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Les EscoliersÉcoliers
- Pré-édition
- Transcription et Modernisation : Étudiant.es de L3 de Lettres Modernes de Metz, promotion 2023-2024, sous la direction de Nina Hugot
- Annotation : Étudiant.es de L3 de Lettres Modernes de Metz, promotion 2023-2024, sous la direction de Nina Hugot et Nina Hugot
- Balisage : Théo Bourge
- Relecture : Nina Hugot et Milène Mallevays
PROLOGUE
ApresAprès mille malheurs passezpassés
Dont nous avons estéété pressezpressés
Il a semblé bon au PoetePoète
Qui à vous complaire souhaittesouhaite,
De remettre devant vos yeux
Un acte non moins fructueux
Que recreatifrécréatif à l’entendre :
Au reste il n’a pas voulu prendre
L’argument vers les estrangersétrangers
--- 41v° ---
Menteurs, imposteurs et legerslégers,
AymantAimant mieux la façon gauloise,
Que la Phrigienne ou la Gregeoise :
Car les fruits luylui semblent meilleurs
En nos propres vergiersvergers qu’ailleurs.
Il n’use icyici d’un stile brave,
NyNi d’une forme du tout grave :
Mais le stillestyle n’est point abject
Qui convient bien à son subject 1
Pendant neantmoinsnéanmoins il n’oublyeoublie
Ce qui sert à la ComedyeComédie.
Vous donc, notables spectateurs,
Vous (dydis-je) doctes auditeurs,
Que chacun d’autre soin se prive,
Pour presterprêter l’oreille ententiveattentive.
--- 41r° ---
LES ESCOLIERSÉCOLIERS
ComédieComedie.
ACTE I. SENESCÈNE 1.
[Maclou] 2
Tu me penses doncques 3 payer
TousjoursToujours d’un semblable loyer
Ce n’est pas ta ruse premierepremière,
Car c’est ta façon coustumierecoutumière
5De donner le faux, pour le vrayvrai:
Mais si je puispeux j’y pourvoiraypourvoirai
Si bien estantétant en cette ville,
Que, tant scachesaches-tu estreêtre habile,
Tu seras pris au trebuchettrébuchet.
Finet.
10Où il n’y a aucun malfaictmal fait
Y voulez-vous chercher amandeamende ?
Le pauvre enfant tousjourstoujours se bande 4
Aux estudesétudes, et nuictnuit et jour.
Maclou.
Aux estudesétudes ! mais à l’amour.
--- 42r° ---
15Ha mon fils, est ceest-ce l’esperanceespérance
Que j’ayai de ton adolescence?
Je t’ayai élevé gros et gras
Par le long travail de mes bras,
Et pour te faire en ton jeune ageâge
20Des sciences avoir l’usage,
Je n’ayai espargnéépargné mes deniers,
J’ayai ouvert bourses et greniers,
Pour te donner la longue robe,
Et que maintenant on derobedérobe
25L’argent, l’espérance et le temps.
Et ce qu’au surplus je pretensprétends,
Est ceEst-ce d’un bon enfant l’office ?
Je t’ayai acquis un beneficebénéfice
Qui est de fort bon revenu :
30Cependant tu t’es mescognuméconnu
Et quand tu dois les lettres suyvresuivre,
Le breuvage d’amour t’enyvreenivre !
Finet.
Il ne faut croire le babil 5
De quelque affetéaffecté et subtil
35Qui vous met cecyceci en l’oreille.
Maclou.
Mais, mais, Finet, je m’esmerveilleémerveille
Comme cela fut entrepris,
Et comme mon fils fut surpris
De ces amours ainsi subites.
Finet.
40Je ne sçaysais quels amours vous dites,
Mais il ne faictfait que manyermanier
L’encre, la plume et le papyerpapier,
OuyrOuïr les docteurs en leurs salessalles,
Courir aux loix et DecretalesDécrétales 6
45Perdant le boire et le manger,
Pour ses lectures colliger.
Macl.Maclou.
Mais le bruit court par cette ville
--- 42v° ---
Qu’il aymeaime ardemment une fille.
Finet.
Pensez que le peuple d’icyici
50A de cela fort grand soucysouci.
Macl.Maclou.
Jesçaysaisque la jeunesse tendre,
Qui se laisse d’amour surprendre,
Ne veut point descouvrirdécouvrir son feu,
Et n’estime cela que jeu.
55 MesmementMêmement, si en teltelle affaire
Ell’Elle a quelque secret notaire,
Qui, en lieu de la reprimerréprimer,
La vienne au plaisir animer.
Finet.
Je nesçaysaisque cela veut dire.
Macl.Maclou.
60Non ? l’on dictdit qu’il n’y a sourd pire
Que celuycelui qui ne veut ouirouïr.
Finet, veux-tu que, sans mentir,
J’acheveachève ma parole ourdyeourdie
Et qu’en peu de mots je te dyedie 7
65Tout ce que j’ayai dessus 8 le cœur ?
Finet.
CerteCertes, c’est bien pour le meilleur.
Macl.Maclou.
Il te souvient, comme je pense,
Que desdès l’heure de ton enfance
Je t’ayai receureçu en ma maison,
70Et que despuisdepuis cette saison
Je t’ayai tousjourstoujours poussé avant,
Comme mon légitime enfant.
Finet.
J’ayai bien cela en ma mémoire ;
Mais je vous pryprie aussyaussi de croire
75Qu’ingrat je ne suis du bienfaictbienfait
Qu’en vostrevotre maison l’on m’a faictfait.
Macl.Maclou.
Tu ne fais pointpas aussi de doubtedoute
De ce que ma famille toute
Faictfait pour avancer ton honneur :
80 MesmementMêmement mon fils le Prieur,
--- 43r° ---
Qui t’a pris en amitié telle
Que je la pense estreêtre immortelle.
Quand je proposayproposai l’envoyer
En cette ville estudierétudier,
85Je t’envoyayenvoyai, pour le conduire,
Le servir et le voir instruire
Je te donnaydonnai argent en main,
Pour l’estudeétude et pour le chemin,
Pensant que tu le feroisferais suivre
90Les disciplines et le livre,
Ainsi que tu m’avoisavais promis.
Finet.
Mais pensez-vous que j’ayeaie mis
Déjà en oubli mon office ?
Macl.Maclou.
Pendant, ainsi que l’escreviceécrevisse,
95Mon fils marche tout à l’envers :
Quand à toytoi, Finet, tu luylui sers
D’entretenir ses amours folles.
Or, il ne court autres parollesparoles
ParmyParmi cette université,
100Sinon que Sobrin a estéété
Surpris des beautezbeautés d’une fille,
Et arrivant en cette ville,
L’on m’a sonné cette chanson.
QuoyQuoi ? Finet ? est ce la façon
105De bien nourrir une jeunesse ?
Je courcours, je travaille sans cesse,
Pensant cueillir quelques deniers
Pour soulager mes jours derniers,
Et vous, encor 9 qu’il me déplaise,
110Les mangez icyici à votre aise.
Finet.
MaistreMaître, le rapport est menteur.
Cela vient de quelque imposteur
Qui vous cognoistconnait triste et severesévère,
--- 43v° ---
Et vous veut chasser en colère.
Macl.Maclou.
115S’il est vrayvrai ce que l’on m’en dit,
N’espereespère plus avoir creditcrédit
En la maison que je possedepossède :
Car, en lieu de te donner aide,
Je t’envoirayenverrai, comme un coquin,
120Loin de moymoi pour mener tel train,
Après qu’à belles anguillades,
Je t’aurayaurai sonné tes aubades.
ACTE I. SCENESCÈNE II.
Finet.
Je ne puispeux penser par quel art
Je pourraypourrai tromper ce vieillard :
125Fussent aux ombres eternelleséternelles,
Tous ces rapporteurs de nouvelles :
VoylaVoilà mon Prieur amoureux,
Qui d’un perilpéril trebuchetrébuche en deux :
Il enrage d’une amour folefolle,
130DespiteDépite le livre et l’escoleécole,
Le porte-fueilleportefeuille et la leçon
Pour voir de Marin la maison,
Et sa fille unique Grassette,
JolyeJolie assez, mais trop finette,
135Et qui d’un visage riant,
Et d’un petit œil trop friantfriand
Jusqu’au cœur si vivement picquepique,
Que celuycelui seroitserait bien stoiquestoïque,
Qu’elle ne pourroitpourrait emouvoirémouvoir :
140Mais un autre a eu ce pouvoir
De gaignergagner le premier sa gracegrâce :
Mon maistremaître pourtant ne se lasse
--- 44r° ---
De poursuivre son amitié
Sans craindre d’estreêtre chastyéchâtié
145Par son perepère qui d’arrivée
A dejadéjà sentysenti la menée.
Si le vieil Maclou s’apperçoitaperçoit
D’estreêtre trompé, quoyquoi que ce soit,
VoylaVoilà contre moymoi une haine
150Qui me tiendra long tempslongtemps en peine :
Si je laisse mon amoureux,
Me voylavoilà pauvre et malheureux.
Ô que l’incertaine penseepensée
En bref çà et là est poussée !
155Si je pense à luylui obeyrobéir,
L’autre est tout prestprêt à me hayrhaïr :
Si faut-il trouver quelque ruse,
Qui me puisse servir d’excuse.
ACTE I. SCENESCÈNE III.
[Grassette]
Babille.
Bab.Babille.
Plaist Plaît- il, ma mignonne.
Grass.Grassette.
160De jour à autre je m’estonneétonne
De ce Prieur tant importun,
Qui sert de riseerisée à chacun :
Que servent tant de masquaradesmascarades,
Et tant d’inutiles aubades ?
165Ses jeux ? sa peine ? et tout cela ?
L’amour ne s’acquiert pas par là.
Babil.Babille.
Grassette, il veut faire scavoirsavoir
Qu’or il n’est plus en son pouvoir,
Et que vous, luylui estantétant amyeamie,
170Pouvez et sa mort, et sa vie.
Grass.Grassette.
Babille, telles actions
--- 44v° ---
Ne changent mes affections.
Tu scaissais que j’ayai m’amour donnée
À Corbon pour qui je suis née :
175Lequel m’aymeaime, ce croycrois -je mieux,
Que sa vie, nyni que ses yeux.
Le Prieur nyaisniais trop s’oublyeoublie,
Qui à mon amour jà se lyelie,
Sans esprouveréprouver si d’un bon œil
180Il aura quelque doux acueilaccueil.
Babil.Babille.
Grassette, quand jusques à l’ameâme
S’est prise l’amoureuse flameflamme,
Elle ravit sens et raison,
Et de nouvelle passion
185Si bien le patient transporte,
Qu’il ne scauroitsaurait trouver la porter
Pour sortir hors de tel danger.
Grass.Grassette.
Que le PryeurPrieur aille loger
Son amitié en autre place,
190Car il n’engendre qu’une flace,
Quand mieux il pense m’eschaufferéchauffer.
Babil.Babille.
Mais, est il un plus rude enfer,
Ou une plus aspreâpre furie
Qu’Amour, qui à la boucherie
195Ainsi trainetraîne les malheureux,
Et pour les travaux amoureux,
Les paye d’eternelleéternelle peine ?
Grass.Grassette.
Babille, quoyquoi qu’il en advienne,
Tu scaissais le secret de long tempslongtemps
200De mes amours, mais je n’entensentends
Que mon perepère en scachesache nouvelle :
Car l’amitié qui se recellerecèle,
Rend milemille fois plus de plaisir
À ceux qui en peuvent jouyrjouïr,
--- 45r° ---
205Que celle qui est descouvertedécouverte.
Babil.Babille.
Si est tousjourstoujours l’oreille ouverte
De mon maistremaître qui ne dort pas,
Et qui s’informe de tout cas.
cecyceci prendra mauvaise yssueissue :
210Le sire Marin m’a receuereçue
En sa maison pour le servir,
Que si quelqu’un luylui faictfait ouyrouïr
Que sa fille unique Grassette
L’amour d’un escolierécolier souhaittesouhaite,
215Et que je scaysais tout le secret,
LuyLui qui est assez indiscret,
Me fera trespassertrépasser de honte,
Et de moymoi ne tiendra plus conte.
Hé qu’un bref et freslefrêle plaisir
220Souvent cause un grand deplaisirdéplaisir.
ACTE I. SENESCÈNE IIII.
Sobrin.
Mais est-ce l’office d’un PerePère
D’estreD’être à son enfant si severesévère ?
Faut-il doncques 10 que mon printemsprintemps
Soit rassis comme mes vieux ans ?
225Est-il possible que l’on naisse
AcompagnéAccompagné de la vieillesse ?
Quoy ?Quoi ? SuysSuis -je de bois ou de fer,
Pour ne me pouvoir eschaufferéchauffer
PresPrès de la doucereuse flamme
230Qui les jeunes hommes enflamment,
Et ne ressentir, malheureux 11
Le plaisir deudû aux amoureux ?
Si j’ayai jamais de moymoi lignée
--- 45v° ---
En bonne heure elle sera née,
235Et à son plaisir aura bien
De passer son temps le moyen.
