Pour retrouver toutes les informations sur cette pièce, cliquez ici.

Comédie des Quatre Femmes

par Marguerite de Navarre (rep. 1542, imp. 1547)
  • Pré-édition
  • Transcription, Modernisation, Annotation et Encodage : Étudiant.es Master 1 Littératures et médiation de Metz, promotion 2024-2025, sous la direction de Nina Hugo
  • Relecture XML : Milène Mallevays
  • Relecture : Nina Hugot


Notes
 
 

--- 178 ---

Les personnages

Deux filles, Deux marieesmariées, La Vieille, Le Vieillard, et les Quatre Hommes.

COMEDIE

LA PREMIERE FILLE

COMMENCE.

TOUT le plaisir et le contentement,

Que peultpeut avoir un gentil cœur honnestehonnête,

C’est liberté de corps, d’entendement,

Qui rend heureux tout homme, oyseauoiseau, ou bestebête.

5Malheureux est, qui pour don, ou requesterequête,

Se veultveut lyerlier à nulle servitude.

Quant est de moymoi, j’ai mise mon estudeétude

D’avoir le corps, et le cœur libre et franc.

Il n’y haa nul qui par solicitudesollicitude

10 Me sceustsut jamais osterôter ce digne rancrang.

LA SECONDE FILLE.

OÔ qu’ilzils sont sotzsots, et vuydesvides de raison


--- 179 ---
 

Ceux, qui ont dit, une amour vertueuse

EstreEtre à un cœur servitude, et prison :

Et pour aymeraimer, la Dame malheureuse.

15Leur faux parler ne me rendra paoureusepeureuse

D’aymeraimer tresforttrès fort, sachant que tout le bien,

Au prysprix d’Amour, se doit estimer rien.

Car qui Amour a densdans son cœur enclose,

Il trouvera liberté son lyenlien,

20 Et ne scauroitsaurait desirerdésirer autre chose.

LA I.Ière FILLE.

Mieux me vaudroitvaudrait tenir la bouche close,

Que soustenirsoutenir, qu’il vaultvaut mieux à un cœur

D’ estreêtre vaincu, que d’ estreêtre le vainqueur

De cestecette Amour, que vous louez si fort.

LA II.IInde FILLE.

25Comme vaincu ? Mais il en est plus fort.

Car le cœur seul, sans Amour, n’est que glace.

Amour est feu, qui donne lustre et gracegrâce,

Vie, vertu, sans qui le cœur n’est rien.

LA I.Ière FILLE.

La liberté est suffisant moyen

30Pour dechasserdéchasser 2[2] chasser. du cœur, et paourpeur, et honte.

Et quandquant à moymoi, je ne puis faire compte

De riensrien qui soit, qui le puisse arracher

Hors de mon cœur.


--- 180 ---
 

LA II.IInde FILLE.

Je ne veux point taschertâcher

De vous osterôter cestecette vertu aymeeaimée :

35 Mais je dis bien, que liberté aymeeaimée

Doit estreêtre Amour.

LA I.Ière FILLE.

Or pour conclusion ;

Vous soustenezsoutenez Plaisir, et Passion,

EstreEtre tout un, ce que ne puis entendre.

Mais Liberté m’a tresbientrès bien fait apprendre,

40 Que tout plaisir en elle on peultpeut trouver.

LA II.IInde FILLE.

Mais c’est Amour, qui le fait renouver. 3[3] renouveler.

Car quand je puis aupresauprès de moymoi tenir

Celuycelui , que j’ aymeaime , mal ne me peultpeut venir.

Et tous les maux, qui me sont advenuzadvenus,

45Je ne sçaysais plus lors qu’ils sont devenuzdevenus.

En cestecette Amour, et en ce grand plaisir

La Liberté seule se peultpeut choisir.

LA I.Ière FEMME MARIÉE.

Il fait grand mal à femme honnestehonnête et sage,

Qui craint son Dieu, et aymeaime son honneur,

50Quand son MaryMari par un meschantméchant langage,

Ignorer veultveut la bonté de son cœur.

Si ma beauté meritemérite un serviteur,

De qui je suis honoreehonorée et aymeeaimée,


--- 181 ---
 

En dois -je moins (pourtant) estreêtre estimeeestimée.

55 Puis quePuisque mon cœur n’est de vice taché ?

Non : mais plustostplutôtdevroisdevraisestreêtreblasmeeblâmée

Si jefaisoisfaisais de nonpecherpêcherpechépêché.

LA IIIInde FEMME MARIÉE.

De vrayevraie Amour autre Amour reciproqueréciproque.

C’est le parfait de son plus grand désir.

60Mais si Amour de l’autre Amour se moque

Pour autre Amour trop moins digne choisir

C’est un ennuyennui, qui ne donne loisir,

Temps neni repos pour trouver réconfortréconfort.

Le desespoirdésespoir est pire, que la mort,

65Et jalousie est un vrayvrai désespoir.

OÔ Foyfoi rompue, et trop apparent tort,

Par vous me faultfaut pis que mort recevoir.

LA IIère FEMME.

Or sus, ma sœur, vous pensez donc avoir

Un plus grand bien, que nommez jalousie :

70Mais ce n’est riensrien, que d’une fantaisie,

Au prysprix du mal que maugrémalgré moymoi je porte :

Cent fois le jour je souhaite estreêtre morte.

