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Clytemnestre
- Pré-édition
- Transcription, Modernisation, Annotation et Encodage : Nina Hugot
- Relecture : Nina Hugot et Milène Mallevays
CLYTEMNESTRE,
TRAGÉDIETRAGEDIE DE
PIERRE MATTHIEU
Docteur és droits.
De la vengeance des injures perdura
bles à la postérité des offensésoffencez
des malheureuses fin de
la volupté.
À tres-très illustre et genereuxgénéreux Prince
Henry de Savoye, Marquis
de S. Sorlin.
À Lyon,
Par BENOIST RIGAUD
M.D.LXXXIX1589
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AU TRES-ILLUSTRE
PRINCE MONSEIGNEUR
Le Marquis de sainctsaint
Sorlin.
Monseigneur, aussi tosttôt qu’entre les diverses saillies de ce sieclesiècle phantasquefantasque, une brusque penseepensée m’heuteut surpris à qui je pourroispourrais dedierdédier cestecette troisiesmetroisième TragedieTragédie, ayant choisi pour les deux premiers un magnanime Prince (vostrevotre
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frerefrère) et le noble Consulat de cestecette ville, où Dieu veut qu’il commande, comme jadis a faictfait ce valeureux Duc de Nemours, Prince de tresheureusetrès heureuse memoiremémoire, vostrevotre perepère, incontinent la souvenance de vostrevotre tresgenereuse et illustre personne effaça toute deliberationdéliberation de la vouërvouer à un autre, considerantconsidérant mémesmême que vozvos vertus et meritesmérites emportent une belle partie des louanges que l’on meditemédite pour honorer les hommes de vostrevotre rang, et vous font si bien accor
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der votre doux et noble naturel au bien de cestecette ville, avec l’harmonie des vertus de Monseigneur nostrenotre Gouverneur vostrevotre frerefrère, que ce seroitserait un trop ingrat reproche à ceux qui y habitent, de ne vous monstrermontrer les enseignes de leur devoir. Recevez pour cestecette raison ce petit livre portant le nom d’une Princesse estrangereétrangère que j’ayai vestu d’un ornement François, pour vous estreêtre plus aggreableagréable , à fin que le plaisir de son histoire discourue en une demyedemie heure
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de vos serenadessérénades, ensevelisse en l’oublyoubli tant de traverses, dont la Fortune pensoitpensait bouleverser vostrevotre tresillustre maison, donnant le cartel à vostrevotre magnanime constance qui est demeurée victorieuse : et qui à contre-poinctecontre-pointe des trais de son ennemyeennemie, vous donnera le comble des felicitezfélicités, vous faisant triompher en vos vrayemantvraiment Catholiques et ChrestiennesChrétiennes actions. De Lyon ce troisiemetroisième d’Avril, 1589.
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À MONSIEUR MATTHIEU
Sur son PoëmePoème de la TragedieTragédie
de Clytemnestre
Saphon donnant cartel à un Indois
En biens, pillard de richesse nouvelle
Pour des neuf seurssoeurs embler la rose belle,
S’alloitallait loüantlouant à pleine et haute voisvoix.
Que justement donc enfler te pourroispourrais,
Et boursoufler d’une gloire immortelle,
Qui as eu main la victoire eternelleéternelle
Du verdvert laurier par tes nombreuses lois.
EpoinçonnantÉpoinçonnant sur le grand vituperevitupère
D’Inceste amour heritagehéritage d’un perepère
À ses enfansenfants ta brave poësiepoésie :
Car quand ton Luth accordes hautement,
Tu n’as point part aux roses seulement,
Mais bien aux fruictsfruits venants de Pierie.
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Sur la TragedieTragédie de Clytemnestre
En faveur de Monsieur
Matthieu
J’aymeaime en toytoi, ô Matthieu, cestecette grande prudence,
Et admire l’esprit qui te rend bien-heureuxbienheureux,
J’accolle ta bonté, et motzmots ingenieuxingénieux,
N’oubliant ton sçavoirsavoir, ta gracegrâce et eloquenceéloquence :
Veux-tu, que sans farder, je parle en ton absence
Vivant on te verra jusqu’au pas ombrageux
(IdeeIdée les esprits) au fleuve oblivieux
Lavé de ces liqueurs qu’on lave la science.
La terre aussi ne peut meritermériter si grand gloire,
Et ne sçaitsait deuement 1 faire de toytoi memoiremémoire :
Mais aux cieux est le los qui l’a mieux meritémérité.
Je consacrerayconsacrerai donc aux Cieux mes vers et lyre,
Notant mes sons en luylui, pour tresbientrès bien les escrireécrire
Au burin immortel de son eternitééternité.
Jean Vuillemin Docteur en MedecineMédecine.
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Autre Sonnet sur la mesmemême TragedieTragédie
de monsieur Matthieu.
Guignant de l’oeil ta docte TragedieTragédie,
Tes mots dorés, et ton stilstyle elegantélégant,
Je sens en moymoi un desirdésir tout ardant,
De me saouler de l’eau de Castalie :
Elle est en toytoi et en ta PoësiePoésie,
Bruyant si haut qu’attentif l’escoutantécoutant,
Croire ne puis qu’humain si bien disant
PaistrePaître nous puisse en si belle ambrosie.
Pardonne moy-moi, si je te didis menteur,
Ne t’assignant d’un si haut prisprix l’honneur,
Ou bien confesse en toytoi residerrésider l’ameâme
D’un de ceux-là qui jadis en la GreceGrèce
Ont tant fleuri, esmouvantémouvant la jeunesse
D’une fureur qui sainctementsaintement l’enflamme.
BENIGNE POISSENOT.
L. AUX LOYS.
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IN PETRI MATTHAEI
TRAGICUM POEMA,
Mention en grec
Euripidem Graecum sua fabula prisca decoret,
Et Senecam Oedipus, Lerniacusque furens.
Climata Celtarum iam summis laudibus ornent
Matthaeum, Phoebus cui sua serta dedit.
Hic tragicus venas inflat, lascivia dictis
Omnis abest, hircum dignus habere suum est.
PAULUS BOUDOTIUS
MORTVACENSIS.
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AU LECTEUR
EncoresEncoreque ceux, qui remplis de meditationsméditations non vulgaires se vouent à l’exercice de la PoësiePoésie, entre toutes les sortes de ses presensprésents ayent en grand estime la TragedieTragédie, dont les vers doivent estreêtre haultshauts, grands et plainspleins de majesté, non efrenezeffrénés nyni enervezénervés comme ceux des Comiques, je ne rougirayrougirai pourtant de confesser que les miens pour estreêtre faictsfaits il y a long tempslongtemps sur le troisiesmetroisième lustre de mon aageâge, ne seront dignes du nom qu’ils portent, mais bien promettraypromettrai-je que poursuivant mes erres en cestecette manieremanière d’escrireécrire, je te ferayferai veoirvoir quelques autres fruictsfruits plus meursmûrs et assaisonnezassaisonnés, si tu ne te degoustesdégoûtes en ces premiers essais.
Adieu.
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CLYTEMNESTRE,
OU L’ADULTERE,
TRAGEDIETRAGÉDIE.
ACTE PREMIER.
L’ombre de Thyeste
» La palepâle passion qui nous rend au trespastrépas
» Dans le poudreux enclos d’un cercueil, ne dort pas
» Avec nostrenotre corps mort : le bucherbûcher, l’HecatombeHécatombe
» N’efface le regret qui nous suit sous la tombe.
5» Ce sommeil eterneléternel ne rompt l’affection
» Qui nous faictfait égaler les tormenstourments d’Ixion
» Le remortremord vit tousjourstoujours : la Parque furieuse
» La playeplaie ne gueritguérit qui est injurieuse :
» Le desfiantdéfiant soupçon, et le songe, et l’effroyeffroi
10» Assistent l’ennemyennemi cause de nostrenotre émoyémoi.
» Le vengereux vouloir jamais ne s’apparesse
» Car tousjourstoujours l’oppressé son oppresseur oppresse.
Là -bas entre l’horreur des monstres de la nuit
Je ne puis assoupir le renaissant ennuyennui
15Qui ronge mon esprit, qui, esclave, se geinegêne
Au triste souvenir de la ruzeruse germaine.
Qui comme un chaud Autan faisant fletrirflétrir les fleurs
Me fait fanir en dueildeuil, en tristesse, et en pleurs.
--- 2 ---
Or je sors maintenant du pestilent Averne
20J’ai laissé de Pluton la profonde caverne
Son Styx, et son Charon, je me fuis des enfers,
Mais je porte avec moymoi mes prisons et mes fers.
Je voyvois le beau palais de mon illustre race
VoicyVoici de mes ayeuxaïeux la PelopidePélopide trace.
25J’ayai assésassez demeuré sans reveoirrevoir le beau jour,
Il est temps de reprendre en ce lieu mon sejourséjour.
J’ayai assésassez demeuré aux lois de PersephonePerséphone
Compagnon de Tantal, forçat de TesiphoneTésiphone.
Je veux encommencer par disdix milemille regrets,
30Acaser avec eux le ColomnelColonnel des Grecs.
Agamemnon fera recompenserrécompenser l’injure
Le tort plus qu’inhumain de mon frerefrère parjure,
AtreeAtrée homme maudit, et le filzfils vengera
De son perepère le deuil ; EgisteÉgisthe monstreramontrera
35Que la Parque jamais n’esteintéteint le vituperevitupère
Qui, LepreLèpre, vient aux fils heritagehéritage d’un PerePère.
Mon lit incestueux, ores descouvriradécouvrira
Un monstre, qui l’honneur d’Atride engloutira.
Ce sera toytoi, mon fils, mon nourrisson aimable
40Qui me dois deschargerdécharger du fardeau qui m’accable,
Heureux soit le Berger, qui du bois t’arracha
Auquel ta meremère et seursoeur nostrenotre inceste cacha
Entre les Egipans, heureuse soit la chevrechèvre
Qui son lait nourricier fit succersucer à ta levrelèvre.
45Thyeste passera en rage et en horreur
Le sang Tantalien, pour payer la fureur
De ce Tigre brutal, vergongnevergogne de nature,
Qui a fait à mes fils de mon corps sepulturesépulture.
J’ayai mangé mes boyaux, ô miserablemisérable ! las !
50Tes enfansenfants tendrelets sont tes mets delicasdélicats !
Encor j’ayai bien pis fait, ayant l’ameâme estoupée
--- 3 ---
Du tonnerre du ciel, ma fille Pelopée
A eu entre ses bras, son PerePère, comme espouxépoux :
OÔ hautes DeitésDéités ! pourquoypourquoi permettez -vous
55Que l’Atride maison comme elle fait fleurisse
Commandez que l’enfer en son sein la ravisse.
Quand le Prince du jour vit ce fait inhumain,
Qu’il vit AtreeAtrée occir 2 d’une sanglante main
Ses nepveuxneveux mes enfansenfants, et qu’en diverse sorte
60Il les grille et rostirôtit, et puis qu’il les m’apporte
Affriandant le prisprix de son traistretraître festin,
Sa clarté fut sa nuit, et le soir son matin :
L’horreur de ce forfait fit tourner sa carrosse
Et retirer ses traits, le Rhodien Colosse,
65Le temple DelienDélien, la Pharsalique tour
Et Nicene perdit à cestecette heure le jour.
OÔ incroyable fait ! quel oeil pouvoitpouvait sans larmes
Regarder les efforts de si tristes alarmes ?
Quelle voix eut cela un acte si meschantméchant ?
70VeoirVoir un PerePère ses fils au banquet destranchantdétranchant ?
Mon sang au coeur se gelegèle, et l’haleine pantoise
De mon poux caprizantcaprisant le mouvement n’accoise.
IcyIci je voyvois les chefs 3 de mes enfansenfants bouillis,
L’espauleépaule là rostierôtie, et moymoi soubssous les taillis
75D’une ameneamène frescade : ô cruauté ! j’avale
Mes os, ma chair, mon sang ! ô malheureux Tantale
As -tu ainsi appris combler ta regionrégion
D’un Goth, d’un Canibal 4 , d’un Gelon, d’un LyonLion ?
Qui a jamais ouyouï parler de telle offenceoffense ?
80Qui a jamais usé d’une telle vengeance !
Non, l’Eniochien du froidureux Valon
Ni Procuste l’effroyeffroi du Cecropide nom,
Ne sçaitsait encor 5 ce tour : c’est l’enfer qui l’invente
Les furies là -bas l’ont mis icyici en vente.
--- 4 ---
85Et tu l’as acheté ! ô Incube, ô Dragon
En homme desguisédéguisé : seul, seul tu es le gon
Des futures douleurs. OÔ pallissantespâlissantes ombres
OÔ vous affreux brigands des demeures plus sombres,
De l’Orcq’ enfante-maux : Fureurs donnez relais
90À tous vos prisonniers, et vous friands valais,
Cuisiniers de Pluon, et toytoi dont le tonnerre
Fait escroulerécrouler les gonsgonds du ciel, et de la terre,
Foudroyez l’Atrean, et vous portiers mastinsmâtins,
DeschirezDéchirez charogniers leurs cueurscoeurs diamantins.
95EgisteÉgisthe, leve lève-toytoi, voyvois celuycelui qui bourdonne,
À ton oreille holaholà voyvois comme je frissonne,
Et mollement tu dors, reveille réveille- toytoi, il faut
Monter Agamemnon au sanglant eschaufautéchafaud
Des filandieresfilandières seurssoeurs, et que luylui seul expie
100La mort de ses cousins. Or, valeureux, espieépie
Le temps pour l’envoyer aux grottes de la nuit,
Si tu veux estoufferétouffer ce bourrellant ennuitennui,
Qui trouble mon repos : pour une laschelâche escorne,
Et par le fer qu’il aille à sa dernieredernière borne,
105Ainsi que le Genet qui aux armes dressé,
Saute au son des tabourstambours, d’un galop compassé
Il bat du pied la terre, il dit qu’il se veut mettre
À travers mille coups, pour soustenirsoutenir son maistremaître.
Quand il entend le bruit du belliqueux arroy
110Il quictequitte son courage à la course, à l’effroyeffroi,
Sentant lascherlâcher son frein il franchit la barrierebarrière,
Il ne craint les efforts d’une troupe guerriereguerrière,
Vous le voyez balser, courbetant justement,
Et assourdir les airs soubssous son hannissementhennissement,
115Tout ainsi je me sens, et la despitedépite envie,
Qui me suit aux manoirs d’une seconde vie,
Enfle mon corps de force, et mon cueurcoeur de vigueur,
--- 5 ---
De regret ma memoiremémoire, et mon bras de rigueur,
D’AtreeAtrée au seul mot ma perruque s’herissehérisse 6
120Ainsi que d’un LyonLion qui de brebis tapisse
Les Lybiens pasquispâquis, le vengereux desirdésir
Me succelle le foyefoie, et m’osteôte tout plaisir,
Je ne vis ni ne meurs, ô race detestabledétestable,
OÔ chair, ô sang, ô fruit, ô PerePère miserablemisérable.
Le choeur.
125» La fortune sur les coronnescouronnes,
» Sur les lauriers, sur les colomnescolonnes,
» À son pouvoir autant égal,
» Que le fouldrefoudre sur les montagnes,
» Le vent sur les moites campagnes,
130» Et sur le corps le reagalréagal.
» Alors qu’il semble qu’elle dorme,
» C’est lors qu’un malheur plus enormeénorme
» Elle forge sur celuycelui la-là
» Qui se confie en sa fallace :
135» Mais tout soudain tournant sa face
» Elle le roule çà et là.
» Le Syrtes, ni l’Euxin ne verse
» Si vistementvitement l’eau verdeverte perse
» Que le malheur les RoysRois poursuit,
140» Tel d’un Royaume se dit maistremaître,
» Qui demain n’aura plus de sceptre
» EsprouvantÉprouvant comme tout s’enfuit.
» Ils sont crainscraints et tousjourstoujours de crainte
» Et de soupçon leur ameâme est paintepeinte,
--- 6 ---
145» La foyfoi ne loge en leurs palais,
» Le sommeil leurs sourcils ne charme,
» Le jour ne les quictequitte d’alarme,
» SubjetsSujets souvent à leurs valaisvalets.