Mon perepère veut me faire sage
Plus que ne le porte mon aageâge :
L’estudeL’étude assidue me nuictnuit ;
240Et veiller de jour et de nuictnuit,
Faut-il qu’en cela je morfonde
Sans plaisir ma jeunesse blonde ?
Avoir tousjourstoujours, comme un faquin,
Les yeux sur quelque vieux bouquin,
245Et me degoutterdégoûter la cervelle.
À la clarté d’une chandelle ?
C’est à faire à ceux qui n’ont rien
Par travail acqueriracquérir du bien.
Mais c’est déshonneur d’estreêtre chiche
250À ceux dont la maison est riche.
D’avoir un galemard pendant,
Cela me sent tout son pédant
Certe une gaillarde jeunesse
Ne peut croupir souzsous cette presse,
255Et ne peut laisser sans honneur
Ainsi perirpérir sa prime fleur,
Ains 12 les assembleesassemblées fréquentes,
Où l’esprit gentil se contente :
TantostTantôt chassant l’estoeufl’esteuf bien loin,
260 TantostTantôt ayant le luth en main,
TantostTantôt au bal, puis à l’escrime ;
Et voylàvoilà comme l’on imprime
Dans les cerveaux non transporteztransportés
Mille rares honnestetezhonnêtetés.
265Mais est-il chose plus heureuse
Que de tenir son amoureuse,
--- 46r° ---
TasterTâter le tetintétin, la baiser,
Et avec elle deviser,
Et distiller, quand l’on la touche,
270Les mots qui croissent en la bouche ?
J’ayai dejadéjà sont trois ans entiers,
Un prieuré dans nos quartiers
Qui sert à mon père de bride,
Dont trop court tenir il me cuide
275Je suis mal propremalpropre à ce mestiermétier,
Je nesçaysaisrien d’estred’être cloistriercloitrier,
Je nesçaysaisque c’est du service.
Du vieilvieux moine, nyni du novice :
Cette sollitudesolitude desplaistdéplait
280À ceux auxquels le monde plaistplait.
J’aymeaime trop mieux succersucer le basme 13
Des douces lèvres de ma dame,
Et passer ma jeunesse heureux,
Gaillard, gentil et amoureux,
285Aux dames me faire cognoistreconnoître 14
Que de rechigner dans un cloistrecloître :
Le sang me bout, et le cerveau,
EschaufféÉchauffé d’un feu tout nouveau :
Bref, Amour tant tant me commande,
290Qu’il faut que son serf je me rende.
Acte I. SCENESCÈNE V.
[Friquet]
Ou je suis bravement deceudéçu,
Ou ja’yj’ai quelque chose apperceuaperçu
De ce qui sans cesser se passe,
Et va d’une mauvaise gracegrâce
295En la maison de mon voysinvoisin.
--- 46v° ---
J’y veux un peu tenir la main.
L’amityéamitié et le voysinagevoisinage
Me font fort craindre son dommage.
Si l’on doit veiller pour autruyautrui,
300Je le doydois faire pour celuycelui
Qui me peut rendre la pareille,
Car un amyami pour l’autre veille :
Mais le voicyvoici qu’il vient à moymoi.
Marin.
N’est-ce pas Friquet que je voyvois ?
305Si est 15 , mais qu’est-ce qu’il murmure ?
QuoyQuoi ? Vous a l’ona-t-on fait quelqu’quelque injure ?
Friq.Friquet.
Non, mais quand on voit son amyami
En son propre faictfait endormyendormi,
L’autre amyami luylui doit faire entendre.
Mar.Marin.
310Je ne voyvois point à quoyquoi veut tendre
Cet exorde.
Friq.Friquet.
Vous sçavezsavez bien
Que là où j’ayai eu le moyen,
Je n’ayai point espargnéépargné ma peine
Pour vous.
Mar.Marin.
La chose est bien certaine.
315Mais je vous supplyesupplie, Friquet,
Mettons à part tout ce caquet 16 ,
Et entamons cette matierematière 17
Friq.Friquet.
Vous avez une chambrierechambrière
Trop rusée.
Mar.Marin.
Mais poursuivez
320De dire ce que vous sçavezsavez.
Friq.Friquet.
Tant d’allées, tant de venues,
Tant de minettes trop congnuesconnues …
Mar.Marin.
Ha ! Que nesçaysais-je où ce discours
Doit prendre la fin de son cours ?
Friq.Friquet.
325TantostTantôt l’un recule et advanceavance,
TantostTantôt l’un se perd à la dancedanse ;
TantostTantôt derrière un escaillerescalier
Je vois tapir un EscolyerÉcolier :
--- 47r° ---
TantostTantôt par l’huis ou par la fente
330D’une fenestrefenêtre l’on esventeévente
Pour cognoistreconnaître cecyceci, celà,
Et sçavoyrsavoir qui passe par là :
TantostTantôt on elanceélance une œillade 18 ,
TantostTantôt vient une masquarademascarade :
335TantostTantôt, où l’on craindcraint le caquet,
Un luth donne le mot du guet ;
TantostTantôt l’un vient, et l’autre passe,
Ayant le manteau sur la face.
Ah qu’une aveugle liberté
340Est contraire à la chasteté.
Je voyvois un coup qu’on se retire,
Un coup qu’on se prend à soubriresourire ;
Après l’un s’écarte à un coin
Pour mettre la main dans le sein :
345J’entenJ’entends, quand la nuictnuit est venue,
Siffler en paulmepaume par la rue :
Hé combien de malheur produictproduit
L’amour enyvréenivré souzsous la nuictnuit.
Mar.Marin.
Oh comme mon penser varie !
350Friquet, mon amyami, je vous prie,
Amenez la matierematière au but.
Friq.Friquet.
Ah ! Que ce signe me depleutdéplut
Que je veivis donner en cachette !
Mar.Marin.
Cet inutil 19 discours me jette
355Au cœur un merveilleux effroyeffroi
Friquet, par cette entiereentière foyfoi
Qu’ensemble gardé nous nous sommes,
(Si foyfoi a lieu entre les hommes)
Achevez ce propos icyici.
Friq.Friquet.
360Voulez-vous que j’abbregej’abrège ?
Mar.Marin.
OyOui.
Friq.Friquet.
VostreVotre Grassette est amoureuse ;
--- 47v° ---
VostreVotre servante dangereuse
Ses secrettessecrètes amours conduictconduit.
Mar.Marin.
Ma fille ! ô que je suis réduictréduit
365Ores 20 en un regret extremeextrême.
QuoyQuoi ! ma fille ! Que ma fille aymeaime !
Ma fille qui n’a pas seize ans.
Ô cieux qui estesêtes clair voyansclairvoyants,
Pour garder chose si fragile,
370Qu’il faut un Argus bien habile !
Cela pourroitpourrait -il estreêtre vrayvrai ?
VrayementVraiment, je vous esprouverayéprouverai,
Babille, et si vous estesêtes telle
Que vous serviez de maquerelle 21 ,
375Je vous en ferayferai repentir.
Friq.Friquet.
Marin, il faut vous assentir
De Grassette et de sa servante
Avant que la chose s’evantes’évente,
Si vous en pourriez rien 22 sçavoirsavoir.
Mar.Marin.
380Friquet, j’en ferayferai mon devoir.
Cependant si quelque folyefolie
Se descouvredécouvre, je vous supplyesupplie,
Pour l’amour que vous m’avez porté,
Que le tout me soit rapporté.
ACTE II. SCENESCÈNE I.
[Sobrin]
385Mais quel conseil doydois -je donc prendre ?
Mille ennuysennuis me viennent surprendre,
Et mille amairesamères passions
Me troublent mes affections :
J’ayai l’amour et la jalousie
390Imprimée en ma fantasiefantaisie
--- 48r° ---
J’ayai encor gravée en mon coeur
Une paternelle douceur
Qui m’a estéété fort indulgente,
Jusqu’à la journeejournée presenteprésente.
Finet.
395Le jour commence à se baisser,
Et le chemin à me lasser,
En cherchant le prieur mon maistremaître,
Qui joyeux ne sera peut estre-être
Quand j’aurayaurai au long raconté
400De son perepère la volonté.
Ha le voylavoilà à la bonne heure,
Je ne veux point saison meilleure.
Sobr.Sobrin.
Mais qui va icyici gazouillant?
Finet.
Tenez a ila-t-il le sang bouillant,
405Si faut ilfaut-il qu’à luylui je m’adresse.
Hola, hola, monsieur.
Sob.Sobrin.
Qui est ceest-ce ?
Ha Finet, il y a long tempslongtemps
Que triste et pensif je t’attensattends,
Et bien scaissais -tu quelques nouvelles ?
Finet.
410Monsieur, elles ne sont pas telles
Que je desiredésire.
Sob.Sobrin.
Mais comment ?
Finet.
VostreVotre perepère tout fraichementfraîchement
Est arrivé en cette ville,
Il cryecrie, il parle d’une fille,
415D’amour, de vostrevotre temps perdu,
Et de son argent despendu 23 :
Croyez moy-moi qu’à son arriveearrivée
Il m’a bien la testetête lavée.
Sobr.Sobrin.
Mon perepère ! quoyquoi ? est ilest-il icyici ?
420Me voylavoilà en double soucysouci.
Finet.
Il fremitfrémit tout en son courage.
Sobr.Sobrin.
VoicyVoici une nouvelle rage,
Mais quelle est la conclusion ?
--- 48v° ---
Finet.
Qu’elleQuelle ? pour resolutionrésolution
425Il me parle de son service,
Et de l’acheptachat du beneficebénéfice,
Disant que nous sommes trop gras,
Il adjousteajoute mille fatras.
Sob.Sobrin.
Et bien ?
Fin.Finet.
Et bien.
Sob.Sobrin.
QoyQuoi ?
Fin.Finet.
Somme toute,
430Il ne faut plus faire de doubtedoute,
Qu’il ne soit malcontent de voir,
Que vous mettez à nonchaloir
L’estudeétude, et les loixlois, et le livre,
Pour quelque amour qui vous enyvreennivre.
Sobr.Sobrin.
435C’est bien le moins de mon soucysouci,
Un perepère est tantosttantôt adoucyadouci,
Encor qu’il se mette en colerecolère,
Si ne peut-il estreêtre severesévère
Contre son fils longue saison,
440Et ne luylui ferme sa maison:
Mais je sensens bien une autre pique,
Finet.
Je scaysais bien le mal qui vous picque,
C’est l’oeil, la bouche, et le tetintétin
De la fille au Sire Marin.
Sob.Sobrin.
445Hé mon Finet ! helashélas je l’aymeaime
Plus que mes yeux, et que moymesmemoi-même.
Finet.
Si elle ne vous aymeaime pas ?
Sobr.Sobrin.
Mon finet, voilavoilà mon trespastrépas.
Tu as touché la maladie.
Finet.
450Aimez-vous donc vostrevotre ennemie ?
Sobr.Sobrin.
Si tu scavoissavais bien la moitié
Du tourment dont cette amitié
La pauvre penseepensée bourrelle,
Certes tu auroisaurais pitié d’elle:
455Mais plus cette fille on poursuit,
Plus dedaigneusedédaigneuse elle s’enfuit,
--- 49r° ---
Plus son amittiéamitié je desiredésire,
Tant plus je recoyreçois de martiremartyre.
Finet, n’as tuas-tu un seul moyen
460De joindre son amour au mien ?
Finet.
Si tosttôt que la femme est saisie
D’une amoureuse fantasiefantaisie,
Les juzjus, les herbes, les sorciers,
Y perdent l’art de leurs mestiersmétiers.
Sob.Sobrin.
465Hé mon Finet en cet affaire
N’est ilest-il possible d’y rien faire ?
Elle aymeaime un coquin d’escolierécolier
Fils de Josseaume le FrippierFripier,
Qui n’a pas le moyen, j’en jure,
470De luylui donner une ceinctureceinture.
Je ne suis un amoureux tel,
Car j’ayai assez bien paternel
Qui avec usure se garde,
Pour tousjourstoujours la tenir bragarde.
Finet.
475L’aveugle amour n’a pas grand soin
De voir les choses de si loin,
Il ne s’arrestearrête à la richesse,
Aux biens, ni à la gentillesse,
Mais aussi tosttôt que par hazardhasard
480Il a au coeur fiché son dard,
Il laisse, quoy qu’ilquoiqu’il soit muable,
À jamais la playeplaie incurable.
Sobr.Sobrin.
Tu scaissais comme jà cyci devant
Finet, je t’ayai mis en avant,
485Je n’aurayaurai encor la main chiche,
Quand il faudra te fair eriche:
Tu es assez bon babillard,
EmployeEmploie à ce labeur ton art,
Et me fais aymeraimer de Grassette,
--- 49v° ---
490Et puis à ton plaisir souhaittesouhaite
De moymoi tout ce que tu voudras,
Je t’asseureassure que tu l’auras:
Mais si pour moymoi tu ne t’employesemploies,
Cherche hardymenthardiment des autres proyesproies :
495Car, or ce jour me soit dernier,
Sans te laisser un seul dernier,
Ainsi qu’on chasse tes semblables,
Je t’envoirayt’enverrai à tous les diables.