Car monMaryMari si tresforttrès fort me tourmente,

Et sans raison, qui plus me malcontente:

75Il haa grand tort.

LA IIIInde FEMME.

VostreVotre mal n’est qu’au corps.


--- 182 ---
 

Il est bien doux, puis qupuisqu’il est par dehors.

Car vous n’avez peine, que d’ escouterécouter

S’il vous failloit fallait densdans vostrevotre cœur goustergouter

L’amer morceau, que je machemâche à toute heure,

80Vous diriez bien, que si je plains, et pleure,

J’ayai bien raison.

LA IIère FEMME MARIÉE.

Raison, que dites -vous ?

EstreÊtre au matin, au seoirsoir , à tous les coups

Injuriée, blasméeblamée, et plus reprise,

Qu ’une vilaine en adultereadultère prise.

85Moy qui suis tant femme de bien, HelàsHélas,

Me nommer telle ? àah je ne le suis pas :

Le cœur m’en part.

LA IIIInde FEMME.

Le mien aussi me crevecrève

Car cestecette Amour, qui ne fait jamais tresvetrêve

Me fait aymeraimer, qui ayméeaimée ne suis.

90Il aymeaime une autre ; et souffrir ne le puis.

LA IIère FILLE.

Mais que peuvent ces deux femmes tant dire ?

LA IIIInde FILLE.

Mais d’ou leur vient si triste contenance ?

LA IIère FEMME.

Quelle raison fait sesces filles tant rire ?


--- 183 ---
 

LA IIIInde FEMME.

D’avoir plaisir monstrentmontrent grande apparence.

LA IIère FEMME.

95Sachons un peu la cause de leur joyejoie

LA IIIInde FEMME.

Je le veux bien.

LA IIère FEMME.

Filles, celuycelui vous voyevoie,

Qui peultpeut donner tout bien d’un seul regard.

LA IIère FILLE.

Dames, aussiceluycelui mesmesmême vous gardgard’:

En vous pensons regnerrégner meloncoliemélancolie.

LA IIIInde FEMME.

100Et nous voulons scavoirsavoir, si de folie,

Ou de vertus vous parlez en riant.

LA IIIInde FILLE.

Mais nous voyant ainsi pleurant, cryantcriant,

Voudrions scavoirsavoir si plus grand vostrevotre rizris 4[4] rire.

Est que l’ennuyennui, qui fait noznos cœurs marrizmarris.

LA VIEILLE.

105Le temps, qui fait et qui defaitdéfait son œuvre,

M’a cent ans haa, à son escolleécole prise.

Son grand tresortrésor, qu’à peu de gens descœuvredécœuvre 5[5] découvre. Nous maintenons cette forme pour la rime.

M’a descouvertdécouvert, dont je suis bien apprise.

Vingt ans aymayaimais liberté, que l’on prise,

110 Sans point vouloir de serviteur avoir.


--- 184 ---
 

Vingt ans après d’aymeraimerfeizfis mon devoir :

Mais un tout seul, pour qui seul j’estoisétais une,

Me fut ostéôté, maugrémalgré tout mon vouloir,

Dont soixante ans j’ayai pleuré ma fortune.

LA I.Ière FEMME.

115Voilà une Dame autentiqueauthentique.

Quel habit ! quel port ! quel visage !

LA II.IInde FEMME.

HelàsHélas, ma sœur, qu’elle est antique !

LA I.Ière FILLE.

Voilà une Dame autentiqueauthentique.

LA II.IInde FILLE.

Cent ans apprend bien grand’pratique.

120OÔ qu’elle devroitdevraitestreêtre sage !

LA I.Ière FEMME.

Voilà une Dame autentiqueauthentique.

Quel habit ! quel port ! quel visage !

LA II.IInde FEMME.

Or faisons vers elle un voyage :

Nous n’en pouvons que mieux valoir.

LA I.Ière FILLE.

125En bonne FoyFoi j’ayai grand vouloir

D’escouterécouter sa sage doctrine.

LA II.IInde FILLE.

Mais comme elle tient bonne mine :

Allons luylui donner le bon jourbonjour.


--- 185 ---
 

LA I.Ière FEMME.

CeluyCelui, qui au Ciel fait sejourséjour,

130Et en terre haa l’autorité,

Vous doint 6[6] donne. toute prosperitéprospérité.

LA VIEILLE.

Mes filles, luylui, qui haa puissance,

Donne à vozvos cœurs la congnoissanceconnaissance

De luylui, et de vous mesmesmêmes aussi.

135Qui vous ameineamène en ce lieu cy-ci ?

Je vous requiers ne le celer 7[7] Je vous demande de ne pas le cacher. .

LA II.IInde FEMME.

DesirDésir de vous ouyrouïr parler,

Et de vous quelque bien apprendre :

Et aussi pour vous faire entendre

140Quelque debatdébat, en quoyquoi nous sommes.

LA VIEILLE.

HelàsHélas, j’ayai des ans si grandgrand’s sommes,

Que je croycrois que mon vieil langage

N’est plus maintenant en usage,

Et qu’à peine l’entendrez -vous.

LA I.Ière FILLE.

145Ne prenez, Madame, de nous,

EnnuyEnnui à noznos debatsdébatsouyrouïr.