» De droit, de foyfoi, d’honnestehonnête honte
150» Les gransgrands cours rarement font compte
» Là les honneurs y sont vaincus
» Là l’ambition et l’envie
» Se prodigue avecque la vie
» L’honneur se mesure aux escusécus.
155» Voyez ce Prince lance-peste
» Mange-enfansenfants, adultereadultère, inceste,
» Qui est retourné des enfers,
» Pour renouvellerrenouveler un carnage
» Et esclaver tout son lignage
160» De l’Herebe aux feux et aux fers.
--- 7 ---
Acte second
Egisthe
CEluyCElui n’a point de coeur qui ne donne son coeur,
Pour but au petit Dieu, des grands dieux le vainqueur,
Quel plaisir avons -nous quand nostrenotre fantasiefantaisie,
De la douce fureur de l’amour est saisie ?
165Quand nostrenotre oeil ne voit rien qui soit digne subjectsujet
De son pouvoir qu’un oeil qu’il choisit pour objectobjet ?
Quand sous un front ridé doucement on lamente
La dure affection que nous donne une amante ?
» OÔ qu’il fait bon aymeraimer, mais aimer hautement,
170» C’est perdre son espoir et son entendement,
» La grandeur et l’amour ne vont jamais ensemble
» L’amour entre les grands sa puissance n’assemble,
» Il craint ses hauts palais, de bruis tous parsemezparsemés
» Et qui luisent de nuictnuit de flambeaux allumezallumés,
175» Le secret son archer, et la nuit sa nourrice
» Ne se plaisent jamais de luylui faire service,
» La crainte, le soupçon, l’envie fuit les gransgrands
» Trois hardis ennemis des plus hardis amansamants,
» L’amour se plait aux champs, il fait l’apprentissage,
180» De ses champestreschampêtres jeux sous quelque beau boccage,
» Sous un petit buisson, ou au rivage doux
» D’un ruisseau qui courant fait jazerjaser les caillouscailloux.
Ce Tyran toutesfoistoutefois m’allumant d’hardiesse
Me fait idolatreridolâtrer une belle Princesse,
185Me fait lancer mon vol sur cestecette grande tour,
--- 8 ---
Qui premierepremière reçoit du Soleil le bon jour,
Aveugle il ne sçaitsait pas qu’une belle amitié
NaitNaît de l’égalité qui garde la partié,
Sous le contraire effort de sa fierefière fureur,
190Il me guide tousjourstoujours en cestecette grande erreur,
Sans donner tant soit peu à mon cueurcoeur de relascherelâche,
Ni quand Phebus nous voidvoit, ni qu’en l’onde il se cache 7 ,
Ce bravache ennemyennemi se bande à tout moment
Pour planter ses tropheztrophées en mon entendement,
195Je n’ayai peupu resisterrésister, et que pourroypourrais-je faire,
Si mesmemême Jupiter se nomme le forçaire,
De ce petit archer, dont le feu petillantpétillant
Surmonte le courroux de son oeil sourcillant ?
Qu’eussé-je fait, chetifchétif, si mesmemême le Cocite
200Les flamboyansflamboyants brandons de Cupidon n’eviteévite ?
Si Pluton, qui l’enfer tient sous sa main là -bas
Pleure pour Proserpine, enlevée en ses bras ?
Qu’eussé-je fait pauvret s’il commande sur l’onde
Par la terre, et par l’air, et bref par tout le monde ?
205Je n’ayai le coeur d’acier, et les hommes sur tous
Sont un blanc asseuréassuré où il tire ses couscoups,
Il s’est mis dans les yeux d’une belle Princesse
Pour me faire sentir sa force piperesse 8 .
Je n’ayai oeil que pour voeirvoir cet objectobjet qui de nuit
210Se presenteprésente à mes yeux et sur mon ameâme luit,
Aujourd’huyAujourd’hui sur le point que l’Aube avantcourriere
Ouvre du beau Soleil en l’Inde la barrierebarrière :
Un effroyable songe a charmé tous mes sens,
Et d’elle et de Thyeste escoutantécoutant les accensaccents.
215OÔ bien-heureusebienheureuse nuit, mais plus heureux le songe
Qui soulage l’ennuitennui dont nostrenotre ameâme se ronge,
Tuer, quel mandement, tuer Agamemnon,
De Micene l’honneur, de GreceGrèce le renom,
--- 9 ---
Il luylui faut obeyrobéir, il faut que j’obtempereobtempère,
220» L’enfant de bon espoir doit complaire à son PerePère,
Mais, quel PhanalFanal rendra mon vouloir à son port ?
Quel geniegénie dira l’inevitableinévitable sort
D’un tel Argenaucher ? qui me pourra permettre
Le paternel statut, si ce n’est Clytemnestre ?
225Clytemnestre mon tout, mon bien, et mon amour,
Clytemnestre mon coeur, mon Soleil et mon jour,
Qui tient entre ses mains et ma mort et ma vie
Sous le joug enchanté de sa beauté ravie.
Le Dieutelet des Dieux, inventeur trop subtil
230Me presteraprêter son arc, sa flescheflèche et son oustiloutil.
Que si par ses moyens son coeur je n’apprivoise
Pour massacrer le chef de la troupe Gregeoise,
» J’ayai l’or, et les presensprésents, l’or cinquiémecinquième elementélément,
» De tout cela qui vit sous le clair firmament,
235» L’or desirédésiré de tous viole la serrure
» De nostrenotre entendement, il corrompt la nature
» De la fidelitéfidélité, bien souvent c’est la clef
» Qui nous pousse à brazer 9 quelque enormeénorme mechefméchef 10 .
» Qu’on ne me parle plus du sort ni de la chance,
240» Car la bourcebourse aujourd’huyaujourd’hui à tout faire a puissance :
» C’est le vrayvrai hameçon qui vise une beauté,
» Des plus fermes brisant la ferme chasteté.
» Ha je m’abuzeabuse bien, l’amoureuse sagette
» Ne fut pour nous tromper jamais à l’or subjectesujette,
245» Aussi voyez-vous bien le jeune Cupidon,
» Tout nudnu, n’avoir au sein, l’escrinécrin de quelque don,
» Que si quelque presentprésent par pitié on luylui offre,
» Où cache-t-il la clef (pauvre enfant) de son coffre ?
Il le faut invoquer et luylui vouer ce chant
250Le dueildeuil et le despitdépit de mon ameâme arrachant.
» La gracegrâce aide à l’amour, lors quelorsque la Poésie
--- 10 ---
» La suit en temperanttempérant sa longue frenaisiefrénésie
» Ainsi que cil 11 qui est des Tarantes mordu
» Par la voix Delphienne en santé est rendu.
255Amour donc c’est à toi que mon hymne j’entonne
AffinAfin que l’univers de ton pouvoir s’estonneétonne.
D’où vient ce mal qui ma raison captive ?
D’où me vient ce soucysouci,
Qui maintenant de moymoi-mesmemême me prive
260RefroignantRefrognant mon sourcysourcil 12 ?
Je me mocquoismoquais de ceux qui en leur ameâme
CuisoientCuisaient la jeune ardeur,
Qui se rendoyentrendaient esclaves sous la lame
D’un Archerot trompeur.
265Je me rioisriais, en voyant tant de larmes
Ruisseler de leurs yeux,
PrinsPris, mal targuez, aux lubricqueslubriques alarmes
Du boute-feuboutefeu des Dieux.
OÔ changement ! ô fatale adventureaventure !
270Je suis bien plus avant,
Le mal d’aimer que sans cesse j’endure
Plus qu’eux me rend sçavantsavant.
Je ne tiens plus ma vie qu’en l’escorceécorce,
Ayant sentusenti le dard
275De celuycelui la qui le ciel mesmemême force
Suivre son estendardétendard.
Je songe assez pour les causes apprendre
De cestcet ennuyennui nouveau,
--- 11 ---
Et si ne puis cestecette fureur comprendre,
280Qui trouble mon cerveau.
Ainsi qu’on voit qu’une remore 13 arrestearrête,
Un marinier vaisseau,
Aux plus grands flotzflots des desseins que j’appresteapprête
L’amour rompt mon fuzeaufuseau.
285Je suis semblable au Phoenix qui consume
Sur l’odorant bucherbûcher
Ses os sacrezsacrés et sa chair, et sa plume,
Pour le repos chercher.
Sur les rameaux des arbres d’Ericine
290J’ayai bastybâti mon tombeau,
Et chante là les termes comme un Cygne
Du filandier ciseau.
Le glus colleux tant l’oiselet n’empestreempêtre
Comme un seul oeil me lie,
295Et desirantdésirant hors de ses rets me mettre
Tant plus je m’y rallie.
De froids glaçons au lieu de fleurs se pare
De Flore la saison,
Le ciel pour moymoi se monstre trop avare
300Le monde m’est prison.
Que ne suis-je un Hibou Timoniste
Que n’est -il tousjourstoujours nuictnuit,
Le plus clair jour m’est nebuleuxnébuleux et triste,
Le plaisir m’est ennuictennui ;
--- 12 ---
305Ha fin pipeur m’endormant de ton esleaile
Tu m’as trop tosttôt battu,
Me chevalant par les yeux de la belle
Tu froisses ma vertu.
L’enfant esléailé de ses yeux tousjourstoujours roule
310MileMille pleurs sur ces rets,
Mars le cruel de tropheztrophés 14 ne se soulesaoule
Ni moymoi de baiserets.
Souventesfois le Dieu tire-sagette
Par les fleuris herbis,
315EsperonnéEperonné d’amour menoitmenait d’Admete
PascagerPacager les brebis.
Bonté des Dieux, combien la playeplaie est forte
Du picqueronpiqueron d’Amour,
AurayAurais-je point sur cestecette mer d’escorte
320Pour achever mon cour ?
Je n’ayai besoin de visiter l’escoleécole :
De Samos pour l’amour,
J’en sçaysais assés, desjadéjà de sa carole
Je tiens le premier tour.
325La jalousie, et l’envie talonne,
Le but de mes destins,
Et Clytemnestre en ses yeux m’emprisonne
Par chainonschaînons aimantins.
Je suis las de flatter l’ennemyennemi qui me dompte,
330Je suis las de rougir pour complaire à ma honte,
Je suis las d’adorer l’amour pour mon secoursecours
--- 13 ---
» L’amour plus est prié, et plus il devient soursourd :
» CeluyCelui ne se pourroitpourrait nommer du nom de l’homme,
» Qui ne sent le plaisir qui plaisant nous consomme.
335Pour avoir mes desirsdésirs l’amour est l’aviron
De mon vogantvoguant batteaubateau, qui flotte à l’environ
Du lictlit Tyndarien, mais cestcet amour vulgaire
S’il n’ameineamène l’horreur avec luylui ne peut plaire,
NozNos Plaisirs traineronttraîneront un grand comble d’ennuitsennuis.
340Plus que de feux luisansluisants de l’hyverhiver non les nuits,
Plus que l’Hyblean roc ne fourmille d’avettes
Que l’EstéÉté n’a de grains, ni Flore de fleurettes,
Que l’hyverhiver BorealBoréal ne nourrit de glaçons,
Que de fueillesfeuilles les bois, ni les mers de poissons.
345Commence donc, EgisteÉgisthe, hardis gaignegagne le sceptre
De ton oncle puissant, ravis sa Clytemnestre,
Il est temps ou jamais : le Soleil a huilé
DesjaDéjà son front de fard pour n’estreêtre point halé,
» VoyVois que je suis caignard. L’amour et la paresse
350» Sont les pages ruzezrusés d’une libre jeunesse.
--- 14 ---
[Clytemnestre] 15
DesjaDéjà parmyparmi les cieux les feux qui s’éparpillent
Sous l’esleaile de la nuit aux Antipodes brillent,
Ja l’obscur est vaincu, et l’argentin croissant,
Peu à peu rend le feu de ses rais languissant,
355Le jour vient attifferattifer les cheveux de l’Aurore,
Et desjadéjà son troupeau a rassemblé Bosphore,
Des sept astres d’Arcade est desjadéjà retourné
Le chariot flambant de feux environné.
De ce bel univers la cortine est ouverte
360Qui descouvredécouvre les eaux, et la campagne verte,
Ja rousoyerousoie en Argos, le Brandon Delien,
Tout luisant ramené du clos Bengalien,
Les nymphes d’Helicon mignonesmignonnes de MemoireMémoire
Marient leurs chansons sur le beau Luth d’ivoire,
365Des rayons du Soleil se peint nostrenotre horizon
Soleil qui voit autant qu’Olympe l’Olizon,
L’opiniastreopiniâtre soingsoin toutesfoistoutefois qui m’atristeattriste
Ne me laisse jamais : soit que dans l’Amphitrite
Le jour s’alleaille coucher, soit qu’il revienne voir
370Les azurezazurés planchers : mais quand pourraypourrai-je avoir,
La fin de tant de maux, quand finira l’entorceentorse
Du DemonDémon qui me suit, qui me chasse et m’efforce ?
Esprit ensorcelé pourquoypourquoi differes diffères-tu,
MonstrerMontrer du feu d’amour la flambante vertu ?
375Mais que tardes -tu tant à decouvrirdécouvrir la flameflamme
Qui consume en ardeur le meilleur de ton ameâme ?
Ça, desvoiledévoile de peur et de honte ton front,
Pourchasse le plaisir où l’amour te semont.
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De l’honneur conjugal ma poictrinepoitrine se vuidevide,
380» Volontiers le forfait au forfait donne guide.
Je te prypri Cupidon resserrer ton CarquoyCarquois,
» Dieux, qu’est-ce que d’amour ? c’est un je ne sçaysais quoyquoi,
» Qui vient sans sçavoirsavoir d’où, on ne sçaitsait qui l’envoyeenvoie,
» Et je ne sçaysais comment des coeurs il fait la proyeproie,
385» Il veut je ne sçaysais quoyquoi, il quictequitte sa raison,
» Changeant sa liberté en une aspreâpre prison :
» Jamais le ciel si tosttôt son foudre ne desserre,
» Que comme advancoureuravant-coureur ne vienne le tonnerre,
» Les murs d’une maison premier que de tomber
390» EscroulentÉcroulent quelque pierre : avant que succomber
» Sous les sanglanssanglants exploits d’une guerriereguerrière pompe
» On le sçaitsait au tabourtambour, à la fifre, à la trompe,
» L’hyverhiver ne vient si tosttôt desroberdérober noznos moissons,
» Qu’il n’aye les frimatsfrimas, la neige et les glaçons,
395» Le seul amour jamais ne se sent, ne se monstremontre,
» Ne s’apperçoitaperçoit à l’oeil, aux mains, ne se rencontre,
» Ne fantastique encorencore en nostrenotre entendement,
» Qu’alors qu’il a sapé nostrenotre humain bastimentbâtiment,
» Qu’alors qu’il a prinspris pied au plus profond de l’ameâme
400» Que de milemille desirsdésirs il nous bruslebrûle à la flameflamme
» C’est folie penser resisterrésister à sa main,
» Je suis femme, et n’ayai pas un coeur autre qu’humain,
» QuoyQuoi que l’entendement bastissebâtisse des Idées
» D’eviteréviter les attraits des amesâmes desbordeesdébordées,
405» Quoy Quoiqu’on jure long tempslongtemps s’armer, se contenir,
» DespiterDépiter l’Archerot et ses dards soustenirsoutenir.
» En admirant l’objectobjet qui la puissance trousse,
» On est contraint de plaire à la chair qui nous pousse.
» La maquerelle chair, ayant plus de gluaux
410» Que l’EstéÉté n’a de fleurs, et le ciel de flambeaux,
» Qui pipe la raison et forcenant desbridedébride
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» Le lubrique appetitappétit sans chemin ni sans guide,
» Vous ne voyez cheval, tant maigre et épaulé,
» Tant boiteux, ni tant mieux, poussif et affouléaffolé,
415» Qui ne hannissehennisse encor sa passion brutale,
» Pour le flair amoureux d’une belle cavale,
» Aussi ne verrez -vous si severesévère Caton,
» Si reclus Philosophe avec son gris menton,
» Que voyant les douceurs d’une humaine deessedéesse,
420» D’un couple de souspirssoupirs ne monstre sa detressedétresse.
» Or je sçaysais que plus doux les amoureux discrets
» Estiment les baisers deroubezdérobés et secrets,
» Que non l’embrassement d’une couche loyale,
» D’un soucieux marymari, qui n’est tant liberalelibérale,
425» Et qui fait seulement, avare du loisir,
» Par manieremanière d’acquit le droit d’un tel plaisir.
