Pour retrouver toutes les informations sur cette pièce, cliquez ici.

PantheePanthée

par Caye Jules de Guersens (1571)
  • Pré-édition
  • Transcription, Modernisation, Annotation et Encodage : Étudiant.es du Master 1 Littératures et médiation de Metz, promotion 2023-2024, sous la direction de Nina Hugo
  • Relecture technique du XML : Milène Mallevays, Julien Muller et Isabelle Pignone
  • Relecture : Nina Hugot


Notes
 

PANTHEEPANTHÉE,
Tragédie, prise du
Grec de Xenophon.
Mise en ordre par Gaye Jule de Guersens.

 

L’homme est forcé par la Parque, la Mort

Par les écrisécrits : mais le puissant effort

Du Temps vainqueur, les écrisécrits mesmemême force.

L’IMPRESSION, plus forte que pas un

Force le Temps, qui forceoitforçait un chacun

Rendant égalleégale aux immortelzimmortels la force.


À Poitiers
Par les BouchetzBouchets
1571


--- *1v° ---
 

MADELENE NEVEU,
à C.Caye Jules de Guersens.

L’art, Nature, et le Ciel, te sont émerveillable,

Philosophe, poëtepoète, interpreteinterprète des Cieux,

En sçavoirsavoir, en mysteremystère, en discours admirable,

Sage homme, fin DaymonDémon, vrayvrai compaignoncompagnon des Dieux.


--- *2r° ---
 

À MONSIEUR DE
COUTANCES.

Monsieur, si l’affection que j’ayai de vous perpetuerperpétuer le service que j’ai humblement consacré au piedzpied de l’autel de votre grandeur, pouvait paraître par quelques discours, telle qu’elle est vifvementvivement imprimée au tableau de mon esprit, je n’importunerais maintenant d’autres prières les Dieux immortelzimmortels sinon qu’ils me fissent la grace d’avoir une infinité de langues pour l’exprimer dignement avec autant de mains pour la pouvoir bien peindre dedans mes écrits. MaysMais, comme il n’est pas possible que ce tant affectionné désir puisse être representéreprésenté sur l’haleine de la parolleparole, ou portrait assez vifvementvivement par le pinceau de l’ecrivainécrivain, aussi ne dois-je point, ce me semble, solliciter si solennellement le ciel de mes voeux si monstrueux, devant etreêtre asseuréassuré en moymesmemoi-même que je ne puis en rien le faire, entendre que quand il luylui plaira m’ouvrir le chemin par quelque honnetehonnête occasion, de taschertâcher à l’effectuer. En quoi, combien que jusques icyici il ne m’aytait pas fait encorencore une entiereentière faveur (ores que tous mes plus saintz souhaitz
--- *2v° ---

ne soyentsoient que de vous offrir en sacrifice ce qui peultpeut estreêtre d’expié dedans moymoi) si pensepensé-je neantmoinsnéanmoins devoir, avec bonne raison maintenant luylui rendre gracesgrâces de ce qu’il haa flechyfléchi vozvos plus douces oeillades sur cette présente TragedieTragédie, que je mettoismettais en son ordre, pour me monstrermontrer par la serenitésérénité de vozvos yeux, que ce mien service vous soit agreableagréable. Je dydis, que je mettoismettais en son ordre : Car, de- peur que je semble vouloir rapporter le triomphe de la victoire d’autruyautrui, je proteste devant Dieu que cestcet oeuvre n’est jamais sortysorti de la boutique de mon esprit, maysmais d’un Jupiter, du cerveau duquel la Pallas de nostrenotre France (qui comme en quelques secondes Athenes, se fait adorer des plus gentilzgentils espritzesprits en ce PoictiersPoitiers) l’a fait naistrenaître 1[1] Référence à Madeleine Neveu, qui aurait donc eu une part dans la conception de la pièce. . AussyAussi vraymentvraiment je n’eusse jamais ozéosé vous profaner tant, que de mes vers mal polis vouloir emplir la rondeur de vozvos oreilles, qui sont à ouyrouïr des plus delicatesdélicates du monde : ayant mesmemême entre mains cestecette TragedieTragédie d’une si parfaite, qui pour la perfection semblait seulement estreêtre digne de vous. Or pourceparce que monstrantmontrant qu’elle vous agrée, vous estantétant presentéeprésentée de ma part, vous semblez avoir quelque apparence de mon très humble et très affectioné desirdésir, je me reputerayréputerai heureux, monsieur, et prierai Dieu que de plus en plus par semblables occasions il accroisse ma beatitudebéatitude.

Votre affectionné serviteur Caye Jules de Guersens

--- *3r° ---
 

C. JUL. GUERSENTII,
Ad Lud. Sam-Marthanum,
amiciss. Epigramma.

Cum nostro mea delicatula orbi

Educit geminos pulla soles :

Heu, nutare mihi ultimam videtur

Natura ignibus ultimis ruinam,

Tantas exerit undecunque flammas.

Hinc totum mihi pectus ustulatum,

Hinc exusta mihi ossibus medulla,

Hinc cor in cineres mihi redactum.

Et si quando tuis opem tulisti,

Sammartane, rogis, doce quibusnam

(Hoc debes etenim fideli amico)

Extingui pyra tanta possit undis.

Heu moesti lachrimis pluunt ocelli,

Harum diluvio genae madescunt,

Vultus enatat, et thoro recepto,

Heu totum mihi mergitur cubile:

At hoc non satis est in igne tanto.

His iungi superis oportet undis,

Extingui ut subito queant tot ignes,

Qui me sic agitant qupraque et infra,

Hac ducat inferius fluenta RUPE.


--- *3v° ---
 

Eiusdem suae.

Extremamne tibi feram salutem,

Mea ô tota salus ? tibine vitam,

OÔ charissima vita, longiorem

Producant superos precabor omnes ?

Vitaline rogem fruare luce,

Iucundissima lux ? tibine mentem,

Mentis dimidium ô meae, integram nunc

Servent fata petam ? tuamne dulci

Melli, ô mella mea, ô mei lepores,

Vitam numina condiant rogabo ?

Nunquam : Cur etenim omnibus beata,

Mea ô tota salusque vita que, et lux,

Mens, et deliciae, salute, vita,

Luce, et mente, leporibusque, egeres ?

Sonnet.

TroysTrois Dieux ont partagé cestcet univers en troystrois,

D’un le sceptre ensoufréensouffré par troystrois quarres pointelle

La Mer sent les troystrois dentzdents de l’autre dessus elle,

Le tiers troystrois juges haa pour establirétablir ses loixlois.

 

Les astres vagabondzvagabonds font leur tour par troystrois foysfois,

Et le Soleil son char à troystrois chevaux attelle,

La Lune haa troystrois regardzregards, et de troystrois noms s’appelle.


--- *4r° ---
 

Et par triplicitez maistrisemaîtrise sur les moysmois.

 

Il y haa troystrois Destins, filandiers de noznos vies,

haa Gorgones aussi, troystrois Graces, troystrois Furies,

Pour punir les meschansméchants ; Qui nous doytdoit asseurerassurer

 

Que malgré les complotzcomplots (troupe sedicieuseséditieuse

Qui ne veux entre nous la concorde endurer)

Cette troisiesmetroisième paix sera troystrois fois heureuse.


C. J. DE GUERSENS.

À PantheePanthée, par Loys
de Saincte-Marthe.