LA II.IInde FILLE.

Nous esperonsespérons nous resjouirréjouir

Par vostrevotre tressaintetrès sainteparole.


--- 186 ---
 

LA VIEILLE.

À finAfin donc que je vous console,

150Chacune facefasse son devoir

De me dire, et faire sçavoirsavoir

Son cas pour y donner conseil.

HastezHâtez -vous comme le Soleil :

Car le serain 8[8] le crépuscule, le coucher de soleil. est dangereux

155À mon vieilvieux cerveau caterreuxcatarrheux.

Et par ma grandgrande experienceexpérience,

Je vous diraydirai en conscience

Ce, que faire il vous conviendra,

Et qu’à chacune il adviendra.

TOUTES ENSEMBLE.

160Qui commencera de nous quatre ?

LA VIEILLE.

La plus sage, sans plus debattredébattre.

LA I.Ière FEMME.

Ce sera moymoi.

LA II.IInde FEMME.

Et moi aussi.

LA I.Ière FILLE.

Vray’mentVraiment, mes Dames, grand mercymerci :

Vous estesêtes sages, et nous folesfolles.

LA II.IInde FILLE.

165Sages, se disent de paroles :

Mais nous le sommes par effecteffet.


--- 187 ---
 

LA VIEILLE.

Pour mettre ordre sur tout ce fait,

Vous la premierepremière, en mariage

Me declarezdéclarezvostrevotre courage.

LA I.Ière FEMME.

170J’ayai un MaryMari indigne d’estreêtreayméaimé:

Je l’aymeaime autant, que Dieu me le commande.

Un Serviteur, d’autrepartautre part, estimé

Sans fin me cerchecherche, et ma gracegrâcedemande.

HonnestetéHonnêteté l’honneur me recommande,

175Lequel je tiens ferme dedensdedans mon coeur :

Mais ce MaryMari me fait payer l’amende,

Où je n’ayai fait nynipechépéchényni erreur.

Devant chacun parle à mon Serviteur,

Qui ne me veultveut qu’obeïrobéir, et complaire.

180Si sagement, que, hors 9[9] hormis. un faulxfaux menteur,

Nul ne me peultpeut accuser de mal faire.

Làs, ce fascheuxfâcheux bien souvent me fait taire,

Où le parler me plairoitplairait beaucoup mieux,

Et destournerdétourner, pour mieux le satisfaire,

185D’un lieu plaisant en grand regret mes yeux.

Car s’il m’y voit parler, tout furieux

Devant les gens fait mynemine si estrangeétrange,

Que force m’est, fuyant les aymezaiméslieux,

Qu’un bon propos en un fascheuxfâcheux je change.

190C’est un ennuyennui, qui mon coeur ronge, et mengemange.


--- 188 ---
 

Mais quand je veux ce malheur eviteréviter,

Et que du tout 10[10] complètement. à son vouloir me rengerange,

Pour le garder de tant se despiterdépiter,

Sans faire rien, qui le puisse irriter,

195Il entre lors en plusgrand plus grandresverierêverie

De jurer Dieu, de Diables inviter,

De m’accuser de toute menterie.

Et si seroitserait folie, ou moquerie

De le penser appaiserapaiser par douceur.

200Il n’a repos que de me voir marrie 11[11] triste, contrariée. ,

Et mon repos augmente sa fureur.

Cent mille noms, pour croistrecroître ma douleur

Me va nommant, dont le moindre est, meschanteméchante.

HelàsHélas, c’est bien sans raison, nynicouleur :

205Car je suis trop de ce vice innocente.

Voilà le chant, que nuictnuit et jour me chante.

J’endure tout, et si n’y gaignegagnerien.

Mais la vertu, et l’honneur, qui m’enchante,

Me font souffrir, dire ne scaysais combien.

210Si serày serai-je tousjourstoujours femme de bien.

Ce, qu’il ne croit, dont il me tient grand tort.

Mais je ne puyspuis trouver un seul moyen,

Pour recevoir, nyni donner reconfort réconfort

À mon amyami , qui m’aymem’aime si tresforttrès fort;

215Car je crains trop honneur, et conscience.

Durer ne puis sans secours, ou sans mort :


--- 189 ---
 

Je perds le sens, raison, et patience.

LA II.IInde FEMME.

Si mon ennuyennui il vous plaistplait d’escouterécouter,

Qui densdans mon coeur haa prinspris source, et naissance,

220Possible n’est que vous puissiez douter,

Que vous ayez jamais en congnoissanceconnaissance

De nul plus grand. Car j’ayai eu jouissance

Du plus grand heur, qui m’eusteutsceu suadvenir.

Mais quoyquoi ? le temps par sa longue puissance,

225M’a fait cestcet heur 12[12] bonheur. tout malheur devenir.

Car plus parfait ne sçauroitsaurait soustenirsoutenir,

Que mon marymari,cestecette mortelle terre

Je le pensoispensais toute seule tenir :

Làs 13[13] Hélas. ,je voyvois bien que trop folementfollement j’erre 14[14] je me trompe. .

230Il aymeaime ailleurs : voilà ma mort, ma guerre :

Je ne le puyspuis souffrir, nenicomporter.