J’aymeaime le changement, et la nature mesmemême
S’y plaitplaît, et s’esjouit sur le sujet qu’elle aime,
Ainsi Agamemnon, pour un doux changement,
430De Cassandre a trouvé le mol embrassement
Tant que Jupin, jaloux du plaisir de leur aise,
Comme eux sembler bruslerbrûler en l’amoureuse braise.
» Le soupçon ombrageux d’un marymari quelquefois,
» Fait librement quicterquitter du chaste lit les loixlois.
435Ces maris envieux du Soleil qui rayonne,
Des femmes au giron, ou des raizrais de Latone,
Ou de ces moucherons, qui durant nostrenotre estéété
VoletentVolètent sur les traits de leur freslefrêle beauté :
On tromperoittromperait plutostplutôt l’usurier sur son compte,
440Qu’un jaloux, qui portant les cornes de sa honte
D’un intestin regret va son ameâme rongeant,
AsseuréAssuré du tourment qu’il se va presageantprésageant,
Mais où tend ce discours ? qui fantasque m’empeschem’empêche
De donner à l’amour mon coeur, puis qu’il le breschebrêche ?
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445Car haste toy-toi mon ameâme, et ne souffre qu’en vain
Ton appetitappétit se perde, en luylui serrant le frainfrein.
La Nourrice.
RoyneReine second honneur de la Danoise race,
Quel regret va troubler le serainserein de ta face ?
Quel triste pensement ton visage pallitpâlit ?
450Fait égarer ton oeil, tes esprisesprits assaillit ?
Bride tes appetitsappétits, celuycelui qui veut attendre
Reçoit plus grand guerdon, qu’il ne pensoitpensait comprendre.
ClitemnestreClytemnestre.
Le bourreau qui me tient ne me donne dilait,
Je veux suivre ton trac : je le veux, il me plaitplaît,
455J’endure trop de maux pour l’amoureux orage,
L’amour en mes poumons escumeécume tout de rage :
Et d’autant que cruel il bouffit en mon sein
Plus la honte et la peur rebellent mon dessein
Or je suis resoluerésolue, il faut que j’accomplisse
460Le desirdésir qui me point, il faut que j’en jouisse,
Ou mon pied tournera je courraycourrai sans esgardégard,
Quand l’esprit est en doute il faut suivre l’hazardhasard.
La Nourrice.
C’est grand temeritétémérité prendre l’hazardhasard pour guide.
ClitemnestreClytemnestre.
Que doit craindre celuycelui que la fortune guide.
La Nourrice.
465La patience peut te donner tout soulas.
ClitemnestreClytemnestre.
Mais de tant endurer mon esprit est trop las.
La Nourrice.
Le labeur et l’espoir nostrenotre tourment desguisedéguise.
ClitemnestreClytemnestre.
Le fruit passe cela, le guerdon me maistrisemaîtrise.
--- 18 ---
La Nourrice.
De quoyquoi sert le guerdon si l’honneur ne le suit.
ClitemnestreClytemnestre.
470Mon front evergogné en ce Palais reluit.
La Nourrice.
» Qui sur mal donne mal ne s’asseureassure qu’en crainte.
ClitemnestreClytemnestre.
Et de bien et de mal ma fortune est dépeinte.
La Nourrice.
» Misérable est la fin d’un conseil déreglédéréglé.
ClitemnestreClytemnestre.
» Quel conseil peut guider un amour aveuglé ?
La Nourrice.
475» Le conseil, les ennuitsennuis de la douleur soulage.
ClitemnestreClytemnestre.
» Le mal qui par conseil s’appaiseapaise est trop volage.
La Nourrice.
Rompez vos passions, l’amour vous est sujectsujet.
ClitemnestreClytemnestre.
» L’oeil peut charmer l’esprit voyant un bel objectobjet.
La Nourrice.
» Le coeur chaste et constant ne craint d’amour les traistraits.
ClitemnestreClytemnestre.
480» L’amour, les plus constansconstants captive en ses atraisattraits.
La Nourrice.
» Nul ne doit violer la couche conjugale.
ClitemnestreClytemnestre.
Il faut donc du marymari que l’ameâme soit loyale.
La Nourrice.
Souviens toytoi donc du tien.
ClitemnestreClytemnestre.
Me dois-je souvenir
De luylui, qui aime mieux dix anneesannées tenir,
--- 19 ---
485De la guerre le train, que reveoirrevoir sa contrée,
Sa femme et ses enfansenfants seul ornement d’AtreeAtrée ?
Qui ne fait par les champs que le sang espancherépancher
Qui ne peut cestecette soif des Lauriers estancherétancher,
Mollement courtizantcourtisant sa riante Cassandre
490Qu’avec moymoi les souhaits, de mes desirsdésirs espandreépandre ?
Et bien ce beau Palais sera -ce une prison ?
PerdrayPerdrai-je de mes ans sans plaisir la saison ?
Il faudra que tousjourstoujours je bourrelle mon ameâme,
Sans jouyrjouïr comm’comme il fait de la Cyprine flameflamme.
495EgisteÉgisthe mon soucysouci plantera le premier
Sur son front eslevéélevé des cornes un Cimier.
La Nourrice.
» Quand la poison d’amour une fois prend racine,
» En quelque laschelâche coeur, il le sape et le mine,
» Il pipe sa raison, il le charme et l’endort
500» Et rend ses sens troublez comm’comme un phantasmefantasme mort
» VrayVrai serpent en rampant finement il se glisse
» Par tout le sang humain, jusqu’à tant que son vice,
» Produise un puant tige, et un fruit tant infect
» Que le meilleur de nous en devient imparfaict 16 .
505Jeune, tu as fuyfui de l’amour les sagettes
Maintenant en ses rets sottement tu te jettes,
» C’est un gage excellent, un joyau de grand pris
» Qu’une vierge qui n’est captive de Cypris,
» Mais las ! tout aussi tosttôt que ce vaisseau fragile
510» Est rompu, il ne vaut une seule coquille,
» Ses piecespièces sans profit ensemble on ne remet
» Et jamais au mesnageménage autre fruit ne promet.
Ouvre ton flanc pierreux, ô Caucase, et m’entombe,
PlustostPlutôt que l’adultereadultère en sa volonté tombe.
515OÔ fouldrefoudre brise-tout, avant un tel meschef,
Viens plutostplutôt fracasser de madame le chef,
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Madame qui poussée ainsi qu’une MenadeMénade,
Ou un chastréchâtré Curetx envie l’ambrassadeembrassade
De cestcet effeminéefféminé : ce Paphien mignon
520Fera donc un tel tort au grand Agamemnon ?
Et j’y consentirayconsentirai ? je serayserai maquerelle
De ce paillard complot qui pour tesmointémoin m’appelle ?
ClitemnestreClytemnestre.
» Aux affaires d’amour il n’est jamais besoin
» Un troisiesmetroisième appeler pour en estreêtre tesmointémoin,
525» Et ne voyez -vous pas que l’enfant de Paphie
» Est aveugle, et ses faits à plusieurs il ne fie ?
» Aussi ordonna-il que son plaisant desduitdéduit
» Pour en mieux triompher n’auroitaurait pris que de nuit.
La Nourrice.
» Les coingscoins plus esgarezégarés, les rues plus fourraches
530» Plaisent aux ruffiens, aux poltrons, et aux lascheslâches,
» Et non aux genereuxgénéreux, qui d’un courage haut
» SçaventSavent servir l’amour et le temps quand il faut.
Et bien le souvenir de ce grand capitaine,
Qui conduit les Gregeois en la Troyenne plaine,
535Et qui foule le dos du second elementélément
N’aura lieu envers toytoi. Ce mignon seulement
Qui couve tous les jours en musarde paresse
JouyraJouïra des plaisirs d’une telle Princesse.
Il a gaignégagné ta foyfoi, et brave, et piafard,
540Il se va paonnant à ton oeil plainplein de fard.
» L’air n’est tant corrompu par un puant cloaque
» Que l’ameâme de celuycelui qui sans rien faire vacquevaque
» À l’appasappât perilleuxpérilleux de son oisiveté,
» Ainsi qu’est le captif du port de ta beauté.
545» L’amour commande à ceux qui sont sans exercices,
» L’amour d’une ameâme oisive entretient les delicesdélices,
» C’est l’effrenéeffréné pouvoir de son affection,
--- 21 ---
» Le desirdésir d’un esprit sans apprehensionappréhension.
ClitemnestreClytemnestre.
Tout ainsi que le tantaon qui picquepique la genissegénisse
550Au retour du printemps : tout ainsi le supplice
De Cupidon me suit, l’amour me fait courir
À la mort qui me peut d’un tel mal secourir.
Je ne puis inventer cataplasme à ma playeplaie,
Et si de le trouver tous les jours je m’essaye.
555» Que vaut dissimuler le feu, l’amour, la toustoux,
» Tant leurs effets sont grands se cognoissentconnaissent sur tous ?
La Nourrice
» Les murs mieux remparezremparés qu’un grand assaut tourmente
» Sont à demydemi gaignezgagnés alors qu’on parlemente,
Il vous faut eviteréviter de ne presterprêter vozvos sens
560À ces pipeurs fredons de leurs gentils accensaccents,
Ne les veoirvoir abusezabusés en leurs feintes merveilles,
» La ferme chasteté n’a ni yeux ni oreilles.
ClitemnestreClytemnestre.
Celle qui d’un sourcil superbe et elevéélevé
MespriseMéprise d’un amant le tourment engravé
565Et en l’ameâme et au corps, et qui pour tesmoignagetémoignage
De ne laisser tromper son pudicquepudique courage
Ne veut parler à luylui, certes cestcet un deffautdéfaut
Et une faintefeinte peur, que du premier assaut
Elle a de succomber se défiant soymesmesoi-même,
570Perdant le chaste honneur du chaste diademediadème.
La Nourrice.
» Celle qui a l’honneur empraintempreint dessus le front
» Repousse genereusegénéreuse un temerairetéméraire affront.
ClitemnestreClytemnestre.
» On estime une Dame arrogante et trop fierefière
» Qui n’entend d’un amyami le vouloir et la priereprière.
--- 22 ---
La Nourrice
575» La priereprière des hommes a beaucoup de pouvoir,
» Pour esbranlerébranler l’honneur l’amour et le devoir.
ClitemnestreClytemnestre.
» Bien-heureuxBienheureux est l’amour qui d’amour est prodigue.
La Nourrice.
» Malheureux est l’amour qui contre amour se ligue.
ClitemnestreClytemnestre.
» Il est bien malaisé aux plaisirs de la cour
580» Ensemble entretenir, et l’honneur et l’amour.
La Nourrice.
» Il est bien malaisé ravir la forteresse,
» Qui a un chef constant de foyfoi et de prouesse.
ClitemnestreClytemnestre.
» Il n’est pas malaisé de gaignergagner une tour,
» Quand on a conquesté tout ce qui est atour.
La Nourrice.
585» Il est bien malaisé guarirguérir la phrenaisiefrénésie,
» Qui entre par les yeux en nostrenotre fantasiefantaisie.
ClitmenestreClytemnestre.
Or pour le faire court Egisthe entre mes bras
Moissonnera les fruits des amoureux esbasébats.
La Nourrice.
Mets de l’eau en ton vin dépouillant la bestisebêtise
590Du desirdésir qui le feu de ton amour attise.
ClitemnestreClytemnestre.
La seule mort pourra mon vouloir effacer.
La Nourrice.
» OÔ quel monstre de veoirvoir les grandes putasser !
ClitemnestreClytemnestre.
» C’est faute de pouvoir, ou d’heur, ou de science,
» Du changement d’amour, n’avoir l’experienceexpérience.
--- 23 ---
La Nourrice.
595» Les esprisesprits deréglezdéréglés de vous autres tousjourstoujours
» PractiquentPratiquent les effectseffets des infames amours,
» Les amours defendusdéfendus plus souvent vous chatouillent
» D’inceste ou d’adultereadultère elles souvent se souillent
» Les grandes ont tousjourstoujours leurs esprisesprits allumezallumés
600» De vouloirs non permis et peu accoustumezaccoutumés.
ClitemnestreClytemnestre.
» On ne peut surmonter d’amour l’ardeur felonnefélonne.
La Nourrice.
» TousjoursToujours le repentir et le deuil le talonne.
ClitemnestreClytemnestre.
» CeluyCelui s’abuse bien, qui croit qu’une beauté
» Puisse toujours durer avec la loyauté.
La Nourrice.
605» CeluyCelui semble achever une juste cholerecolère,
» Qui met le fer vengeur sur sa femme adultereadultère.
ClitemnestreClytemnestre.
» CeluyCelui est plus que fol, qui ne sçaitsait s’essayer
» Les ruses d’un trompeur de ses ruses payer.
La Nourrice.
» Or je voyvois maintenant qu’il n’y a telle peine,
610» Que celle que le lictlit de jalousie ameineamène ?
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Comment ? sans moderermodérer tout petit à petit
VostreVotre mal, vous suivez vostrevotre libre appetitappétit.
ClitemnestreClytemnestre.
OuydeaOui-da : en despitdépit de l’Atreane souche
EgisteÉgisthe sera Roy de ma Royale couche.
La Nourrice.
615Aux chiennes il convient, aux chiennes voirement
Demander de plusieurs l’infameinfâme accouplement.
ClitemnestreClytemnestre.
» L’amour surmonte tout : pour luylui Jupin lamente,
» Pour luylui Titan pallitpâlit : l’amour chacun tourmente,
» L’amour surmonte tout, la fille de CeresCérès,
620» PassionaPassionna Pluton, Adon laissa ses rets
» Pour cortizercourtiser Venus, Mars vers elle se garbe,
» PolyphemePolyphème se peigne et prend soin de sa barbe,
» Narcisse aime son ombre, et Pan veut un miroir,
» Hercule Iole suit, l’amour fait tout paroir,
625» L’amour eschele tout, dessus Chartage il guide
» Le brave Scipion, et sur Pergame Atride,
» Tout fleschitfléchit à l’amour, et moymoi je n’ayai le coeur
» Pour repousser son dard qui est du mien vainqueur.
--- 25 ---
EgisteÉgisthe.
Princesse quand je voyvois le tableau de ta face,
630Qui de l’aube l’honneur et de Diane efface,
Je demeure ravisravi, et égaré de moymoi,
J’entrecoupe en souspirssoupirs les termes de ma voyvoix.
Je ne sçaysais si ce sont ou flambeaux ou sagettes
De ses deux beaux rayons, quand contre moymoi tu jettes
635Tes attraisattraits doux-amers, helashélas ! mon coeur blessé
SçaitSait bien que c’est un dard contre moymoi élancé.
DeesseDéesse ce doux ris qui doucement découvre
De perles deux beaux rangs, telles que l’on recouvre
Aux coquilles de l’Inde : et ces chants gracieux
640Qui pourroyentpourraient mignarder l’ordonnance des cieux
Ce sont enchantemensenchantements, Madame, c’est un philtre
Qui ne m’a rien laissé de l’homme que le tiltretitre.
Puis que Jupin a mis un tel destin sur moymoi
Et qu’il me faut mourir et revivre pour toytoi,
645Je suis plus que content que l’amoureuse flecheflèche
Pour vous face en mon coeur une apparente brechebrèche :
Ce m’est un grand plaisir qu’une telle prison
Pour me donner espoir efforce ma raison.
Bien-heureuxBienheureux soyentsoient les fers qui enchainent mon ameâme,
650Bien-heureuxBienheureux soit le feu, et le bois qui m’enflameenflamme,
Heureuse servitude, en ta captivité,
Je veux entretenir ma cherechère liberté.
Je ne sçaysais où je suis, car pour un tel tableau,
Je suis trop bas sujet, pour un si beau flambeau,
655Mes yeux sont éblouis, pour un tel DiadémeDiadème,
Je n’ayai propre le front : et rien n’est en moymesmemoi-même,
--- 26 ---
Qui ne se sacre à toytoi, qui pour toytoi librement
Ne quictequitte l’usufruictusufruit de ce bas elementélément.
