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Le MalladeMalade
- Pré-édition
- Transcription et Modernisation : Isabelle Garnier
- Annotation : Isabelle Garnier et Nina Hugot
- Encodage : Nina Hugot
- Relecture technique du XML : Milène Mallevays
- Relecture : Nina Hugot
Notes
LES PERSONNAGES
LE MALADE LA FEMME LA CHAMBRIÈRE LE MÉDECIN--- 80r° ---
LE MALLADEMALADE 1[1] Nous pouvons restituer ici une séquence 1, même si le découpage ne se trouve pas dans le manuscrit.
Ma femme, que je suis mallademalade !
Je sens au coustécôté grantgrand’ doulleurdouleur.
J’ayai le goustgoût amer, le cueurcœur faddefade.
LA FEMME
On le veoitvoit à vostrevotre coulleurcouleur :
5Mais vueillezveuillez donqdonc prandreprendre bon cueurcœur
--- 80v° ---
Et vous efforcer de manger.
LE MALLADEMALADE
MengerManger, qui n’a plus de saveur ?
Vous me faictesfaites vif enraigerenrager.
MengerManger ! Je vous promectzpromets, m’amyema mie,
10Que je n’ayai goustgoût nyni appetitappétit,
Et nul morceau ne sçauroissaurais myemie
AvallerAvaler, tant fust fût-il petit.
LA FEMME
Il vous faultfaut donqdonc mectremettre en ungun lictlit,
Vous y serez plus à vostrevotre aise.
LE MALLADEMALADE
15Puis qu’Puisqu’en rien je ne pransprends delictdélit,
MyeulxMieux suis ainsi, ne vous desplaisedéplaise.
LA FEMME
Où vous tient vostrevotre passion ?
LE MALLADEMALADE
Au coustécôté droit, soubssous la mamelle.
Et sens une alterationaltération,
20Qu’il n’en fut jamais une telle.
LA FEMME
La dent de sanglier blanche et belle
Vous donneraydonnerai, c’est ma coustumecoutume ;
Et d’une herbe, je sçaysais bien quelle,
Je vous ferayferai un cathaplumecataplume 2[2] Probablement une déformation comique de "cataplasme". .
LE MALLADEMALADE
25M’amyeMa mie, ce n’est pas le poinctpoint
Par où il me convient guerirguérir.
Allez bien tostbientôt, ne tardez poinctpoint,
UngUn bon medecinmédecin me querirquérir.
LA FEMME
TousjoursToujours à eulxeux voullezvoulez courir,
30Mais leur patte est trop dangereuse ;
Car l’autre jour feirentfirent mourir
--- 81r° ---
La fille de la proculeuse 3[3] La femme du procureur ? .
Entre nous, pouvrespauvres femmellettesfemmelettes,
Avons bien quelque experianceexpérience,
35Et congnoissonsconnaissons les herbelettes
Ainsi qu’eulxeux, par ma conscience
Pensez -vous que leur grantgrand’ science
Puisse toutes choses sçavoirsavoir ?
LE MALLADEMALADE
HaÿAïe ! Je persperds ma pasciencepatience !
40Allez tosttôt, faictesfaites bon debvoirdevoir.
LA FEMME
Et bien doncques, je le voysvais querre 4[4] chercher (cf. le moderne quérir). ,
Puis qu’Puisqu’en luylui seul vous voullezvoulez croire.
Si vouldroys voudrais-je bien, par Sainctsaint Pierre,
Qu’il fustfût hors de vostrevotre memoiremémoire,
45Car, si seullementseulement voulliezvouliez boire
Cinq germes d’oeufzœufs tant seullementseulement,
Vous verriez bien changer l’histoire,
Et guariguéri seriez seurementsûrement.
JeJ’y voysvais donqdonc pour vous satisfaire,
50Et, s’il est besoingbesoin, je j’y courraycourrai. 5[5] La femme part chercher le médecin.
LE MALLADEMALADE 6[6] On peut restituer ici le début d’une deuxième séquence.
Las ! Mon Dieu, je ne sçaysais que faire !