Je prie à Dieu qu’un esclatéclatde tonnerre

Sa Dame, ou moymoi, puisse tosttôt 15[15] bientôt. emporter.

Je ne voyvois rien pour me reconforterréconforter.

235 Par tout le cerche cherche, et de le voir j’ayai crainte.

Car je ne puyspuis, le voyant supporter,

Qu’il aymeaimeailleurs à bon escient sans feinte.

Pour quelque temps je me suis bien contrainte

De l’endurer, celant 16[16] cachant. ma passion,

240Pensant qu’au jour il y haa heure mainte,

Et qu’amour fustfûtjointe à mutation.


--- 190 ---
 

Rien n’a servyservi ma bonne intention

Je l’ayai perdu : il haa une maistressemaîtresse,

Qui de son cœur prend la possession.

245Il est bien vrayvrai, que le corps seul me laisse.

Son corps sans cœur augmente ma tristesse.

Plus j’en suis près, moins j’y prensprends de plaisir.

Si j’en suis loingloin, mon cœur souffre destressedétresse :

Car de le voir sans cesser j’ayai desirdésir.

250Et le pis est, que mon amour augmente

Tant, que ne scaysais lequel je dois choisir,

Voir, ou non voir : car chacun me tourmente.

Toute la nuictnuit sans dormir me lamente,

En regrettant l’amytiéamitié incongnueinconnue,

255Que je luylui porte, dont sa nouvelle amante

La joyejoie en prend, qu’autrefois ayai receuereçue.

Je bruslebrûle, et ards 17[17] synonyme de "brûle". : je me morfonds, je sue :

En fievrefièvre suis : mais mon seul MedecinMédecin,

Qui me pourroitpourrait du tout guarirguérir, me tue :

260Et cyci ferayferai de ma pleinteplainte la fin.

LA I.Ière EILLEFILLE.

Liberté honnestehonnête

À garder suis presteprête,

Sans m’en divertir.

Amour et folie

265De melancoliemélancolie


--- 191 ---
 

Ne se peultpeut sortir.

Quand j’ayai ouyouï parler,

Venir, et aller

Ces folzfoux amoureux,

270Je me prensprends à rire,

Et à part moymoi dire,

Qu’ilzils sont malheureux.

FyFi d’affection :

FyFi de passion

275Qui le cœur tourmente.

Mon cœur est à moymoi.

Je n’ayai mis ma FoyFoi

En don, nyni en vente.

J’ayai, quoyquoi que je voyevoie,

280Le cœur plein de joyejoie,

Et de vrayvrai plaisir.

Si quelqu’un m’empescheempêche,

Soudain m’en depeschedépêche

Pour repos choisir.

285J’aymeaime mon repos :

Je fuyfuis les propos

D’amour, et sa bande.

Et qui me priroitpri’rait

D’aymeraimer, il n’auroitaurait

290Rien que sa demande.

J’aymeaime vérité :


--- 192 ---
 

J’aymeaime pureté

De cœur, et de corps.

Passion, Amour,

295N’y fait nul sejourséjour :

Je les metzmet dehors.

Des jaloux me rie : 18[18] Ancienne conjugaison du verbe rire.

Des fascheuxfâcheux marrie.

TresbienTrès bien mon temps passe.

300D’un Amour transytransi,

Qui requiert mercymerci

ContrefaitzContrefaits la gracegrâce.

Je me moque d’eux :

Et nully 19[19] nul, aucun. ne veux

305Pour mon serviteur.

Car leur amytiéamitié

Haynehaine, neni pitié,

Ne me touche au cœur.

LeurLeurs cachezcachés secretzsecrets,

310LeurLeurs piteux regretzregrets

J’escouteécoute tresbientrès bien :

Mais de mon courage

Je suis bien si sage,

Qu’ilzils n’entendent rien.

315J’ayai bien grand desirdésir,

De faire plaisir,

À qui le meritemérite.


--- 193 ---
 

DesolationDésolation

Par compassion

320À joyejoie je j’incite.

L’orgueil je rabaisse :

Les Amoureux laisse

Sans point les hanter.

S’ils pleurent, ou prient,

325Tant plus fort ilzils crient,

Me prensprends à chanter.

BriefBref, je n’ayai soucysouci

Un seul (Dieu mercymerci)

Qui le dormir m’osteôte.

330Qui aymeaime le vice,

Folie, ou malice,

Làs, que cher leur coste 20[20] coûte. Nous maintenons cette forme pour la rime. .

Liberté garder

Veux, sans m’hazarderhasarder

335De jamais aymeraimer.

AymeAime, qui voudra :

En finEnfin les faudra

Tous desestimerdésestimer.

LA II.IInde FILLE.

L’Amour vertueuse

340(Non point vicieuse)

Je veux soustenirsoutenir,

Qui n’est moins duisante 21[21] séduisante, plaisante. ,


--- 194 ---
 

Que belle, et plaisante,

L’on la doit tenir.

345Quand Amour s’attache

Au cœur, qui n’a tache

De meschansetéméchanceté,

Il luylui donne gracegrâce,

Parole, et audace

350Pour estreêtre accepteaccepté.

Sans Amour, un homme

Est tout ainsi, comme

Une froide Idole.

Sans Amour, la Femme

355Est fascheusefâcheuse, infameinfâme,

Mal plaisante, et folle.