Mais, ô le seul Phoenix de la beauté Royale
660Imite le Soleil, qui aussi tosttôt estaleétale
Le safran de ses rais, sur l’émail descouvertdécouvert
D’une petite fleur, que sur un sapin vert,
Et son oeil tout luisant fait place à ta lumierelumière,
Aux dames apprenant l’ordonnance premierepremière
665De ne mesprisermépriser nul, permets donc à l’amour,
M’osterôter de cestecette nuictnuit et me monstrermontrer le jour
Que je desiredésire autant que Delos son Patare,
Monstre moy-moi le flambeau sans lequel je m’égare,
Que n’ayai-je mille coeurs pour te les tous offrir,
670Aussi tu le meritemérites, et je voudroisvoudrais souffrir
Pour toytoi les plus forts darsdards que l’Archerot decochedécoche
De l’acier de tes yeux quand quelqu’un s’en approche.
Quand la torche du jour redore l’univers,
Je ne puis exiler les pensemenspensements divers
675Que la nuictnuit m’entretient, je ne clos ma paupierepaupière
Charmé du souvenir de ma douce guerriereguerrière,
Tout ce que j’apperçoyaperçois de plus beau icyici bas
Ressemble le deduitdéduit de tes mignards ébasébats.
VoyVois, l’ardeur de mon foyefoie, où l’ardente flammecheflammèche
680De ce Dieu boute-feuboutefeu a consumé sa flecheflèche.
Et gaignégagné tellement ma simple volonté
Que désdès ce temps jamais son vol n’est arrestéarrêté,
Imitant du printemps la verdeverte sauterelle,
Qui sur le verdvert tapis d’un pré tousjourstoujours sautelle,
685Et de ses esleronsailerons les fredons déployant
PassagerePassagère, s’en va çà et là fourvoyant,
Où tout ainsi qu’un voit de Phoebus la lumierelumière
Par un esclairéclair de verre entrant en une aiguiereaiguière
Pirouetter long temps, ores haut, ores bas,
690Amusant un jeune oeil à ces fuyards esbasébats :
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Ainsi j’erre tousjourstoujours, soit que par un bois sombre
J’aille fantasque veoirvoir l’abri d’une belle ombre,
Ou la feuillade honneur du secret arbrisseau,
Ou le plaisant gazouil d’un trepignant trépignant ruisseau,
695Soit que j’aille admirer un divers paysage,
Une hayehaie, un jardin, un oiselier boccage,
Et le ramage doux des Terpins forestiers,
Ou des antres espais épais les escartezécartés sentiers,
TousjoursToujours ton oeil me luit, et tousjourstoujours ma penseepensée,
700Çà et là virevolte en ton ameâme enlacée.
Et puis sur un dessein un autre rassemblant
L’amour vient ma vigueur de vigueur affoiblantaffaiblant.
Et bien que chascunchacun t’aime et que tout oeil t’admire,
ChascunChacun n’a pas mes yeux, tous n’ont pas mon martyre
705Pourtant je fuis à toytoi comme un Cerf que l’archer
En son coeur endurcyendurci fait un trait decocherdécocher,
Qui court d’un pied esléailé ains que la mort le pamepâme,
Par monts et vaux chercher son Chiron le dictame.
ClitemnestreClytemnestre.
Je ne sçauroissaurais fermer les yeux à ton amour,
710Je ne sçauroissaurais nier à ton mal le secoursecours,
Tu m’as ensorcelé : je m’abuse, les Dames,
» Qui couvent trop long tempslongtemps les cendres de leurs flamesflammes
» Et qui pour appaiserapaiser la cuisante langueur
» Du desirdésir compagnon de plainte et de rigueur
715» S’abandonnent au choc de la Cyprine alarme
» Accusent le destin, la fortune et le charme,
» Les arts Thessaliens, de Circé les boissons,
» D’un coeur chaste et loyal ne leventlèvent les moissons ;
» Je ne puis toutesfoistoutefois rejecterrejeter ta constance,
720Qui nous androginantandrogynant d’une ferme alliance
Me fait chasser l’amour, la promesse et la foyfoi
Du Tyran mon espouxépoux, et me donner à toytoi.
--- 28 ---
EgisteÉgisthe.
L’elephant éléphant porte-tour appaiseapaise sa furie,
Quand il voidvoit un corps nudnu sous les rais de Clarie
725D’une gentilegentille nymphe, il s’arrestearrête tout coycoi
Et semble avoir les dards du Gnosien carquoycarquois :
Et moymoi voyant les traits de ta rosine face,
La grandeur de ton front, la douceur de ta gracegrâce,
AurayAurais-je tellement l’estomachestomac refroidyrefroidi ?
730Sera ainsi mon coeur laschementlâchement engourdyengourdi ?
Et passeraypasserai-je ainsi de mon aageâge l’Avril,
Infame, loup-garou, MysogineMisogyne inutil ?
ClitemnestreClytemnestre.
Je ne sçaysais déguiser le glaive qui entame
De toutes parts mon coeur, desjadéjà ma tremblante ameâme
735Ressemble le flambeau sur la table allumé,
Qui s’est servant autruyautrui soymesmesoi-même consumé :
Mais je veux cyci apresaprès en serenantsereinant l’Altesse
De mon front accoiser l’orage qui me blesse,
» C’est trop tromper les jours de peine et de tourment,
740» TousjoursToujours chercher les grands et d’aimer hautement.
» La grandeur et l’amour ensemble mal s’accordent,
» La crainte et le soupçon à l’entour d’eux abordent,
» Mile Argus vont apresaprès pour au fait les saisir,
» Jamais avec la peur ne nous plait le plaisir.
EgisteÉgisthe.
745Ainsi que le fievreuxfiévreux qui dans la chaude couche
Ne pense qu’aux ruisseaux pour rafraichirrafraîchir sa bouche,
Je ne pense qu’à toytoi, qui d’une goutte d’eau
EsteindrasÉteindras en mon coeur ce brazillantbrasillant flambeau :
Ce coeur qui tout ainsi qu’au feu se fond la cire,
750Se consume et se cuictcuit soymesmesoi-même en son martyre.
» Plus est, helashélas ! plus est une goutte de sang
» Que le coeur palpitant dégorgé de son rang,
» Que tous les flots de l’oeil, et que toutes les larmes,
» Qu’il verse du malheur aux plus chaudes alarmes.
--- 29 ---
Le choeur.
755» Fuyez d’amour les darsdards,
» Fuyez son arc, qui à nul ne pardonne,
» Fuyez son feu qui les cueurscoeurs environne,
» Fuyez ses estandarsétendards.
» DésDès lors quelorsque son pouvoir
760» SecrettementSecrètement gaignegagne vostrevotre mouellemoëlle,
» Tout est perdu, vostrevotre maison rebelle
» Ne fait plus son devoir.
» La folle passion
» De ce doux mal qui dans l’homme furonne
765» À tous hazardshasards aveugle l’abandonne,
» Sans apprehensionappréhension.
» Et puis le repentir
» Trop tard le prentprend, et la rage bouillante
» Du mal passé plus dure et violente
770» Fait la faute sentir.
» L’ardeur du sang s’esteintéteint,
» L’ouyeouïe se pertperd, l’oeil devient triste et cave,
» Ridé le front et le visage have
» De blanc le chef se peint.
775» Ainsi qu’un jour d’hyverhiver,
» Ou un ruisseau, la volupté se passe,
» Puis il nous faut en fin tous en la nasse
» De Charon arriver.
» Le Parthe vise-droit,
--- 30 ---
780» N’a décoché si soudain sa sagette,
» Que le destin en la tombe nous jette,
» Malgré qu’on ne voudroit.
» Lors on compte les jours
» Qu’on a perdu en si folle penseepensée,
785» De la vertu fuyant le CaduceeCaducée,
» Enchanté des amours.
He Dieu qui penseroitpenserait
Que le bouccon de l’amoureuse rage
DevroitDevrait armer d’EgisteÉgisthe le courage,
790Et qu’Atride il tûroittûrait ?
Qui diroitdirait qu’aux esbasébats
De son plaisir la parque les fers forge,
Et que VenusVénus commande qu’il l’égorge
Et qu’il le pousse à bas ?
795L’Argolide maison,
N’a rien qu’horreurs dessus son frontispice,
Que deuil qu’ennuitennui, et retraitteretraite du vice,
Elle fuytfuit l’horizon.
Il ne luylui suffit pas
800D’entretenir l’inceste et l’adultereadultère,
Mais de son Roy, infameinfâme vituperevitupère
Elle avise au trespastrépas.
OÔ crevecoeurcrève-coeur, esmoyémoi
Agamemnon les Troyens escarmouche,
805Sa femme prend les plaisirs de la couche
Et viole sa foyfoi.
--- 31 ---
ACTE TROISIESMETROISIÈME.
La Nourrice.
Quelle fureur vous tient, quelle ardente manie
OÔ amansamants enchantezenchantés, vos volontezvolontés manie ?
Qui vous fait engager la seuresûre liberté
810Sous ce bastardbâtard amour par nature avorté ?
Nature qui n’a fait erreur plus manifeste
Ni rien plus imparfait que l’amoureuse peste.
Quelle audace vous tient, vous qui vous renommez
Des Nymphes trois fois trois les enfansenfants, qui sommez
815Les bois à vous ouyrouïr, et les Rochers à croire
Que vous estesêtes les fils de labeur et memoiremémoire ?
Mais pourquoypourquoi faictesfaites-vous de cestcet enfant un Dieu,
Si l’impudicq’ amour n’eut jamais au ciel lieu ?
Les immortels ont soingsoin des creaturescréatures basses,
820Ils prosperentprospèrent leurs jours, ils les comblent de gracesgrâces,
Ils sont plainspleins de pitié, ils allegentallègent noznos maux,
Ce borgne Emianor nous remplit de travaux,
Il aymeaime ensanglanter de nostrenotre sang ses fléchesflèches
Et enfonce en une heure en noznos cueurscoeurs milemille bréchesbrèches.
825D’où a -t-il le pouvoir pour commander sur nous ?
A -t-il un passe-portpasseport du ciel, pour contre vous
Allumer son brandon ? qui le fournit de flamesflammes ?
N’est-ce pas le brazierbrasier des desirsdésirs de vos amesâmes ?
Puis doncques que de vous sa puissance il reçoit,
830C’est vostrevotre mesmemême esprit, qui vostrevotre ameâme deçoitdéçoit.
C’est vostrevotre mesmemême feu qui vous bruslebrûle et enflameenflamme.
Puis quePuisque l’homme est formé et du corps et de l’ameâme,
--- 32 ---
L’amour du corps n’est rien qu’une douce poison,
Mais celuycelui de l’esprit tenant de l’horizon,
835Son immortelle essence, en tient aussi la force,
Et s’il ne prend jamais de quelque vice amorce,
Tout pur, tout beau, tout franc il s’envole là -haut,
Il quictequitte de ce corps la scenescène et l’eschauffautéchafaud,
Il voisine du ciel la brigade estoileeétoilée,
840Il admire Jupin, et sa table emmieleeemmiélée
D’un favorable apprestapprêt, il voit l’amour premier
Que l’homme ne peut veoirvoir tandis qu’il est fermier
Du caducquecaduque logis, il a ce qu’il desiredésire,
Et content autre part sa volonté n’aspire.
845Cil qui est amoureux du corps freslegrêle et legerléger,
En son entendement ne peut jamais loger.
Un hostehôte plus meschantméchant, son Cupidon le geinnegêne,
D’un divers appetitappétit, d’une eternelleéternelle peine,
Et au plus beau du jour il l’aveugle en ses rets,
850Courant melancholiquemélancolique aux plus sombres foretsforêts.
Par la cause l’effecteffet, le ruisseau par la source
Il vous convient peser. Or me dictes quelle Ourse,
Quel Cadran vous conduit nommer du nom d’amour
Un monstre si puant ? Ou la nuit vous est jour,
855Ou vous avez perdu de la raison l’estoileétoile,
Ou bien quelque DemonDémon de tenebresténèbres vous voile,
Quand croyez que le vice on surnomme vertu,
Que du tiltretitre d’amour Cupidon soit vestuvêtu :
Est-ce pourceparce qu’il aymeaime une ThaisThaïs impure,
860Au lieu d’une LucreceLucrèce, ou pourceparce qu’il procure
Les doux allechemensallèchements d’une chaste beauté,
Que, fols, vous le rengezrangez en la divinité ?
Est-ce pour ceparce qu’il fuit les brandons et la lampe
Du jour, que comme Hercul, sur les cieux on le campe ?
865Qu’il osteôte à Mars le fer, le tonnerre à Jupin,
--- 33 ---
À Neptun le trident, le thyrseau Philenin,
Que vous sacrifiez cestecette puissance belle ?
Que vous tenez du ciel à sa forte quadrelle ?
Ne pensez pas, amansamants, que ce songe-malice
870De l’Agenorien soit sortysorti de la Cuisse,
Puis quPuisqu’il l’a tant de fois renié en un jour
Qu’il a maudit sa race et le PerePère d’amour,
Contraint de quelquefois folastrerfolâtrer dessus l’herbe,
Comm’Comme un Taureau, poussé d’une Dame superbe,
875Quelquefois en Satyre avec sa Lede encor,
En un CigneCygne neigeux, et d’autrefois en or.
Les forts naissent des fortes, le Tiercelet n’engendre
Le lascif passereau, rare cas, veoirvoir descendre
Un couard d’un hardyhardi, et joindre pour beaucoup
880L’escouffle et le Poulet, la Brebis et le Loup,
Le Coq et le Lyon, l’Hibou avec la Vigne,
La PantherePanthère à l’HieneHyène, et l’Aigle avec le CigneCygne,
La TaulpeTaupe et le FourmisFourmi. PourquoyPourquoi donc dictes dites-vous
Que pour PerePèreil a Mars ? l’un ne craint point les couscoups
885L’autre presque pour rien s’enfuytenfuit tousjourstoujours en doute,
Et fait perdre souvent ceux qui suivent sa route :
L’un par le libre jour conduictconduit ses escadrons :
Et l’autre va de nuictnuit à l’heure des larrons.
Encor moins est-il fils du forgeron qui chope,
890Gage de son forfait, et qui maistremaître Cyclope
Travaille sans cesser, et duquelle marteau
Industrieux ne pend par paresse au poteau.
Ce seroitserait trop mentir de la bonne nature,
Cestuy-cyCelui-ci ne fait rien, il n’a ni soingsoin, ni cure,
895Damereau, balladinbaladin, des vauneans connu,
Il n’a point de mestiermétier, aussi va--t-il tout nu.
Ha ostez ôtez-vous de là, votre raison est folefolle,
Vous dictesdites que sa main les plus puissanspuissants affole,
--- 34 ---
Et que son dard fait testetête au fouldroyantfoudroyant Jupin,
900Ne le craignant non plus qu’un MeurierMûrier un Sapin
Vous voyez toutesfoistoutefois que sa flecheflèche acérée,
Sur Diane, ou Minerve est vainement tirée,
Qui redoutera donc ses feux, ses arcs, ses hains,
Des vierges puis qupuisqu’il craint les delicatesdélicates mains ?
905Que je louëloue celuycelui qui cognoissantconnaissant son estreêtre
Du meslangemélange confus du CahosChaos le fit naistrenaître,
Car partout où il va le meurtre et le debatdébat,
D’un doux-amer venin tous les plaisirs abat,
L’ambition le suit, la folle jalousie,
910Avec le repentir trouble sa fantaisie.
Avez -vous jamais veuvu l’amoureuse fureur
EstreÊtre quictequitte d’ennuitennui, ni de peur, ni d’horreur ?
Et n’avez -vous pas veuvu que lors qulorsqu’il s’evertueévertue
De rage et de dépit l’amyami son amyami tue ?
915Le frerefrère du germain conjure le trépas,
Et le marymari enlasseenlace un serpent en ses bras.
Mais quoyquoi ? voudriez -vous veoirvoir un plus beau tesmoignagetémoignage
De son front impudent, et de son bas courage ?
Regardez, ce belistrebélître est tout nudnu, et aux os
920Il couve la boisson esclave d’Atropos,
Sous sa simplicité l’hypocrisie vogue,
Et ce debiledébile enfant faictfait quelquefois du rogue.
Quel montgibel fournit son brandon allumé ?
N’est-ce pas de l’enfer le cloaque enfumé ?