ACTE II. SCENESCÈNE II.
[Finet]
Si est-ce, Finet, qu’il te faut
500 EstreÊtre entièrement fin et caut 24
Il n’est lieu à la fetardisefêtardise,
Mais il est besoin que j’advisej’avise
A quelque brief expedientexpédient :
Je pense et à bon essientescient,
505Si je dois au Prieur complaire,
Ou si je dois tout au contraire
ObeyrObéir au sire Maclou.
C’est tout un, je ne donne un clou,
Si Maclou les sourcils refrongne,renfrogne
510 PourveuPourvu qu’on voyevoie la besongnebesogne
Du Prieur faictefaite à son plaisir
Et puis, si je fayfais deplaisirdéplaisir
À ce fol qui ja 25 se tourmente
D’aller aux champs de Rhadamante, 26
515Mon Prieur qui est le subjectsujet
Ores 27 d’un femininféminin objectobjet,
Usera vers moymoi de largesse,
Si je luylui gaignegagne une maistressemaîtresse :
--- 50r° ---
Est-il esprit nyni cœur encorencore
520Que la corruption de l’or
D’estrangeD’étrange façon ne transporte ?
Mais j’entenj’entends le bruit d’une porte
Au logis du sire Marin.
Babille.
J’ayJ’ai de diligence besoin,
525Si je veux complaire à Grassette :
Puis que l’Amour elle souhaite
EsperdumentEperdument de l’escolierl’écolier,
J’y veux tous mes sens employer.
Finet.
Je voyvois de là sortir Babille,
530 ChambriereChambrière de cette fille
Que mon jeune maistremaître aymeaime tant,
Qui va nesçaysais quoyquoi marmottant
D’escolyerécolier et d’amour nouvelle :
Si faut il que je sçachesache d’elle
535À quelle fin tend son propos.
Babille.
Ma maistressemaîtresse ne prend repos,
Tant elle est en amour ravyeravie.
Finet.
Mon Prieur a forte partie,
À ce que dejàdéjà je comprenscomprends.
Babille.
540Corbon pendant passe son temps,
Et ne tient pas d’elle grand conte :
Mais elle sans crainte nyni honte,
Ne cesse à le solliciter.
Finet.
Qu’entenentends -je encor ? ô Jupiter !
Babille.
545Si faut-il icyici estreêtre sage,
Et bien raporterrapporter mon message
À l’EscolierÉcolier que je vayvais voir.
Finet.
Il faut icyici tresbientrès bien pourvoir,
Avant que plus elle s’eslongne 28 .
550 HeHé Babille, hehé ma mignonne.
Babille.
Qui est-ce qui me ? Ha Finet.
--- 50v° ---
Finet.
Et bien, donnera ondonnera-t-on le fouet
À mon maistremaître pour recompenserécompense ?
Babil.Babille.
Finet, il ne faut plus qu’il pense
555Avoir seulement d’un clin d’œil
De Grassette un plaisant accueil,
Car par trop elle favorise
À Corbon, et se sent espriseéprise
Tant ardemment de son amour,
560Qu’elle n’a de bien un seul jour,
Et, qui plus est, je suis en voyevoie
Afin qu’un coup elle le voyevoie.
Finet.
Hé ma Babille, helashélas mon cœur,
Que sera-ce de mon Prieur ?
565As-tu sur son bonheur envyeenvie ?
Veux-tu ainsi perdre sa vyevie ?
Babil.Babille.
Qu’il perde, qu’il gaignegagne, s’il peultpeut,
Qu’il cherche autre proyeproie s’il veultveut,
Car de Grassette, ma maistressemaîtresse,
570Il n’aura faveur nyni caresse.
Finet.
Mais, mais, pourquoypourquoi ?
Ba.Babille.
Dis tuDis-tu pourquoypourquoi ?
L’aveugle amour n’a point de loyloi.
Tant plus le patient qu’il brulebrûle
575Le prie, tant plus il recule ;
Plus on le sert devotementdévotement,
Plus il est dur et inclementinclément.
Finet.
Ma Babille, l’amour estrangeétrange
En moins de rien sa place change ;
580Il est inconstant au surplus,
Et suit celuycelui qui donne plus :
Mais quel bien, plaisir et richesse,
A ce Fripier pour ta maistressemaîtresse ?
Quel bien auras-tu de celuycelui
585Qui ne vit qu’à l’aide d’autruyautrui ?
--- 51r° ---
Mon maistremaître est opulent et riche,
Et à ceux ne fut jamais chiche
Qui luylui ont faictfait quelque plaisir ;
Il a un honnestehonnête desirdésir,
590Il aymeaime, non point pour le blameblâme,
Mais pour se joindre à une Dame,
Et faire durer ses amours
Autant que dureront ses jours.
Babil.Babille.
Et puis ?
Fin.Finet.
Si tu luylui sers, Babille,
595Tu es la plus heureuse fille
Qui se voyevoit en ta parenté.
Babil.Babille.
Tu m’as le cerveau enchanté :
Mais que penses-tu ores 29 faire,
Pour bien redresser cette affaire ?
Finet.
600Il faut, si tu nous veux aider,
À Grassette dissuader
L’amour de ce coquin qu’elle aymeaime ;
Il faut luylui remonstrerremontrer toymesmetoi-même
Le bien qu’il luylui pourra venir,
605Si oubliant le souvenir
De Corbon, elle veut soubmettresoumettre
Son cœur à celuycelui de mon maistremaître ;
TantostTantôt luylui faire quelque peur,
TantostTantôt calanger ce pipeur,
610Qui ne taschetâche qu’à la séduire,
Afin d’avoir moyen de rire :
La menacer, puis la flaterflatter,
Et toutes les voyesvoies tenter,
Afin qu’en ce poinctpoint elle oublyeoublie
615Du tout sa première folyefolie.
Puis tu luylui parleras soudain
De monsieur le Prieur Sobrin,
De ses biens, de sa gentillesse.
--- 51v° ---
De sa beauté, de sa jeunesse,
620De ses rares perfections,
Et des belles occasions
De l’amour et du mariage ;
Item, de l’heur 30 de son mesnageménage,
Des biens que par luylui elle aura,
625Combien heureuse elle sera,
Et si, par parolleparole rusée,
Tu luylui fais changer de pensée,
Tu auras un beau cotillon,
Ou encor 31 quelque meilleur don.
Babille.
630Je veillerayveillerai à cette affaire,
Et de ce que je pourraypourrai faire,
Bien tostBientôt advertyaverti tu seras.
Finet.
Or, fayfais bien, et tu n’y perdras.
ACTE II. SCENESCÈNE III.
Corbon.
HeHé combien, ô Dieux immortels !
635 DifferentDiffèrent entre eux les mortels !
L’un encecycecil’autre surpasse,
L’autre en un poinctpoint a meilleur’gracegrâce,
L’un suit l’amour, et n’est ayméaimé,
Et l’autre est de rigueur blasméblamé,
640L’autre enragé de jalousie ;
Bref chacun suit sa fantaisie :
Je puis cela sans me vanter,
En moymesmemoi-même expérimenter.
Trois ans m’ont faictfait en cette ville
645 EstreÊtre ayméaimé d’une belle fille
Qui est chez le sire Marin,
Mais la pauvre fille est bien lojnloin
--- 52r° ---
De parvenir où elle cuide 32 :
Je porte piecapiecà 33 une bride
650Qui a tousjourstoujours guidé mes ans :
L’amour des lettres et le temps,
Qui perdu jamais ne retourne,
Ont mis à mes sens une borne.
Le plaisir qui naistnait de l’amour
655 Faictfait vers nous trop peu de séjour,
Pour me mettre en sa servitude.
J’aime bien mieux suivre l’estudel’étude,
Qui au milieu de milemille maux
Pourra soulager mes travaux,
660Et me retirer de la crasse
Où la sordide populassepopulace
Et l’ignorant gistgît abbattuabattu,
Pour me garder à la vertu.
À Dieu, chanson, à Dieu, sornette,
665À Dieu, Babille, à Dieu, Grassette
Ton ris, ton œil et ton baiser
Ne peuvent mon mal rapaiser
Car, quant à moymoi, de la science
Je veux l’entiereentière cognoissanceconnaissance.
ACTE II. SCENESCÈNE IIII.
[Maclou]
670Je laisse la chose en arrierearrière
Qui devoitdevait estreêtre la premierepremière,
Il me faut assentir que faictfait
Mon fils avecques son Finet 34 :
Voicyvoici jà 35 l’année troisiesmetroisième
675 Qu’icyqu’ici je l’envoyayl’envoyais moymesmemoi-même
Pour acquérir quelque sçavoirsavoir.
--- 52v° ---
Afin qu’il peustpeut un jour pourvoir
À la charge du beneficebénéfice
Que j’acquis de frerefrère Sulpice :
680Mais j’ayj’ai dejadéjà sentysenti le vent
Qu’en lieu de se faire savant,
Il danse, il joue, il s’amourasches’amourache.
OÔ que ce bruictbruit icyici me faschefâche !
OÔ qu’un perepère est plein de bonheur,
685Quand ses enfansenfants aymentaiment l’honneur,
Et qu’une honte vergongneusevergogneuse,
Une nature vertueuse,
Un gentil courage les faictfait
Beer Béer 36 après le bien perfaictparfait :
690Mais, je le voyvoit, à la bonne heure.
Sobr.Sobrin.
Je craincrains que ma longue demeure
N’engendre à mon père un soupçon
Macl.Maclou.
Mais que murmure ce garçon,
Il faut que de presprès je l’escoutel’écoute.
Sob.Sobrin.
695De moi, je ne fayfais point de doubte
Que s’il sçaitsait mon gouvernement
Il ne me corrige aigrement.
Macl.Maclou.
Que n’aiay -je une place secrettesecrète.
Sob.Sobrin.
Mais, mais quoyquoi ? l’amour de Grassette,
700Qui si bien m’est venu lyerlier,
Me faictfait tout le reste oublyeroublier …
Ah ! malheureux n’est-ce mon perepère
Avec un visage sévère,
C’est luylui, il le faut saluer :
705Heureux puissiez-vous arriver,
Mon perepère.
Macl.Maclou.
Heureux je pourroispourrais estreêtre,
Quand tu te feroisferais reconnoistrereconnaitre
Tel que je l’avoyl’avais désiré.
Sob.Sobrin.
Je n’ayai en ma vie aspiré,
--- 53r° ---
710Et n’ayai autre but que défaire
Tout ce, perepère, qui vous doit plaire.
Macl.Maclou.
Ha Sobrin, Sobrin, ce n’est pas
Selon mon cœur reglerrégler tes pas,
Que laissant de vertu les voyesvoies,
715Tant lourdement tu te fourvoyesfourvoies.
Sob.Sobrin.
Mon perepère, parlez sans courroux.
Macl.Maclou.
Sobrin, je t’ayt’ai estéété trop doux
Et trop douillet de ton enfance,
Tu m’en fais bonne récompense.
Sob.Sobrin.
720Jamais je n’ayn’ai voulu penser
Acte qui vous doive offenser.
Macl.Maclou.
Offenser ! n’est-ce point offense
De mettre en meprismépris la science,
Pour ribler 37 et courir apresaprès
725Tes vilennies à mes frais ?
Sob.Sobrin.
La colerecolère qui vous surmonte
Me faictfait icyici rougir de honte ;
Mais quand le tout au vrayvrai sçauriezsauriez,
Je m’asseurem’assure que vous auriez
730Une autre opinion de moymoi.
Macl.Maclou.
Je suis trop informé de toytoi.
Il te failloitfallait une morveuse,
Pour estreêtre de toytoi amoureuse,
II te failloitfallait, jeune morveux,
735 Estreêtre d’une fille amoureux.
Sobr.Sobrin.
Je n’ayai amoureuse qu’un livre,
Je ne veux autre amour poursuivre
PerePère, et n’en soyez en soucysouci.
Macl.Maclou.
Sobrin, si lu le fais ainsi,
740Si tu fais acte qui me plaise,
Je te ferayferai vivre à ton aise,
Et si auras des biens assez :
--- 53v° ---
Mais si tes sens, mal addressezadressés,
En mauvaises mœurs tu depravesdépraves,
745Après les corrections graves
Dont envers toytoi je peux user,
Tu iras ailleurs abuser
De l’indulgence paternelle,
Pour rendre calme ta cervelle ;
750Et quant à ce pendartpendard Finet,
Qui est messager et laquetlaquais
De tes volontezvolontés putassières
II recevra les estrivières
Si vertement dessus son dos,
755Qu’il le sentira jusqu’aux os.
Or va, retourne à la lecture,
Support de la vie future ;
Avant que je prenne chemin,
J’eslargirayj’élargirai assez ma main.
Sobr.Sobrin.
760Et si du temps je ne fayfais perte ?
Macl.Maclou.
J’aurayJ’aurai pour toytoi la bourse ouverte.
ACTE III. SCENESCÈNE I.
