.
[7] Référence au mythe d’Hercule Gaulois, caractérisé par sa force oratoire.
[8] Première mention des pouvoirs de la langue, dont la force et l’ambivalence sont démontrées dans la pièce. Sur ce point voir notamment Millet Olivier, « Vérité et mensonge dans la Tragédie du sac de Cabrières : une dramaturgie de la parole en action », dans Australian Journal of French Studies, vol. 31, n° 3, 1994, p. 259-273.
[9] Poulin est en effet allé en Turquie en tant qu’ambassadeur en 1541 et 1542, pour obtenir des bateaux et de l’or du Sultan Soliman.
[10] navires, bateaux.
[11] Pachas, nobles.
[12] Les guillemets gnomiques, fréquents dans le théâtre humaniste, marquent un propos à teneur de vérité générale, qui peut même être conservé pour lui-même, en dehors de tout contexte.
[13] lâches.
[14] Qu’au lieu de se placer parmi les premiers combattants, il s’enfuit et se cache.
[15] Référence à Alexandre le Grand.
[16] On peut supposer que les trois personnages sortent. Le choeur qui était peut-être en fond de scène, s’avance.
[17] Le sac de Mérindol précède celui de Cabrières.
[18] Le singulier n’est pas rare pour le choeur, conçu comme un seul personnage collectif.
[19] À prononcer en 3 syllabes : Ca-briè-res.
[20] région.
[21] Reconstruisent les chambres.
[22] escadron.
[23] tués, morts.
[24] bêlier.
[25] Il s’agit ici d’un impératif de deuxième personne.
[26] Probable référence au “Ein feste Burg ist unser Gott” de Martin Luther.
[27] avant de.
[28] Le choeur passe peut-être en fond de scène. Entre d’Oppède.
[29] Les doutes exprimés ici par d’Oppède sont capitaux pour l’interprétation du personnage, ainsi que pour l’interprétation de la pièce : d’Oppède comprend qu’il va contre sa conscience et contre la volonté de Dieu en massacrant les Vaudois. Voir sur ce point Charles-Louis Morand Métivier, « La Construction de la Masculinité dans la Tragédie du Sac de Cabrières : Le Cas d’Opède », revue en ligne Modern Languages Open, 1, 22 mars 2018. [URL : https://modernlanguagesopen.org/articles/10.3828/mlo.v0i0.171].
[30] laisseras.
[31] déjà.
[32] Espagnes.
[33] Pour cette raison.
[34] couvre. Nous conservons la forme originale pour la rime.
[35] Référence à Ixion, l’un des suppliciés des Enfers.
[36] Un roussin est un cheval de service, ou un cheval de somme.
[37] Référence à toute une série de lieux du sud de la France : Pépin d’Aigues, La Motte d’Aigues, Saint-Étienne de Gerson, Lourmarin, La Roque d’Anteron, Cabrières d’Aigues (la petite Cabrières), Mérindol, Saint Martin de la Brasque.
[38] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique.
[39] L’Église, bien sûr.
[40] Nous maintenons cette forme pour éviter la liaison qui modifierait le compte syllabique.
[41] Entre Catderousse. Le sens des propos du choeur semble indiquer qu’il n’a pas entendu D’Oppède ; peut-être faudrait-il alors le faire entrer avec Catderousse, qui rapporte en effet la nouvelle de la défaite des catholiques. Cependant, on peut également supposer qu’il n’entend pas Catderousse, lequel annonce la trahison de Poulin.
[42] Nous conservons cette note pour le compte syllabique.
[43] Comme l’explique Daniela Boccassini dans son édition, le gendre de d’Oppède est soir Antoine de Glandèves, seigneur de Pourrières, soit François de Perussis, baron de Lauris, puisqu’ils ont tous les deux participé au sac. Saint-Romain renvoie à Louise d’Ancézune-Cadart, seigneur de Saint-Romain de Malegarde.
[44] déjà.
[45] avant, auparavant.
[46] tombe.
[47] Faut-il lire nos ?
[48] Claude Panisse, conseiller au Parlement de Provence.
[49] Briarée, titan de la mythologie.
[50] déroute.
[51] sorte.
[52] Catderousse et d’Oppède sortent. Le choeur entre ou passe sur le devant de la scène.
[53] Dieu.
[54] Mot masculin.
[55] écrevisse.
[56] Nous maintenons cette forme pour la rime.
[57] Pierre-Charles Berthelin, dans l’Abrégé du dictionnaire universel françois et latin, ou Dictionnaire de Trévoux (Paris, 1762) définit un chevalier comme un « oiseau aquatique qui a le bec long, et les jambes si hautes, qu’il est un cheval, et c’est pour cela qu’on l’appelle chevalier ».
[58] Mais.
[59] espèce animale.
[60] Nous maintenons cette forme pour la rime.