925D’où vient que quand l’Amant de passions s’attiffeattife,
Il est plus malheureux que Tite ou SizipheSisiphe ?
D’où vient que par les airs il fait guinder ses cris,
Et que tout l’univers se rit de ses écris ?
D’un Stygien Dragon il emprunta les élesailes,
930Car il prevoyoitprévoyait bien que ses trousses cruelles,
--- 35 ---
AnimeroyentAnimeraient le cueurcoeur des plus couarscouards humains,
Et de course leurs pieds, et de glaives leurs mains,
Pour lui courir dessus, et desjadéjà de l’Averne,
Il fusse allé loger en l’obscure caverne.
935Aussi on a bien faictfait de luylui bander les yeux,
Car il ne pourroitpourrait veoirvoir tant d’actes odieux,
Tant d’horribles tourmenstourments, de debasdébats, de querelles,
De plaintes, de souspirssoupirs qu’il couve sous ses eslesailes,
Il ne lespourroitpourrait veoirvoir sans se noyer de pleurs,
940Jamais il ne verroitverrait cestecette mer de douleurs.
Ou bien il est aveugle, affinafin que chacun sache
Que la clarté des yeux de l’esprit il arrache,
Et que ses serviteurs du tout ne voyentvoient rien
En galoupantgalopant au mal pour eviteréviter leur bien.
945Ce petit Diableton toutesfoistoutefois tant se prise
Que du monde il voudroitvoudrait conquester la maistrisemaîtrise,
Il fait trop peu de cas d’un seul sceptre d’un Roy,
Il les veut tous gaignergagner et d’un pompeux arroyarroi
Il veut estreêtre premier, et bragard il triomphe
950Des folliesfolies des grands en son char de triomphe.
Voyez -vous maintenant si sous son faux appas,
Le Royal DiademeDiadème amorcé il n’a pas.
Voyez -le maintenant si son dard ne supprime
L’Hymenean devoir, voyez comm’commeil imprime
955De Clytemnestre au cueurcoeur l’impudique desirdésir
D’un autre pour espouxépoux en sa couche choisir.
OÔ sainctesainte DelienneDélienne appaisezapaisez cestcet orage,
Que sa chaste raison ne cedecède à cestecette rage.
--- 36 ---
ClitemnestreClytemnestre.
L’Aurore rousoyant par les cieux azurez
960Chasse devant ses rais les postillons dorezdorés,
Qui nous luisent de nuit, et la perruque blonde
Du soleil reconduit la lumierelumière en ce monde
Rajeunissant le jour. Sus Clytemnestre, sus,
MonstreMontre à tous les liens que tes mains ont tissus,
965Fais ton coeur tresmoussertrémousser de mil’mille horreurs soudaines,
Et caillonne ton sang en tes cruelles veines,
Recommence les cris de ton regret premier,
Et fais gemirgémir le ciel à ton dueildeuil coustumiercoutumier,
Emprunte des Corbeaux la chanson crouassierecroassière,
970Que ta voix de Charon estonneétonne la naviere,
Surmonte par tes pleurs l’AquaticqueAquatique Aleyon
Et des filles la voix du dolent Pandion :
Aussi de plus grands maux ta fortune est fecondeféconde,
Nul est si malheureux qui tes douleurs seconde.
975Vous qui m’avez produit du monde aux vains esbasébats,
S’il y a quelques sens aux ombres de là -bas,
PeresPères, escoutezécoutez moymoi, ô truchemenstruchements celestescélestes,
Voyez de mes souspirssoupirs les raisons manifestes.
La Nourrice.
Les boulets de Jupin de son sein descendansdescendant
980D’Evan ni de CeresCérès ne vont fouëtantfouettant les flansflancs,
TousjoursToujours sans relascherrelâcher à leur fureur l’haleine
D’orages ni de vensvents tousjourstoujours la mer n’est plainepleine,
TousjoursToujours le ciel ne pleure, et tousjourstoujours tes esprisesprits
--- 37 ---
Sont de nouvelle rage et de feu nouveau pris.
985Quel furieux folastrefolâtre, ou bien quel Aconite,
Quel sommeilleux panot en ton cerveau habite ?
Et quel If brulebrûle-sang, quel Psille attriste-coeur,
Quel Colchois EphemereÉphémère a ravi ta vigueur ?
Mais plustostplutôt quel DemonDémon se loge dans ton ameâme,
990Qui tant et tant d’horreurs en ton desirdésir affame ?
ClitemnestreClytemnestre.
Clytemnestre aujourd’hui par ses subtils moyens
Trompera son marymari, le fouldrefoudre des Troyens,
J’ayai trouvé maintenant les plus subtiles ruses
Qui sont par la nature en nos amesâmes infuses,
995Et si jamais l’amour a aveuglé quelqu’un
Je serayserai la premierepremière, et diraydirai à chacun
L’inevitableinévitable editédit, la puissance, la force,
La rage et la fureur de l’amoureuse amorce,
À mille heure il revient ce Cyprien guerrier
1000Aux lacs emprisonné d’un coeur machemâche-laurier.
La Nourrice.
Garde t’en, mon enfant, ah ! où es -tu logée ?
Quand cela adviendroitadviendrait tu en seroisserais rongée
D’un renaissant remortremord, et tousjourstoujours à tes yeux
Ce forfait porteroitporterait des fantaumesfantômes hideux :
1005Tu auroisaurais sans repos le repentir pour gage,
Qui te demangeroitdémangerait d’une intestine rage :
Tout ainsi qu’un ulcereulcère ou un chancre heritierhéritier
D’un Cachexicque corps : à tout coup le portier
Du Tartare beantbéant, MegereMégère, et Proserpine
1010AuroyentAuraient leur escadron au fondsfond de ta poictrinepoitrine.
ClitemnestreClytemnestre.
Je ne puis avoir pis, l’eau la terre et le sort,
Ont darolé ma vie, ils ont sapé le fort
De ma forte grandeur, les enfumezenfumés Cyclopes
--- 38 ---
Sous un air carnassier, les Brontes, les Steropes,
1015Ont aceréacéré mon coeur, ingénieux ils font
De mes pieds un enfer, et un ciel de mon front.
» La femme est un sujet qui reçoit toute forme,
» Et qui les plus vaillansvaillants esclave à sa Chiorme,
» Animal endiablé, il n’y a rien de fort,
1020» De durable, de grand que son subtil effort
» Ne dompte quand il veut, la plus gentilegentille addresseadresse
» Des plus accors esprits, la plus caute finesse,
» Les charmes plus rusezrusés, ne se pourroyentpourraient garder
» De ce qu’à son vouloir il luylui plait commander,
1025» On peut apprivoiser ou par art ou par force,
» Les Onces, les Lyons, mais en vain on s’efforce
» Des femmes de changer le retifrétif naturel,
» C’est mettre l’huile au feu, duel contre duel,
» Et pescherpécher parmyparmi l’air, la femme s’enfurie
1030» Quand l’homme pense avoir sur elle seigneurie.
Nourrice, penses -tu que je puisse caler
Les voiles de mon mal avec ton doux parler ?
Je veux targuer mon bras, je veux armer ma face,
Je veux daguer mon flanc, endosser la cuiracecuirasse,
1035Et contre mon marymari me charger de l’harnois,
Pour d’un coup memorablemémorable honorer les Danois.
La Nourrice.
OÔ souspireuxsoupireux regrets ! ô volonté cruelle !
L’espouseépouse de l’epouxépoux le sepulchresépulcre martellemartèle :
Que dictesdites-vous mes yeux ? tarirez -vous vozvos cours
1040Sans premier accoiser ces furieux discours ?
ClitemnestreClytemnestre
Nourrisse, tu veux donc qu’un palais idolastreidolâtre
Une garsegarce captive, et qu’elle soit marastremarâtre
À mes chers nourrissons, non, non, EgisteÉgisthe et moymoi
Débornerons l’honneur de leur parjure foyfoi.
--- 39 ---
1045Il mourra le paillard entrant par cestecette porte,
Et qu’ailleurs les tropheztrophés de sa guerre il remporte,
Ainsi nous jouyronsjouïrons, contenscontents en nos desirsdésirs
Dans le lit genialgénial de l’amoureux plaisir,
Alors nous quicteronsquitterons cestecette glaceuse crainte
1050Et l’encombrier soubçonsoupçons dont mon ameâme est attainteatteinte.
» On ne peut appeler un tourment estreêtre egalégal
» À ce jaloux amour du serment conjugal.
» Il n’y a passion, il n’y a phrenesiefrénésie,
» Qui surmonte le mal cruel de jalousie
1055» Il vaudroitvaudrait mieux vouer ses os à Atropos,
» Et son ameâme à Minos, qu’à ce dueildeuil sans repos.
» Alors qu’un tel poison plainplein de fiel et de haine,
» D’une femme a gaignégagné le furieux domaine,
» Sur les reins de Thetis les Autans bourdonnansbourdonnant
1060» Du lance-fouldrefoudre Dieu les canons estonnansétonnant,
» Le feu Gregeois rempantrampant sur les feux d’une ville,
» Et la peste infectant puante une famille,
» L’implacable courroux d’un soldat inhumain,
» Qui a l’horreur au front et le fer en la main,
1065» Peut bien espouventerépouvanter le plus vaillant courage :
» Mais tout cela n’est rien au respect de la rage,
» Que la femme conçoit quand elle sent son coeur
» Enfiellé de regret, d’envie et de rancueurrancoeur.
La Nourrice.
Et bien ? occiras -tu en dépit de Cassandre
1070CeluyCelui que ni Hector, ni le brave Alexandre,
Ni son jaloux Achil, n’a vaincu ? dont le sang,
Des HerosHéros demidieuxdemi-dieux est mis entre le rang ?
Germe prodigieux, ô mère de Penthee,
Jamais par ton marymari tu ne fus irritée.
1075» Pour avoir part au lictlit d’une nopcierenocière foyfoi,
» Pour jouir d’une Dame, on cheritchérit quelque foyquelquefoi
--- 40 ---
» Un chagrineux espouxépoux, et de maintes caresses,
» On voile l’appetitappétit des secrettessecrètes destressesdétresses,
Et par l’injuste fer, il vous plaitplaît de chercher
1080La mort de celuy celui-là qui vous coustecoûte si cher.
ClitemnestreClytemnestre.
Ma meremère, il est conclu, et je suis resolue
Qu’EgisteÉgisthe, par lequel nostrenotre couche est pollue,
L’occira s’il revient, et jamais de ses yeux
Ce Prince ne verra l’un des Princes des cieux.
1085J’anatomizerayanatomiserai son corps comme MedeeMédée
Fit celuycelui de son frerefrère au sepulchresépulcre d’EgeeÉgée.
» Mais quoyquoi, il t’en faut taire, et le dire à un tiers
» Cela est publier : car on sçaitsait volontiers
» Ce que deux ont prescriptprescrit, la principale souche
1090» Du secret, est n’ouvrir au troisiesmetroisième la bouche.
La Nourrice.
Et qu’est-ce que tu veux que je tienne secret ?
ClitemnestreClytemnestre.
Ce n’est pas un flambeau, un dard, un halecret.
La Nourrice.
Je te donne ma foyfoi, si la tienne est sans crime.
ClitemnestreClytemnestre.
C’est un juste courroux qui malement m’anime.
La Nourrice.
1095C’est un parjure esprit qui t’a ainsi charmé.
ClitemnestreClytemnestre.
C’est un divin esprit qui m’a tant enflammé.
La Nourrice.
OÔ maudite parole ! ô RoyneReine evergongnéeévergognée !
Quel dieu a commandé trahir son HymeneeHyménée ?
Quel coup, quel nerf, quel fer, ton bras renforcera
1100Pour tuer ton marymari ? mais qui te sauvera
Des traits du grand Jupin ? qui lascheralâchera la bride
--- 41 ---
De sa rigueur sur toytoi ? oô femme marricidemaricide !
Clytemnestre.
Elle viendra trop tard, et mon dessein est bref,
Je ne craindroycraindrais le ciel s’il tomboittombait sur mon chef.
La Nourrice.
1105Tu tûrastueras ton espouxépoux ?
ClitemnestreClytemnestre.
Non, mais un adultereadultère.
La nourrice.
Tu en as autant fait.
ClitemnestreClytemnestre.
Vengeant mon vituperevitupère.
La Nourrice.
Comment le tûras-tueras tu ? Sera -ce par le fer ?
ClitemnestreClytemnestre.
Par le fer, tous engins me fournira l’enfer.
La Nourrice.
Si le fer de son corps ne fait la boucherie.
ClitemnestreClytemnestre.
1110J’ai presteprête la poison.
La Nourrice.
OÔ quatriemequatrième furie !
L’espouventableépouvantable horreur te guide en ce sentier
Où va hidrehydre effroyable, où ce grand chien portier,
Qui te fait dégorger le vouloir de ton ameâme
PlainPlein de contagion à ton sexe de blameblâme,
1115MegereMégère et Alecton se servent de ton coeur
Pour fourreau aceréacéré de leur vive fureur,
Et charmant tellement tes erres inhumaines,
Elles font ensouffrerensoufrer leur charbon en tes veines,
Et ont prinspris pour soufflets tes empestezempestés poumons
1120Et glacent par tes yeux l’eau des Abarimons,
Et tout ton corps les sert, et de forge et d’enclume,
--- 42 ---
AffinAfin d’y marteler la fureur qui t’allume :
Mais reprensreprends tes esprisesprits, et n’appresteapprête un tombeau
Pour un lictlit à celuycelui qui te sert de flambeau,
1125D’Achate, et de Phanal : recours à ton remederemède,
OÔ coeur trois fois plus fur que cil de DiomedeDiomède.
Je croycrois quand tu nasquisnaquis que le parastreparâtre ciel,
Dedans ton laschelâche esprit ne versa que du fiel.
L’eau qui apresaprès Iris des goustieresgoutières dégoutte
1130Un marbre caveroitcaverait en tombant goutte à goutte,
Et quasi un ruisseau de mes yeux découlé,
Ne peut mordre en ton coeur de meurtre embagoulé.
ClitemnestreClytemnestre.
Va déloyale, va où Pluton te convoque,
Va remascherremâcher ton coeur, et tout l’Herebe invocqueinvoque,
1135Clytemnestre il est temps, EgisteÉgisthe accouraccours icyici,
Oste Ôte-moymoi des liens de ce triste soucysouci. 17
EgisteÉgisthe.
Si Hercule fila pour complaire à Iole,
Si Jupin tant de fois a descendu du pole,
AffinAfin d’évaporer de ce brazierbrasier l’ardeur,
1140Pour toytoi, mon cher amour, d’une inelle roideurraideur
Je descendroydescendrai la bas, et si voudroisvoudrais combattre,
Pluton et RadamanteRhadamanthe, et leurs siegessièges abattre :
Pour toytoi j’iroyirais ravir la fille de CeresCérès,
La torche à Alecton, à Diane ses rets.
ClitemnestreClytemnestre.
1145Aussi tu es l’appuisappui du dessein qui me guide,
C’est toytoi qui sous l’abri du Paradis de Gnide
Diapré de couleurs, de fleurs cameloté,
M’as redonné la vie et puis la m’as ostéôté.
Tu seras desormaisdésormais ma plus seuresûre Momie,
1150L’essence de ton coeur sera mon Alchimie,
Tu seras mon Moly, Nepenthe brizebrise-ennuitennui
--- 43 ---
Du parc Hesperien et la garde et le fruit.
EgisteÉgisthe.
Ah, que n’ayai-je cent yeux pour t’admirer, madame,
Et que n’ayai-je cent nez pour odorer le bame,
1155Le cinabre et le muse qui de ta bouche sort ?
Que n’ayai-je encor cent mains pour toucher le beau port
De ce corps, rare prisprix du Ciel, et cent oreilles,
Pour escouterécouter tes mots, tes mots plainspleins de merveilles ?
BenitBéni soit l’archerot qui mit les fondemensfondements
1160De son brave trophétrophée en noznos embrassemensembrassements,
Et sous un doux sommeil en nostrenotre fantasiefantaisie,
Nous a fait éprouver la douce EpilepsieÉpilepsie.
ClitemnestreClytemnestre.
Tant de plaisirs fondus aux douces voluptezvoluptés
Nous rendront, je le sçaysais, de tristesse agitezagités.