[Grassette]
Enda 38 tous tes propos ourdis
Sont aussi vrais que tu les dis,
L’amitié des hommes flouette 39
765N’est jamais entiereentière et perfaicteparfaite ;
Si pense-jepensé-je avoir un amyami
Qui n’est nyni fat 40 , nyni endormyendormi,
Qui m’aymeaime, cheritchérit, et honore
Autant que luylui, ou plus encore.
Babille.
770Ne vous arrestezarrêtez au babil 41
D’un songeard plus que vous subtil,
--- 54r° ---
Et ne soyez tant adonnée
À une autre amour mal menée 42 ,
Que vous ne pensiez à la fin :
775Corbon est cauteleux 43 et fin,
Et souzsous un grand tas de parollesparoles,
De sornettes et de baboles 44 ,
Ne tend peut estrepeut-être qu’à piper 45 .
Grass.Grassette.
Il ne me voudroitvoudrait pas tromper,
780 NyNi enfraindreenfreindre la foyfoi promise,
QuoyQuoi ? mon amitié y est mise,
En advienne ce qu’il pourra.
Babille.
Et quand mon maistremaître le sçaurasaura ?
Grass.Grassette.
Toujours faudra ilfaudra-t-il qu’il le sçachesache ;
785Si cela quelque peu le fachefâche,
Il ne faut qu’un mignard 46 baiser
Pour sa colerecolère rapaiser.
Babille.
Si je vouloisvoulais estreêtre amoureuse,
Je seroyserais trop plus curieuse
790D’un qui auroitaurait quelque moyen
Que d’un autre qui n’auroitaurait rien.
Grass.Grassette.
Mieux vaut la lettre et la sagesse
Que la perissablepérissable richesse.
Babille.
Qui a dequoyde quoi il est prisé,
795L’opulent est favorisé
Et le pauvre avec sa science
En honneur jamais ne s’advanceavance :
OÔ si Dieu vous faisoitfaisait cet heur 47
D’estreêtre cheryechérie du Prieur.
Grass.Grassette.
800Je ne veux point de son service.
Babille.
Il quittera son beneficebénéfice,
Il n’est nyni prestreprêtre nyni cloistriercloîtrier ;
C’est un jeune homme à marier,
Qui vous aymeaime d’amour si ferme,
--- 54v° ---
805Que sa pauvre vie est à terme,
Si vous n’avez de luylui pitié.
Grass.Grassette.
Qu’un prieur eusteût mon amitié !
Babille, si tu as envyeenvie,
De me voir quelque temps en vyevie,
810Si tu veux aussi retenir
Mon amitié à l’avenir,
Ne me soyssois encecycecicontraire,
Car autre amour ne me peut plaire
Que de ce gentil escolierécolier,
815Lequel j’ayai choisychoisi le premier,
Et si en son cœur je n’ayai place,
Il faudra qu’en bref je trespassetrépasse,
ACTE III. SCENESCÈNE II.
[Babille]
À ce qu’on peut apercevoir,
Mon babil 48 n’a pas grand pouvoir :
820Le Prieur, c’est chose certaine,
Et son Finet perdront leur peine ;
Mais qui pourroitpourrait l’amour forcer ?
Fin.Finet.
Je ne cesse de ravasserrêvasser,
SuyvantSuivant les talons de Babille,
825Pour voir si elle est bien subtile,
Pour faire changer d’autre ton
À Grassette au fourchu menton.
Bab.Babille.
Que dira pendant 49 mon vieil maistremaître,
Quand le temps luylui fera cognoistreconnaître
830Ce que l’amour trop indiscret
Estime bien tenir secret ?
Mais voicyvoici Finet qui m’escouteécoute.
Fin.Finet.
Et bien, Babille ?
Bab.Babille.
Et bien, je doute.
--- 55r° ---
De la cause de ton Prieur,
835Grassette l’a à contre cœur,
Et n’en veut un seul mot entendre.
Fin.Finet.
J’entenentends bien où cela veut tendre :
Elle veut trop faire chercher
Un plaisir qui coustecoûte bien cher :
840Jesçaysaisdes filles les pensées :
Quand plus elles sont caressées,
Plus croistcroît en elles le dedaindédain ;
Et puis l’on les voit tout soudain
Rechercher d’une ameâme esperdueéperdue,
845L’occasion qui s’est perdue.
Babil.Babille.
Finet, Finet, tu le prensprends mal,
Ma maistressemaîtresse a son cœur loyal.
Donné à Corbon, quant au reste,
Elle est tant gentille et honnestehonnête,
850Que jamais un vouloir legerléger
Ne la pourra faire changer.
ACTE III. SCENESCÈNE III.
[Sobrin]
Si mes affaires amoureuses,
Selon mon cœur estoientétaient heureuses,
Finet seroitserait jà 50 de retour.
855 OÔ combien est trop long le jour
Qui paistpaît l’amoureux d’une attente !
Je ne voyvois rien qui me contente,
Je me pourmènepromène curieux
DessouzDessous le fais labourieuxlaborieux
860De milemille ennuysennuis qui m’epoinçonnentépoinçonnent
Et ma pauvre cervelle estonnentétonnent :
TantostTantôt il me vient un soupçon,
--- 55v° ---
L’aageL’âge, le lieu, et la maison
De ma maistressemaîtresse trop severesévère,
865Item le vieil chagrin du perepère,
Cela, quand bien elle voudroitvoudrait,
LoingLoin de moymoi la detourneroitdétournerait ;
Mais je voyvois Finet à la porte,
Qui quelque nouvelle m’apporte.
Finet.
870 OuyOui, telles que je ne veux,
Et dont ne serez trop joyeux.
Sob.Sobrin.
Que dis- tu, Finet, que sera ce ?
Corbon est-il tousjourstoujours en gracegrâce ?
Finet.
Certes, plus qu’il ne fut jamais.
Sob.Sobrin.
875Or, va mal heureux desormaisdésormais,
Quel plaisir peux-tu plus attendre ?
Que ne viens-tu, Parque, me prendre,
Sans me laisser en ce tourment ?
Finet.
Monsieur, parlez plus sagement.
Sob.Sobrin.
880Finet, or’ est la foyfoie congnueconnue
Que tu m’as promise et tenue ?
Est ceEst-ce, meschantméchant, cinq et six fois
Le service que tu me dois ?
Penses-tu que si tu m’abuses,
885Que tes trop affetéesaffétées ruses
Ne reçoivent un jour loyer ?
Te pouvoispouvais-tu plus oublyeroublier ?
Fin.Finet.
Monsieur :
Sob.Sobrin.
Il n’est rien si facile
Que tu ne trouves difficile,
890Puisque tu le fais à regret :
J’estoyJ’étais aussi trop indiscret
De mettre une telle besongnebesogne
Entre les mains de cet ivrongneivrogne.
Fin.Finet.
Monsieur, sans vous tant courroucer,
895Donnez moymoi loisir de penser,
--- 56r° ---
Et j’emploirayj’emploi’rai mon artifice
À faire que vostrevotre service
Soit par vostrevotre amyeamie prisé,
Et devant tous favorisé
Sob.Sobrin.
900 DepescheDépêche donc si tu es sage :
Mais dydit, Finet.
Fin.Finet.
Tout ce langage :
Ne sert qu’à perdre nostrenotre temps,
Laissez moy-moi songer, je pretensprétends
De faire que vostrevotre ennemyeennemie
905Sera vostrevotre loyale amyeamie.
ACTE III. SENESCÈNE IIII.
[Marin]
D’où viens-tu, petit friquasson ?
Est-ce maintenant ta façon
De lever le nez par la rue ?
Tu ne penses plus malotrue
910À la première pauvreté
Où si longtemps tu as estéété,
Ores 51 que tu t’es engraissée
De mon pain la saison passée,
Tu as tout mis en nonchaloir,
915Afin de suyvresuivre ton vouloir :
Mais quoyquoi ? ce n’est pas tout, Babille,
Tu veux encor perdre ma fille,
Qui à peine se sçaitsait moucher,
Tu la veux faire amouracher.
Bab.Babille.
920Ne pensez de moymoi telle chose.
Mar.Marin.
Si ma main dessus toytoi je pose.
Bab.Babille.
Je vous prie Sire Marin.
Mar.Marin.
Va, va, j’en croycrois nostrenotre voysinvoisin
Qui a bien cogneuconnu la menée.
--- 56v° ---
Babil.Babille.
925Je suis bien de male heure née.
Marin.
Si tes ruses je peux sentir,
Je t’en ferayferais bien repentir ;
Et cette petite punaise,
Qui est chez moymoi trop à son aise,
930En bref, esprouveraéprouvera bien quel
Sera le courroux paternel.
Babille.
Tenez un peu quelle manyeremanière
D’entretenir sa chambrierechambrière,
N’est-il pas de malheure né
935Qui sert un vieillard rechigné,
Si n’a - il pas cause gaignéegagnée,
Je suis certes plus obstinée
Que je n’estoisétais au paravantauparavant,
Aille tant qu’il voudra bavant,
940Si complairaycomplairai -je à la jeunesse,
Malgré ses densdents, de ma maistressemaîtresse :
Soit tant qu’il voudra occupé,
Si est-ce qu’il sera trompé.
ACTE III. SCENESCÈNE V.
[Finet]
Je courcours, je trotte, je ravasserêvasse,
945Je cherche occasion et place
Pour trouver ce fils de FrippyerFripier 52 ,
Qui aymeaime à gratter le papyerpapier,
Plus qu’à caresser sa maistressemaîtresse :
S’il me pouvoitpouvait donner adresse,
950Pour parler seulement deux mots,
À Grassette, en quelque lieu clos,
Je pourroypourrai bien faire peut estrepeut-être,
Qu’elle parleroitparlerait à mon maistremaître
--- 57r° ---
Qui sçaurasaura bon gré à Finet,
955S’il entre dans son cabinet,
Par son moyen.
Corb.Corbon.
Tousjourstoujours fortune,
N’est nyni douce nyni importune
Si elle cloche d’un endroit,
De l’autre elle sçaitsait d’aller droit :
960Je n’ayn’ai pas grand or nyni chevance, 53
Cependant la fortune pense
M’avoir amplement satisfaictsatisfait,
Puisqu’agréable elle m’a faictfait
Aux yeux d’une fille gaillarde :
965Mais je ne prensprends pas beaucoup garde
À tels abuzabus qui aveuglezaveuglés,
Rendent plusieurs ensorcelezensorcelés.
Finet
Finet, dresse icyici tes aureillesoreilles.
Corb.Corbon.
Et bien, ces beautezbeautés nompareillesnonpareilles,
970Ces gracesgrâces et ce teinctteint vermeil 54 ,
Ces rayons d’un double soleil,
Et cette forme tant ayméeaimée,
Se perd en l’air comme fumeefumée :
Mais la vertu et le sçavoirsavoir,
975Ont certes bien autre pouvoir.
Fin.Finet.
Qu’attenattends-je plus ?
Corbon.
Mais qui murmure
À mes talons ?
Finet.
À l’aventure,
Vous ayant apperceuaperçu de loin,
J’ayai vers vous brossé mon chemin.
Cor.Corbon.
980Et puis, Finet ?
Fin.Finet.
Et puis ?
Cor.Corbon.
Quell’ bise
À tes vœux ores favorise ?
Que faictfait ton maistremaître le Prieur ?
Ne reçoit-il plus de faveur
De son amoureuse Grassette ?
Finet.
985 CeluyCelui qui a ce qu’il souhaittesouhaite,
Bien que le hazardhasard soit pour luylui,
--- 57v° ---
Ne doitdoibt rire du mal d’autruyautrui :
Corbon, Corbon, quelle journeejournée,
MonstreraMontrera la chance tournée.
990Est il rien soubssous le firmament,
Qui ne soit serf du changement ?
Corb.Corbon.
Certes, Finet je ne puis dire
Si l’on m’aymeaime ou si c’est pour rire ?
De moymoi je t’assure ce poinctpoint,
995Que l’amour folefolle ne me poingtpoint.
Finet.
Hé que mon maistremaître n’a vostrevotre aageâge,
VostreVotre habit, et vostrevotre visage
Corb.Corbon.
PourquoyPourquoi Finet ?
Fin.Finet.
Car tant cruelle
Ne luylui seroytserait sa toute belle
1000Si elle l’aymoitaimait comme vous,
Je croycrois que jamais autre espouxépoux,
N’auroitaurait part en sa bonne gracegrâce.
Corb.Corbon.
Je voudroyvoudrais donc qu’il eusteût ma place.
Finet.
O s’il luylui estoit était advenu,
1005Que pour vous il fustfût bien venu,
Jamais d’homme tant fustfût traictabletraitable,
Vous n’eusteseûtes l’œil plus favorable.
Corb.Corbon.
Mais qui s serviroisservirais -je, et dequoyde quoi,
Que feroitferait Grassette pour moymoi ?
Fin.Finet.
1010Elle ne fera doncques chose
Pour homme qui requerirrequérir l’ose.
Corb.Corbon.