Je croycrois qu’à la fin je mourraymourrai.
Plus porter cecyceci ne pourraypourrai,
Car ma doulleurdouleur tousjourstoujours augmente.
55GueresGuères au monde ne demourraydemeur’rai.
Que vous en semble, ma servante ?
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
Si je j’osoysosais la veritévérité dire,
Et qu’il vous pleustplût en gré la prandreprendre,
--- 81v° ---
Bien tostBientôt seriez hors de martiremartyre,
60Sans au medecinmédecin vous attendre 7[7] Sans compter sur le médecin. .
LE MALLADEMALADE
Je ne sçaysais à quel sainctsaint me rendre,
Mais à tous ensemble me voue.
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
UngUn seul vous en peultpeut bien desfendredéfendre,
Qui est digne que l’on le loue.
LE MALLADEMALADE
65Qui est celluycelui qui peultpeut osterôter,
Comme vous dictesdites, tous mes maulxmaux ?
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
C’est ungun, si le pouvez goustergoûter,
Qui feroitferait valloirvaloir vos travaulxtravaux,
Et jamais plus n’yrieziriez aux faulxfaux
70MedecinsMédecins, vous y confiant,
Mais malladyemaladie et ses assaulxassauts
Avec luylui iriez desfiantdéfiant.
LE MALLADEMALADE
Qui est ce sainctsaint ? qui peult peut-il estreêtre ?
Je vous prie, nommez -le moy-moi.
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
75C’est le sainctsaint des sainctzsaints, le grantgrand maistremaître
Qui sanctifie pappepape et royroi.
C’est Dieu, lequel fermement croycrois
Que tous vozvos maulxmaux vous ousteraôtera
QuantQuand, par une assurée foyfoi,
80VostreVotre cueurcœur là s’arresteraarrêtera.
Y a -t-il medecinmédecin plus saigesage
Que Dieu, ou meilleur, ou plus doulxdoux,
NeNi qui tant aymeaime humain lignaigelignage,
NeNi si puissant – m’entendez -vous ?
85NeNi qui aytait sousfertsouffert tant de coups,
--- 82r° ---
NeNi la mort, pour vous rendre sain
Et pour tirer dehors des loups
VostreVotre ameâme et la mectremettre en son sainsein ?
Si à lui tout droictdroit vous allez
90LuyLui compterconter vostrevotre pouvrepauvre affaire,
Et que franchement vous parlez
Ainsi qu’un bon chrestienchrétien doit faire,
SoubdainSoudain vous sentirez deffairedéfaire
Le lyenlien par qui tant souffrez,
95Et, s’il ne luylui plaistplaît ainsi faire,
A souffrir pour luylui vous offrez.
Si vous regardiez vos merittesmérites
Et vozvos pechezpéchés bien clairement,
VozVos doulleursdouleurs trouveriez petittespetites
100Au prisprix de vostrevotre jugement.
MectezMettez en vostrevotre entendement
Que riensrien il ne vous appartient
Que peine, doulleurdouleur et tourment,
Et que pechépéché en mal vous tient.
105Mais en regardant ce pechépéché
Et vous consentant à la peine,
SoubdainSoudain en seriez destachédétaché
Par une gracegrâce souveraine
Qui du porfondprofond d’Enfer ramaineramène
110L’ameâme qui est humiliée,
La rendant claire, belle et seinesaine,
Et de tout pechépéché deslyéedéliée.
Mon maistremaître, mectezmettez tout à rien
VostreVotre desirdésir et vouluntévolonté.
LE MALLADEMALADE
115En bonne foyfoi je congnoisconnais bien
Que de Dieu vient toute santé :
--- 82v° ---
Mon cueurcœur s’est si fort contantécontenté
De vous oyrouïr de luylui parler,
Que le mal qui m’a tourmenté
120J’ayai sentysenti tout soubdainsoudain aller.
ParquoyPar quoi en ces plaisansplaisants propozpropos
Il est temps que je me repose.
LA FEMME 8[8] Le Mallade et la Chambrière sortent. On retrouve alors la femme, une fois qu’elle a rejoint le médecin. Nous proposons donc l’ouverture d’une nouvelle scène ou séquence.