1165Qu’attens attends-tu tant, mon ameâme ? évole envole-toytoi de terre
Pour aller veoirvoir là -haut le maistremaître du tonnerre.
EgisteÉgisthe.
D’où te vient cest’cettehumeur qui bouffit de despitdépit,
Et te veut separerséparer des joyesjoies de ce lit ?
Crains -tu Agamemnon ton marymari, qui rameineramène
1170La fille de Phoebus pour le change d’HeleineHélène ?
Pourras -tu endurer qu’elle prenne le droit,
Que le nopçalnoçal lien à l’un et l’autre doit ?
» Le RoyRoi seul veut regnerrégner, et le Duc seul commande
» L’amour des mariezmariés compagnon ne demande.
ClitemnestreClytemnestre.
1175Tu as eu toutesfoistoutefois en nostrenotre couche part.
EgisteÉgisthe.
Que sert de r’attizerattiser le feu qui tant nous artard ?
ClitemnestreClytemnestre.
Nul ne sçaitsait mes desduisdéduits qui ne me soit fidellefidèle.
--- 44 ---
EgisteÉgisthe.
» La foyfoi prend rarement les grands cours en tutelle.
ClitemnestreClytemnestre.
» L’inviolable foyfoi s’oblige par guerdons.
EgisteÉgisthe.
1180» La foyfoi qui vient par prisprix se peut vendre par dons.
ClitemnestreClytemnestre.
Ah ! homme déguisé, monstremontres -tu ta faintisefeintise
ApresAprès qu’en tes filets perjureparjure tu m’as prise ?
Me viens tu rengraver telle honte en mon front ?
Mon coeur d’un tel remortremord éperdument se rontrompt :
1185Retire toy-toi d’icyici, garde que tu ne touche
Le rougissant corail de ma rosine bouche.
EgisteÉgisthe.
AppaiseApaise ton courroux. HeHé Dieu ! ne pense pas,
Qu’un miserablemisérable exil, ni qu’un cruel trespastrépas,
Puisse faire esbranlerébranler l’amour qui nous assemble,
1190Nos cueurscoeurs comme noznos corps sont mariezmariés ensemble,
Allons excogiter un asseuréassuré moyen,
Pour tuer ton marymari après le sac Troyen.
ClitemnestreClytemnestre.
Hardis advanceavance toy-toi : car tu n’as point d’excuse,
Soit par droit ou par tort, par vertu ou par ruse,
1195On doit tous les utilsoutils de l’esprit controuver,
Pour sur son ennemi la vengeance éprouver.
--- 45 ---
Le choeur.
Que l’on chante
Que l’on vante
Ce jour qui tant beau nous luit,
1200Le tonnerre,
De la guerre,
Là -bas vers Pluton s’enfuytenfuit.
La jeunesse, la vieillesse,
D’un ris egalégal s’ejouytéjouit,
1205Les alarmes
Et les armes
Ce beau soleil éblouytéblouit.
Les naufrages
Les orages
1210De la mer n’ont fait effort
Aux cohortes
Des Grecs fortes
D’Aulide dedans le port.
Car l’Atride
1215Qui presidepréside
Sur l’exercite, aime mieux
Que l’on ménemène
Iphigene
Pour sacrifice aux grands Dieux.
1220Il l’ala jette
Dans Phlegebe
Pour racheter ses vaisseaux,
--- 46 ---
Que fortune
Et Neptune
1225GuidoyentGuidaient aux vensvents et aux eaux.
CesteCette troupe
Qui galoupe
Dessus les planchers du ciel,
Soit la guide,
1230De l’Atride
N’embrouilantembrouillant son miel de fiel.
La perfide Tyndaride
Le monstre Thiestean,
Veut destruiredétruire
1235Tout l’Empire
Du Grec OceanOcéan.
--- 47 ---
Euribathe.
ApresAprès le long sejourséjour des PelasgesPélasges phalanges
Aux esloignezéloignés climats des nations estrangesétranges,
Et apresaprès avoir veuvu le superbe Ilion
1240En mazuremasure rendu, et que sa regionrégion
Deux lustres a porté les belliqueuses lames,
Avant que le cheval entrastentrât en ses Pergames,
Je rensrends gracesgrâces aux Dieux, j’adore leurs autels,
Je leur vouëvoue mes chans et mes voeux solemnelssolennels,
1245De ce qu’ils m’ont quictéquitté de la troupe guerriereguerrière,
Pour reveoirrevoir fortuné ma natale frontierefrontière,
Le survivant honneur de MyceneMycène revient,
Annoncer sa venue au peuple il me convient,
VoicyVoici Agamemnon qui sur les ondes calmes
1250Remporte des Troyens les Minervales palmes,
Il faut marquer ce jour d’un blanchissant crayon,
Qui d’Argos nous rendra le flamboyant rayon.
ClitemnestreClytemnestre.
Haste toy-toi, postillon, dis moy-moi comme se porte
Le RoyRoi Agamemnon et toute sa cohorte.
Euribathe.
1255Le bon heurbonheur l’accompagne et la faveur des cieux.
--- 48 ---
ClitemnestreClytemnestre.
Pour le me rendre ils sont certes trop ocieux.
Euribathe.
Vous le verrez tantosttantôt descendre de ses naves,
Et entrer au palais avec ses troupes braves,
Je suis venu devant pour commander à tous
1260LuyLui aller humblement honorer les genoux.
ClitemnestreClytemnestre.
Mais dis moy-moi, je te prie, où est ma seursoeur HeleineHélène,
Quel port les retient tant, quel sejourséjour les promeinepromène ?
Euribathe
Les perilleuxpérilleux hazardshasards de l’inconstante mer
Qui ont fait nos vaisseaux tout à rebours ramer
1265Ne me donnent loisir d’augmenter mes nouvelles,
Autant tristes aux yeux qu’aux oreilles cruelles :
Nous avons enduré milemille fois plus de maux
Sur les plains azurezazurés des Coulphes porte-naux,
Que n’ont dix ans duransdurant tous nos vaillansvaillants gendarmes
1270Dessus LaomedonLaomédon entonnant noznos alarmes :
Cil qui portoitportait la peur emprainteempreinte en son escuécu,
Retourne maintenant comm’comme un Prince vaincu.
Et de tous ces vaisseaux, ô dueildeuil ! il ne rameinneramène
De l’un que les cordeaux, des autres que l’Antenne.
ClitemnestreClytemnestre.
1275Quel desastredésastre odieux, quel Neptun courroussécourroucé,
A si rebellement nos navires poussé ?
Euribathe.
Vous me faictesfaites noircir le lis de mon message,
RacomptantRacontant le succéssuccès de ce triste naufrage.
ClitemnestreClytemnestre.
La peur bouche l’oreille à ouirouïr nostrenotre ennuitennui,
1280Et son douteux soupçon d’avantage nous nuit.
--- 49 ---
Euribathe.
Quand l’Ilion fustfut prinspris, le Doricque exercite
Change en rame ses armes et monte en l’Amphitrite,
Il fait beau veoirvoir les champs de pavillons vuidezvidés,
Il fait beau veoirvoir les Grecs dessus les flots guidezguidés,
1285Qui couvrent de Neptun la face sous leurs naves,
Comm’Comme un bois bien touffu. Les capitaines graves
Commandent de donner les voiles aux zephirszéphirs,
Qui au commencement halenoient leurs souspirssoupirs,
Quand voicyvoici la fureur des postillons d’EoleÉole,
1290Qui gronde et qui bouffit sur l’Atride gondole,
Et sur les arbres Grecs, BoreeBorée et le Nort,
Et Favon contre l’Eure, entonnent leur effort.
Il semble que Neptun contre Pallas bataille,
Et que le grand Jupin tous les Tritons assaille,
1295Que Pluton mal content adjourneajourne ses germains,
Pour rentrer en partage, et tous les cris sont vains,
Alors on se repent d’avoir dompté les ondes,
Et foulé à pied sec les flottes vagabondes,
Lors la jalouse envie on cognoitconnaît du trespastrépas,
1300Le fils suivroitsuivrait le perepère, et la mort ne veut pas,
Pyrrhe envie à AchilAchille, et à Ajax Ulysse,
MenelasMénélas à Hector, nul est qui ne pallissepâlisse,
Ceux -là sont seuls heureux qui à Troye sont morsmorts,
Pour ne reveoirrevoir l’effroyeffroi des Ionicques borsbords.
ClitemnestreClytemnestre.
1305En un mesmemême sujet ta douce-apreâpre nouvelle
La liesse et le dueildeuil diversement appelle.
OÔ sainctessaintes deitezdéités déridez vos sourcis,
Ne monstrezmontrez plus vozvos coeurs sur les Grecs endurcis.
--- 50 ---
[Le choeur des dames grecques] 18
Ah ! que c’est un doux mal le desirerdésirer de vivre,
1310La seule mort des maux de ce temps nous delivredélivre,
CeluyCelui qui a quictéquitté la prison qui le tient,
Libre s’esvoleenvole aux cieux, et là il s’entretient
En la mer des plaisirs, il desfitdéfit la fortune,
Il ne craint plus les flots du Baltique Neptune,
1315Il ne craint plus les feux qui devorentdévorent les toistoits
Des superbes maisons des Princes et des RoysRois,
Il ne craint les chevaux d’une troupe guerriereguerrière,
EsparpillantÉparpillant en l’air une espesseépaisse poussierepoussière.
OÔ que c’est un grand mal de ne pouvoir mourir,
1320Et tousjourstoujours en son coeur son souvenir nourrir,
SoubsSous une traistretraître nuit nous avons veuvu les flamesflammes,
Des Dardanides murs violer les Pergames.
Nous avons éprouvé Taupes en nostrenotre mal,
L’impostureux presentprésent du Dorien Cheval,
1325Qui cachoitcachait traistrementtraîtrement en ses creuses entrailles
Mille et mille soldats, l’effroyeffroi de noznos murailles,
Nous avons veuvu noznos RoysRois occis sur les autels,
OÔ implacable hostie, ô vous Dieux immortels,
Vous avez consenti que vozvos beaux edificesédifices,
1330Fussent bouleversezbouleversés, et que pour sacrifices,
On vous donna cruels, d’AstianaxAstyanax les os,
Au cercueil paternel qui estoientétaient en déposdépôt,
Pour un jour relevant Troye tapie en cendre,
Faire encores Hector d’Achille se deffendredéfendre,
1335Qui ne pleureroitpleurerait donc, si l’esclairantéclairant Phoebus
De ce peuple mutin n’a peu veoirvoir les abus ?
Dieux qui avez causé les pertes Iliades,
Prenez pitié au moins de ces Nymphes Troades.
--- 51 ---
Cassandre.
Essuyez de vos yeux ces larmoyanslarmoyants ruisseaux,
1340Seule je suffis bien à lamenter nos maux,
Mon dueildeuil ne cedecède à autre, et jamais les alarmes
Des Grecs n’ont meritémérité la moindre de mes larmes.
Le choeur des Grecs.
MeslonsMêlons les pleurs aux pleurs, Ityn ni Aedon,
L’oiseau Bistonien, le nageur Alcyon,
1345Les CignesCygnes Istriens n’égalerentégalèrent les plaintes,
Ni les tremblanstremblants accesaccès de noznos fievresfivères non faintesfeintes,
Ce que nous endurons intolerableintolérable vient
De Jupin courroucé, qui plus ne se souvient
Des Princes enfançons d’un si sublime tige,
1350Avec LaomedonLaomédon il pertperd le sceptre Phryge :
Mais pourquoypourquoi oste ôtes-tu ton sacré couvre-chef,
Cassandre, cherche cherches-tu quelque plus grand méchef ?
Cassandre.
NozNos maux ont surmonté la crainte pallissantepâlissante
Du mal qui nous rendroitrendrait sa playeplaie renaissante,
1355Je n’ayai plus de soucysouci prier pour noznos secours
Les Dieux Olympiens qui à noznos cris sont sourssourds,
Ils n’ont plus de pouvoir comm’comme au passé de nuire,
La fortune a perdu dessus nous son empire.
Que nous reste-t-il plus ? quels perespères avons -nous ?
1360Quels freresfrères, quelles seurssoeurs, quels seront noznos épous ?
Les Dieux de mes parensparents ont fait les hecatombeshécatombes
De mon sang genereuxgénéreux et yvresivres sont les tombes.
--- 52 ---
Agamemnon.
» Mars ne donne jamais son celebrecélèbre Laurier,
» Qu’à celuycelui qui entend l’exercice Guerrier,
1365» Et qui est diligent à promptement conduire
» Les armes et le temps : qui fait son heaume bruire
» Aux dangereux hazardshasards d’un assaut tonnereuxtonnerreux,
» DescouvrantDécouvrant les rayons de son coeur genereuxgénéreux :
» Mais l’espoir le plus seursoeur d’une nombreuse armeearmée
1370» Se repose du Chef en la dextre animée.
La nef mespriseraméprisera l’ignare nautonnier,
Le cheval ne craindra l’imbecilleimbécille EscuyerÉcuyer,
Le soldat bien armé et de fer et d’ouvrage,
Ne craindra de son chef le dénervé courage :
1375Tout ainsi d’un grand camp le vaillant Empereur,
SçaitSait premier les effets qui sont en sa valeur,
Pour estreêtre respecté et amasser ensemble
L’honnorablehonorable devoir que sa grandeur assemble,
Les tiltrestitres sourcilleux l’homme n’honorent pas,
1380Des hommes le meritemérite honorent les estasétats,
Ainsi quand le soldat a veuvu son Capitaine,
Le premier se plonger où sont vent le promeinepromène,
Il sent de l’imiter un louable éguillon,
Puis d’ardeur et de cueurcoeur lui presse le talon,
1385Peu sert le bras armé de force et de furie,
--- 53 ---
Quand la crainte en un camp couhardecouarde seigneurie,
J’estime plus dix Cerfs conduits par un LyonLion,
Que vingt LyonsLions qui ont un cerf pour leur guidon.
Je bouffis de despitdépît, et je maudis Bellone,
1390Qui enroleenrôle entre ceux qui servent sa coronnecouronne
CeluyCelui qui est soldat de barbe seulement,
Poltron, tardif, legerléger, et qui improprémentimproprement
Le fer manie en main, comme un vaillant PigmeePigmée,
Tremble de hardiesse au seul bruit d’une armeearmée,
1395Qui a d’envie plainplein l’infameinfâme casaquin,
Qui court de couche en couche, ainsi qu’un vieux boucquin,
RuffisqueRufisque des premiers à quelque paillardise,
Qui pour ses grevesgrèves tient, l’ardente convoitise,
Qui a ses esperonséperons par paresse embrochezembrochés,
1400Qui a les yeux de traistretraître et les mains accrochezaccrochés,
La lance d’une taupe, et d’un porc la gorgieregorgière,
Et le musquin tesmointémoin d’une dextre meurtrieremeurtrière,
Son heaume est plainplein d’orgueil, de faintefeinte son pavoypavois
Monté sur un cheval d’une mauvaise foyfoi.
1405» Assembler en un rang et le Scyte et le More,
» Et l’Est, avec l’Ouest, ordonner désdès l’Aurore
» Jusqu’au soir catharreuxcatarrheux ses exploits belliqueux,
» Aux hommes il convient ayansayant le nom de preux,
» Mais de donner en main de victoire le sceptre,
1410» Il appartient au ciel, et à Jupin son maistremaître.
C’est luylui nostrenotre grand chef, nostrenotre asseuréassuré support,
Qui sur les flots salezsalés nous a rendu au port,
Dix fois CeresCérès avoitavait retondu sa perruque,
Dix fois le morne hiver avec son front caduque
1415Nous avoitavait ramené ses christalinscristallins glaçons,
Dix fois Phoebus avoitavait logé chez les bessons,
Dix fois de belles fleurs la PrintanierePrintanière Flore
--- 54 ---
AvoitAvait coiffé nos champs, et dix fois douze encore
Diane avoitavait changé de cornes son croissant,
1420Diane honneur des bois et du ciel blanchissant,
Dix fois le bon Denisavoitavait dansé en cuve,
EspurantÉpurant la liqueur qui l’univers abreuve,
Autant d’ans autant las ! nos guerriers bataillons
Ont Pergame affronté : autant nous assaillons
1425Les murs Neptuniens, ainsi noznos destineesdestinées
Nous ont faictfait employer tant de temps, tant d’anneesannéeq,
Avant que de passer nos chevaux sur les borsbords
Du perjureparjure Ilion, et dedans et dehors.