Tu te doibsdois bien sentir tres-heureuse, PantheePanthée,

Pour avoir échauffé l’esprit, l’ame et le cueurcoeur

De ce nouvel amyami, par qui en bien et heur

D’Araspe et d’Abradat l’amour est surmontee.

 

Araspe en ton seul corps avoitavait l’ame arresteearrêtée :

Cetuy cyCelui-ci aymeaime et chante et toytoi et ton honneur.

Puis, Abradat mourant, tu mourus : la douceur

De cet Oephré second t’haa çà haut remontée.

 

Qui plus est, comme il fait qu’en honneur et beauté,

Entre celles qui sont, seront, ou ont esté,

Seule tu apparoisapparais, duchesse Suzienne,

 

AinsyAinsi ce tien amyami, consommé en sçavoir,

Entre les plus sçavanssavants clairement se fait voir,

Comme en un ciel serainserein la Reine Ephezienne.


--- *4v° ---
 

Ad. C. I. Guersentium, Summom Poetam,
Philosophum, et Oratorem, Roberti Houaei Scoti, carmen.

Suum pleno canit ore Platonem,

Atque Sophum lumen,

Sui se carmine iactat Homeri,

Attica terra Pieridumque decus se genuisse refert.

Sui Demosthenis ore superbit,

Et patrem eloquii.

Gallia sed genito te, palmam vendicat, arte

Et cedit triplici Graecia victa lubens.

Ad eudem ejusdem hendecasyllabum.

Non si magniloquus nepos Atlantis,

Nobis eloquii decus beati,

Pallas frugiferas scientiasue,

Aut divae comites darent camoenas,

Facundi cupereum Pericilis ora,

Vel Demosthenis: esse nec quod ipse

Aut Aristoteles fuit Platone

Optarem, mihi nec venusta vatis

Smyrnaei peteretur, aut Maronis

Musa, aut Pindarici senis. Quid ergo ?

Quod GUERSENTIUS in tribus scit unis.

Entre-parleurs de la tragédie

BALTHAZAR. ACHATE. PANTHEEPANTHÉE. ARASPEZ. DEMARTEZ. CYRUS. ARTABAZE. ARATIS. OSONORIS. LE MESSAGER. LE CHOEUR.

--- A1r° ---
 

PANTHEEPANTHÉE, TRAGEDIE

ACTE PREMIER

BALTHAZAR.

Ha Dieux immortelzimmortels, Dieux, qu’est-ce que je sens,

Qui me trouble les sens ?

Quelle horrible fureur, quelle cruelle rage

M’echauffeéchauffe le courage ?

5Et quel rouge brasier allumé dans mon flanc

Me fait bouillir le sang ?

QuelzQuels sanglossanglots redoublesredoublés pour rengreger 2[2] renforcer. la flameflamme,

Soufflent dedans mon ameâme ?

Quelle eau pour arrouserarroser ce feu tant ennuyeux

10Ruisselle de mes yeux ?

Quelle froide sueur, comme un torrent, ravage

Le champ de mon visage ?

Quelle estrangeétrange douleur me fait à chaque fois

Tout panthellerpanteler 3[3] Haleter. Jeu sur le nom de l’héroïne, Panthée. la voix ?

15Et fait mourir le son de ma langue naivenaïve

Au-tour de ma gencive ?

Attache mesmementmêmement mes discours au dedans

De l’enclos de mes densdents


--- A1v° ---
 

Si bien que je n’en puis tirer qu’à grande peine

20Mes mots de leur cadenecadène 4[4] chaîne de fer.

Et mon parler demeure esclave de la peur

Captif avec mon coeur.

Mais que dis-je de peur, moymoi qui comme un tonerretonnerre

Fais trembler cestecette terre :

25Que dis-je de douleur, moymoi à qui tous les Cieux

Ont prodigué leur mieux :

Que dis-je de froideur, moymoi à qui la jeunesse

BrulleBrûle tout’ d’allégresse :

Que dis-je de fureur, moymoi dont le jugement

30Fait tout si sagement :

Duquel on n’haa point veuvu qu’aucunement la langue

AvortastAvortât sa harangue :

HastantHâtant ainsi le temps de sa conception

Par une affection.

35Et maintenant pourtant ô effaiteffet tout estrangeétrange!

Ma nature se change

Je deviens furieux, et de trop de parler,

Lâs ! je remplyremplis tout l’air.

Puis j’ayai la pallepâle honte, et la moins noble crainte,

40Dessus le front emprainteempreinte :

Si bien que je ne puis exprimer plus par voix

Cela que je conçois.

Qui fait ce changement ? Dieux, et qui porte envie

Au repos de ma vie ?


--- A2r° ---
 

45Mon peuple vit -il plus mutiné contre moymoi

SoubsSous le joug de ma LoyLoi ?

AyAi-je quelques voisins, qui eslevezélevés par guerres

Enjambent sur mes terres ?

Le Ciel encontre moymoi, de mon bon heurbonheur jaloux,

50Rougit-il de courroux ?

Et n’ayai-je pas en moymoi tout ce qu’on peut en somme

Souhaiter en un homme ?

Qui me fait donc mourir, malheureux que je suis,

De tant et tant d’ennuis ?

55Qui fait donc maintenant, maintenant qu’à tout’toute heure

De mille morsmorts je meuremeurs ?

Quel ennemyennemi mutin ja 5[5] déjà. à demydemi vainqueur,

S’arme contre mon coeur ?

Non, ce n’est pas un homme : un homme ne peut estreêtre

60Sur un si grand RoyRoi maistremaître.

Ce n’est pas un DaimonDémon : un DaimonDémon ne peut pas

Me conduire au trespastrépas.

Ce n’est pas quelque Dieu : un Dieu n’auroitaurait pas gloire

D’avoir sur moymoi victoire.

65Et que peut-ce estreêtre donc : Qui est ce grand pouvoir

Qui ainsi se fait voir

SoubzSous un habit de femme ? Et qui dresse la corne

Pour me faire une escorne 6[6] un affront.  ?


--- A2v° ---
 

Qui des arcs de deux yeux décoche tant de traitztraits

70De tant de doux attraitzattraits,

Dessus mon pauvre coeur ? qui fait de tant de fléchesflèches

Dedans moymoi tant de bréchesbrèches ?

Et de quelle poison 7[7] Poison est féminin au XVIe siècle. acerezacérés sont les darsdards

De tant de ses regarsregards ?

75Si bien que je n’ayai plus ni arteresartères ni veines

Qui sointsoient seulement saines :

J’en sens le froid venin, d’une oeillade déclos,

Glisser dedans mes os.

Et je ne puis, helashélas, trouver pour medecinemédecine

80Ni herbe ni racine :

Je ne puis point, trouver pour avoir guarisonguérison

Quelque contrepoison.

Mais toytoi, de mes desirsdésirs la plus fidèle garde,

Cher Achate, regarde :

85ToyToi qui es la moitié de ma pauvre ameâme, toytoi

Qui es un second moymoi.

Si jamais, comme moymoi, ton courage malade,

Avecque quelque oeillade,

Au lieu du doux nectar de quelque accueil beninbénin,

90HaA humé ce venin :

Si au lieu de fleurer le baume qui tremoussetrémousse,

À chacune secousse,


--- A3r° ---
 

Dans le Liban d’un sein, une maudite odeur

T’haa empesté le coeur :

95Si au lieu de succersucer sur deux levreslèvres vermeilles

L’ambroise des Abeilles 8[8] miel.