HellasHélas, Monsieur, mon bon espouxépoux
Par moymoi sa doulleurdouleur vous expose.
125Tant mal est que dire ne l’ose :
S’il vous plaistplaît de le venir veoirvoir.
LE MEDECINMÉDECIN
Ma commerecommère, vouldroisvoudrais savoir
Quel mal il a.
LA FEMME
SoubzSous le tetintétin.
LE MEDECINMÉDECIN
QuantQuand lui print prit-il ?
LA FEMME
Ce fut arsoirhier soir,
130Mais il ne s’est plainctplaint qu’au matin.
Monseigneur, bien que du latin
Vous ayez parfaicteparfaite science,
ArsoirHier soir m’apprintapprit la grantgrand’ Cathin
Une bien bonne experianceexpérience :
135Monsieur, de merde d’un tout blanc
Pigeon, me dictdit que bon bruvaigebreuvage
J’en feissefisse, qui ne coustecoûte ungun blanc 9[9] Un blanc est une pièce d’argent, qui vaut cinq deniers, c’est-à-dire peu. ,
Et si ne peultpeut faire dommaigedommage.
LE MEDECINMÉDECIN
Par ma foyfoi, vous n’estesêtes pas saigesage,
140Et vostrevotre commerecommère tant pouc 10[10] aussi peu. Nous maintenons cette forme pour la rime.
Car la façon de ce potaigepotage
Est deffenduedéfendue en Languedoc.
--- 83r° ---
Or, puis quepuisque je suis en la voyevoie,
Bien tostBientôt remedderemède y donneraydonnerai,
145Mais premier faultfaut que je le voyevoie,
Puis de son cas j’ordonnerayordonnerai.
Mais vous et autres garderaygarderai
Que vous n’y mectezmettiez jà la patte :
Ou congé je demanderaydemanderai,
150Laissant aller au lard la chatte.
LA FEMME 11[11] On suppose que la femme et le médecin se sont déplacés pour rejoindre le devant de la maison. On retrouve alors la chambrière. Nous proposons donc l’ouverture d’une quatrième séquence.
VoicyVoici l’huyshuis de nostrenotre maison.
Et puis, que fait fait-il, chambrierechambrière ?
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
Il a dormydormi longue saison,
Sans se plaindre en nulle manieremanière.
LA FEMME
155Ce seroitserait guarisonguérison planiereplénière
S’il prenoitprenait ainsi son repos.
LE MEDECINMÉDECIN
Le parler icyici ne vaut gueresguère.
Entrons que je touche son poulxpouls.
LE MALLADEMALADE 12[12] Le malade rejoignant le dialogue, une nouvelle séquence, la dernière, s’ouvre ici.
Qui est cella-ce là ?
LE MEDECINMÉDECIN
C’est moymoi, mon comperecompère,
160Qui viens pour santé vous donner.
LE MALLADEMALADE
Je ne vous voyoisvoyais pas, mon perepère :
Plaise -vous le me pardonner.
Las, je sens mon mal retourner,
Que m’avoitavait oustéôté le dormir.
165En ungun lieu ne puis sejournerséjourner.
Il me faut suer et gemirgémir.
--- 83v° ---
LE MEDECINMÉDECIN
Mon amyami, nous vous guarironsguérirons,
Nous n’aurons plus gueresguère de mal.
Avez -vous mangé potirons
170PrinsPris auprès de fer ou metalmétal ?
Va poinctpoint trop dur vostrevotre cheval ?
Avez -vous prinspris froictfroid ou bruynebruine ?
Çà, baillez -moymoi cestecet urinal,
Que je regarde son uryneurine.
175VrayementVraiment, nous sommes beaucoup mieuxmyeulx,
CompereCompère, que je ne pensoispensais.
Notre uryneurine est bonne, et noznos yeulxyeux
Bien clairs. Or, pour parler françoysfrançois 13[13] Nous maintenons cette forme pour la rime. ,
SeignerSaigner il vous fauldrafaudra, ainçoysainçois 14[14] avant.