Finet, je ne suis un amyami,
Qui seulement aime à demydemi,
L’amitié plus cherechère et premierepremière,
1015Doit tousjourstoujours demeurer entiereentière ;
J’ayai ayméaimé, certes, et j’aymeaime encor
Ton maistremaître comme le fin or,
Si je luylui puis faire service,
(Afin que tu l’en avertisse),
--- 58r° ---
1020Pour le mener à son dessein
Je luylui serayserai amyami certain.
Fin.Finet.
Ainsi fault ilfaut-il que l’on connoisseconnaisse,
L’amyami quand l’affaire nous presse.
Je vayvais vers mon maistremaître fachéfâché,
1025Dire ce que j’ayai de pêchédépêché,
Si le bonheur trop ne s’eslongne 55 ,
J’espereespère mener la besongnebesogne,
Au but où j’ayai tousjourstoujours tiré,
Et soit le FrypierFripier asseuréassuré,
1030Que si je gaignegagne un point de raphe,
Je l’envoirayenverrai faire la piaphepiaffe,
Dans ses escolesécoles de decretdécret ;
Mais st, tenons le cas secret,
La jactance est un peu trop vaine,
1035En une esperanceespérance incertaine.
ACTE IIII SCENESCÈNE I.
[Sobrin]
S’il est ainsi que tu m’as dictdit,
J’espère enfin avoir creditcrédit,
Un jour, aupresauprès de ma mignarde.
Mais :
Fin.Finet.
Quoyquoi
Sob.Sobrin.
Finet, donnons-nous garde,
1040Qu’il n’y aitest quelque dol 56 caché
Fin.Finet.
Monsieur, cela est depeschédépêché
Ce frypierfripier n’est qu’une pecorepécore
Un fat, un nyaisniais, un landore 57 ,
Qui ne sçaitsait un seul gentil tour
1045De tous ceux que requiert l’amour,
Et donnera plustostplutôt un blasmeblâme
À une gracieuse dame,
Qu’une heure de contentement.
--- 58v° ---
Il n’est qu’un bon commencement,
1050Laissez moy-moi faire quant au reste :
Car à ce coup, monsieur, j’atteste
Les amoureuses deitezdéités
Leurs dardzdards et leurs feux irritezirrités,
Que vous aurez la recompenserécompense
1055De vos services : mais je pense
Que voicyvoici le fils du Fripier.
Corb.Corbon.
Si me ferayferai -je bien payer
Avant que mon droictdroit je lui quitte.
Fin.Finet.
Ne faillez à cette poursuite,
1060Parlez peu, pendant despechezdépêchez,
Voicyvoici celuycelui que vous cherchez.
Corb.Corbon.
Jesçaysaisqu’il a argent en bourse,
Mais grassette, qui est rebourse,
N’a que faire de tout cela.
Fin.Finet.
1065 ArrestezArrêtez -le, monsieur.
Sob.Sobrin.
Hola.
Corb.Corbon.
Qu’est-ce qui me ?
Fin.Finet.
Parlez, mon maistremaître.
Sob.Sobrin.
Ha, qu’heureux le ciel vous feitfit naistrenaître,
Corbon, puisque vous avez peu 58 .
AcquerirAcquérir pour rien ou bien peu
1070L’amour et le cœur de grassette
Que tant cherementchèrement je souhaittesouhaite.
Corb.Corbon.
Je nesçaysaisquel bien ou malheur,
Mais si n’eus-je jamais au cœur
Amour de femmes nyni de filles :
1075Elles ne sont assez subtiles :
Pour me piper de leur attraictattrait
Sob.Sobrin.
HelasHélas Corbon, puisque le traicttrait
De ce petit Dieu, qui entame
Une ardanteardente playeplaie en mon ameâme,
1080Nous vous a blessé comme moymoi,
Je vous supplyesupplie, par la foyfoi
--- 59r° ---
DezDès longtemps entre nous jurée,
Que vous m’y donniez quelque entrée ;
Car si d’elle je ne jouysjouis,
1085Accablé de maux et d’ennuis,
Vous verrez en peu de journeesjournées
Venir la fin de mes anneesannées.
Corb.Corbon.
Mais je ne voyvois point quel secours
Je puisse faire à vos amours.
Fin.Finet.
1090Il faut pour cette maladie
Une entreprise bien hardie,
Et sui, par quelque moyen bref,
En peu de temps soit mise à chef.
Sob.Sobrin.
Finet, mon amyami, je te prie.
Corb.Corbon.
1095Si le perepère ou la fille crie ?
Fin.Finet.
Rien, nous ferons si sagement,
Qu’ils n’en sentiront que le vent.
Corb.Corbon.
Comment ?
Fin.Finet.
Nous dirons à Babille,
Qui est assez prompte et habile,
1100Que vous desirezdésirez de parler
À sa maistressemaîtresse et d’y aller
(A finAfin qu’on couvre l’entreprise)
DesguiséDéguisé d’une robe grise
Faictesfaites tant que Grassette aussi
1105Par vous entende tout ceci,
A finAfin que si mon maistremaître arrive
Elle ne face la retiverétive :
Quant à luylui, il aura le soin
De la trouver en quelque coin,
1110Où il y ait peu de lumierelumière ;
J’attirerayattirerai la chambrierechambrière,
Qui conduira mon pelerinpèlerin
Au celiercellier du sire Marin,
Avec sa robe villageoise,
--- 59v° ---
1115Pour sans faire nyni bruit nyni noise
Demander du vin pour l’argent.
Corb.Corbon.
Et puis ?
Fin.Finet.
LuyLui qui est diligent, 59
Quand il faut parler de monnoye 60
Mettra soudain Grassette en voyevoie
1120Qui, estantétant instruite du cas,
Son huys 61 ne refusera pas :
Et puis elle, estantétant abusée
Par la vesture desguisédéguisée,
Prendra monsieur pour son amyami,
1125Qui lors ne sera endormyendormi
À bien sa fortune poursuyvrepoursuivre
Corb.Corbon.
Mais que s’en pourroitpourrait -il ensuivre
Sob.Sobrin.
Ensuyveensuive tout ce qu’il pourra
Corb.Corbon.
Voyrevoire après Corbon restera
1130Honteux comme une lourde bestebête,
Payé de cent hochets de testetête.
Sob.Sobrin.
Non, non, sans plus vous tourmenter,
A finAfin de mieux vous contenter,
FaictesFaites – moymoi quelque autre demande,
1135Car j’ayai l’affection si grande,
Que de refus vous n’aurez point
Corb.Corbon.
Je ne demande qu’un seul poinctpoint
Sob.Sobrin.
Quel ?
Corb.Corbon.
Vous avez un beneficebénéfice
Qui requierrequiert un autre service
1140Que celuycelui que vous poursuyvezpoursuivez,
Duquel disposer vous pouvez :
De moymoi, j’ayai toujours eu envie,
De mener une austereaustère vie ;
FaictesFaites - moymoi jouir de cela
1145Promptement, et puis me voilavoilà
Ja 62 tout prestprêt à vous introduire
Au lieu où vostrevotre amitié tire
--- 60r° ---
Entendez-vous bien à ce coup.
Sob.Sobrin.
Certes, vous demandez beaucoup,
1150Mais l’ardent feu de mon courage
FeroitFerait vous donner davantage
Si or’ vous m’en aviez requis :
Ce bien là pour vous est acquis,
Et en aurez lettres passées.
1155Finet, quant aux autres menées,
Qu’on se despeschedépêche d’y pourvoir.
Corb.Corbon.
EscouteÉcoute, Finet, st, st, st.
ACTE IIII SCENESCÈNE II
[Finet]
OÔ Malheureux Prieur desmisdémis,
Que ne vois-tu où tu t’es mis,
1160Qu’avant que d’entrer tu ne sondes
Le gué des miseresmisères profondes
Où tu te vas precipiterprécipiter :
Qui se fustfût voulu despiterdépiter :
Contre toytoi pour un maleficemaléfice,
1165N’eusteût sceusu choisir plus dur supplice
Va : tu n’avoisavais pas meritémérité
Aveugle, cette dignité
Que maintenant si peu tu prises :
Ha malheureuses entreprises,
1170Puisque l’on profane en ce poinctpoint
Ce qui nous doibtdoit estreêtre si sainctsaint.
PerissentPérissent d’une mort estrangeétrange,
Ceux qui complottentcomplotent tel eschangeéchange :
Mon Prieur pourra bien sentir
1175À la fin un long repentir
De ce qu’à soymesmesoi-même il desrobedérobe :
--- 60v° ---
Mais je vay chercher une robe,
Des barrils, et tout ce qu’il faut
AttittrerAttitrer Martin, et Thibaut,
1180L’amoureuse, et la chambrierechambrière,
Sentir l’entreeentrée de derrierederrière,
Et tout ce qu’il faut pour tromper
Tous ceux que nous voulons piper.
Bab.Babille.
Je ne scaysais comme va l’affaire
1185Du prieur et de son contraire,
Et qui du combat entrepris
Des deux emportera le prix :
Mais je voyvois Finet qui trotinetrottine
Afin que quelcunquelqu’un il affine.
1190Finet, finet.
Fin.Finet.
Qui va là ? quoyquoi ?
Bab.Babille.
ArresteArrête Finet, parle à moymoi.
Fin.Finet.
Ah jamais en saison meilleure
Je ne t’ayai veuevue qu’à cette heure.
Bab.Babille.
De l’affaire comme en va ilva-t-il ?
Fin.Finet.
1195Je leur ayai bien baillé le fil.
Bab.Babille.
Conclusion.
Fin.Finet.
VoylaVoilà mon maistremaître
Tant heureux que plus ne peut estreêtre,
PourveuPourvu qu’à ce nouveau bon heurbonheur
Tu luylui prestesprêtes quelque faveur.
Bab.Babille.
1200En quoyquoi, finet ?
Fin.Finet.
Il te faut dire
À Grassette s’elle desiredésire
Parler à Corbon à loisir
Qu’elle ne scauroitsaurait mieux choisir
Le jour nyni l’heure plus secrettesecrète
1205Que cettecelle cy-ci, et qu’en cachette
Je va en habit vilageoisvillageois
Demander, mais à basse voix,
S’il n’y a point de vin à vendre,
Grassette le pourra entendre
--- 61r° ---
1210Et mener alors l’escolierécolier
Au plus secret lieu du celiercellier :
Alors ils parleront sans noise,
Par ensemble tout àleur aise.
Babil.Babille.
Que fera le Prieur tandis ?
Fin.Finet.
1215 FayFais seulement ce que je dis,
InstruyInstruis moymoi bien nostrenotre amoureuse,
Et tu seras la plus heureuse
De ton village.
Babil.Babille.
Mais pendant
Marin qui va tousjourstoujours raudantrôdant,
1220Sentira il-il point la cassade ?
Finet.
Mais mon Dieu que tu es maussade,
Va t’en à la maison expresexprès,
A finAfin que vous vous teniez presprès.
Et que l’on vous retrouver ensemble.
Babil.Babille.
1225Cet engeoleurengeôleur icyici assemble
Tant et tant de propos divers,
Qu’il n’y a endroit nyni envers :
Mais qui est galleux qu’il se frotte,
Il faictfait bon gaignergagner une cotte :
1230L’odeur du gain sent tousjourstoujours bon.
Je vayvais mettre ordre à la maison,
A finAfin que si quelqu’un arrive,
Long tempsLongtemps à la porte il n’estrive.
ACTE IIII. SCENESCÈNE III.
FiquetFriquet.
Plus je frequentefréquente la maison
1235De Marin, plus j’ayai de soupçon :
Car Babille est fort affetéeaffectée
Grassette un peu trop esventéeéventée,
Certes telle legeretélégèreté
--- 61v° ---
Convient mal à la chasteté :
1240Ores ne peultpeut estreêtre le perepère
Envers sa fille trop severesévère.
Au vieil temps l’on ne caquetoitcaquetait
D’amour, sinon quand l’on estoitétait
À la perfection d’un ageâge
1245Propre à traictertraiter le mariage :
La creintivecraintive fille pendant,
SoubsSous la main du perepère attendant,
À ses mandemensmandements tousjourstoujours presteprête,
VergongneuseVergogneuse, baissoitbaissait la testetête,
1250Et n’osoitosait voir un homme en front ;
Mais maintenant, nos filles vont
Plus effrontées que des biches
Qui battent les deux flancs des friches,
Si veux-je de tout mon pouvoir
1255TascherTâcher si je pourraypourrai sçavoirsavoir
À quoyquoi tendent tant de menées
Que j’ayai veuvu par tant de journées
Au logis du sire Marin :
Qui voit bruslerbrûler de son voysinvoisin
1260La maison, la grange ou l’estableétable
Doit craindre l’accident semblable.
J’ayai une fille qui croistracroîtra 63
Et peult estrepeut-être me donnera,
Si Dieu ne m’aydeaide, un tel affaire ;
1265Mais il vaut mieux un peu se taire,
Et, sans trop d’icyici s’eslongneréloigner
DiscrettementDiscrètement y besongnerbesogner
--- 62r° ---
ACTE. IIII. SCENESCÈNE. IIII.
[Sobrin]
Me voylàvoilà en bon equipageéquipage.
Fi.Finet.