[61] Mais nul harnais, quelle que soit sa force, n’empêche que les rois soient atteints par la mort.
[62] se montre.
[63] Mais.
[64] la main droite.
[65] Refermer (NHU).
Référence à la traversée de la Mer Rouge, Genèse 14 :27-28 (CMM).
[66] L’épisode du passage de la mer rouge (Exode, 14 : 15-31).
[67] Ensuite.
[68] Episode du combat de David et Goliath (I Samuel 17), qui illustre la puissance de Dieu.
[69] le bonheur.
[70] Le choeur reste en scène tandis qu’entrent les autres personnages.
[71] Le Syndic est un magistrat municipal. Voir le Thrésor de la langue françoyse, p. 613 : « Syndic, et Procureur d’une Communauté, Actor universitatis, Syndicus ».
[72] Poulin est à part : il entend les Vaudois de loin tandis qu’eux-mêmes « consultent ensemble » et n’entendent pas ses commentaires.
[73] Nous maintenons la forme pour le compte syllabique.
[74] tomberait.
[75] la tête.
[76] Transparaît une image négative de l’empire ottoman, objet de fascination mais aussi de peur, et ici associé à la tromperie.
[77] Prononcer en 3 syllabes : fu-ri-eux.
[78] Quiconque veut voir sa charrue revêtue d’une armure (c’est-à-dire, quiconque a le tempérament belliqueux, ce dont le Maire accuse le Syndique).
[79] bonheur, sort favorable.
[80] Nous maintenons la forme pour la rime, même si la prononciation moderne aurait peut-être du mal à la conserver.
[81] Nous maintenons la forme pour la rime.
[82] Le Maire sort ou passe en fond de scène (parce qu’il ne veut pas d’un accord avec Poulin).
[83] Là, ici.
[84] amène.
[85] L’auteur en profite pour rappeler les origines bâtardes de Poulin, né de l’union adultérine de Louise Adhémar de Grignan et de l’épouse de Louis Escalin, comme le rappelle Daniela Boccassini, tout en les faisant nier par le personnage.
[86] Il faudrait "allions" en français moderne, mais nous maintenons cette forme pour le compte syllabique.
[87] croit nous épouvanter.
[88] soldats.
[89] vider les lieux, partir.
[90] Pour que le vers soit juste, il faut bien faire l’élision du "e" : dites-l(e) en sa substance.
[91] Somme considérable : 4000 écus du XVIe siècle correspondraient environ à 600.000 Euros de 2024 (voir https://convertisseur-monnaie-ancienne.fr/).
[92] Nous maintenons la forme pour le compte syllabique.
[93] Formule positive (qui signifie "complètement").
[94] Nous maintenons la forme pour le compte syllabique.
[95] inviter.
[96] Le syndic sort, le choeur passe en fond de scène ou sort. Poulin rejoint le Maire, qui a pu entrer en scène à la fin de la réplique, ou qui est resté en scène, mais éloigné du centre.
[97] ici, que je m’oppose.
[98] Le salpêtre (nitrate de potassium) était utilisé dans la confection de la poudre à canon.
[99] Poulin prononce les deux premiers vers en aparté : il comprend qu’il va devoir mettre en place une autre stratégie (en l’occurrence, se désolidariser franchement des chefs catholiques) pour convaincre le Maire.
[100] Prononcer en deux syllabes : vi-es.
[101] S’ensuit le portrait des chefs en monstres.
[102] et même, plus encore.
[103] D’Opede Minier pour « Meynier », la première partie du nom de famille complet, « Meynier d’Opède ».
[104] rien d’autre que cruauté.
[105] maintenant.
[106] bordel.
[107] Le mâtin désigne un très gros chien utilisé pour des tâches de défenses. Voir mâtin de Naples.
[108] mais.
[109] troisième.
[110] Nouvelle remarque que notre modernité qualifierait de xénophobe.
[111] Nous maintenons la forme pour le compte syllabique.
[112] Nous maintenons cette forme pour la rime.
[113] Le Syndic entre.
[114] auparavant.
[115] Prononcer voi-e.
[116] Voie telle que celui qui la suit se garde de se fourvoyer.
[117] Nous maintenons cette forme pour la rime (lire "affirme").
[118] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique.
[119] brûlé.
[120] exclu, interdit.
[121] Allusion à l’assassinat d’Abel par son frère Caïn, et à la punition de ce dernier par Dieu (Genèse 4 : 8-12).
[122] Nous maintenons la forme pour le compte syllabique.
[123] Le Syndic, Poulin et le Maire sortent. Le choeur entre ou passe au devant de la scène.
[124] Nouveau discours sur la langue, dont le choeur condamne ici fermement les méfaits.
[125] Poison est féminin au XVIe siècle.
[126] Entendant.