Par quelque doux baiser, quelque fiel 9[9] poison. au-dedans

T’haa fait grincer les densdents :

Et si par aucun 10[10] quelque (sens positif). art en cestecette peine extrémeextrême

100T’es secouru toy-mesmetoi-même

Secour moy,Secours-moi je te pry.prie

ACHATE.

Quelle fureur, ô Dieux,

De ce pourpre sanglant vous borde les deux yeux,

Vous fronce les sourcis,sourcils le poil vous dresse en teste,tête

Et dessus vostrevotre esprit décoche satempestetempête ?

105Vous estesêtes amoureux. Bien, et faut-il,panthois,pantois 11[11] Nouveau jeu sur le nom de l’héroïne.

Perdre pour cest cet amour et l’esprit et la voix ?

Et faut-il pour cela perdre la contenance ?

N’avez-vous pas en terre encor 12[12] nous conservons cette forme pour le compte syllabique. toute puissance ?

La grande Babylon 13[13] ville antique de Mésopotamie. ne tremble-t-elle pas,

110Tant grande qu’elle soyt, soit encore sous vos pas ?

BALTHAZAR.

» Il n’est rien contre un Dieu à un homme loisible.

ACHATE.

» Il n’est rien contre un Dieu à un RoyRoi impossible.

BALTHAZAR.

» Amour est un grand Dieu : qui pourroitpourrait subsister ?


--- A3v° ---
 

ACHATE.

Vous estesêtes un grand RoyRoi : qui pourroitpourrait resister ?résister

BALTHAZAR.

115» Mays Mais tous les plus grands Roys Rois sont de l’amour esclaves.

ACHATE.

» Aussi les plus grands RoysRois commandent aux plus braves.

BALTHAZAR.

» Si ne peuvent-ils pas forcer les chastes coeurs,

» Soient-ils cent et cent fois du monde les vainqueurs.

ACHATE.

Un RoyRoi quand il luylui plait haa sur iceux 14[14] ceux-ci, conservé pour la rime. victoire.

BALTHAZAR.

120Et feroyentferaient-ils si tosttôt banque-route 15[15] faillite. à leur gloire ?

ACHATE.

» C’est alors qu’ils voudroyentvoudraient par l’immortel renom

» D’un grand RoyRoi vice-dieu eternizer éterniser leur nom.

BALTHAZAR.

Mays Mais voyla, voilà neantnéan-moins tant grand que l’on m’estime ;

Je suyssuis plus malheureux que l’homme plus infime

125Qui vit dessous mes loixlois : car il pourroit pourrait avoir

Quelque douce faveur pour nourrir son espoir

Affamé de l’amour. Je voyvois la Bergerote 16[16] petite bergère.


--- A4r° ---
 

Qui de cent doux regarsregards son amoureux mignote. 17[17] traite délicatement.

Je voyvois tous ces pasteurs s’affriander 18[18] se régaler. après

130Des metzmets plus delicatzdélicats de mille baiserés 19[19] nous maintenons cette forme pour le compte syllabique.

Et je ne puis, helashélas, avoir de cestecette dame

Que je cherischéris, pauvret, autant que ma propre ameâme,

Un simple doux-accueil : Je ne puis, malheureux,

Dérober de son oeil quelque signe amoureux.

135Je voyvois la Cruauté, qui au lieu de sa targe 20[20] bouclier léger.

Se sert contre l’amour de son beau front si large :

Et de ses noirs sourcissourcils elle vient décocher

Ses pudiques attraits contre l’Amour archer,

D’un regard irrité : comme d’un rouge foudre

140J’en ayai mes os brullezbrulés, et tous reduisréduits en poudre :

J’en meurs cent fois le jour, miserablemisérable destin,

Et ma mort en mourant ne peut avoir de fin.

ACHATE

CestCet ennuyennui ne peut point vous tirer de la geinegêne,

Tant ennuyé soyez, de cest’cette horrible peine.

145Calmez cestecette fureur, qui fait bondir les flosflots

De vozvos mutins souspirssoupirs, et de vozvos durs sanglossanglots.

SerenezSereinez vostrevotre front, et d’une douce gracegrâce,

Malgré ce fier amour, essuyez vostrevotre face.

Bref, retournez à vous, pour vous esvertuerévertuer

150Si ces voeuzvoeux amoureux peuvent s’effectuer.

Sachez donques 21[21] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. , sachez que vous avez puissance

Par tant de beaux moyens d’en avoir jouyssancejouissance.


--- A4v° ---
 

BALTHAZAR

De luylui offiroffrir des dons ce ne seroitserait qu’en vain.

ACHATE

Si est-ce que Juppin 22[22] Jupiter. coula dessus le sein

155De la belle pucelle, en Acrise honorée,

Avec l’égail fecondfécond d’une pluyepluie dorée.

» La Richesse corrompt et la terre et les cieux,

» Les Manes 23[23] âmes des défunts. , les DaimonsDémons, les hommes et les Dieux

» Il n’y haa rien si saint qui pour or ne se change :

160» Un Diable mesmementmêmement par or deviendroitdeviendrait Ange.

BALTHAZAR.

Et si j’y puis venir, Achat, par ces moyens,

Prodigue, je te pry’pri’, prodigue tous mes biens.

VraymentVraiment, j’aymeaime mes biens : mais pour sauver ma vie,

Qui captive languit, des biens je n’ayai envyeenvie.

ACHATE.

165Ne vous souciez plus, je m’en voisvais apposter

Un qui en vostrevotre nom la pourra accoster. 24[24] Panthée et le choeur entrent en scène.

PANTHEEPANTHÉE.

Non, non, ni vozvos belles promesses,

Ni vozvos pompes, ni vozvos richesses,

Ni tout ce que pourriez avoir,

170N’auront jamais sur moymoi pouvoir.

Offrez moy-moi cestecette terre toute,

Faites que chacun me redoute,


--- B1r° ---
 

Mettez moymoi le sceptre en la main,

Pour commander au genre humain ;

175Ceignez mon chef de la couronne

Qui votre chef mesmemême environne :

Faites trembler mesmemême à mon nom

VostreVotre superbe Babilon.

» J’ayai bien un plus grand diadémediadème

180» Voulant commander a moymémemoi-même,

» Que si donnant à chacun LoyLoi

» Je ne commandoycommandais pas à moymoi.

» Je suis, je suis plus souveraine

» EstantEtant de mes desirsdésirs la Reine,

185» Et maitrisantmaîtrisant mes passions,

» Que tant et tant de nations.

» Car les Reines dont les courages

» Font aux cupiditezcupidités hommages,

» N’ont pas grand honneur à avoir

190» Sur tant de Royaumes pouvoir.

Plus-tostPlutôt soyssois-je à nulle seconde

La plus miserablemisérable du monde :

Plus-tostPlutôt, que contrainte de fainfaim

Aux huis 25[25] portes. je mandie mon pain.


--- B1v° ---
 

LE CHOEUR

195VoyVoi-là commantcomment ceux qui par l’apparanceapparence

D’une grandeur, qui leur donne espérance,

Se futurent 26[26] s’imaginent, prévoient. leur bien :

Le plus souvent l’heur, qui ne felicitefélicite

En tous souhaitzsouhaits que l’espoir qui meritemérite,

200Ne les advanceavance en rien.