Mais il faut changer de langage,
1270De mots, de gestes et de voix,
Et contrefaire un vilageoisvillageois.
Sob.Sobrin.
J’ensçaysaisassez, Finet regarde
Cependant par toutpartout, et prenprends garde
Que c’est qui entre, et qui va là.
Fin.Finet.
1275Je sçauraysaurai bien faire cela.
Sob.Sobrin.
Si, dans cette maison bourgeoise,
Tu entensentends quelque bruit ou noise,
VienViens, courcours, et voyvois tous les quantons,
Car je craincrains les coups debastonsbâtons
Fin.Finet.
1280Non, n’ayez peur qu’on vous offense ;
Vous n’aurez mal en ma presenceprésence ;
Croyez, si l’on touche sur vous,
Que je n’attendrayattendrai pas les coups.
Sob.Sobrin.
Hau lay hau, n’y a icyici personne ?
Mar.Marin.
1285QuoyQuoi ? que veultveut dire cet yvrongneivrogne ?
Sob.Sobrin.
May foy y au moy, Sire Marin.
Y demande inun pochon de vin,
Pour mon perepère, qu’au tantant mailaide.
Mar.Marin.
Bren, bren, il faut tousjourstoujours qu’on aide
1290À ces vilains à tout propos :
On se sçauroitsaurait avoir repos,
S’on veultveut croire cette canaille :
Et quoyquoi, qui leur presteprête, il leur baille,
Ils empruntent sans jamais rendre,
1295 TantostTantôt il faut du vin leur vendre,
TantostTantôt il faut voir le grenier,
--- 62v° ---
Et n’ont jamais un seul denier ;
Puis, si cherchez au bout du terme
VostreVotre argent, leur maison se ferme,
1300Et estesêtes, pour conclusion,
SatisfaictSatisfait d’une cession.
Allez, je n’ayai rien en ma cave.
Sob.Sobrin.
Ma foyfoi ! mon porrepauvre chero glave
En son lilit de fainfoin et de soysoi’,
1305Y vous payraypai’rai ben, pour ma foyfoi
Mar.Marin.
D’où estesêtes vous ?
Sob.Sobrin.
De Brisepeille
Mar.Marin.
Ce seroitserait bien grande merveille,
Si ces vilains sçavoyentsavaient compter
Cinq douzains pour me presenterprésenter,
1310Encor 64 que rien je ne leur ferme.
Sob.Sobrin.
A me faut inun pochot de terme
Qui ne vous sero pé contant.
Mar.Marin.
Mais qu’en veux-tu faire de tant ?
Sob.Sobrin.
Y au pour Porno de Bourdoillon
1315Et pour say famefemme, Parrechon
Qu’ayai son chéchez may tante Gelitre
Mar.Marin.
Fault-ilFaut-il du vin à ce belitrebélitre ?
Bien pour ce coup, tu en auras
Mais, sçais-tusais-tu quoyquoi tu me payraspai’ras
1320Du principal et de l’attente
Sob.Sobrin.
OÔ Monseur, et Margo, may tante,
Vous donrédon’rez demain à marché
Y sçaysait ben quoyquoi qu’elle e’ait caiché,
De quoyquoi nonos gengens ne scayvan ren.
Mar.Marin.
1325Grassette, tosttôt allez vousallez-vous en
Bailler de mon vin, tosttôt Babille,
Qu’on prenne la clarté habile,
Et qu’on se garde d’espancherépancher :
--- 63r° ---
Le vin est maintenant trop cher,
1330Et puis nostrenotre cave est si sombre,
Qu’on n’y voit que noircir de l’ombre.
Cependant que cela se faictfait,
J’ayai quelque marché imparfaictimparfait
Avecques 65 Macé lochehoche testetête,
1335Encor qu’il soit aujourd’hui festefête,
Si ne veux-je pourtant laisser
À mes besongnesbesognes avancer :
Je vayvais chercher à l’heure à l’heure,
Le logis auquel il demeure.
ACTE IIII. SCENESCÈNE V.
Corbon.
1340Avoir ne faut la main pesante,
Quand l’occasion se presanteprésente
A l’empoigner par les cheveux,
Et la bien serrer si tu peux :
Car si le malheur tant te frappe
1345Qu’un coup de la main elle eschappeéchappe,
En vain tu la regretteras :
Car plus sa faveur tu n’auras.
C’est folyefolie à celuycelui qui pense
EstreÊtre avancé par sa science,
1350Car, ores 66 les mondains estatsétats
Des lettres font trop peu de cas :
J’eusse long tempslongtemps suivysuivi l’estudel’étude,
Tant est grande 67 l’ingratitude,
Sans qu’il m’en fustfût orou advenu
1355Pour quatre sols de revenu,
Et voicyvoici l’heure inopinée
Que je voyvois ma vie assignée
--- 63v° ---
Sur un gras et ample moyen,
Sans avoir meritémérité tel bien :
1360Vertu est pauvre et importune,
Mais les biens sont pour la fortune :
Ainsi que j’avoisj’avais convenu,
Tout ainsi est ilest-il advenu :
Je suis quitte de ma promesse
1365Et depestrédépêtré de ma maistressemaitresse :
Or soit Sobrin enamouréénamouré,
Si auray-jeaurais-je le Prieuré :
Je confesse que la conquesteconquête
En est quelque peu mal-honnestemalhonnête :
1370Mais le gain plaistplaît tant aux humains,
Que quand il vient entre leurs mains,
Son odeur est plus estimeeestimée,
Que n’est la bonne renommeerenommée :
Je ne suis plus fils du frippierfripier,
1375Car voicyvoici dedans ce papyerpapier
De mon Prieuré la depeschedépêche :
Tant qu’il voudra maintenant prescheprêche
Grassette, le fol amoureux,
Car, quant à moymoi, j’aymeaime bien mieux
1380À mon aise passer mon ageâge,
Qu’estreQu’être martirmartyr en mariage.
ACTE IIII. SCENESCÈNE. VI.
[Sobrin]
Nul n’est iln’est-il maintenant en voyevoie ?
N’est-il personne qui me voyevoie ?
Homme ne suyt-ilsuit-il mes talons ?
1385Je sens infinis esguillonsaiguillons
Qui poulsentpoussent hors de ma penseepensée
--- 64r° ---
Par force une joyejoie presseepréssée :
Je suis droictementdroitement sur le poinctpoint
Que la mort me viendroitviendrait à point
1390Afin que ma plus longue vie
D’un nouveau dueildeuil ne soit suivyesuivie
Qui me ravisse à l’avenir
De ce beau jour le souvenir :
Ne verray jeverrai-je homme qui se plaise
1395D’escouter écouter d’où me vient cet aise ?
D’où je vienviens, pourquoypourquoi et comment
Je trainetraîne cet accoustrementaccoutrement.
Finet.
VoicyVoici l’amoureux de village
Qui est tout gaygai en son courage,
1400Il faut scavoirsavoir ce qu’il a faictfait.
Sob.Sobrin.
N’est ceN’est-ce pas icyici mon Finet ?
Ha mon Finet par ta prudence,
J’ayJ’ai un tel plaisir que je pense
Qu’il n’en peultpeut advenir un tel
1405En ce monde à l’homme mortel.
Fin.Finet.
Cela va bien, car pour les doubtesdoutes
J’ayai estéété sans cesse aux escoutesécoutes :
Mais je vous pryeprie me conter.
Sob.Sobrin.
Mais je te pryeprie d’escouterécouter.
1410À peine estoitétait la cave ouverte,
Que Babille au mestyermétier experte
Esteinctéteint la chandelle, et de loingloin
Me monstremontre Grassette à un coingcoin
Pensant le frippierfripier introduire,
1415Puis rusée elle se retire :
Lors parlant peu à basse voix,
Premier je me joue à ses doigts,
Puis aux tetinstétins, puis je l’embrasse,
Je colecolle à la sienne ma face :
--- 64v° ---
1420Bref, à ma chaude affection
A tant compleucomplu l’occasion
Qu’onc 68 amoureux, comme je pense,
Ne receutreçut telle recompenserécompense.
Finet.
Ha, ha, ho, ho, ha, ha, ha, ha.
Sobr.Sobrin.
1425Après Finet, pour mirer mieux
Ma face dedans les deux yeux
De ma dame tant désirée,
Je l’ayl’ai à la clarté tirée,
Et pour aussi me descouvrirdécouvrir.
Finet.
1430C’est ce que je vouloisvoulais ouyrouïr.
Sob.Sobrin.
À l’heure, ma pauvre Grassette,
À l’heure, ma pauvre tendrette
S’est pasméepâmée entre mes bras,
VoyansVoyant bien qu’elle n’estoitn’était pas
1435Où elle pensoitpensait estreêtre chute :
Mais, apresaprès la longue dispute
FaicteFaite de ma longue amityéamitié,
De nous deux elle a eu pityépitié.
Ah Corbon deloyaldéloyal et traistretraître,
1440 Dict elleDit-elle, ore fais-tu paroistreparaître
Des hommes la fidelitéfidélité.
OÔ Ciel contre moymoi irrité !
Et toytoi, du beau jour la lumyerelumière
Qui sembles fermer ta paupierepaupière
1445Pour ne voir ce desloyaldéloyal faictfait,
À tout le moins vangevenge l’injure
Que je recoyreçois de ce parjure :
Tu ne chantoischantais, traistretraître imposteur,
Que d’un mariage futeur,
1450Pendant tu m’as (ah esperdueéperdue )
Prodigieusement vendue.
--- 65r° ---
Est-ce l’heur 69 que j’attenj’attends de toytoi ?
Est ceEst-ce meschantméchant, est-ce la foyfoi
Que tu m’as tant de fois jurée ?
1455Tu vois comme estoitétait asseureeassurée
Ton amour en cet animal :
Mais dy jedis-je en effacanteffaçant le mal,
Que t’a faictfait cette meschanteméchante ameâme,
J’atteste maintenant la flameflamme
1460Qui premier embrazaembrasa mon cœur
Quand ton oeil en fut le vaincueurvainqueur,
Qu’à jamais, quoyquoi qu’il en advienne,
Ta volonté sera la mienne,
Qu’un mariage bien-heureuxbienheureux
1465Fera un seul corps de nous deux :
Que tu me seras aussi cherechère
Que l’œil couvert soubssous ma paulpierepaupière,
Et que cette nostrenotre union
N’aura jamais division.
1470En ce poinctpoint, ma doulcedouce parole,
Si bien ma mignonne console,
Que je l’estime desormaisdésormais,
EstreÊtre ma femme pour jamais.
Fin.Finet.
Oh comme je craincrains la colerecolère
1475Irittée de vostrevotre PerePère,
Sobr.Sobrin.
Rien Finet, plustostplutôt il te faut
En cette matierematière estreêtre cault, 70
Et tant faire par ta meneemenée,
Qu’à femme elle me soit donnée.
ACTE IIII. SCENESCÈNE VII.
--- 65v° ---
[Friquet]
1480Sire Marin, si je le tue,
Et la justice s’en remue ?
Mar.Marin.
Versez le moymoi sur le pavé :
Fault ilFaut-il qu’un paillard depravédépravé
Me vienne faire telle injure ?
Friq.Friquet.
1485Si je le puis trouver, j’en jure,
Je luylui chargeraychargerai bien le dos.
Marin.
AssomezAssommez, cassez luy -lui les os,
Montrez luy -lui moymoi que c’est à dire
De venir les filles seduyreséduire.
Friq.Friquet.
1490Si j’eusse attrapé le paillard,
Il eusteût dictdit qui mangea le lard.
Marin.
A ilA-t-il bien couvert l’entreprise
DessoubsDessous une jacquettejaquette grise ?
L’homme est-il plus de l’homme seur 71
Friq.Friquet.
1495Je t’aurayaurai traistretraître ravisseur.
Mar.Marin.
Et cette petite affetéeaffectée
Toute nue sera fouettée.
Friq.Friquet.
Ha Babille est ceest-ce la façon ?
Mar.Marin.
Je t’aurayaurai petit putasson,
1500 BelistresseBelîtresse, t’ayai -je nourrie
Pour avoir telle vilennyevilennie ?
Friq.Friquet.
Il la faultfaut faire emprionner.
Mar.Marin.
Il luylui faultfaut tant de coups donner.
Friq.Friquet.
Non donnez la à la justice,
1505Et que tresbientrès bien on la punisse.
Mar.Marin.
Soyez donc, Friquet diligent
À chercher quelque bon sergent,
Pour la jetterjeter en fond de fosse,
Où la puisse estranglerétrangler la bosse
1510Et qu’au surplus de ce vilain
Le sang rougisse le chemin
Friq.Friquet.
La chose en est bien asseuréeassurée,
--- 66r° ---
Vous viendrez en prison murée,
Belle huyssierehuissière de la mynuictminuit :
1515Diable y ait part qu’on ne poursuit
Ainsi toutes les maquerelles
VrayeVraie perte et peste de celles
Qui pour peu se laissent piper ! 72
Ensemble on me puisse couper
1520Promptement l’une et l’autre oreille,
Prieur, si je ne vous resveilleréveille !