Amour en tournois

Fait porter harnois,

Et rompre les Lances :

360Piquer les Chevaux,

Faire les grands saultzsauts :

Et tenir les dancesdanses.

Qui n’aymeaime bien fort,

Il est sallesale et ort 22[22] laid. ,

365Et tresmaltrès mal vestuvêtu.

De bien est forclus 23[23] exclu. ,

Et ne vaultvaut pas plus,

Qu’un povrepauvre festufêtu.


--- 195 ---
 

J’aymeaime, et suis ayméeaimée,

370Prisée, estimée,

D’un honnestehonnête, et sage,

Lequel aymeraimer veux.

T’en ayai fait les voeux

Le long de mon aageâge.

375TousjoursToujours en luylui pense,

Et n’ayai contenance,

NeNi bien, qu’à le voir.

LoingLoin de lui j’escritzécris,

Et en pleurs et crizcris.

380Fais bien mon devoir.

Puis quand le revoyrevois

Assis près de moymoi,

Écoutant ses ditzdits,

J’y prends tel plaisir,

385Que je n’ayai desirdésir

D’estreêtre en Paradis.

Mon cœur n’est plus mien :

Il s’en court au sien.

Mais le changement

390Me donne tant d’ayseaise,

Que mes maux j’appaiseapaise

Tout en un moment :

QuoyQuoi que l’on me facefasse,

Tourment, ou menace,


--- 196 ---
 

395Le tout en gré prensprends.

D’Amour mon coeur vole :

C’est la bonne escoleécole,

Où tout bien j’apprensapprends.

Je ne pense pas

400Faire tour, neni pas,

Sans penser en luylui.

Il est de mes maux,

Peines, et travaux,

Refuge, et appuyappui.

405Qui tient donc Amour

Pour prison, et tour,

Il haa tresgrandtrès grand tort.

Amour je soustienssoutiens,

Cause de tous biens

410Jusques 24[24] Nous conservons cette forme pour le compte syllabique. à la mort.

Car la servitude,

La peine, ou l’estudeétude,

Qui est en Amours,

M’est liberté, joyejoie,

415PourveuPourvu que je voie

Mon amyamitousjourstoujours.

LA VIEILLE.

Mes Filles, tous vozvos differentzdifférents

J’ayai maintesfoismaintes fois veuvu sur les ranczrangs :

Tels debatzdébats nouveaux ne me sont.


--- 197 ---
 

420Assez y en haa, qui en ont,

Et de plus gransgrands ont soustenussoutenus ;

LesquelzLesquels devant moymoi sont venuzvenus.

Et moymoi, qui congnoisconnais la racine

De tous ces cas, la medecinemédecine

425Leur ayai tresbientrès bien sceusu ordonner.

Car à vous j’espereespère donner

AdvertissementAvertissement profitable.

Vous, qui souffrez, mal importable

D’un MaryMari fascheuxfâcheux et jaloux,

430Je vous requiers appaisez apaisez-vous.

Car le temps l’aydeaide vous fera :

Et dedensdedans son cœur defferadéfera

L’opinion, dont la beauté

Est cause de sa cruauté :

435Ou bien, s’il est veau, ou bestebête

Qu’il n’aytait raison, cerveau, neni testetête,

Pour recevoir nulle science.

Aussi si vostrevotre patience

Ne peultpeut plus endurer d’un veau,

440Faites un tresplaisanttrès plaisant oyseauoiseau :

Car si ne le faites vollervoler,

Il ne vous scauroitsaurait consoler.

Mais en chantant le temps, qui pleure,

À tout le moins aurez une heure,

445Qui vous fera les vingt et trois


--- 198 ---
 

Supporter, en oyant 25[25] en entendant. sa voix.

Car le soupsonneuxsoupçonneux 26[26] Il manque une syllabe : faut-il lire "souspeçonneux" ? meschantméchant

MeriteMérite bien chanter ce chant.

Ne pensez pas pour vous tuer,

450Et à bien faire esvertuerévertuer,

À raison jamais le rengerranger :

Mais il le faultfaut du tout changer.

S’il est changé, et vous aussi,

Vous sortirez hors de soucysouci :

455Vous n’aurez consolation,

Qu’en cestecette transmutation.

LA I.Ière FEMME.

Ma Dame, j’aymeaime mieux souffrir,

Et à tourment, et mort m’offrir,

Nonobstant sa meschansetéméchanceté,

460Que faire un tour de laschetélâcheté.

LA VIEILLE.

Bien, bien : le temps y pourvoira.

Car quand bien laide vous verra

Autant, qu’il en fait, trop de compte.

Vous laissera, dont aurez honte,

465Car d’un fascheuxfâcheux naïvement

Ne vizvit jamais amendement.

LA II.IInde FEMME.

Et moymoi, qui mon MaryMari desprisedéprise.

Serày Serais-je point de vous apprise ?


--- 199 ---
 

LA VIEILLE.

OuyOui vrayement 27[27] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. : c’est bien raison.

470Vous voulez estaindreéteindre un tysontison

Avant la nuit : mais mieux vaudroit 28[28] vaudrait. Nous maintenons cette forme pour la rime.

Le laisser bruslantbrûlant, que tout froid.