 

Car celuy celui-là, lequel se courtaisie27[27] courtise, nourrit.

D’un espoir faux sa pauvre fantaisie,

Et flateflatte ses plaisirs

De la douceur de quelque bonne attente,

205Si la vertu ne la luylui representereprésente,

Trompent tous ses desirsdésirs.

 

Aussi ce RoyRoi soubssous qui la terre tremble,

Et qui des-jadéjà tout promettre se semble

Par un espoir trompeur,

210Pour n’attenter ce qui peultpeut estreêtre honnestehonnête,

Voit que le Ciel veultveut charger sa tempestetempête

D’un monde de malheur.

 

Fin du premier acte.


--- B2r° ---
 

ACTE SECOND

PANTHEEPANTHÉE

Que ne meurs-je à ce coup, faut-il qu’encor 27[27] Nous maintenons l’apocope pour le compte syllabique. ,chetivechétive,

Je traîne quelques ans ? FaultFaut-il qu’encor je vive ?

215Et faultfaut-il que l’hyverhiver d’une froide langueur

Me gelegèle tous les sens, et me glasseglace le coeur ?

Fasse pleurer mes yeux une eternelleéternelle pluie,

Fasse que de cest’cette eau ma face ne s’essuye,essuie

NegeNeige sur mes cheveux, excite sans repos,

220AinsyAinsi que quelques vents, mes mutinezmutinés sanglos sanglots ?

Et ne viendra-t-il point un Astre qui soleille

D’un trait plus grâcieux, d’une oeillade vermeille,

Cest’Cette horrible saison, en laquelle les Dieux,

Maudite que je suyssuis, ont conjuré mon mieux.

225Lâs ! tant plus que je vis, tant plus le ciel tempestetempête,

De mille ennuysennuis nouveaux dessus ma pauvre testetête.

Lâs ! tant que plus que je vis tant plus dessus mon chef

Le destin ennuyeux m’eslanceélance son méchef28[28] malheur..

Aussi je ployeploie au faix 28[28] sous le poids du fardeau. tant mon mal se rengregerengrège 29[29] se renforce. ,

230Si la mort à la fin par pitié ne m’allegeallège.

Mort donc, si la pitié logea jamais en toytoi,

Hélas Mort, je te prie ayeaie pitié de moymoi.


--- B2v° ---
 

Que me sert vivoter, et attirer à peine,

Tant la douleur m’éstraintétreint, ma naturelle haleine30[30] souffle vital. !

235Que me sert de languir, et à demydemi souffler

Avecques 30[30] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. mes sanglossanglots, mon âme parmyparmi l’air ?

Que me sert de baigner mon visage de larmes ?

Que me sert de donner à mon coeur tant d’allarmesalarmes ?

Et ne vaultvaut-il pas mieux tout d’un beau coup mourir,

240Que tant et tant de maux diversement souffrir,

AusquelzAuxquels durant la vie est subjettesujette Nature ?

La mort est le dernier des maux que l’on endure.

J’yrayirai soubssous les rameaux des glorieux Lauriers,

Des Mirtes amoureux, et de saints Oliviers,

245Aux Champs ElisiensElyséens, mignardant ma pensée,

Sans que ma chasteté y puisse estreêtre offensée.

Je ne redoutrayredout’rai plus cestcet amoureux volleurvoleur,

Qui me guette par tout pour piller mon honneur.

Ce Balthazar superbe 31[31] orgueilleux. , à qui cestecette Fortune,

250Qui jusqu’à ce temps estoitétait tant opportune,

Souffle le vent au nez, avecque 32[32] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. son pouvoir

Ne desireroitdésirerait plus d’outrager mon debvoirdevoir.

Et ce jeune Araspez, à qui ceste victoire

Fait bouffer 33[33] augmenter (vu négativement). à presentprésent le courage de gloire,

255Ayant entre ses mains ma pauvre liberté,

N’attenteroitattenterait jamaysjamais sur ma pudicité.


--- B3r° ---
 

Non, non, il n’auroitaurait plus cestecette cruelle audace,

Qui avecque 34[34] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. son sang luylui boultbout dessus la face.

Non, non, il n’auroitaurait plus cestecette grand’ 35[35] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. cruaultécruauté,

260Qui veultveut (Barbare effaiteffet) combatrecombattre ma beauté.

Au-tour des neuf retours du fleuve d’Oubliance 36[36] Le Léthé, fleuve des Enfers dans la mythologie grecque où les ombres des morts allaient boire pour oublier le passé : comme le signale Enea Balmas, ce fleuve était décrit comme particulièrement tortueux ce qui explique l’expression « neuf retours ».

Il iroitirait, malheureux, faire sa penitencepénitence 37[37] Panthée invite Araspez à aller faire pénitence au Léthé, ce qui revient à lui demander de l’oublier. .

Et moymoi ce temps-pendant 38[38] pendant ce temps. , absoulteabsoute de Minos,

En ces beaux champs sacrezsacrés je prendroyprendrais mon repos.

265MaysMais le voy-cyvoici encorencore : où faultfaut-il que je fuyefuie ?

ARASPEZ.

PantheePanthée, à qui je suyssuis, si, helashélas, je t’ennuyeennuie,

Comme tu fais semblant d’en porter un grand dueildeuil,

Darde, darde sur moymoi un foudre de ton oeil,

Lance dessus mes os, lance ton rouge soufresouffre,

270Et m’abismeabîme d’un trait en un infernal gouffre.

Il me vaultvaut mieux mourir, malheureux, d’un beau coup,

Que languir sans espoir, et vivoter beaucoup.

PANTHEEPANTHÉE.

Si tu meurs, Araspez, tu es ton meurtrier 39[39] À prononcer en deux syllabes : meur-trier. mesmemême.

ARASPEZ.

PantheePanthée, mon soucysouci, ma PantheePanthée, que j’aymeaime

275Plus que ma vie propre, escouteécoute par pitié,

Et ayeaie un peu esgardégard à ma grande amitié.


--- B3v° ---
 

Ne pense, ma Princesse, et Reine de ma vie,

Que ta condition soytsoit moindre ou asservie

Pour aymeraimer Araspez, qui ne vit point sinon

280Que comme ton espouxépoux, amoureux de ton nom.

Ton Abradat fustfut Roy d’une seule Province,

Et les riches MedoisMédois me recongnoissentreconnaissent Prince. 40[40] Les Mèdes, peuple ayant vécu dans le Nord-Ouest de l’Iran actuel, dont Araspez est le prince.

Ton Abradat n’avoitavait qu’un peuple dessoubzdessous soysoi,

Et tant de nations vivent dessoubzdessous, ma LoyLoi.

285Son regnerègne est ja finyfini par la guerre perdue,

Mon pouvoir soubzsous Cyrus accroistaccroît son estendueétendue.

Il est par ma prouësseprouesse à demydemi ja vaincu,

Et j’ai tousjourstoujours sur tous victorieux vescuvécu.

J’ayai par-delà le cours des peuples plus estrangesétranges

290Par tant de braves faitzfaits fait voler mes louängeslouanges,

Et il demeure court avec son deshonneurdéshonneur.

PANTHEEPANTHÉE.