[127] Référence à Gen. 3 :1-6 ; ici, on assiste à un renversement du trope biblique, où c’est Eve, et non Adam ("notre premier père") qui cède à la tentation du serpent.
[128] Il n’y avait, selon la Bible, que quatre humains : Adam, Eve, Abel, Caïn. La mort d’Abel (Genèse 4: 8-12) signifie donc la mort d’un quart de l’humanité.
[129] Allusion à la destruction de Sodome (Genèse, 19).
[130] Episode de l’adoration du Veau d’or (Exode, 32 : 4).
[131] le bonheur.
[132] flèche.
[133] Tomba.
[134] Mort d’Achab, roi d’Israël, tué par les Syriens sur son chariot (I Rois 22).
[135] Voir le proverbe « Faire d’une mouche un éléphant ».
[136] Le Déluge (Genèse 6).
[137] tortueux, tordu.
[138] Ici il faut prononcer "véves" pour conserver la rime.
[139] Qui tombe.
[140] Nous maintenons cette forme pour la rime.
[141] éloge.
[142] Le choeur reste en scène tandis qu’entrent les autres personnages.
[143] Nous maintenons cette forme pour la rime (comprendre "découvre").
[144] Je vais les occuper en leur faisant décrire leur foi (ils vont lire leur confession de foi).
[145] Rouleau (de parchemin).
[146] Soldats.
[147] réglées.
[148] imbibe.
[149] faute.
[150] en s’acquittant du forfait.
[151] par quoi, par lequel.
[152] Saint.
[153] mais.
[154] Pour cela.
[155] Débiteur.
[156] annulant, effaçant.
[157] Nous maintenons cette forme pour la rime (lire "pauvre").
[158] droit de jouissance sur un bien d’autrui (juridique).
[159] jeunes boeufs.
[160] La traduction par "ouïrai" n’est pas parfaite, notamment parce qu’il faut bien prononcer en deux syllabes (ouï-rai) pour garder le compte syllabique.
[161] Tyran sicilien du VIe siècle avant Jésus-Christ connu dans l’Antiquité pour sa cruauté.
[162] D’Oppède voit Poulin arriver et congédie les Vaudois : on doit penser qu’il prononce les trois derniers vers à part, une fois les Vaudois partis. Durant ce mouvement, le choeur passe sur le devant de la scène et livre son chant. On peut donc penser que d’Oppède reste en scène, rejoint par Poulin en fond de scène, tandis que le Maire et le Syndic sortent.
[163] Choeur consacré aux pouvoirs (positifs) de la parole.
[164] Télèphe, fils d’Héraclès et d’Augé.
[165] jamais.
[166] Déjà.
[167] Télèphe est un roi blessé par la lance d’Achille.
[168] Allusion au passage d’Ulysse chez Circé dans l’Odyssée (chant X).
[169] précisément la plante utilisée par Ulysse contre Circé.
[170] tromperies.
[171] Le terme désigne alors un hypocrite.
[172] navires.
[173] Quiconq dans le manuscrit : on peut supposer une abbréviation, quoiqu’elle ne soit pas notée.
[174] horribles.
[175] déjà.
[176] Nabal est sauvé de la colère de David par sa femme Abigaïl (I Samuel 25).
[177] blessé.
[178] faibles.
[179] Nous maintenons cette forme pour la rime.
[180] Elisée ressuscite le fils de la Sunamite (II Rois 4).
[181] Le roi Salomon, fils de David.
[182] Si bien qu’en.
[183] tombe.
[184] (II Samuel 11-12).
[185] Jehu est le roi d’Israël qui fait tuer Jézabel (II Rois 9, 22-37).
[186] Ananie (Actes, 5).
[187] I Samuel 1 (13-36).
[188] entend.
[189] Si bien, ainsi.
[190] louange.
[191] Le choeur passe en fond de scène ou sort tandis que reviennent d’Oppède et Poulin.
[192] poursuivre, persévérer.
[193] Genèse 4, 10.
[194] À prononcer en deux syllabes: ou-i.
[195] Jeu de scène sur la dague de D’oppède.
[196] Si j’y fais défaut.
[197] subitement, tout de suite.
[198] éloge.
[199] entendre.
[200] Poulin sort, D’Oppède reste seul.
[201] de mon côté.
[202] Nous maintenons la forme pour le compte syllabique.
[203] Entrent le Maire et le Syndique.
[204] déjà.
[205] La boisson des dieux du panthéon grec.
[206] auparavant.
[207] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique.
[208] comprise, perçue.
[209] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique.
[210] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique.
[211] nourriture.
[212] Avant le premier mot du vers apparaît un N barré sur le manuscrit.
[213] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique.
[214] le soldat.
[215] D’Oppède quitte la scène.
[216] Savez-vous pourquoi, alors que vous écoutez, vous n’entendez rien.