VostreVotre MaryMari plein de feu vif,

S’il aymeaime ailleurs d’un cœur naïf,

475C’est vrayvrai signe, qu’il n’est pas mort.

Bien qu’il vous tienne un peu de tort,

En autre lieu tant sejournerséjourner :

AumoinsAu moins il vous peultpeut retourner,

Et ne vous en traite pas pis.

480Le voudriez -vous sur le tapis

Tout le long du jour bien couché ?

Et son œil à plaisir bouché,

Sans pouvoir nulle beauté voir ?

Laissez luylui faire son devoir,

485Puis quePuisque rien ne vous diminue.

Ne craingnezcraignez point la continue : 29[29] La fièvre continue.

Le temps la tournera en quarte, 30[30] La quarte est une fièvre intermittente : la vieille veut dire que cet écart ne durera pas.

N’ayez peur que tant il s’escarteécarte,

Qu’au logis grozgros d’enfant revienne.

490Faites comme luylui, qui tient tienne :

Car la loyauté vous tourmente.

S’il est amant : soyez Amante.

Quand il n’aymeraaimera rien que vous,


--- 200 ---
 

N’aymezaimez aussi que vostrevotre espouxépoux :

495Car il vous doit servir d’exemple.

VostreVotre Amour est un peu trop ample,

Et n’est pas egaleégale à la sienne.

C’est fait en JuifveJuive, ou PayennePaïenne

D’estreêtre ainsi de son MaryMari serve : 31[31] esclave.

500Rien ne gueriraguérira vostrevotre verve,

Que de l’aymerl’aimer tout en la sorte,

Qu’il vous aymeaime, ou vous estesêtes morte :

Ou peu, peu, ou prou : ou point, point.

Et si vous ne gaignezgagnez ce poinctpoint,

505Vous ne ferez que tracasser

Cœur, et corps, et membres casser.

Le temps, par qui esperezespérez mieux,

Le vous rendra si laid, si vieux,

Que mal vous en contenterez :

510Et bien souvent souhaiterez

EstreÊtre jalouzejalouse, et qu’il fut fort.

Mais plustostplutôt trouverez la mort,

Que de retourner en jeunesse.

ToutesfoisToutefois s’ 32[32] si. Amour, ou vieillesse,

515MettoitMettait à vostrevotre douleur fin :

Trompé y sera le plus fin.

LA II.IInde FEMME.

Vous me donnez peu d’esperanceespérance.

ApresAprès une longue souffrance.


--- 201 ---
 

Vous me promettez un tourment

520Ou un remederemède promptement,

Que mon cœur ne scauroitsaurait vouloir.

LA VIEILLE.

Il ne vous faultfaut donc plus douloir : 33[33] souffrir.

Car j’ayai dit ce, qui se peultpeut faire.

LA I.Ière FILLE.

Madame : et puis de mon affaire,

525Je suis bien : je m’y veux tenir.

Que sera -ce de l’adveniravenir ?

LA VIEILLE.

Que ce sera ? HelàsHélas, m’amyem’amie,

Je voyvois que vous ne scavezsavez myemie 34[34] « myemie » est un forclusif de la négation.

La grand’puissance, qu’a le temps.

530HauHo, que j’en ayai veuvu de contenscontents,

Qui n’eussent sceusu souhaiter mieux !

Mais tout soudain du haulthaut des Cieux

Les ayai veuvus descendre bien bas.

Je prise, et loue vozvos estatsétats.

535La vertu, qui vous rend parfaite

Vous haa ainsi joyeuse faite.

ToutesfoisToutefois ne l’autorisez

Tant, que les autres desprisezdéprisez.

Amour est un fin, et faux Ange,

540Qui trescruellementtrès cruellement se venge


--- 202 ---
 

De ceux, qui de luylui n’ont fait compte.

Car un orguilleuxorgueilleux craint la honte.

Plus il vous voit honnestehonnête, et belle,

Envers luylui, cruelle, et rebelle,

545Plus il desiredésir droit frapper  35[35] frapper droit.

En vostrevotre cœur, et l’attrapperattraper

Ce que jusques icyici n’haa fait,

N’ayant trouvé nul si parfait,

Qui meritastméritât vostrevotre amytiéamitié,

550Si une fois vostrevotremoytiémoitié

Amour met devant vozvos beaux yeux,

Onques 36[36] Jamais. personne n’aymaaima mieux,

Que vous ferez, j’en suis certaine,

Ce sera la bonté haultainehautaine,

555Qui par le temps y pourvoyrapourvoira,

JusquesJusque là l’on ne vous verra

AymerAimer; car vous estesêtes trop fine,

Je le voyvois bien à vostrevotre mynemine:

Car de rien ne faites semblant,

560Amour, qui va les cœurs emblant 37[37] dérobant, volant.

Et le temps, qui doucement passe,

Sans que vostrevotre vertu s’efface,

Vous feront changer de propos ;

Trembler les cœurs, battre les pouxpouls,

565Et sentir le doux, et l’amer,

Que l’on peultpeut souffrir pour aymeraimer.


--- 203 ---
 

LA IèreFILLE.

38[38] La "fille" n’est pas identifiée dans l’imprimé original : nous rétablissons ici l’identité de la première fille, qui répond à la Vieille.

Je n’en croycroisrien, je tiendraytiendrai ferme.