» La femme doytdoit sentir avecqueavec son seigneur

» Et le bien et le mal des mondaines traverses :

» Car l’amour se congnoistconnaît aux fortunes adverses.

295» Il faultfaut que celle là qui goustegoûte bien du miel

» Laisse couler aussi sur ses levreslèvres du fiel.

ARASPEZ.

MaysMais quoyquoi ? Je t’aymeaime tant.

PANTHEEPANTHÉE.

L’amour est illicite.


--- B4r° ---
 

Araspez

Et dea, me penses-tu de si peu de meritemérite,

Suys-jeSuis-je de te cherirchérir ainsyainsi recompensérécompensé :

300La force me rendra du prier dispensé.

Non, non, je n’en puis plus.

Sus, il faultfaut qu’à cest’’cette heure

Ou que du tout je vive, ou que du tout je meure.

PANTHEEPANTHÉE

Eunuques, mes amysamis.

ARASPEZ

Ou à droit, ou à tort,

305Il me faultfaut ou eslireélire ou la vie, ou la mort.

Non, tu hasas beau courir, non, tu hasas beau, cruelle,

Attacher, pour t’enfuyrenfuir, au-tour tes piedzpieds une ailleaile :

Je te devanceraydevancerai : je te fais trop d’honneur,

Bourrelle 41[41] féminin de bourreau. , te portant une telle faveur.

PANTHEEPANTHÉE

310Eunuque, je me meurs, je m’en voisvais rendre l’ameâme.

DEMARTEZ

DequoyDe quoi vous plaignez -vous ? que craignez -vous, madame ?

Pensez -vous qu’il osastosât rien attenter sur vous ?

PANTHEEPANTHÉE

Eunuque ; il haa l’esprit aveuglé du courroux :

Il me voudra user à la fin de contrainte.


--- B4v° ---
 

DAMARTEZ

315Faites premierementpremièrement à Cyre vostrevotre plainte,

Il le respectera, et pour l’amour de luylui

Il n’osera jamais vous faire tel ennuyennui.

PANTHEEPANTHÉE

Allez -y donc pour moymoi, car vraymentvraiment j’auroyaurais honte

Si je me presentoyprésentais pour luylui faire un tel conte.

320» La chasteté ne doytdoit ne dire ne penser

Chose, tant grande soytsoit, qui la puisse offenser.

GracesGrâces, et falloitfallait-il que vous fussiezfûtes donc telles ?

BeautezBeautés, et falloitfallait-il que vous fussiezfûtes si belles ?

Maintien, et falloitfallait-il vous maintenir ainsyainsi ?

325Douceur, et falloitfallait-il estreêtre tant douce aussyaussi ?

PlustostPlutôt soyssois-je, plustostplutôt, soyssois-je la plus vilaine,

SoysSois-je moins belle en tout, moins douce, moins humaine,

PlustostPlutôt n’y aytait en moymoi qu’horreur et chasteté,

MaysMais que je puisse icyici garder ma chasteté.

330PlustostPlutôt, ô Ciel, plustostplutôt, que cestecette fine soyesoie,

Qui entour mon beau chef 42[42] ma tête. à plis frisezfrisés ondoyeondoie Devienne longs Serpensserpents 43[43] allusion à Méduse.  : que ce front honoré

SoytSoit par les grandzgrands sillons de rides labouré.

Que ces voutezvoûtés sourcissourcils plustostplutôt tombent à terre,

Que cestcet oeil gracieux soytsoit plustostplutôt un tonnerre,


--- C1r° ---
 

335Que ce nez aquilin, qui ja 44[44] déjà. semble devoir

Prendre sur les Persans à bon droit tout pouvoir

SoytSoit tout deffigurédéfiguré ; que cette jouëjoue encore,

Qui fait en couleur honte au lustre de l’Aurore,

En lueur au Soleil, et en sa fermeté

340(Tant est elle durette) aux pommettes d’EstéÉté,

Perde son en-bon-pointembonpoint, que ces tresorstrésors d’abeilles,

Que Nature haa caché sous mes levreslèvres vermeilles,

SointSoient emportezemportés au loingloin : que ce beau lait caillé,

Dessus 45[45] L’adverbe est ici une préposition (sur). mon coulcou longuet si proprement taillé,

345Devienne tout villainvilain : que ce sein, qui pommelle

Dessus mon estomachestomac d’une enflure jumelle,

SoytSoit du tout abbaisséabaissé : Bref, que tant de beautezbeautés,

De gracesgrâces, de vertuzvertus et de divinitezdivinités,

SointSoient mises hors de moymoi, devant 46[46] avant. , qu’helashélas, j’endure

350Qu’on fasse à mon honneur une si grande injure.

Le Choeur.

Comme l’on veoitvoit le plus mutin orage

Noyer les champs, et déborder de rage,

Puis crever furieux

Aux flanczflancs d’un rochroc, qui eslevéélevé voisine

355Les hautzhauts sommetzsommets de la grande courtine

Qui entoure les Cieux.

 

Comme l’on veoitvoit l’Aquilon qui menassemenace

De quelque escueilécueil la sourcilleuse audace,


--- C1v° ---
 

Et sans dessus dessoubsdessous

360Bouffer en vain, puis sur la plus humble herbe,

Qui pend au-tour de sa testetête superbe,

Décharger son courroux.

 

La Chasteté est cestecette haute roche,

C’est cet escueilécueil, duquel si on approche

365Plus que par le debvoirdevoir :

Ni tous les flotzflots de nostrenotre enflé courage,

Ni tous les vents de nostrenotre fierefière rage,

N’auront aucun pouvoir.

 

Fin du second Acte

ACTE TROISIESMETROISIEME

Cyrus.

CE ROY donc qui avoytavait la poitrine eschaufeeéchauffée

370De tant d’ambitions, pour bastirbâtir son tropheetrophée

Delà le fleuve Halis, et etoufferétouffer mon nom

Par le feu reluysantreluisant de son fameux renom,

Est à demydemi vaincu : j’ayai donques 47[47] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. de sa gloire,

IndontéIndompté que je suyssuis, paranné ma memoire.

375L’ennemyennemi effrayé s’en est enfuyenfui au loin,


--- C2r° ---
 

L’Assyrien superbe haa bouqué sur mon poin poing,

Le Persan Gobrias, et Gadatas le sage,

Tant estimezestimés qu’ils soyentsoient, m’ont fait donques 48[48] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. hommage.

J’ayai donques triomphé de ce peuple mutin,

380J’en en ayai entre mes mains encore le butin,

J’ayai cette belle Reine, et ces deux Lydiennes ;

Sur toutes du païspays bonnes musiciennes.

MaysMais encor 49[49] Nous maintenons l’apocope pour le compte syllabique. tout cela, de quelque vain honneur

Ne m’en fait point bouffer aucunement le coeur 50[50] Ne m’en rend pas orgueilleux. ,

385Je ne m’en sens plus fier, ni cette grand’ 51[51] Nous maintenons l’apocope pour le compte syllabique. puissance

N’enfle point pour cela mon esprit d’arrogance.

Les RoysRois sont tout ainsyainsi que cestcet oeil grand des Dieux,

» Qui d’autant plus qu’il est eslevéélevé sur les Cieux,

» MenassantMenaçant notre chef, fait ses ombres moins croistrecroître,

390» Et veultveut haulthaut eslevéélevé plus petit apparoistreapparoître52[52] Nous maintenons cette forme pour la rime. :

» Tant s’en faut que jamays jamais un grand RoysRois doive avoir

» Le coeur enorgueillyenorgueilli pour son plus grand pouvoir.