ACTE IIII SCENESCÈNE VIII.
[Maclou]
I ne reste plus qu’à penser
De mon retour pour l’avancer,
J’ayai presqu’icyici faictfait les affaires
1525Qui m’estoientétaient les plus necessairesnécessaires,
Il me faut voir mon escolyerécolier,
LuyLui donner argent pour payer
Sa chambre, son bois, ses chandelles,
Sa despencedépense et besognes telles,
1530Pour retourner en nos quartiers.
Mar.Marin.
TayT’ai -je nourrynourri cinq ans entiers ?
PresPrès de moymoi, pour cela truande,
Je t’en ferayferai payer l’amande !
Macl.Maclou.
N’est-ce pas le sire Marin
1535Qui vient au long de ce chemin ?
C’est luylui, mais qu’est-ce qu’il grommelle ?
Mar.Marin.
Si je treuvetrouve la macquerellemaquerelle,
Si je r’encontrerencontre ce muguet
Et ce larronneau de Finet.
Macl.Maclou.
1540Finet ! ha que peultpeut cecyceci estreêtre ?
Mar.Marin.
Et son jeune babouin de maistremaître
--- 66v° ---
Qui prend un paletot de gris,
Pour venir troubler mes esprisesprits.
Macl.Maclou.
Ce qu’il dit seroitserait -ce point songe ?
1545Si me faut-il sçavoirsavoir que c’est.
Ha Sire Marin, mais où est,
À cette heure, vostrevotre prudence ?
Mar.Marin.
Ha ! MeschantMéchant !
Macl.Maclou.
Qu’est cecyceci ? Je pense
Que vous estesêtes hors de raison.
Mar.Marin.
1550Ainsi souiller une maison ?
Qui me tient que je ne t’assomme
Macl.Maclou.
Tout beau Sire Marin, mais comme
Estes Êtes- vous ainsi transporté ?
Mar.Marin.
Je scaysais trop bien sa loyauté,
1555Et comme il s’est monstrémontré habile
À ravir l’honneur de ma fille
Que si
Macl.Maclou.
Mais qui vous a faictfait tort ?
Mar.Marin.
Il aura le coup de la mort.
Macl.Maclou.
Qui donc ?
Mar.Marin.
Ah Sobrin trop volage
Macl.Maclou.
1560Sobrin ! Qu’a ilQu’a-t-il fait quel outrage ?
Mar.Marin.
Et son effronté coustelliercoutelier
Macl.Maclou.
Qui Sobrin ? qui mon escolyerécolier ?
Mar.Marin.
L’imposteur Sobrin se desguisedéguise
Avec une jacquettejaquette grise
1565Pour forcer les filles d’autruyd’autrui.
Macl.Maclou.
Pour forcer les filles ? Qui luyLui ?
Mar.Marin.
LuyLui !
Macl.Maclou.
Que mon fils Sobrin s’efforce
De prendre quelque fille à force ? 73
Mar.Marin.
Avec un habillement gris
1570Il est entré en mon logis,
Et a ma Grassette engeoléeengeôlée
Si bien qu’il l’a despuceléedépucelée
Macl.Maclou.
Ah ! meschantméchant bastardbatard, qu’as tuqu’as-tu faictfait
--- 67r° ---
Mais pourquoypourquoi ne fus-tu defaictdéfait,
1575Tombant du ventre de ta meremère,
Par les dents de quelque chimerechimère ?
Mar.Marin.
Cela ne me contente pas,
Si en passera-t-il le pas,
Si par la ville on le rencontre.
Macl.Maclou.
1580Il faut, Finet, que je te monstremontre
Que vaultvaut d’un maistremaître le courroux : 74
Je t’ayt’ai, je t’ayt’ai estéété trop doux
Il faut que de toytoi je me vangevenge,
Puisque ton vouloir ne se change ?
1585Sire Marin
Mar.Marin.
SçavezSavez vous quoyquoi ?
Ne m’en parlez plus.
Macl.Maclou.
Par la foyfoi,
Qui a tousjourstoujours, meremère commune,
Nourry Nourri deux amitiezamitiés en une,
Si ma priereprière a quelque lieu,
1590Je vous prie, en l’honneur de Dieu,
TemperezTempérez la colerecolère forte
Qui pour cette heure vous transporte
Et me donnez un peu de temps
Pendant lequel bien je prétensprétends
1595De faire une plus ample enquesteenquête.
Mar.Marin.
Bien bien, vous me rompez la testetête
Macl.Maclou.
Mais je vous pryeprie.
Mar.Marin.
Abus.
Macl.Maclou.
Mais, mais
L’on vous fera raison
Mar.Marin.
Jamais.
Macl.Maclou.
Si n’y a -t-il faute si grande
1600Qu’on ne repare par amande.
ACTE V. SCENESCÈNE I.
[Friquet]
SçaisSais -tu quoy quoi ? ne m’en parle plus,
Car nous sommes tous resolusrésolus
--- 67v° ---
D’avoir raison du malefice,maléfice
Ou de vous tirer en justice,
1605Cherchez ailleurs votre crédit.
Fin.Finet.
Il est bien vrayvrai ce que l’on dict dit :
Vous trouverez un genre d’hommes,
Au malheureux temps où nous sommes,
Qui n’ont meilleur gain que celuy celui
1610Qui leur vient du malheur d’autruy.d’autrui :
Ne cherchez tant vostrevotre advantageavantage
Maintenant, en nostrenotre dommage,
Que vous ne pensiez à la fin.
Friq.Friquet.
QuoyQuoi ? Si je soustiensoutiens mon voisin,
1615 Fayfais -je chose que je ne doive ?
Qui faictfait la folyefolie 75 la boyve,boive
Je suis loyal jusqu’à la mort.
Fin.Finet.
Nous avons quelque peu de tort :
Friquet, ainsi je le confesse,
1620Le Prieur et moymoi : mais si n’est-ce
Pour en mourir.
Friq.Friquet.
Si sera bien.
Fin.Finet.
Vous n’en avez pas le moyen.
Friq.Friquet.
Fault ilFaut-il point que ce coquin groigne 76
Fin.Finet.
Coquin !
Friq.Friquet.
Corbieu si je t’empoigne,
1625Je battraybattrai le pavé de toytoi.
Sobrin.
Ce ne sera doncques 77 sans moymoi
Si tu avoisavais la main levée,
Tu sentiroissentirais que mon espéeépée
Ne tient point au bout du fourreau.
Friq.Friquet.
1630En aydeaide, voyez ce bourreau
Qui me veultveut icyici faire oultrageoutrage.
Sobr.Sobrin.
Demeure, tu n’auras dommage :
Mais je te veux bien advertiravertir
Que je te ferayferat repentir,
1635Si tes injures tu n’oublies,
--- 68r° ---
Et que tu ne reconciliesréconcilies
Mon perepère avec 78 ton voysinvoisin.
M’entens-tu.
Friq.Friquet.
Il est bien besoin.
Sobr.Sobrin.
Au surplus, si tu peux tant faire,
1640Que Marin, qui est mon contraire,
VueilleVeuille son courroux oublyer,oublier
Et sa Grassette à moymoi lyerlier
Par un bon mariage, pense
D’en avoir bonne recompencerécompense :
1645Mais si en nos fermes amours,
Tu brasses quelques traistrestraitres tours,
Je jure que de cette espeeépée
Tu auras la gorge couppéecoupée.
Friq.Friquet.
Ainsi maintenant les puissants
1650Rendent à eux obeissantsobéissants
Les petits qui contre eux ne peuvent ;
Si je leur faux et ils me treuvent 79
Ils me frotteront bien mon lard ;
Si je peux gaignergagner ce vieillard,
1655J’en aurayaurai bien ample salaire.
Il vaultvaut mieux l’un que l’autre faire :
Chacun ores 80 . pense de soysoi,
Je n’ayn’ai nul plus proche que moymoi.
ACTE V SCENESCÈNE II.
[Marin]
J’advise de tous les endroits,
1660Car bien entendre je voudrois 81 .
Comme Friquet, mon voysinvoisin, traictetraite
Ceux qui cette injure m’ont faictefaite.
Ha ! je le voyvois venir de loin
Et bien est-il mort ce vilain ?
--- 68v° ---
Friquet.
1665Mort ! mais luylui, de grande furyefurie
M’a il pensé osterôter la vyevie ?
Au desespoirdésespoir le dernier but
Est de n’espererespérer nul salut.
Mar.Marin.
Mais, dictesdites moymoi.
Friq.Friquet.
Il court, il rible,
1670II escumeécume, il fait le terrible
Avec son pendard de valet
Armé des pieds jusqu’au coletcollet. 82
Bref, gardons-nous qu’en quelque embuscheembûche
L’un de nous bientostbientôt ne tresbuchetrébuche.
Mar.Marin.
1675Mais que ferons-nous encecyceci?
Endurerons-nous donc qu’ainsi
II ait abusé de ma fille ?
Friq.Friquet.
Que n’estoitétait- elle plus habile
Et plus prudente à se garder.
1680Sans imprudemment hazarderhasarder
La chose qui estoitétait si cherechère ?
Faut-il ainsi estreêtre legerelégère
Au premier amoureux qui rit ?
Un jeune homme de bon esprit,
1685Poussé des flambeaux de son ageâge,
Ne cherche que son avantage.
Mar.Marin.
Mais que ferons-nous, mon Friquet ?
Friq.Friquet.
À ce que j’ayai sceusu de Finet,
L’escolyerécolier a bien bonne envyeenvie
1690D’user le reste de sa vie
Avec Grassette.
Mar.Marin.
Mais, comment ?
Friq.Friquet.
Il ne l’a (si Finet ne ment)
A son amitié attirée
Que pour l’avoir femme espouséeépousée.
Mar.Marin.
1695Est-il possible ?
Friq.Friquet.
Il est tout vrayvrai.
Mar.Marin.
Je nesçaysaissi je le croiraycroirai,
Car maintenant, la paillardise
--- 69r° ---
SoubsSous un tel masque se desguisedéguise :
ToutesfoisToutefois, si, sans m’abuser,
1700II vouloitvoulait ma fille espouserépouser,
Je le feroyferai, en lieu de moynemoine,
HeritierHéritier de mon patrimoine.
Friq.Friquet.
Ainsi sans noysenoise vous vivrez
Et l’opprobre vous couvrirez
1705De vostrevotre fille.
Mar.Marin.
Et quant au reste,
J’aurayaurai une alliance honnestehonnête.
Friq.Friquet.
Il faut donc cela despescherdépêcher.
Mar.Marin.
J’en suis content.
Friq.Friquet.
Je vayvais chercher
Le Sire Maclou, pour parfaire
1710Le plustostplus tôt qu’on pourra l’affaire.
Mar.Marin.
Allez, Friquet, et faictesfaites bien,
Comme un amyami fait pour le sien.
Acte V. SCENESCÈNE III.
[Maclou]
Tant plus je pense à mon muguet.
Tant plus cet acte me deplaitdéplait
1715Il est bien vrayvrai que la sagesse
Ne suytsuit pas tousjourstoujours la jeunesse :
Il me souvient en mon vieilvieux temps,
Des bouillons de mes jeunes ans,
Et tel souvenir me temperetempère
1720La rigueur requise à un PerePère.
Friq.Friquet.
VoicyVoici qui te sert bien Friquet.
Macl.Maclou.
Si a ila-t-il bien petit acquetacquêt
À suyvresuivre cet amour folastrefolâtre.
Mais si je suis opiniastreopiniâtre
1725À corriger mon fils Sobrin,
Il pourra bien quelque chagrin
--- 69v° ---
Engendrer en sa fantasiefantaisie,
Et icelle en estantétant saisie
L’envoyraL’enverra en quelque malheur,
1730Pour estreêtre larron ou voleur,
Ou quelque soldat miserablemisérable :
Encor 83 fault ilfaut-il estreêtre traictabletraitable
À son fils, car comme 84 aymeraaimera
L’estrangerM’étranger celuycelui qui sera
1735Contraire à sa propre ligneelignée ?
Friq.Friquet.
Voicyvoici mon occasion née :
Or sus sus parlons du PryeurPrieur,
Sire Maclou.
Macl.Maclou.
Qu’est-ce baveur ?
Ha Friquet, que dictdit ta pensée ?
Friq.Friquet.
1740Rien de nouveau.
Macl.Maclou.
Et l’espouseeépousée
De Marin vostrevotre grand amyami ?
Friq.Friquet.
Marin n’est plus vostrevotre ennemyennemi.
Macl.Maclou.
Comment Friquet.
Friq.Friquet.
Mais est ilest-il noise
Tant aigre que l’on ne rapaise ?
1745L’homme est prompt à se courroucer
Mais tout cela se doibtdoit passer
Avant que le Soleil se baisse.
Macl.Maclou.
Mais que dict ildit-il ?
Friq.Friquet.
Rien rien.
Macl.Maclou.
Mais qu’estcequ’est-ce ?
Friq.Friquet.
Le vous veux jeveux-je dire en deux mots ?
Macl.Maclou.
1750Mais que servent tant de propos ?
Friq.Friquet.