Ores nous revoyons les plaines Argiennes,
1430Et les sceptres puissanspuissants de nos utils domaines,
Esjouissons Éjouissons-nous tous, remercions les Dieux,
De veoirvoir les tours d’Argos qui pinaclent les cieux.
Cassandre.
Ne t’esleveélève si tosttôt aux faveurs de fortune
Plus freslesfrêles que le vent, plus traistrestraîtres que Neptune,
1435Ne t’asseureassure à son ris, ne te plais à son front,
À tout coup perjurantparjurant sa promesse elle rontrompt,
En moymesmesmoi-même je dis que semblables nous sommes
À quelque jeu d’EschetÉchec : les miserablesmisérables hommes
IY voyentvoient leur succéssuccès : là l’un tantosttantôt est haut.
1440TantostTantôt poussé d’un mat, il fait un soubresaut,
Si tant et de parts en la masse animées
De ce debiledébile corps, ore estoientétaient transformées,
En langues et en voisvoix, certes, je ne pourroy,
Raconter les ennuis qui voisinent un RoyRoi.
1445Les hautes regionsrégions plus salubres et saines,
Conservent longuement les arteresartères et veines
Au centre de santé : aussi si quelque mal
Tombe dessus le chef, l’homme, son hospitalhôpital
QuicteQuitte plustostplutôt aussi, car comme telle place
--- 55 ---
1450Participe d’un air plus subtil et bonace,
Aussi nous forge-t-il de plus subtils excesexcès,
Plus griefs et plus aigus compagnons du decesdécès
Ne plus ne moins ceux -là qui tiennent l’AmaltheeAmalthée,
Et qui ont des honneurs la couronne empruntée,
1455Sont les premiers aux rangs d’un miserablemisérable sort,
D’autant que leur grandeur s’accroît de fort en fort.
Ainsi que les vapeurs le Cinthien attire,
Ou l’Ambre le festufétu, l’Amicleane Lyre
Les poissons Tarentins, comme l’aimant l’acier,
1460De noznos ans journaliers le passetemps sourcier,
Entre dix milmille esbasébats d’une gayegaie allegresseallégresse,
Tire secrettementsecrètemetn la peine, et la tristesse.
ToyToi foudre de la guerre, ambassadeur de pais,
Grand flambeau des Danois, n’entendras -tu jamais
1465Où mon oracle va ? quictequitte cestecette Ophtalmie,
Qui aveugle tes yeux, la fortune ennemie
Conjure contre toytoi, pense que comme humain,
Tu n’es seursûr de mourir ni de vivre demain.
C’est escrimer le vent, c’est semer sur les ondes,
1470C’est l’arenearène compter des flottes vagabondes,
En un ruisseau de lait, c’est ne veoirvoir un corbeau
C’est se noyer soymesmesoi-même en un verre plainplein d’eau,
C’est imiter celuycelui qui les astres moissonne,
C’est chercher le serpent qui noznos coeurs empoisonne,
1475C’est se mettre le joug au col quand on ne veut,
L’infortune fuir quand fuir on le peut.
Le choeur des Grecs.
Voyez comme le Dieu qui brûle dans son coeur,
De son corps agité se monstre le vainqueur.
L’enthusiasmeenthousiasme sainctsaint sur les astres l’emporte,
--- 56 ---
1480Son fanaticquefanatique vol se remue en la sorte
Qu’un Corybante fol, son estomachestomac est chautchaud
Des chaleurs d’Apollon, mais quel tour, mais quel saut,
Voyez comme ses yeux çà et là se renversent,
Combien de passions tous ses esprits traversent,
1485Sa begayantebégayante voix qui murmure au dedans,
Ressemble de l’EstéÉté les moucherons grondansgrondants,
Elle est impatiente en cest’cette erreur divine,
Qui luylui chauffe le coeur, et glace sa poictrinepoitrine.
Cassandre.
OÔ Parnassides rocs, ô sainctessaintes deitezdéités,
1490PourquoyPourquoi de vozvos fureurs sont mes sens agitezagités ?
Retire toy-toi Phoebus, car je ne suis plus tienne,
Je ne mordraymordrai jamais la branche Delphienne.
Où vayvais-je maintenant, mais où me guideguides-tu ?
Quel ectaseextase a ravi de mes sens la vertu ?
1495Le jour s’enfuit de moymoi et la nuit tenebreuseténébreuse
Voile sous son manteau ma trace furieuse,
Mais avant que fouler les vagues et les flots,
Avant que veoirvoir le seul des beaux Palais d’Argos,
CeluyCelui qui m’a donné la voix propheteresseprophéteresse,
1500M’ordonne de chanter, car je suis sa prestresseprêtresse :
Je predirayprédirai le mal qu’on trame pour mon RoyRoi,
Mais en vain, car jamais on n’a creucru à ma voyvoix.
» Sous les toistoits
» Des grands RoysRois
1505» La foyfoi peu habite,
» Là les coeurs
» Sont menteurs,
» Et l’oeil hypocrite.
--- 57 ---
» Quand la peur
1510» Du malheur
» Un RoyRoi environne
» Tout le fuit
» Plus ne lui
» Au jour sa coronnecouronne.
1515Aujourd’huyAujourd’hui
Le desduydéduit
AbbatAbat ses colomnescolonnes,
En trompant
Et pipant
1520Les troupes felonnesfélonnes.
Là le ciel
De son miel
La douceur en osteôte,
Et les Grecs
1525De regrets,
Il comble et leur hostehôte.
Car la mort,
Qui tout mortmord,
Agamemnon vise,
1530Un meschantméchant
Le trenchanttranchaant
Contre luylui aguiseaiguise.
Le trespastrépas
Fait là -bas
1535Sauter de grand’joyejoie,
Celuy Celui-là
Qui taille
--- 58 ---
Les pierres de Troye.
Le berger
1540Messager
De la riche pomme
EsjouyÉjoui
A ouyouï
CeluyCelui qui l’assomme.
1545Mais Tantal,
Pour ce mal,
N’ouvre plus la bouche
Au doux fruit
Qui s’enfuit
1550Quand il s’en approche.
On entend
Où s’estendétend
Le bruit de MiceneMicène,
Qui maudit
1555Le creditcrédit
Des beautés d’Helene.
L’univers
De mes vers
MespriseMéprise la phrase,
1560Mais Phoebus
Sans abus
Entend telle emphase.
--- 59 ---
Le choeur des Grecs.
Ta fureur
Ton erreur
1565Que l’oreille charme,
Puisse avoir
Son pouvoir,
Et vrayvrai soit son carme.
Cassandre.
Donnons le voile au vent, on ne peut arresterarrêter
1570Ce que le ciel sur nous a voulu decreterdécréter,
Les vents sont attentifs à ses chants de merveilles,
Je les ayai veuvu changer leurs bouches en oreilles.
Agamemnon.
OÔ dieux qui maintenez le frélefrêle cours des hommes,
Leurs destins, leurs desseins, et leurs armes, nous sommes
1575Tous obligezobligés à vous : car par vozvos seuls moyens
Nous avons mis à feu et à sac les Troyens,
Partant nous dresserons à vos gracesgrâces propices
La centaine de boeuf devant vozvos sacrifices.
Quelle joyejoie me suit ? mais quel soulas de veoirvoir
1580Mon peuple me donner et plaisir et devoir ?
Défrogne ton soucysouci ma divine Cassandre,
C’est icyici qu’il te faut tes beaux thresorstrésors épandre,
VoicyVoici le jour heureux, tu verras la splendeur
D’Agamemnon ton RoyRoi, tu verras sa grandeur.
Cassandre.
1585Autrefois je l’ayai veuvu, je sçaysais ce qu’il m’en coutecoûte.
Agamemnon.
Tout nous veut obeirobéir, le ciel, l’air nous escouteécoute.
--- 60 ---
Cassandre.
Tout jure contre toytoi, et le ciel t’est mutin.
Agamemnon.
Si verrayverrai-je le cours de mon fatal destin.
Cassandre.
Les Dieux ont aveuglé tes yeux à leur menace.
Agamemnon.
1590La fortune irritée a serenésereiné ma face.
Cassandre.
La fortune se rit de tes legerslégers projets.
Agamemnon.
TousjoursToujours les RoysRois ne sont à son pouvoir subjetssujets.
Cassandre.
TousjoursToujours elle les vise, et leurs souhaits tallonetalonne.
Agamemnon.
Parlons de ris, ce jour de plaisirs me coronnecouronne.
Cassandre.
1595Il estoitétait festefête aussi quand Troye tu ravis.
Agamemnon.
Le jour fut bien-heureuxbienheureux quand tes beaux yeux je vis.
Cassandre.
Le jour fut malheureux quand tu me fis captive.
Agamemnon.
L’oublyoubli de tous noznos maux avecques nous arrive.
Cassandre.
Ils croissent tous les jours.
Agamemnon.
Prions les immortels.
Cassandre.
1600Mon perepère fut tué embrassant leurs autels.
Agamemnon.
InvocquonsInvoquons JuppiterJupiter.
--- 61 ---
Cassandre.
L’Hercean je revererévère.
Agamemnon.
Tu crois veoirvoir l’Ilion.
Cassandre.
Et Priam et ma meremère.
Agamemnon.
Troye n’est pas icyici.
Cassandre.
Hélène y est au moins.
Agamemnon.
Captive, trains la donc.
Cassandre.
Ma liberté n’est loingloin.
Agamemnon.
1605Tu peux vivre en seurtésûr’té.
Cassandre.
La seule mort m’asseure.
Agamemnon.
Tu n’es en nul danger.
Cassandre.
Le tien vient d’heure à heure.
Agamemnon.
Que peut craindre un vainqueur ?
Cassandre.
Cela qu’il ne craint pas.
Agamemnon.
Mes ennemis sont morts.
Cassandre.
Ils vont apresaprès tes pas.
Tu les verras tantosttantôt, Troye sera vengée,
1610Et ta vie sera autrepartautre part engagée. 19
--- 62 ---
Agamemnon.
RefrenezRéfrénez mes amis l’insolente fureur
De Cassandre, et bridez sa temerairetéméraire erreur,
OÔ EmpiricqueEmpirique ciel sois bouclier de ce Prince,
Qui n’a craint ce qu’il craint en sa vaste province.
1615OÔ bien-heureusebienheureuse terre, ô mon Royal sejourséjour,
Je te vois maintenant esclaireeéclairée au beau jour,
Le desirdésir que j’avoisavais de reveoirrevoir ta compagne,
Mes subjetssujets, mes enfansenfants, et ma cherechère compagne,
M’ont fait donerdonner aux vents mes thresorstrésors, mes lingoslingots,
1620Et tout, tout, pour reveoirrevoir ce beau Palais d’Argos.
Je voyvois l’oeil rayonnant de la RoyneReine mon bien,
Mon desirdésir, mon repos, dire ne puis combien
J’ayai de contentement, de passetemps et d’aise,
Je veux aller toucher le pourpre de sa fraizefraise,
1625Je veux sur les desirsdésirs de son coeur patronerpatronner
Mes desseins, et du tout à elle me donner.
ClitemnestreClytemnestre.
Tu sois le bien venubienvenu, permets que Clytemnestre
S’enlasseenlace dans les bras d’Agamemnon son maistre,
Permets moymoi de baiser ce rougissant coral,
1630Pour pouvoir allegeralléger la crainte de mon mal.
VoicyVoici tout nostrenotre espoir, de noznos biens tout le reste,
Saluez vostrevotre RoyRoi, et vostrevotre perepère Oreste,
Oreste qui devez porter le sceptre en main
De MiceneMicène : et tenir des vensvents l’humide frainfrein.
Agamemnon.
1635Mon fils, le ciel qui tient le sort de nostrenotre race,
Te vueilleveuille decorerdécorer des faveurs de sa gracegrâce,
Et coronnercouronner ton front des lauriers tousjourstoujours verdsverts,
Porté par le nom sur le grand univers. 20
ClitemnestreClytemnestre.
Dieux je vous remercyremerci’, puis qupuisqu’il vous plaitplaît me rendre
--- 63 ---
1640La moitié de ma vie avecque sa Cassandre,
Mais dis moy-moi quelle erreur, quel perilpéril, quel danger,
T’a si long tempslongtemps tenu en un lieu estrangerétranger,
Tandis que je pleurois le dueildeuil de ton absence,
D’une Daulide voix regrettant ta presenceprésence ?
Agamemnon.
1645Mes travaux, mes ennuitsennuis, mon discours, mon destourdétour
Se doit ore oublier, puisque suis de retour
Qu’on levelève pour tropheztrophés mon bouclier, mon espeeépée
Dans le sang Phrygien cruellement trempée.
ClitemnestreClytemnestre.
Mon RoyRoi vienviens recevoir au rayon de mon oeil
1650De gracegrâce et de plaisir le favorable accueil.
Le choeur.
» L’homme souvent flattant son esperanceespérance
» Est bien trompé, la celestecéleste balance
» PesePèse le sort qui vise les humains,
» Et n’y a rien qui soit seursûr en leurs mains.
1655» Trop chichement le bon heurbonheur ils nous donnent,
» Trop amplement les maux ils abandonnent,
» OÔ quelle LoyLoi ! la fortune s’ébat
» À nous troubler d’ennuitennui et de débat.
» Son rude estoc aussi tostaussitôt frappe un Prince,
1660» Qui bravement estonneétonne une province,
» Qu’un villageois, qui de vivre lassé
» Attend le but de son temps compassé.
Qui veut juger de l’humaine puissance,
Qu’il vienne voir l’Herculide puissance,
--- 64 ---
1665Se rendre en fin, comme un cerf qui est las,
De DejanireDéjanire entre les foiblesfaibles las.
Voyez -vous par l’invincible Alexandre,
Qui tout par tout fait ses lauriers estendreétendre,
Non par le feu mais un peu de poison
1670LuyLui fait quicterquitter de l’ameâme la toison ?
Jules CesarCésar, Hannibal et PompeePompée,
Sans y penser regardent qu’eschappéeéchappée
Leur est la vie, et qu’un palepâle tombeau
Les sert de tours, de coche, et de vaisseau.
1675Ce grand guerrier des troupes Africaines
Perd en un coup dix vaillansvaillant capitaines,
Qui regardoientregardaient dessus un pont les eaux,
ApresAprès avoir froissé tant de cousteauxcouteaux.
Quand l’Atrean embrassoitembrassait les Pergames,
1680Qu’il les combloitcomblait et de sang et de lames,
La fierefière mort craignoitcraignait son front guerrier,
N’osant jamais attaquer son laurier.
Mais retournant aux superbes MicenesMicènes,
Pour de son Mars appaiserapaiser tant de peines,
1685Elle l’occit meslantmêlant sa cruauté,
De son espouseépouse à la desloyautédéloyauté.
--- 65 ---
Acte CinquiemeCinquième.
Cassandre.
Les vainqueurs sont vaincus : je reçoyreçois le guerdon
De mes presagesprésages vraysvrais. OÔ bon LaomedonLaomédon
Troie reduiteréduite en cendre avec sa perte trainetraîne
1690Les indomptables murs de la fierefière MyceneMycène.
Le choeur des Grecs.
Quelle nouvelle joie assaillit tes esprisesprits ?
Quel accident nouveau a ce palais surpris ?
Cassandre.
Changeons les pleurs en ris, et la lance en Olive.
Le choeur des Grecs.
Comment peut s’éjouir une troupe captive ?
Cassandre.
1695Tout va bien, et Priam et Troile et Hector
Nous sont resuscitezressuscités : ils remportent encor
Les palmes des Gregeois, si bien qu’en moins d’une heure
Ils ont estezété vengezvengés de l’outrageuse injure
De tant de longs assauxassauts : j’ayai veuvu tout le progresprogrès
1700Du tragicquetragique retour du ColomnelColonnel des Grecs.