Mais qu’est-ce MedeMède icyici, qui devers 52[52] Vers. moi s’adresse ? 53[53] Demartez entre en scène.

DEMARTEZ

Sire, je suyssuis venu au nom de ma maîtresse

395Femme au RoyRoi des Suzans, qui maintenant vers vous,

Se fiant à vos yeux si gracieux et doux,


--- C2° ---
 

Se presenteprésente par moymoi ; helashélas,estantétant contrainte,

Pour sauver son honneur, de vous faire sa plainte.

Araspez veultveut ravir ce qu’elle haa precieuxprécieux

400Plus que mesmemême son coeur, et que ses propres yeux.

Araspez veultveux vollervoler le thresortrésor de sa vie,

Il desiredésire de veoirvoir sa chasteté ravie,

Son nom deshonorédéshonoré, et trahissant sa foi

Veut que meurtrieremeurtrière 54[54] À prononcer en trois syllabes : meur-triè-re. soytsoit de l’honneur de son RoyRoi,

405Le bon Abradatez.

CYRUS.

OÔ quelle grande injure.

Araspez pouvoitpouvait bien se vouërvouer à Mercure

Pour heurer 55[55] rendre heureux. son amour : car ce Dieu est heureux

(Mais non le cruel Mars) pour les vraysvrais amoureux.

Artabaze, marchez, deffendez-luydéfendez-lui la force.

410Je sçaysais que la beauté est suffisante amorce,

Je sçaysais que l’on s’eschauffeéchauffe en s’approchant du feu :

MaysMais encorencore, si faultfaut-il, si faultfaut-il quelque peu

Commander à soymesmesoi-même, et montrer qu’on est brave

Pour retenir tousjourstoujours un tel amour esclave.

ARTABAZE.

415Sire, je m’y en voisvais.

CYRUS.

Et toytoi mon compaignoncompagnon,

PresentePrésente le bon jour à ta dame en mon nom,

L’asseurantassurant par mon sceptre, et par cette couronne,


--- C3r° ---
 

Qui de mon chef sacré la rondeur environne,

Par ma riche tiare 56[56] couronne. et par tout cestcet honneur

420Dont tu veoisvois que chacun honore ma grandeur,

Qu’elle n’aura point mal : plustostplutôt que l’on m’estime.

Le plus poltron qui soytsoit, que j’endure un tel crime.

Plustost Plutôt soyssois-je cent fois à chacun en dédain.

Que j’endure en ma courtcour un acte si villainvilain.

ARASPEZ

425Yeux traîstrestraîtres, traîstrestraîtres yeux, pourquoypourquoi en cestecette sorte

Aux meurtriers de ma vie a-vous 57[57] ici et plus bas, forme contractée de avez-vous. ouvert la porte

Du chasteau château de mon coeur ; où mon esprit rangé

Par le camp de l’Amour, foiblefaible estoytétait assiégé.

PourquoyPourquoi a-vous reçeureçu ces Amoureaux qui dardent

430Mille traitztraits amoureux à ceux qui les regardent,

Pour mon ame âme navrer 58[58] blesser.  ?

PourquoyPourquoi a-vous admis

Dans vostrevotre propre fort vozvos propres ennemis ?

Et vous après aussi paupierespaupières, peu fidellesfidèles,

435PourquoyPourquoi ne faisiez-vous toujours les sentinelles

PourquoyPourquoi ne couvriez-vous de vos aillesailes mes yeux ?

PourquoyPourquoi enduriez-vous, vous qui estiezétiez aux lieux

ilzils capituloyentcapitulaient contre ma pourepauvre vie

Que sans mon sçeusu, helashélas, mon âme fustfût trahie

440Vous deviez engarder 59[59] éviter. que cestcet ennemyennemi fier


--- C3v° ---
 

RecongnoistreReconnaître nepeustpût monpourepauvre oeil peu guerrier :

EstantzÉtant bien asseurezassurés qu’il ne pouvoitpouvait l’attendre

Qu’il n’ eusteût éstéété contraint incontinent 60[60] immédiatement. se rendre.

Et moymoi ne suyssuis -je pas plus bisongne cent fois,

445Qui devoisdevais donner ordre au siegesiège, toutesfoistoutefois

Sans rien considererconsidérer ayai mis mon oeil en garde.

Au lieu plus dangereux, où l’ennemyennemi regarde ;

Or voilà, j’en suis mort : ô qu’il m’ eusteût valluvalu mieux,

Malheureux que je suis, n’avoir heueu jamais d’yeux

450Ô qu’il m’ eusteût valluvalu mieux que jamais ma paupière

N’eusteût éclos à mes yeux du beau jour la lumière !

ô qu’il m’ eusteût valluvalu mieux, estantétant ainsyainsi traité.

Par mes sens mesmementmêmement, n’avoir jamaysjamais estéété

Ma mort ne seroytserait plus, pour t’avoir veuvu, PantheePanthée,

455Par tant d’amours cruelzcruels tant de fois attentée :

Tant de nouveaux desirsdésirs, soldatzsoldats de ces amours,

Ne pourchasseroyentpourchasseraient plus ma vie tous les jours.

Tant de cuysantzcuisants soucis, ainsyainsi que capitaines,

Ne me combatroyentcombattraient plus de tant et tant de peines.

460Je seroysserais asseuréassuré des malheurs que je voyvois

Que cestcet Amour guerrier attraine 61[61] attirer. avecque soysoi.

ARTABAZE

N’est-ce pas Araspez que j’entenentends qui sanglotte ?

N’est-ce pas Araspez, dont le visage flotte

En cette mer de pleurs ? C’est luylui vraymentvraiment, c’est luylui.


--- C4r° ---
 

465L’amour est seulement père de cestcet ennui,

Qui ainsyainsi languissant s’avorte sur la face.

Si faultfaut-il maintenant qu’entendre je luylui fasse

Le vouloir de Cyrus en ses affections.

Araspez, notre RoyRoi, sachant tes passions,

470Qui d’un voile amoureux t’ont la veuevue bandée,

MesmeMême où la chasteté est tant recommandée,

Comme en PantheePanthée elle est, te défend tout effort :

Car l’amour qui est vrayvrai n’est qu’un commun accord ;

De deux vouloirs en un, qui se fait par prière.

ARASPEZ

475JamaysJamais n’eusseeussé-je vu la belle prisonnière,

JamaysJamais n’eusseeussé-je un oeil dessus elle élancé :

Je n’auroyaurais, comme j’ayai, mon seigneur offencéoffensé,

Et ne seroysserais bourreau de ma vie chetivechétive.

MaysMais faultfaut-il, malheureux, faultfaut-il qu’encor je vive ?

480Dieux puissantzpuissants, foudroyez, toneztonnez, pleuvez, greslezgrêlez,

Et comme en un chaos tous mes membres meslez,

Dardez sur moymoi l’éclat de vostrevotre rouge foudre,

TronçonezTronçonnez tous mes os, et les mettez en poudre,

AbismezAbîmez-moymoi, d’un coup de vostrevotre sceptre, au fond

485Du centre plus obscur, de l’enfer plus profond.