C’est moymoi qui crioytcriait par la rue.
EschaufféÉchauffé disant>tue tue.
Quand vostrevotre fils apresaprès ce coup
Vistevite se sauvoitsauvait tout à coup :
1755Mais voyant que cette poursuytepoursuite,
Ou une vengeance petite
PeultPeut un plus grand feu eschaufferéchauffer
Je taschetâche à ce mal estoufferétouffer.
Macl.Maclou.
Comment ?
Friq.Friquet.
Grassette est une fille
--- 70r° ---
1760De beauté et d’ageâge nubile,
VostreVotre fils est honnestehonnête aussyaussi,
PrestPrêt à marier, par ainsi
Quand nous ferons un mariage,
Je n’y cognoyconnais aucun dommage.
Macl.Maclou.
1765Marier, que deviendra donc
Le pryeuréprieuré de mon fils adonc ?
Friq.Friquet.
Penseriez-vous qu’il voulustvoulût estreêtre
PryeurPrieur, moynemoine, profezprofès nyni prestreprêtre ?
Macl.Maclou.
Nenny.
Friq.Friquet.
Pourquoypourquoi contre son coeur
1770Le voulez-vous faire pryeurprieur ?
Ce bien lequel il ne meritemérite,
Pensez-vous qu’en finqu’enfin il proffiteprofite ?
Vous cuidez 85 le spirituel
Meslermêler parmyparmi le temporel,
1775Et en engraisser la cuisine
De vostrevotre fils qui n’en est digne :
Laissez l’en doncques deschargerdécharger,
Puisqu’il veut estreêtre mesnagerménager :
Ne pensez plus à l’avarice,
1780 Laissez-moyLaissez-moi là ce beneficebénéfice,
Nous y pourvoyronspourvoirons bien apresaprès,
Tant seulement tirez voustirez-vous presprès
De Marin, et qu’en peu d’espace 86
Ce mariage se parfaceparfasse.
Macl.Maclou.
1785Je ne veux mettre à nonchaloir 87
NyNi Marin, nyni son bon vouloir
Je m’en vayvais poursuivre l’affaire.
Pour le tout sainement parfaire :
Si pendant mon fils vous voyez,
1790Sans faire semblant, pourvoiezpourvoyez
Que sur le champ il ne s’edtonnes’étonne
Si ses matines je luylui sonne :
--- 70v° ---
Car de prime abord je feindrayfeindrai
Qu’adviserqu’aviser je ne le voudrayvoudrai,
1795En contrefaisant au possible
Le courroucé et le terrible
Mais avant que partir pourtant, 88
Je croycrois que tout sera contantcontent.
Friq.Friquet.
Bien diligentez vos poursuytespoursuites,
1800Il sera faictfait comme vous dictesdites.
ACTE V. SCENESCÈNE IIII.
[Sobrin]
TU dis vrayvrai, et certes le cœur
Me presagitprésagea quelque bon heurbonheur
Fin.Finet.
TousjoursToujours la muable fortune
N’est en une place importune.
Sob.Sobrin.
1805Je me ryris de voir ce Friquet
EstreÊtre maintenant mon laquet, 89
Qui plus chaude que dans la forge.
JettoitJetait la braise par la gorge.
Fin.Finet.
Nous voyons advenir souvent
1810Que peu de pluyepluie abat grand vent :
Il a eu trop belle vesardevésarde 90
Friq.Friquet.
Tournant ca ça et là je regarde
Si je verrayverrai poinctpoint le Prieur :
L’argent des plus forts est vaincoeur vainqueur :
1815Je l’ayai trouvé à la bonne heure
Sobrin, onc 91 nouvelle meilleure
Vous n’avez sceusu ?
Sob.Sobrin.
Quelle Friquet ?
Friq.Friquet.
Quelle ? Issue de nostrenotre faictfait.
Sob.Sobrin.
Yssue !Issue ! qu’ellequelle ?
Friq.Friquet.
TresTrès heureuse.
1820Car vous aurez vostrevotre amoureuse.
Sob.Sobrin.
Ha que j’ayai peur que soubssous ce miel
--- 71r° ---
Tu ne caches beaucoup de fiel.
Friq.Friquet.
Rien, rien l’aliancealliance asseureeassurée
D’une part et d’autre est jurée
1825Et ne veisvis onc gens plus contanscontents
Que les deux PeresPères combatanscombattants.
Sob.Sobrin.
Ha je ne suis plus en moimesmemoi-même,
Tu m’as ravyravi de la mort blesmeblême :
Du reste n’en parlent ils point ?
Friq.Friquet.
1830J’ayai fort bien rabaturabattu ce point,
Tellement qu’icelles negocesnégoces 92
Se remettent apresaprès les nopcesnoces
Sob.Sobrin.
OÔ Friquet que tu es gentil !
Friq.Friquet.
Tant seulement soyez subtil,
1835Et laissez passer la tempestetempête
Que vostrevotre PerePère vous appreste,apprête
Car vous verrez faillir ce bruit
PlustostPlutôt qu’vuun esclairéclair en la nuitnuit,
Et ne partirez de la place.
1840Que ne soyez remis en gracegrâce :
Venez suyuezsuivez moy -moi pas à pas,
Mais scauezsavez vous quoyquoi, n’entrez pas
Que premier je ne vous appelle :
Je vayvais sentir si la querelle :
1845Est rappaisseerapaisée de tout poinctpoint.
Sob.Sobrin.
Or va, et ne m’oublie point.
ACTE V, SCENESCÈNE. V.
[Maclou]
Je le croycrois bien Sire Marin,
C’est la cause de mon chagrin :
La jeunesse court desbordéedébordée,
1850Comme une bestebête desbridéedébridée,
--- 71v° ---
Et les miserablesmisérables parensparents,
Droit sur le declindéclin de leurs ans,
VoyentVoient leur vieillesse affoiblyeaffaiblie
Accablée de leur folyefolie.
Mar.Marin.
1855Je n’estoyn’étais (j’en suis souvenant)
Lascif, comme ils sont maintenant,
NyNi subjectsujet aux voluptezvoluptés, pource
Que je n’avoyn’avais argent en bourse :
Mais eux qui sentent nos moyens,
1860Et que nous avons quelques biens,
Ils ne craignent point de despendre 93
Ce qui coustecoûte bien cher à prendre,
Et faultfaut à leurs faictsfaits vicieux
Le plus souvent fermer les yeux.
Friq.Friquet.
1865Je voyvois jà les perespères qui ont
Quelque signe joyeux au front.
VoylaVoilà d’un costécôté la paix faictefaite :
Il reste Sobrin et Grassette,
Qui seront un peu chapitrezchapitrés
1870Si tosttôt qu’ils seront rencontrezrencontrés ;
Mais cela ne sera que mine.
Macl.Maclou.
N’est-ce icyici Friquet qui chemine ?
Mar.Marin.
Si est, vous l’avez bien connu.
Macl.Maclou.
Friquet, tu sois le bien venubienvenu.
Mar.Marin.
1875Comment se porte la besogne ?
Macl.Maclou.
Et mon Sobrin ?
Friq.Friquet.
Sobrin s’eslongne 94
Et n’ose de vous approcher.
Macl.Maclou.
Rien, rien, je ne le veux toucher.
Mar.Marin.
Si sa jeunesse vous offenceoffense,
1880Que vostrevotre bonté le dispencedispense,
Protestant que d’orenavantdorénavant
Il vous sera humble servant.
Macl.Maclou.
Qu’il approche de moymoi, s’il m’aymeaime,
--- 72r° ---
Et vienne s’excuser soymesmesoi-même.
Friq.Friquet.
1885Sobrin, ô, où est-il fuyfui ?
Sobrin, ne viendrez-vous meshuy 95 ?
Sobrin.
Qui est là, n’est-ce pas mon perepère ?
Ô Dieux appaisezapaisez sa colerecolère.
Macl.Maclou.
Que dis-tu, meschantméchant, que dis-tu ?
Mar.Marin.
1890Maclou, mon amyami, la vertu
Se monstremontre aux choses difficiles.
Macl.Maclou.
Que dis-tu, desbaucheurdébaucheur de filles ?
Et bien tu te veux marier
Sobrin.
De cela vous veux-je prier.
Macl.Maclou.
1895Est il seursûr de ce qu’il doibtdoit dire ?
Non, non, ils ne s’en font que rire.
EstesÊtes -vous bien si impudents,
Que vous voulez, malgré mes dents,
Finet et toytoi, que je complaise
1900À vostrevotre affection mauvaise ?
Sobrin.
OÔ moymoi miserablemisérable.
Macl.Maclou.
Ha meschantméchant,
Alors que tu alloisallais cherchant
Tes plaisirs par voyesvoies obliques,
FrequentantFréquentant les danses publiques,
1905Ce mot fort bien te convenoitconvenait,
Car ja la miseremisère venoitvenait :
Te faire nouvelle caresse.
Mais pourquoypourquoi ma proche vieillesse
Va elleVa-t-elle ainsi se tourmentant ?
1910Sobrin, puisque tu es contantcontent,
Va, prenprends une femme nouvelle,
Va passer ton temps avec elle :
Je te laisse en ta liberté,
Sobrin.
Hé mon perepère,
Macl.Maclou.
Je l’ayai estéété,
1915Tant que soubssous mon obeissanceobéissance
J’ayai contenue ton enfance.
--- 72v° ---
L’ageâge maintenant et le feu
Et du fils Cyprien le jeu,
M’ont chassé hors de ta pensée,
1920Et ont ma mémoire effacée.
Sobrin.
Mon PerePère, qu’il me soit permis,
Si cela envers vous je puis,
Qu’un mot seulement je vous die.
Macl.Maclou.
Que me veux tu ?
Mar.Marin.
Je vous supplie,
1925Escoutez Écoutez-le pour cette fois.
Macl.Maclou.
QuoyQuoi, que j’escouteécoute encor 96 sa voix !
Mais que veult veut-il dire nyni faire ?
Mar.Marin.
Si luylui faut-il un peu complaire :
EscoutezÉcoutez l’encor 97 pour ce coup.
Macl.Maclou.
1930DyDis donc, mais ne dis pas beaucoup.
Sob.Sobrin.
Mon perepère, si l’amour est vice,
J’ayai mérité qu’on me punisse ;
Je suis de la fille surpris
Du Sire Marin, et depuis
1935Qu’Amour vint en ses rets me mettre,
Jamais je n’ayai estéété mon maistremaître.
NeantmoinsNéanmoins, perepère, je me mets
SoubsSous vostrevotre dextre desormaisdésormais,
DeffendezDéfendez, commandez ensemble,
1940Dechassez-moyDéchassez-moi si bon vous semble :
Me voylàvoilà tout prestprêt d’obeirobéir.
Bien que vous me ferez fuir
Cette amitié que je desiredésire,
Jamais je ne vous veux desdiredédire ;
1945Tirez de moymoi vostrevotre raison,
Soit par peine, soit par prison,
Cela me sera tolerabletolérable,
Et quant à ma faute notable,
Imputez la à l’amitié, 98
--- 73r° ---
1950Et non point à la mauvaitié.
Mar.Marin.
Cela est juste qu’il demande,
Et a fort bien payé l’amande ;
Certe, il meritemérite bien pardon.
Macl.Maclou.
Je vous mets tout à l’abandon ;
1955Puis qu’Puisqu’il vous plaistplaît, je luylui pardonne ;
Mais qu’un mesmemême pardon l’on donne
À Grassette.
Mar.Marin.
Il est despechédépêché :
La voylàvoilà quitte du pechépéché.
Friq.Friquet.
Il faut que le mesmemême on propose
1960Pour le pauvre Finet qui n’ose
Mettre le nez hors du logis.
Macl.Maclou.
Le tout à Finet est remis.
Mar.Marin.
Et pour l’amitié de ma fille,
Je pardonne aussi à Babille
1965Et prenprends vostrevotre fils pour le mien,
LuyLui donnant ma fille et mon bien.
Macl.Maclou.
Je prenprends Grassette, ma mignonne,
Pour ma fille unique et luylui donne
Mon fils, que j’ayai bien cher nourrynourri,
1970Pour loyal espouxépoux et marymari.
Mar.Marin.
Friquet, à finafin qu’il se contente,
Aura ceanscéans dix escusécus de rente.
CONCLUSION
Puisque les accords sont conclus
N’attendez ici le surplus :
1975Car les traicteztraités de mariage,
Et les affaires du mesnageménage,
Les nopcesnoces, les jeux, le banquet,
--- 73v° ---
Le bal, la dancedanse et le caquet
Tout se fera selon la guise
1980Au lieu et à l’heure requise.
Si nous avons en quelque endroit
Autrement dictdit qu’on ne voudroit 99
Si ne voulons nous point, j’en jure,
Faire à quiconque soit injure
1985Mais nous (comme le peuple vieil)
MeslonsMêlons l’AloesAloès dans le miel
Et mettons l’aigreur profitable
ParmyParmi ce qui est delectabledélectable
Pourtant tout ce qui d’icyici part
1990Messieurs, prenez le en bonne part.
À Dieu, et nous applaudissez.