180Que de prandreprendre autre medecinemédecine,
Car, si autrement commençoiscommençais,
MedecinMédecin seroisserais trop indigne.
LE MALLADEMALADE
Las, je crains tant cestecette seignéesaignée
Et veoirvoir ainsi mon sang respandrerépandre,
185Que ma peau est toute baignée
De sueur. Je n’y puis entendre.
LE MEDECINMÉDECIN
ResolutionRésolution vous faultfaut prandreprendre.
QuoyQuoi ! Vous avez si bon esprit,
Et faictesfaites comme ungun enfant tendre,
190Qui de crainte veinevaine peritpérit !
LA FEMME
Monsieur, sans seignersaigner, j’en ayai veuvu
Qui sont guarizguéris parfaictementparfaitement,
Pour avoir ungun breuvaigebreuvage beubu
De justjus de pavot seullementseulement.
--- 84r° ---
LE MEDECINMÉDECIN
195Vous me troublez l’entendement.
Taisez -vous, folle que vous estesêtes !
D’icyici au jour du Jugement,
N’y auroictaurait fin en vozvos receptesrecettes.
Je ne veizvis jamais malladyemaladie,
200Tant difficile en soit la cure,
Que quelque femme à l’estourdyeétourdie
Mille remeddesremèdes n’y procure,
Et s’il advient, par adventureaventure,
Que quelcunquelqu’un en puisse guarirguérir,
205Cent mil, ignoransignorant leur nature,
De cestecette herbe font mourir. 15[15] Il faut prononcer le "e" final de "ceste/cette", sinon le vers est fautif.
Or bien, avec l’appothicaireapothicaire,
VostreVotre cas je voysvais ordonner
Ce qu’il vous conviendra faire 16[16] Il faut faire la diérèse sur con-vi-en-dra.
210Pour à vous soubdainsoudain retourner.
LA FEMME
Monsieur, pour plus ne sejournerséjourner,
Declairez Déclarez-moymoi vostrevotre ordonnance.
Pour le mallademalade n’estonnerétonner,
Ne bougez poinctpoint de sa presenceprésence.
LE MEDECINMÉDECIN
215Vous n’entendez goumesgommes nyni herbes :
ParquoyPar quoi ne les vous veulxveux nommer.
LA FEMME
Si ayai-je bien leulu les ProuverbesProverbes
Et le VoyaigeVoyage d’oultreoutre-mer.
Puis ne debvezdevez ainsi blasmerblâmer
220NozNos recettes et noznos moyens,
Mais les debvezdevez bien estimer,
Car ilzils viennent des BoumyensBoumiens 17[17] Les Bohémiens. .
Or escripvezécrivez tout doulcementdoucement,
--- 84v° ---
Qu’il vous plaistplaît que mon marymari facefasse :
225Il fera tout entieremententièrement,
Car vous estesêtes trop en sa gracegrâce.
Aussi d’ouyrouïr ne serayserai lasse
Tout ce qu’il vous plaira me dire.
Or, s’il vous plaistplaît, en cestecette place,
230VueillezVeuillez pour son affaire escripreécrire.
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
18[18] S’engage ici un dialogue en aparté entre le malade et la chambrière.Mon maistremaître, que vous dictdit le cueurcœur ?
Qu’avez -vous aux hommes trouvé ?
Le medecinmédecin est -il vainqueur
Du grantgrand mal qu’avez esprouvééprouvé ?
LE MALLADEMALADE
235Non, mais j’ayai tresbientrès bien approuvé
Que le mal fuytfuit par pasciencepatience,
Lequel bien tostbientôt j’ayai retrouvé,
Me confiant à sa science.
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
DonqueDoncques, puis quepuisque vous congnoissezconnaissez
240D’où tout le bien vous peultpeut venir,
Tous faulxfaux remeddesremèdes delaissezdélaissez
Pour au seursûr et vrayvrai vous tenir.
La foyfoi vous fera maintenir
Et sain et joyeulxjoyeux en tout temps.
245Si vous y pouvez parvenir,
Vous serez du rancrang des contanscontents.