ARTABAZE.

Mais revenez à vous : que servent les complaintes,


--- C4v° ---
 

Et les ruisseaux enflezenflés de tant de larmes feintes ?

Estimeriez-vous bien, que ces facheuxfâcheux travaux

Donneront quelque trévetrêve au moindre de vozvos maux ?

ARASPEZ.

490La mort de tous mes maux me sera plus humaine,

Car elle, mal-gré tous, mettra fin à ma peine.

LE CHOEUR.

Vous jeunes gens, qu’un trait à l’impourvëueimpourvue

De ce Dieu jeune, orphelin de la veüevue,

HaA navré jusqu’aux coeurs :

495Voyez icyici le plus presentprésent remederemède,

Dont vous pouvez retirer plus grande aydeaide,

De vozvos grandes langueurs.

Il nin’y faultfaut point pétrir tant de racines,

Ni faire cuyrecuire en tant de médecines

500Tant de simples divers :

Il nin’y faultfaut point cercherchercher quelque allégeance 62[62] atténuation, soulagement.  :

Contre l’Amour les herbes n’ont puissance,

Ni le charme des vers.

Si vous sentez vostrevotre ameâme estreêtre offenceeoffensée

505De sa sagette 63[63] flèche. , à vozvos yeux elanceeélancée,

Ne prenez point confort,

Pour vous guérir de cestecette maladie,

Aux grands moyens de toute vostrevotre vie,

MaysMais à la seule mort.

 

Fin du troisiesmetroisième Acte.


--- D1r° ---
 

ACTE QUATRIEME

PANTHEEPANTHÉE

510Tu es donc mort, amyami, il faultfaut aussyaussi bien, morte

Que je te fasse escorte :

Non, je ne puis plus vivre : ayant perdu mon bien

PourroisPourrai-je vivre bien ?

Non, je ne plus vivre : ayant perdu ma vie

515De vivre encor 64[64] Nous maintenons l’apocope pour le compte syllabique, ici et plus bas. desirdésir ?

AuroiAurai-je, ayant perdu par ta mort mon plaisir,

De vivre encor desirdésir ?

AuroiAurai-je encor vouloir te voyant morte en guerre

De vivre en cestecette terre ?

520De vivre en cestecette terre, en cestecette terre, où Dieu,

Où Dieu n’haa plus de lieu ?

Qui bannit les vertus, qui retire les vices,

Qui cheritchérit les delicesdélices,

Qui profane l’honneur de la pudicité,

525SuytSuit la lubricité,

Se veultveut licentierlicencier 65[65] donner licence, liberté. à ce qui luylui peultpeut plaire,

En ce qu’elle veultveut faire :

Ravit tout, force tout, et veultveut par son pouvoir

Toutes choses avoir :

530FuytFuit le bien, fait le mal, et d’une estrangeétrange audace

Tous les pechezpéchés embrasse.

Non, il me faultfaut mourir : la mort peultpeut seulement


--- D1r° ---
 

AppaiserApaiser mon tormenttourment.

MaysMais, si faultfaut-il qu’encor, devant 66[66] avant. que je desliedélie

535Du filet de ma vie

Mon esprit, et mon corps (espouxépoux que tant j’aymoisaimais)

Je te veoyevoie une fois :

AffinAfin que ce corps vil, que donra 67[67] Nous maintenons l’apocope pour le compte syllabique. la Nature

Aux vers pour nourriture,

540SoytSoit un coup bien-heuré, devant que 68[68] avant de. clorreclore l’oeil

SoubsSous le sombre cerceuilcercueil,

Te revoyant encorencore. Maysmais qu’est-ce que je pense ?

AuroisAurais-je bien puissance

Encor de te revoyrrevoir ? SeroyentSeraient-ce là tes yeux,

545Tes yeux si gracieux ?

SeroyentSeraient-ce là encor ces deux vifvesvives prunelles,

Qui par tant d’estincellesétincelles

AllumoyentAllumaient noznos amours ? SeroyentSeraient-ce là ton front

Qui se voutoytvoutent en rond ?

550SeroyentSeraient-ce ces filzfils d’or, qui couronnoyentcouronnaient ta face,

Qui sont tous pleins de crasse ?

SeroyentSeraient-ce tes sourcissourcils, d’où comme de deus arcs

Amour tiroyttirait ses dars 69[69] flèches.  ?

Tes jouësjoues, qui estoyentétaient de beau vermillon teintes,

555Sont ell’ si tosttôt dépeintes ?

Où est le beau coralcorail, qui couvroitcouvrait au-dedans

Les perles de tes dents ?

Où est ce doux parler, qui serenoytsereinait la rage


--- D2r° ---
 

Du plus mutin orage ?

560Où est ce ris mignard70[70] ce doux sourire., qui d’un doucet parler

Nous parfumoytparfumait tout l’air ?

Où est cette vertu, cette divine gracegrâce,

Qui avoytavait en toytoi place ?70[70] Qui avait place en toi ?

Où s’est enfuyenfui au loin ce tant gentil esprit,

565Où Nature comprit

Ce qu’elle avoytavait de beau, n’ayant estéété avare

De ce qu’elle avoytavait rare ?

Où est cette ameâme belle, où le Ciel avoytavait fait

Un chef d’oeuvre parfait ?

570AmeÂme, ameâme, qui tiroystirais du Ciel ton origine,

EstantÉtant toute divine,

Tu retournes au Ciel : car tu ne pouvoyspouvait pas

Demeurer plus ça bas 70[70] ici bas. .

Il falloytfallait que là-haulthaut, en la plaine aethereeéthérée71[71] pure, de nature céleste. ;

575Avecque 71[71] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. ton AstreeAstrée,

Tu cerchassecherchasses ton bien. Ce monde icyici sans foyfoi

N’ estoytétait digne de toytoi.

Or faultfaut-il maintenant que ta plus douce amyeamie

Te facefasse compaigniecompagnie :

580Il le faultfaut, cher espouxépoux : car je ne puyspuis aussyaussi

Vivre en ce monde icyici.

A-dieu donc Monde, A-dieu, A-dieu toutes delicesdélices,

A-dieu, - tous vices,

A-dieu ; A-dieu pechezpéchés : je voisvais busquer le mieux


--- D2v° ---
 

585De mon heur dans les Cieux,

Avec mon Abradat : Adieu, je m’en voisvais morte

Faire à son ameâme escorte.

Ce coutelas ardant m’ouvrira le chemin

Pour y aller en fin.

DEMARTEZ.

590Où fuyez -vous, madame, et un peu, je vous prie,

Entendez moymoi, helashélas, entendez moymoi, qui crie :

Et puys quepuisque je ne puis vous donner reconfortréconfort,

Que comme en vie, au- moins je vous suive en la mort.

OÔ sainte, chaste, belle et douce nourriture,

595La beauté des beautés, chef d’oeuvre de Nature :

Mes yeux pourront-ils veoirvoir tes deux yeux ainsyainsi clos

Le glaive, le vouloir, et le brazbras plus dispos

ConduyrontConduiront mon esprit par-myparmi la troupe espesseépaisse

De tes ManesMânes 72[72] les âmes des défunts. muets, pour te suyvresuivre, maitressemaîtresse.

ARATIS.

600Non, non, il te vaultvaut mieux, il te vaultvaut mieux, mon coeur,

Mourir tout en un coup que tant vivre en langueur.