NeNi jà n’aurayaurai à l’œil la larme,

Pour souffrir nulle passion,

570NeNi d’Amour, nyni d’affection.

LA VIEILLE.

Vous ne trouvez par ignorance

À ma prophetieprophétie apparence :

Mais quand le cas vous adviendra,

De la Vieille vous souviendra.

LA II.IInde FILLE.

575Je crains, Madame, et veux scavoirsavoir,

Si le temps aura le pouvoir

De changer ma grand’grande amytiéamitié.

LA VIEILLE.

Fille, vous me faites pitié.

Car vostrevotre grand contentement,

580Ne scauroitsaurait durer longuement.

Le cœur d’un homme est si muable,

Le temps est si tresvariabletrès variable,

Les occasions qui surviennent,

Les paroles qui vont, et viennent,

585Qu’impossible est qu’Amour soit ferme,

Combien qu’il le jure et l’afferme 39[39] affirme. Nous conservons cette forme pour préserver la rime.

LàsLas ma fille, il m’a bien mentymenti.


--- 204 ---
 

Il me présenta un partyparti

Au printemps de ma grand’ jeunesse,

590Tel qu’au ciel, il n’y avoitavait Déesse,

À qui j’eusse changé mon lieu,

Mon amyami, j’aymoisaimais plus que Dieu,

Et de luylui pensoispensais estreêtre aymeeaimée,

Dont de nully 40[40] personne. n’estoisétais blasmeeblâmée,

595Or voyez que le temps m’a fait,

Un serviteur, si tresparfaittrès parfait,

Il m’a ostéôté sans nul respitrépit,

Dont j’ ayai souffert si grand despitdépit

Que, soixante ans haa 41[41] Il y a soixante ans. , le regrette

600Vieille je suis, mais je souhaite

Souvent le bien, que j’ayai perdu.

Mon malheur avez entendu,

Qui de mon cœur n’est arraché.

Vous n’en aurez meilleur marché,

605Car le temps, qui vous fait presentprésent

D’aise et plaisir à presentprésent, 42[42] Il manque une syllabe : faut-il lire "dès à présent" ?

Ainsi qu’il haa d’amour le feu

DensDans vostrevotre cœur mis peu à peu,

Ainsi peu à peu l’estaindraéteindra,

610Dont telle douleur soustiendrasoutiendra,

VostreVotre esperit 43[43] esprit. Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. et vostrevotre corps,

Que l’AmeÂme en saillira 44[44] sortira. dehors

S’elle n’est de Dieu arresteearrêtée. 45[45] Si elle n’est arrêtée par Dieu.


--- 205 ---
 

HelàsHélas , je vous voyvois appresteeapprêtée

615 De souffrir autant de tourment,

D’amour, que de contentement.

LA II.IInde FILLE.

HauHo, grandgrand’ Vieille, qui vous croiroitcroirait,

En grand’ peine et douleur seroitserait.

Mais plustostplutôt la Mer haulsseroithausserait ,

620Et le haulthaut Ciel s’abbaisseroits’assombrissait,

Qu’il m’advint fortune pareille.

Je ne croycroit point cestecette merveille.

LA VIEILLE.

Ma fille par là passerez.

Et alors contrainte serez

625Dire, la Vieille le m’a 46[46] Me l’a. dit.

LA II.IInde FILLE.

HauHo, de Dieu soit mon cœur maudit,

Si je croycroit en vostrevotre parole.

LA I.Ière FILLE.

Nyni moymoi, je ne suis pas si folefolle :

Elle ne produit que malheur.

LA VIEILLE.

630Ha, vous aurez un serviteur,

Qui vous fera propos changer.

LA I.Ière FILLE.

J’aymeroisJ’aimerais mieux vive enrager.

Mon cœur sans amour demourrademeur’ra,


--- 206 ---
 

Et libre vivra et mourra :

635J’en fais la figue 47[47] mépriser. aux amoureux.

LA I.Ière FEMME.

Mon cœur craintif, et desireuxdésireux,

Ne scaitsait quel moyen il doit prendre,

Ou d’aymerd’aimer un autre, ou d’attendre

Le temps, qu’elle me prophetiseprophétise.

640Mais j’estimeroisj’estimerais à sottise

Refuser un bien, qui est presprès,

Pour en attendre un autre apresaprès.

LA VIEILLE.

Prenez le temps, si vous povezpouvez.

Car refuser vous ne devez.

645L’occasion, quand elle vient.

Si aux cheveux l’on ne la tient,

Elle s’enfuytenfuit par violence :

Et ne laisse que repentance :

Pensez sagement en ce cas.

LA I.Ière FEMME.

650Ha, vray’mentvraiment je n’y faudrayfaudrai 48[48] manquerai. pas.

LA II.IInde FEMME.

Mon cerveau, mon cœur, ma memoiremémoire

Est tout troublé, et ne puis croire

CesteCette Sibille prophetiquepropéthique.

Car plus mon esperit 49[49] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. s’applique

655À espererespérer bien par le temps,


--- 207 ---
 

Comme elle dit, rien n’y entensentends :

Car l’Amour, que trop fort je porte

À mon MaryMari, me rendra morte

Premier 50[50] Avant. qu’autre Amour endurer :

660Et me gardera de durer

Jusqu’au temps, qu’elle vous promet

Repos, dont en peine me met

Plus grande, que ne sentis onques 51[51] jamais. .