Si en vous pouvez concepvoirconcevoir
Que Dieu est vostrevotre seulleseule vyevie,
BesoingBesoin vous n’aurez d’y pourveoirpourvoir
250NeNi peur qu’elle vous soit ravyeravie,
NyNi n’aurez desirdésir nyni envyeenvie,
De malladyemaladie nyni santé.
--- 85r° ---
CesteCette vie poinctpoint ne desvyedévie
Quoy queQuoique le corps soit tourmenté.
255Tous joursToujours vous vous tourmenterez,
Ne regardant que vostrevotre corps.
Jamais ne vous contanterezcontenterez
Que ne soyez au rancrang des morts,
Mais vous aurez repos alors
260Quand à vous mesmes-même serez mort.
Lors seront en paix les discords
Par ungun doulxdoux et nouvel accord.
Pour ce que l’âme humiliée
En congnoissanceconnaissance de son riensrien,
265EstantÉtant de son corps deslyéedéliée,
Qu’elle estime moingsmoins que fiens,
SoubdainSoudain remplyeremplie de tous biens
Sera, et reunyeréunie en Dieu,
Si fort lyéeliée à ses lyensliens
270Que le diable n’y aura lieu.
Or, quantquand vous serez depeschédépêché
Du mallinmalin et de ses tourmenstourments,
VostreVotre mal, qui vient de pechépéché,
DesnuéDénué de ses vestemensvêtements
275Verrez, et tous ses instrumensinstruments
BruslerBrûler au feu de charité :
À l’heure sçaurezsaurez si je mentsmens,
Car sainctsaint serez en veritévérité.
LE MALLADEMALADE
À vostrevotre parler me consens,
280Possible n’est d’y contredire :
Je le croycrois ainsi et le sens
Tant, que je persperds tout mon martiremartyre.
--- 85v° ---
OÔ Dieu, qui pour veritévérité dire
VostreVotre filzfils nous avez transmis,
285HeureulxHeureux est qui seul vous desiredésire
Et en vous seul son cueurcœur a mis !
19[19] Fin de l’aparté : la femme et le médecin reviennent, une fois l’ordonnance rédigée, dans le dialogue.LE MEDECINMÉDECIN
VoylàVoilà par escritécrit vostrevotre cas.
Je m’en voysvais jusques à demain.
Or sus, baillez moy-moi les ducatzducats. 20[20] Donnez-moi l’argent.
LA FEMME
290Voy les cyLes voici, tendez moy-moi la main.
LE MALLADEMALADE
Monsieur, ce seignersaigner inhumain
Pour riensrien je ne veulxveux endurer.
LE MEDECINMÉDECIN
Si ferez.
LE MALLADEMALADE
Monsieur, je suis sain;
GrantGrand mal ne peultpeut tousjourstoujours durer.
LE MEDECINMÉDECIN
295Si tosttôt guarirguérir ungun plureticquepleurétique
Sans grande evacuationévacuation,
Je n’ayai poinctpoint veuvu en ma pratique.
N’avez-vous plus de passion ?
LE MALLADEMALADE
Non, mais de consolation
300J’en ayai assez pour vous en vendre.
LE MEDECINMÉDECIN
VostreVotre dictdit n’est que fiction,
Car la seignéesaignée vous faultfaut prandreprendre.
LE MALLADEMALADE
Touchez mon poulspoulx, mon bon comperecompère ;
Voyez en quel estatétat je suis.
LE MEDECINMÉDECIN
--- 86r° ---
305Il n’y a fiebvrefièvre qui m’appere 21[21] qui m’apparaît. :
CecyCeci entendre je ne puis 22[22] Je ne peux pas le comprendre. .
UngUn rien n’y a qu’estiezétiez au puits
De doulleurdouleur, dont j’estoysétais marrymarri :
Je n’ayai faictfait que passer cestcet huis 23[23] cette porte. ,
310Et je vous treuvetrouve tout guaryguéri !
Quelque herbe luylui avez baillée 24[24] Vous lui avez donné quelque herbe. :
Dictes Dites-le -moymoi, ne le cellezcelez 25[25] ne le cachez pas.