Ayant perdu ta dame, helashélas, ta vie mesmemême

T’est mille et mille foysfois pire que la mort blesmeblême.

Ne languylanguis donquesdonc plus,hastehâte toytoi une foysfois

605De luylui faire service, au lieu où tu la veoisvois.

Va là suyvresuivre -bas dessous la fraicheur douce


--- D3r° ---
 

Des mirtesmyrtes amoureux : où un ZephirZéphir 73[73] vent doux et léger. tremoussetrémousse

De ses fraizfrais ailerons, comme au Printemps plus doux

Quand l’air encontre nous ne bouffe de courroux.

610Va la suyvresuivre -bas dedans les champs d’Elize 74[74] « les champs d’Elize » : les champs élysées : lieu de repos éternel des héros décédés. .

Où la terre tousjourstoujours, ayant la mignardizemignardise

Peinte dessus la face, enfante tant de fleurs,

Qu’ilzils en repaissent là noznos ombres des odeurs.

Va la suyvresuivre là bas, où les fontaines vertes

615Sont, mesmesmêmes en tout temps, d’un verdvert tapis couvertes :

Et du doux gazouillis de leurs jazardesjasardes 75[75] bavardes. eaux

Font tousjourstoujours la musique aux bordzbords de leurs ruisseaux.

Que differesdiffères-tu donc ? Sus haste toyhâte-toi, mon ameâme,

De delaisserdélaisser ton corps dessous l’obscure lame,

620AffinAfin de l’ensuyvirensuivir : aussi ne puis-tu pas,

Pauvrette que tu-es, sans elle estreêtre ça bas 76[76] ici bas. .

OSNORIS.

Bras, que redoutes-tu ? Et quelle crainte froide

Te fait glisser, ma main, et la rendre si roide 77[77] Nous maintenons cette forme pour la rime.  ?

Ne puis-tu enferrer de ce glaive mon flanc ?

625Ne puis-tu l’empourprer dedans mon rouge sang ?

Ne puis-tu t’en donner, mal-gré ses algarades 78[78] attaques brusques en paroles. ,

Au travers de ton coeur, mille et mille estocades ?

Que veux-tu vivre encorencore ? Bras, quelle crainte has as-tu ?

Par une belle fin fayfais montrer ta vertu :


--- D3v° ---
 

630La fin couronne l’oeuvre. Or donc sans plus attendre

Va t’en, bras, par la mort à ta dame te rendre. 79[79] On peut supposer que le suicide des personnages a lieu sur scène.

LE CHOEUR.

Voyez amantzamants, quelle est un amour sainte,

Que la vertu haa dans nostrenotre ameâme emprainte,

Par honnesteshonnêtes desirsdésirs :

635On n’y veoitvoit point des folles mignardises,

Qui dans noznos coeurs couvent les paillardises,

TrasserTracer les faux plaisirs.

Comme la tourtre 80[80] tourterelle. , en perdant sa compaignecompagne,

De durs regretzregrets fend l’air de la campaignecampagne,

640Et veufveveuve desormaisdésormais,

Ne se peultpeut plus en aucune autre plaire :

Le vrayvrai amour ne peultpeut point se distraire

Par un autre, jamaysjamais.

AinsyAinsi veoit voit-on que la mort plus barbare

645Cest’Cette amytiéamitié encoresencore ne separesépare :

MaysMais malgré son pouvoir,

Malgré sa faux, malgré toute sa force,

Ce saint Amour de plus en plus s’efforce

Pour la victoire avoir.

Fin du quatriesmequatrième Acte.


--- D4r° ---
 

ACTE CINQUIEME.

LE MESSAGER

650Quel spectacle piteux ? quelle estrangeétrange advantureaventure ?

OÔ ciel, ô terre, ô mer, ô princesse Nature

De tout cet univers. Qui adjousteraajoutera foyfoi

À cela que j’ayai veuvu estreêtre fait devant moymoi ?

LE CHOEUR.

QuiQu’y haa-t-il, messager, qui vous fait ainsyainsi plaindre ?

LE MESSAGER.

655J’ayai veuvu PantheePanthée, helashélas, son couteau meurtrier teindre

Dans l’albatre81[81] matériau naturel blanc. polypoli de son beau coulcou si blanc,

Faisant rouler dehors un fleuve de son sang.

Je l’ayai veuvu, en apresaprès cette pauvre victoire,

DemyDemi-morte tomber sur les boules d’ivoire

660Du sein de son amyami, et souffler à l’entour

Son esprit, encor 81[81] Nous conservons cette forme pour le compte syllabique. chaud du sang de son amour :

Et puyspuis son ameâme apresaprès de ses ailerons fendre

L’air le plus espessyépaissi, et dans le Ciel se rendre,

Avecque 82[82] Nous conservons cette forme pour le compte syllabique. son époux : qui le croiroytcroirait ? apresaprès,

665Sa Nourrice j’ayai veuvu, qui la suivoytsuivait de presprès,

Se menacer aussi, et presque, avec elle,

De son corps mesmementmêmement vouloytvoulait estreêtre bourelle.

Et puyspuis, estrangeétrange cas ! troystrois Eunuques suivanssuivants,

E’prisÉpris de mesmemême amour, tel spectacle trouvanstrouvant,

670Prendre le glaive au poinpoing, et de semblable audace

De mille et mille coups se massacrer la face :

Et bref, ilzils ont donné, à la fin, pour fourreau


--- D4v° ---
 

Leurs troystrois coups 83[83] Faut-il lire corps ? innocensinnocents à ce mesmemême bourreau

L’air alors tout fachéfâché, de ses pluyespluies menues,

675Comme esmeuému à pitié, fit lors pleurer ses nues

Dessus leurs corps transis, et jettajeta sans repos,

Par des ventzvents courroucezcourroucés, mille et mille sanglossanglots.

Le Ciel alors troublé d’un tout sombre nuage,

Pour montrer sa douleur, se masqua le visage :

680La Mer plus que jamaysjamais, au-tour des roczrocs cornus,

Fit alors escumerécumer tous les grandzgrands flosflots chenuzchenus :

La Terre mesmementmêmement, pour montrer sa tristesse,

Veuve de tout plaisir, vint à languir sans cesse.

Tous les humains fachezfâchés eurent la larme à l’oeil,

685Et ensemble les Dieux en porterentportèrent grand deuil.

LE CHOEUR.

On vit la RoyalleRoyale gracegrâce

Se deschoyrdéchoir en un moment,

L’ameâme reprendre au ciel place,

Le corps en son elementélément.

 

690Ô chasteté admirable,

Ô excellente beauté,

Ô bien mondain peu durable,

Ô grande infelicitéinfélicité!

 

Et toytoi sainte ameâme etoféeétoffée

695De la plus rare vertu,

Tu rapportes le tropheetrophée

Du vice en terre abbatu

 

De la prison déliée

Tu voles au beau pourpris,

700En ta place dédiée,

Avec les chastes EsprisEsprits.

 

Ô exemple de la vie,

Comble de perfection :

Tu nous laisses bien l’envie,

705MaysMais non l’imitation.

 

Sur ta triste sepulturesépulture

Se sied la pudicité, 84[84] pudeur.

Qui sacre cette aventure

À son immortalité.

Fin de PantheePanthée TragedieTragédie