JaJà le maistremaître d’hostelhôtel avoitavait coiffé les tables,
Et par ordre arrengéarrangé les saulcessauces aggreablesagréables ,
Pales, Denis, CeresCérès, Iris et l’OceanOcéan,
EnrichissoientEnrichissaient l’honneur de ce banquet friand,
--- 66 ---
1705Qui le vin change en sang, mais avant que de mettre
Sur les mets l’appetitappétit, l’infecte Clytemnestre
Le prie despouillerdépouiller son crestécrêté morion,
L’harnois et le bouclier chargé d’un fier LyonLion,
Et prendre un autre habit. Le Prince ne s’excuse,
1710Il le vestvêt, mais l’issue à ses mains se refuse,
Il s’empestreempêtre soymesmesoi-même, il se met en un sac,
Il se souvient alors des beaux murs d’Assarac,
Le demydemi homme y court, il aydeaide à l’adultereadultère,
Et monstremontre sur son corps son inique cholerecolère.
1715Le magnanime RoyRoi, ainsi qu’un grand sanglier,
Dans les rets enretté se pense deslierdélier,
Il cherche l’ouverture, il pense embrasser l’homme
Qui traistretraître assassineur, et le frappe et l’assomme.
Le Tyndaride monstre enragé de le veoirvoir,
1720D’un contumace coeur encor faire devoir
D’eviteréviter le trespastrépas, ô femme trop barbare,
De l’espauleépaule son chef cruellement separesépare.
C’est le fils de Thyeste, et d’HeleineHélène la seursoeur,
Qui ont faictfait ce chef d’oeuvre, ores je n’ayai plus peur
1725De mourir, je voudroisvoudrais que les Parques bourrelles
M’envoiassentenvoyassent là -bas raconter ces nouvelles.
Le choeur.
Voilà de l’Atrean et de Troye la fin.
Cassandre.
Voilà de mon Phoebus l’oracle et du destin.
Le choeur.
La mort est le seursûr port du rendez -vous des hommes.
Cassandre.
1730Ne perdons plus le coeur, courage, nous y sommes.
--- 67 ---
Strophile.
Je porte le laurier à celuycelui qui a mis
En route les Troyens, rebelles ennemis,
Pour luylui congratuler sa triomphante gloire,
Et l’emplumé renom qui chante sa victoire,
1735J’admire les tropheztrophés qu’il esleveélève en sa main,
Il me monstremontre son chef de Themese en l’erainairain :
Bienheureux soit le jour qui rend à sa province
CestCet heroshéros demydemi-dieu des Argiens le Prince.
Mais quoyquoi ? je la pleure hé bon Dieu quel malheur
1740ChangeroitChangerait bien si tosttôt ma liesse en douleur ?
AuroyAurais-je bien laissé mes campagnes Phocides,
Pour tomber en danger aux terres Argolides ?
Quelle est cestecette Princesse éplorée icyici presprès,
Qui ebrancheébranche les fleurs des funebresfunèbres CypresCyprès ?
1745Elle a l’oeil si piteux, et la face si palepâle,
Que Charon, Charon mesmemême et la troupe infernale
En deviendroitdeviendrait marrie, escoutonsécoutons les souspirssoupirs
TremblotansTremblottant doucement du creux de ses désirs,
Semblables aux fueillardsfeuillards qu’un vent du matin pousse,
1750Et d’un doux sifflement girouettant les trousse.
ElectreÉlectre.
Fuyons, tout est perdu, les EumenidesEuménides seurssoeurs,
Les monstres Stygiens, les oyseauxoiseaux ravisseurs
ForcenentForcènent au palais : ô l’esperanceespérance Atride,
Mon frerefrère sauvons -nous, voicyvoici ton Patricide,
1755Qui pensant engloutir la vengeance au tombeau,
--- 68 ---
Te veut faire aveugler du journalier flambeau,
Ta meremère te poursuit, tout nostrenotre palais tremble,
JuppiterJupiter son sourcil contre nous deux assemble,
Las ! bien jeune il te faut exiler ta maison,
1760Et quicterquitter tes parents en ta tendre saison,
Las ! où trouveras tu un asseuréassuré AzileAsile ?
Le voilà ! Je te prie en pietépiété Strophile
Vouloir secrettementsecrètement cestcet enfant secourir,
Le faire entretenir, le sauver, le nourrir,
1765Il fuit, il fuit la mort de sa cruelle meremère,
Qui le veut massacrer pour ne venger son PerePère.
Strophile.
Comment ! ton PerePère est mort ?
ElectreÉlectre.
Il est mort.
Strophile.
OÔ quel dueildeuil !
ElectreÉlectre.
L’adultereadultère complot l’a jajà mis au cercueil.
Strophile.
OÔ ciel contraire aux bons, c’est à tort qu’on t’invoque,
1770De noznos calamitezcalamités maintenant tu te mocquemoques,
CeluyCelui que ni Hector, PelidePélide, ni Paris,
N’ont peupu ruer à bas, ni les Troyens perispéris,
Alors qu’il pense prendre et repos et liesse,
Il est tué, il meurt d’une dextre traistressetraîtresse,
1775Ah, mon cher nourrisson ! le ciel le sort malin
T’ont fait trop tosttôt, trop tosttôt de ton perepère orphelin,
Mais un jour cestecette main souple, petite et tendre,
Pour venger un tel tort osera l’espeeépée prendre 21 ,
Et que tardetardé-je tant de te cacher des yeux
1780De ta meremère felonnefélonne horreur de tous les cieux ?
--- 69 ---
ElectreÉlectre.
Strophile je te prypri’ par la sacrée memoiremémoire
De mon perepère portant d’Ilion la victoire,
Avoir soin de celuycelui qui doit un jour venger
L’assassinat cruel d’un paillard estranger.
Oreste.
1785Hé ma seursoeur ! Il m’emporte.
ElectreÉlectre.
Adieu donc l’esperance
Des sceptres Argiens, adieu donc la vengeance,
Du tort qu’on nous a fait, permette l’eterneléternel
Que tu punisse un jour le trespastrépas paternel,
Dieux, ils sont jajà bien loin, sa nef quictequitte la rive,
1790Et je serayserai tousjourstoujours en ce palais captive.
Strophile.
Ça mon petit bannybanni, tu laisselaisses tes citezcités,
Pour voguer avec moymoi sur ces champs agitezagités
Des flottes et du vent, tu laisselaisses ton rivage
Pour des tiens eviteréviter le carnassier courage,
1795Et toytoi le ferme neudnoeud de l’amour, qui soustientsoutient
Le berceau de vos ans. Pilade le sort tient,
L’anchreancre de vostrevotre nef, enseigne que la GreceGrèce,
S’estonneraétonnera des fruits de vostrevotre jeune addresseadresse,
Je couronne vos fronts du rameau DelienDélien,
1800Qui de vostrevotre amitié honore le lien.
--- 70 ---
Electre
Le brandon saffrenésafrané de lumierelumière eternelleéternelle,
Pour r’amenerramener le jour son beau Phlegon atelleattèle,
Et laissant son logis il descouvredécouvre son or,
Sur Zeilan porte-perle et Binasgar encor
1805Puis tournant vers le SuSud il eschauffeéchauffe l’arenearène
Des desersdéserts Lybiens, de Nubie et CyreneCyrène,
Il estendétend ses flambeaux jusques au double mont
De l’Alcide rempart, et des eaux d’EllespontHellespont,
Si ne pourront -il voir en une telle course
1810Un fait plus malheureux que celuy celui-là qui source
Du courage effrenéeffréné de ma meremère, qui suit
Son rufisqueruffisque vilain, qui furie poursuit
Mon perepère apresaprès sa mort, lors quelorsque grand il triomphe
Du Pin Cleonien, et du brave triomphe
1815Des tropheztrophés Lerniens, apresaprès que l’Ilion
S’est caché à son oeil ainsi que le LyonLion
Au coq empanaché, et lors qulorsqu’il pensoitpensait prendre
L’havre de ses labeurs, elle la fait descendre
Au port irrepassable, où le barbu Charon
1820Passe les nouveaux morts au destroitdétroit d’AcheronAchéron.
La voicyvoici qu’elle vient ainsi qu’une sagette,
Que le Parthe guignant bien loin de son arc jette.
ClitemnestreClytemnestre.
Quels souspirssoupirs redoublezredoublés, quels regrets douloureux,
Vont troublant la maison de mon doux amoureux ?
1825MeschanteMéchante rendras -tu mon Oreste ton frerefrère ?
--- 71 ---
Je veux qu’il ayeaie part d’AtreeAtrée à la miseremisère.
ElectreÉlectre.
Mon perepère rendez donc rendez moy-moi celuy celui-là
Que vous m’avez tué, je le sçaysais, le voilà,
Vous le m’avez tué.
ClitemnestreClytemnestre.
Sois un peu plus modeste
1830Parlant avec ta meremère, et me fais rendre Oreste.
ElectreÉlectre.
Quel Nil EgyptienÉgyptien, ou quel Ob Asien,
Quel Tane EuropienEuropéen, quel Rhin Rauracien,
Quel fleuve escrevissantécrevissant, mais quel Persien Tygre,
Quel Tage IberienIbérien, quel Romanesque Tybre,
1835MiserableMisérable quelle eau lavera vostrevotre main,
Qui est ensanglantée en ce fait inhumain ?
Et bien vous estesêtes vefveveuve, et qui sera mon PerePère ?
EgisteÉgisthe.
OuyOui dea ! te faut il contreroller ta meremère ?
ElectreÉlectre.
Ah ! quel homme inutil, qui d’un babil aigu
1840À ma meremère enchanté, qui d’un lit ambigu
Est neveu de son perepère, arrearge d’inceste,
Et le fils de sa seursoeur, que la mortelle peste
Soit le moindre des maux, que le ciel te promet,
Et le foudre envoyé du celestecéleste sommet
1845Soit ton dernier chappeauchapeau. OÔ le grand vituperevitupère,
Ma meremère courtizercourtiser le meurtrier de mon perepère.
ClitemnestreClytemnestre.
EgisteÉgisthe mon amyami et comme permets -tu
Qu’une fille te rende un coeur tant abbatu ?
EgisteÉgisthe.
J’atteste ton malheur, si s’arme ma puissance,
1850Que tu mourras icyici.
--- 72 ---
ElectreÉlectre.
Je ne fayfais resistancerésistance.
ClitemnestreClytemnestre.
Quel supplice veux -tu ?
ElectreÉlectre.
CeluyCelui que tu voudras,
Si tu veux dessous moymoi les feux tu estendrasétendras,
Si tu veux plante en moymoi cestecette cruelle espeeépée,
Qui est jajà dans le sang de mon perepère trempée.
1855VoyVois, je preste le col, j’attends jajà le trancher,
Ainsi qu’un simple agneau lié sur le bucherbûcher.
Qu’attendez -vous donc tant ?
ClitemnestreClytemnestre.
Puis que tu le desiredésires
Il le faut refuser, car tormenttourment n’y a pire,
Que dénier la mort à celuycelui qui la veut,
1860C’est un cruel Tyran, quand mourir on ne peut.
ElectreÉlectre.
C’est mourir milemille fois le jour, et milemille encore
Quand quelque passion l’entendement devoredévore.
ClitemnestreClytemnestre.
Or sus, sus, qu’on la meinemène aux bois entre les LousLoups.
ElectreÉlectre.
J’aymerayaimerais mieux cela que de vivre entre vous.
EgisteÉgisthe.
1865RendRends donc Oreste.
ElectreÉlectre.
Ah, fols ! la mort ne peut contraindre
Quelqu’un à faire mal, quand il ne la peut craindre.
ClitemnestreClytemnestre.
Chassez dehors ce monstre, ostez ôtez-le de ce lieu,
Et qu’il soit exposé des forestsforêts au milieu,
Que ne le liez -vous ? que sert de tant attendre ?
--- 73 ---
1870Abandonnez -le aux chiens.
ElectreÉlectre.
MereMère tu me faire rendre
Au port de mes desirsdésirs, je suis en liberté,
J’ayai rompu le collier à ma captivité,
HeritiereHéritière des bois. Adieu, qu’il te souvienne
De mon frerefrère, le ciel permette qu’il revienne.
1875Ah mort, mort, mon soulas ne differediffère plus tant
Fais cesser le regret qui me va tourmentant.
À Dieu filles d’Argos ma cherechère nourriture
On me meinnemène donner aux LyonsLions la pasturepâture,
AAh ! que j’en suis contente, et j’aymeaime mieux mourir
1880Que si long tempslongtemps la mort en mon ameâme nourrir.
Le choeur.
Le ciel ne veut permettre
Ta mort avant saison,
A dieuAdieu, piteuse ElectreÉlectre
En ta sombre maison.
1885OÔ vous superbes roches
De MyceneMycène remparsremparts
DeffiantDéfiant les approches
Des superbes soldarssoudards.
Montagnes escarpeesescarpées,
1890De resineuxrésineux sapins,
Et vous grottes coupées,
D’Arions et Terpins.
Diane forestiereforestière
ReçoyReçois dedans tes bains
--- 74 ---
1895ElectreÉlectre la lumierelumière
D’Argos et des ThebainsThébains.
Elle fuit les delicesdélices
De son meurtrier Palais,
Et les derniers supplices
1900Sont ses heureux souhaissouhaits.
Car elle aime mieux vivre
Des LousLoups à la mercymerci,
Que maquerelle suivre
L’adultereadultère sourcysourci.
1905La celestecéleste roseerosée
Distille en ses poumons,
Qu’elle soit arrousée
Du ciel entre ces monsmonts.
Le barreau de l’Olympe
1910Pour elle soit ouvert,
Que sa Chasteté grimpe
Sur l’arbre tousjourstoujours vert.
Et alors que la Parque
Son ameâme aura ravyravi,
1915Que Charon ne l’embarque
Au fleuve de l’oublyoubli.
C’est la sainctesainte AmbrosieAmbroisie
Le nectar et le miel
Son esprit resasieressasie
1920Sur les lambris du ciel.
--- 75 ---
EgisteÉgisthe.
Nous guidons à la fin nos entreprises belles.
ClitemnestreClytemnestre.
Mon esprit en conçoit tous les jours des nouvelles
Il faut tuer Cassandre, il la convient punir,
D’avoir osé les jeux de nostrenotre lit honnir :
1925Lors d’amour nous aurons les facondes merveilles
Et n’aurons plus suspects nos yeux nyni nos aureillesoreilles,
Maquerelle des Grecs bourdelierebordelière putain
Penses -tu eschaperéchapper la fureur de ma main ?
Tu as assez porté de Phoebus la tiare
1930Ton HeliconHélicon sera le tenebreuxténébreux TenareTénare
Tu mourras maintenant, et suivra le talon
De celuycelui qui bruslabrûla ton gentil Ilion,
Et puis quepuisque l’as servi vivant de compagnie
Tu iras avec luylui achever ta manie,
1935Bourreaux dépeschez dépêchez-vous, envoyés envoyez-la là -bas,
Du rivage de Lethe apprendre les esbasébats.
Cassandre.
Je veux, je veux mourir, à la mort je galope
Je suivraysuivrai mes parens, la mort me developedéveloppe
Et de vie et de dueildeuil, et pourquoypourquoi attend-on
1940De m’envoyer servir la chambre d’Alecton ?
Dieux qui ne permettez qu’un offenceoffense demeure
Impunie, eslevezélevez mon tombeau à cestecette heure,
Vous vous souvenez bien des plaintes, des regrets,
Et de la boucherie, et des tourmenstourment des Grecs :
1945J’ayai perdu mon pays, j’ayai veuvu ma Troye en cendre
--- 76 ---
J’ayai veuvu tant de Palais en mazuremasure descendre,
J’ayai veuvu mes vieux parensparents, j’ayai veuvu mes chers germains
Des Hellades souffrir les assaultsassauts inhumains,
Et seule j’ayai restée entre mon parentage
1950Pour venger d’un tel mal le memorablemémorable outrage.
Agamemnon est mort qui pensoitpensait s’esjouiréjouir
Du fruit de ma beauté pour de son los jouir.
La seursoeur de celle -là qui pertperd moymoi et ma Troye,
Dans les lacs Stygiens avecque moymoi l’envoyeenvoie,
1955Mais les Posthumes ans verront, il est tout seur
Si je sçaysais dévuiderdévider les doubtesdoutes du futeur,
Que l’enfant tendrelet qu’ores ElectreÉlectre sauve
Vengera ce forfaictforfait, avant que l’ageâge chauve,
Cache cestcet adultereadultère, un matricide enfant
1960Vengera, ô grand cas, son perepère triomphant.
FIN.