LA VIEILLE.

Si n’aurez vous repos, qu’adonques 52[52] qu’alors. . ]

665On pourroitpourrait tel songe songer,

Qui ne seroitserait myemie mensonger :

Le bon Docteur bien en parla.

Vray’mentVraiment vous passerez par là

Toutes quatre, malgré vozvos dents.

670Et moymoi, de peur des accidensaccidents

Du serain, m’en voisvais retirer.

LA I.Ière FEMME.

QuoyQuoi, nous lairrez laiss’rez-vous souspirersoupirer

Sans nous dire rien, qui vaille ?

LA VIEILLE.

Or appaisezapaisez vostrevotre bataille :

675Je n’en puis plus porter le faix 53[53] fardeau. .

Je prie au Dieu de toute paix

Remplir vozvos cerveaux de raison.


--- 208 ---
 

LA II.IInde FEMME.

Elle s’en va en sa maison:

On ne la peultpeut plus retenir.

LA I.Ière FILLE

680 Mais, qui la feitfiticyici venir

Pour me dire une menterie ?

Que j’aimerayaimerai : c’est moquerie.

Amour en mon cœur ne sera.

LA II.IInde FILLE.

Que mon amyami me laissera ?

685La faulsefausse Vieille aura mentymenti.

Jamais ne sera departydéparti 54[54] retiré.

MoyMoi de son cœur, neni luylui du mien.

LA I.Ière FEMME.

Rompre aussi mon chaste lyenlien,

Ou devenir laydelaide, et hydeusehideuse

690Comme m’a dit cestecette fascheusefâcheuse,

vray’mentvraiment elle mentira.

Mon marymari se convertira,

Me voyant digne d’estimer.

LA II.IInde FEMME.

Le grand feu vous puisse allumer,

695Qui veultveut que j’aymeaime, ou que j’attende

Que vieillesse, ou foiblessefaiblesse amende

Mon MaryMari: mais j’ayai espérance,

Que par ma grand’ perseverancepersévérance


--- 209 ---
 

En briefbref retournera à moymoi,

700Et lors serayserai sans nul esmoyémoi.

LA I.Ière FILLE.

Leur grand ennuyennui, et leur nécessité

Leur feitfit chercher secours de creaturecréature.

NostreNotre plaisir par curiosité

Nous feitfit vouloir sçavoirsavoir nostrenotre adventureaventure.

705Le temps, les ans, le sens et l’escriturel’écriture

De cestecette Dame apparentement 55[55] Nous maintenons cette forme pour le compte syllabique. sage

Nous feitfit ouvrir le secret du courage,

Dont riensrien, que mal, n’avoisavais peupu recevoir.

Nous concluons par tout nostrenotre langage,

710Que de sçauoirsavoir l’adveniravenir, c’est l’ouvrage

De celuycelui seul qui sur tous haa pouvoir :

Lequel prions, selon nostrenotre devoir,

Qu’ainsi que RoyRoi en terre il vous fait voir,

Vous doint 56[56] Vous donne de. régner au Ciel pour heritagehéritage.

LE VIEILLARD.

715Ma bonne Dame, où allez -vous?

portésportez -vous cestecette jeunesse ?

LA VIEILLE.

En bonne FoyFoi, mon AmyAmi doux,

Sur un lictlit par grande foiblessefaiblesse.

LE VIEILLARD.

Je voyvois là bien grande jeunesse

720En venez -vous ?


--- 210 ---
 

LA VIEILLE.

OuyOui, le pas.

VrayVrai leur ayai dit, comme la messe:

Mais quoyquoi? ilzils ne m’en croyentcroient 57[57] Lire « croy-entcroi-ent » en deux syllabes. pas.

LE VIEILLARD.

J’y voisvais parler par tel compas, 58[58] d’une façon telle.

Que je croycrois que l’on m’entendra.

LA VIEILLE.

725Leur cerveau donc s’amendera,

Car je leur ayai dit.

LE VIEILLARD.

J’entensj’entends bien.

Mais confermantconfirmant vostrevotre entretien,

Je leur en diraydirai d’avantage.

LA VIEILLE.

J’attendrayattendrai voir, si son langage

730Sera mieux, que le mien, receureçu.

LE VIEILLARD.

Dames, si je ne suis deceudéçu 59[59] trompé. ,

Trop grandement vous fourvoyez,

Dont cestecette Dame ne croyez.

LE I.Ier HOMME.

Que veultveut ce Vieillard à ces Dames ?

735Qu’il est caduc, et defaillydéfailli!

LE II.IIème HOMME.

Pensez qu’il veultveut sauver leurs AmesÂmes,


--- 211 ---
 

Sans que de nous soit assaillyassailli.

LE III.IIIème HOMME.

Pas n’aurons le cœur si faillyfailli,

Que d’un Vieillard poulserpousser, neni battre.

LE IIII.IVème HOMME.

740Menons -les danser toutes quatre,

Et vous les verrez bien tencer. 60[60] se quereller, se disputer.

LE VIEILLARD.

Tencer, non : Mais bien vous combattre

Ma Vieille et moymoi de bien danser.

Or dansons sans plus y penser :

745Vous verrez leur orgueil rabattre.

F I N