LA FEMME
VrayementVraiment je n’en suis pas taillée,
VeuVu qu’ainsi folle m’appellezappelez.
LE MEDECINMÉDECIN
315Qu’avez -vous faictfait, amyami, parlez.
LE MALLADEMALADE
RiensRien dont je puisse avoir memoiremémoire.
Mais tous mes maulxmaux s’en sont allezallés,
SeullementSeulement pour fermement croire.
LE MEDECINMÉDECIN
Ha pedieupardieu, il y a du charme,
320Ou parolesparolles, ou escripteaulxécriteaux 26[26] Des formules magiques ou sorts, prononcés à l’oral ou écrites. .
LE MALLADEMALADE
Non a, non, c’est ungun propozpropos ferme,
Qui sert plus quequ’herbes neni tourteaulxtourteaux.
LE MEDECINMÉDECIN
ChambriereChambrière, ces cas nouveaulxnouveaux
ViendroientViendraient ilz-ils poinctpoint de vostrevotre testetête ?
LE MALLADEMALADE
325CompereCompère, non. Les siens sont beaulxbeaux,
NyNi à nul charme ne s’arrestearrête.
LE MEDECINMÉDECIN
Voyez -vous ce visaigevisage fainctfeint,
Qui en derrierederrière faictfait la moue ?
--- 86v° ---
Ha, je mectraymettrai qu’à quelque sainctsaint
330L’a voué, comme femme voue.
Mes quatre doidzdoigts dessus sa joue
LuyLui viendroientviendraient ilz-ils pas bien à poinctpoint ?
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
Monsieur, le medecinmédecin l’on loue,
QuantQuand il guaristguérit. Ne faict fait-on poinctpoint ?
LE MEDECINMÉDECIN
335Vous l’avez donqdonc guaryguéri, villainevilaine,
Par vostrevotre bel enchantement ?
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
Il est guaryguéri, j’en suis certaine,
Mais je ne sçaysais quoyquoi neni comment.
LA FEMME
GuaryGuéri est, mais dictesdites vrayementvraiment
340Que vous luylui avez donné. 27[27] Une syllabe semble manquer ici, sauf à faire la diérèse sur lui.
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
Rien, sinon ungun enseignement,
Ainsi que Dieu l’a ordonné.
LA FEMME
EsseEst-ce à dire une patenostrepatenôtre ?
Ou à faire chanter des messes ?
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
345CesteCette recette va plus oultreoutre,
Car ousterôter peultpeut toutes tristesses.
LA FEMME
Qu’esseest-ce ?
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
Se fier aux promesses
De CelluyCelui qui jamais ne ment.
LE MEDECINMÉDECIN
350Qui vous a apprinsappris ces haultesseshautesses
Et ce gentil jargonnement ?
Ce sont parollesparoles d’enchanteurs,
--- 87r° ---
Parler ainsi par parabollesparaboles.
Nous avons de saigessages docteurs
355Qui ont fréquenté les escollesécoles.
IlzIls nous servent de prothocollesprotocoles ;
Ceulx Ceux-là nous debvonsdevons escouterécouter.
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
Mais, s’ilzils disent folles parollesparoles,
Font mal les femmes de doubterdouter ?
LE MEDECINMÉDECIN
360Regardez comme elle respondrépond !
Va, va mener tes oysonsoisons paistrepaître
Et veoirvoir si la gelinegéline 28[28] poule. pontpond.
C’est le lieu où il te faut estreêtre.
Pendre à corde ou à chevestrechevêtre
365L’on te doit.
LA CHAMBRIERECHAMBRIÈRE
Mais je m’esbahisébahis
Comme ceulxceux qui rient du maistremaître
VeoirVoir sain, sont de vous tant haÿshaïs.
LE MEDECINMÉDECIN
Or, le feu sainctSaint Antoine-Antoine t’arde !
J’en suis bien plus joyeulxjoyeux que toytoi.
LA FEMME
370Monsieur, laissez cestecette coquarde.