[217] Le thème de la mère morte repoussant un nouveau-né mourant de son sein est présent également dans « Misères », la première partie des Tragiques de Théodore Agrippa d’Aubigné. Sur cette scène, on pourra consulter notamment « Le “spectacle étrange” de la mort des femmes dans La Tragédie du sac de Cabrières (Anonyme, 1566-1568) », dans « Une honnête curiosité de s’enquérir de toutes choses ». Mélanges en l’honneur d’Olivier Millet, de la part de ses élèves, collègues et amis, Genève, Droz, 2021, p. 291-301.
[218] soudainement.
[219] Nous maintenons cette forme pour la rime.
[220] Le choeur passe sur le devant de la scène, mais il n’est sûrement pas besoin d’envisager une sortie des autres personnages.
[221] Nous maintenons l’apocope pour conserver le compte syllabique.
[222] Hérode, roi de Judée responsable du massacre des Innocents et de la fuite des Juifs en Egypte (Evangile de Matthieu, 2:16-18).
[223] jamais.
[224] Prononcer en deux syllabes: meur-trière.
[225] Apocope nécessaire pour le compte syllabique.
[226] Allusion à l’histoire de Saül (I Samuel 15:1-35), mise en scène plus tard dans les deux tragédies de Jean de La Taille.
[227] II Samuel 12-13.
[228] À prononcer en deux syllabes : meur-trier.
[229] sur.
[230] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique.
[231] déjà.
[232] Nous maintenons cette forme apocopée pour le compte syllabique.
[233] Déjà.
[234] Le manuscrit semble indiquer "put" : nous corrigeons.
[235] Mais.
[236] fluide trouvé parfois dans le liquide allantoïdien des juments.
[237] infester de punaises.
[238] Allusion au taureau en airain, instrument de torture conçu par Phalaris, tyran d’Agrigente.
[239] délivrée, libérée.
[240] Il s’agit ici d’un impératif : "Confesse, ma langue, que tout ce sang...".
[241] dites-nous.
[242] ni à.
[243] soldats. Nous maintenons cette forme pour la rime.
[244] troisième.
[245] Ce que la mère obtient : elle mourra la première, puis son enfant, le père souffrira en troisième.
[246] Nous forgeons cette forme pour la rime.
[247] Que mon fils meure.
[248] viols.
[249] Hannibal, général carthaginois, reconnu pour son génie militaire qu’il démontra lors de la Deuxième guerre punique.
[250] Enflammant.
[251] enferme.
[252] enceintes.
[253] mais.
[254] Nous conservons cette forme pour le compte syllabique.
[255] Nous conservons cette forme pour la rime (comprendre "vu").
[256] Voir Jean Crespin, Histoire mémorable de la sécution et saccagement du peuple de Merindol et Cabrières, op. cit., p. 108 et p. 133-134 pour cet épisode de la grange.
[257] Si vous n’aviez jamais conçu (d’enfants), vos morts seraient légères, faciles à supporter.
[258] Le "e" de meurs semble être barré sur le manuscrit.
[259] entendez.
[260] Nom des munitions utilisées dans les arquebuses, armes à feu lourdes populaires au XVIe siècle.
[261] une cible.
[262] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique (comprendre "ne donnerait pas").
[263] Mais.
[264] malédictions.
[265] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique (comprendre "prie").
[266] se réalisera.
[267] Catderousse meurt en effet en 1550.
[268] éloge.
[269] Satan attise la colère des méchants.
[270] Princesse épouse du roi Achab présentée comme malfaisante et vicieuse (Livres des Rois, I et II).
[271] Voir les deux premiers livres des Maccabées, qui rapportent les persécutions puis les révoltes des Juifs à Antioche.
[272] croyant, pensant,voulant.
[273] Le Christ est né alors que régnait Hérode le Grand, natif d’Ascalon, responsable du massacre des Innocents.
[274] complètement.
[275] aimant.
[276] Entre Catderousse ; Poulin sort ?
[277] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique.
[278] à nouveau (puisque Rome est une nouvelle Troie).
[279] verbe substantivé (nous dirions "de reculer").
[280] Le manuscrit comporte ce vers : "Je vous vay ensemble faire à petit feu brusler", mais le chiffre 2 est placé au-dessus de "ensemble", et le chiffre 1 au-dessus de "faire" : nous intégrons donc ici la correction, nécessaire en effet pour l’alexandrin.
[281] avec grande joie.
[282] sagesse.
[283] inconnue des habitants du monde.
[284] À lire en deux syllabes : li-on.
[285] Le singulier du verbe se comprend probablement, outre l’accord de proximité, en relation avec le sens d’unité.
[286] Nous maintenons l’apocope pour le compte syllabique.
[287] Verbe substantivé (cette courte mort).