Mais je vous requiers, dictesdites moy-moi :
PeultPeut ungun homme par seulleseule foyfoi
GuarirGuérir sans prandreprendre medecinesmédecines ?
LE MEDECINMÉDECIN
OuyOui, vrayementvraiement 29[29] Ici nous avons besoin du -e- pour que le vers soit complet. , car je croycrois
375Que Dieu faictfait miracles et signes :
C’estoitétait du temps de JesuchristJésus-Christ
Que tout chascunchacun il guarissoitguérissait.
--- 87v° ---
Mais de nous dit le sainctsaint EscriptÉcrit
Que le medecinmédecin, quel qu’il soit,
380FaultFaut honnorerhonorer. PoinctPoint ne deçoitdéçoit
Salomon, duquel par la bouche
La veritévérité de Dieu yssoitissait. 30[30] sortait.
À nostrenotre honneur nullyque nul ne touche.
Dieu, voyant que sa creaturecréature
385Sans malladyemaladie ne peultpeut vivre,
Nous fistfit aÿdeaide de Nature 31[31] Pour que le vers soit juste, il faut en théorie prononcer a-ï-de. ,
Par qui de mal elle est delivredélivre.
Et cestecette science en maint livre
Nous ont laissée noznos docteurs,
390Si sçavanssavants que qu’ungun homme est bien yvreivre
Qui veultveut reprandrereprendre telztels aucteursauteurs.
Les receptesrecettes dont vous usez
Sont bonnes, elles viennent de nous 32[32] Le vers est faux : il faudrait donc ajouter une apocope ("bonn’", ou "ell’") pour rétablir l’octosyllabe. .
ToutesfoisToutefois vous en abusez,
395Car vous voulez bailler 33[33] donner. à tous
Ce qui est pour ungun, oyez -vous.
Or gardez que nul appareil,
BruvaigeBreuvage, amer ou aigre doulx-doux,
Ne baillez sans nostrenotre conseil.
400Et vous, la belle chambrierechambrière,
Qui faictesfaites icyici la bigottebigote,
Et puis vous venez en derrierederrière
Louer vostrevotre oraison devottedévote,
UngUn charme c’est, je le denottedénote.
405Si prinspris l’a ton maistremaître, il mourra.
LE MALLADEMALADE
S’il ne laisse sa gloire sotte,
UngUn grantgrand ignorant demourrademeur’ra.
LE MEDECINMÉDECIN
--- 88r° ---
CompereCompère, si le mal revient,
Ne tenez plus les yeulxyeux bandezbandés :
410Lisez cestcet escriptécrit qui contient
VostreVotre santé ; or l’entendez.
QuantQuand vous vouldrezvoudrez, si me mandez,
À venir serayserai diligent.
Santé avez, que pretendezprétendez.
415Et moymoi j’en emporte l’argent.
LE MALLADEMALADE
VrayementVraiment, il a bien besongnébesogné
De ressusciter ungun vivant.
LA FEMME
Si a ila-t-il le ducat gaignégagné
Pour escripreécrire en homme sçavantsavant.
LE MALLADEMALADE
420M’amyeMa mie, ce n’est plus que vent
De toute humaine oppinionopinion.
Plus ne veulxveux qu’estreêtre observant
Le bien, dont foyfoi faictfait l’unyonunion.
Ma femme, ne voyez -vous pas
425Que l’homme veultveut que l’on l’adore,
Et comme parle par compas
Ce medecinmédecin que l’on honnorehonore ?
Mais que les deux mains l’on luylui dore
Souvent reviendra en ce lieu :
430Mais je croycrois qu’il vouldroitvoudrait encoresencore
Que l’on creustcrût en luylui comme en Dieu.
Mais puisque, sans ungun seul moyen,
Dieu m’a mis hors de tout danger,
À luylui seul, où gistgît tout mon bien,
--- 88v° ---
435DoresnavantDorénavant me veulxveux rengerranger
Sans jamais ce propozpropos changer,
En priant à tous chrestienschrétiens
En CelluyCelui, d’où ne veulxveux bouger,
Tenir telle foyfoi que je tiens.