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La Soltane
- Pré-édition
- Transcription, Modernisation et Annotation : Étudiant.es de L2 de Lettres Modernes de Clermont-Ferrand, promotion 2023-2024, sous la direction de Céline Fournial
- Encodage : Milène Mallevays
- Relecture : Nina Hugot et Milène Mallevays
LA SOLTANE
TRAGEDIE,
PAR
GABRIEL BOUNIN LIEU-TE-
nant de Chasteau-rousChâteauroux en Berry
À Paris, M.D.L.X.I
Chez Guillaume Morel, imprimeur du Roy.
PAR PRIVILEGE DUDICT
Seigneur.
Texte en grec
--- aiir° ---
COPIE DU PRIVILEGE
CHARLES PAR LA GRACE De dieu RoyRoi de France, À tous les prevostzprévôts, Baillifzbaillis, Seneschaulxsénéchaux de nostrenotre RoyaulmeRoyaume pays terres et Seigneuries ou leurs lieutenanslieutenants et à chascunchacun d’eulxeux endroit soysoi si comme luylui appartiendra, salut. NostreNotre cher et bien ayméaimé maistremaître Gabriel BOUNIN licentiélicencié ès LoysLois, lieutenant de ChasteaurousChâteauroux en Berry nous a fait remonstrerremontrer qu’il auroitaurait composé et fait en vers FrançoisFrançais une tragedietragédie qu’il appelle la Soltane, laquelle il vouldroitvoudrait faire imprimer. Et craignant que apresaprès qu’il auroitaurait fait imprimer le plus correctement qu’il luylui seroitserait possible, par tel libraire imprimeur que à ces fins il choisira, que les autres imprimeurs la vueillentveuillent réimprimer, et que par ce moyen, l’imprimeur qui y aura employé les premiers frais ne soit frustré, et la dictedite tragedietragédie incurieusement imprimée, il nous a supplié et requis luylui vouloir sur ce pouvoir, NOUS A CES CAUSES de nostrenotre gracegrâce specialespéciale, pleine puissance et authoritéautorité RoyalRoyale, avons parmispermis et permetonspermettons audictau dit Bounin de pouvoir faire imprimer ladictela dite tragedietragédie, par tel imprimeur que bon luylui semblera. Et deffensesdéfenses soient faictesfaites, à tous autres libraires imprimeurs, de ne durant le terme de six ans suivants et consecutifzconsécutifs à commencer du jour et date que l’impression duditdu dit livre sera parachevée, d’imprimer ladictela dite tragedietragédie, en quelque forme que ce soit, que du consentement de l’exposant, et ce sur peine de confiscation dudit livre, et d’amande arbitraire. SI VOUS mandons, et tresexpressémenttrès expressément enjoignons par ces presentesprésentes à un chascunchacun de vous endroit soysoi, si comme luylui appartiendra, que de nos presensprésents privilegeprivilège, et de tout le contenu en cesdictesces dites presentesprésentes, vous faictesfaites jouirjouïr et user leditle dit exposant plainementpleinement et paisiblement, durant leditle dit temps, à commencer comme dessus, cessanscessant et faisansfaisant cesser, tous troubles et empeschemensempêchements au contraire. Voulons en oultreoutre qu’en mettant par bref le contenu de ces presentesprésentes au commencement ou à la fin dudictdu dit livre, que cela soit de tel effecteffet force et vertu, que si elles estoientétaient en leur original, signifiées à chasucnchacun des libraires imprimeurs, et contrevenanscontrevenant à cesdictesces dites presentesprésentes, au vidimus desquelles fait sous seelseau Royal, ou seing de l’un de nos amezaimés et feaulxféaux notaires et secretairessecrétaires, nous voulons foyfoi estreêtre adjoustéeajoutée comme au présent original, mandons et commandons à tous
--- aiiv° ---
nos Justiciers officiers et subjectzsujets, que à vous et chascunchacun de vous, en ce faisant soit obeyobéi, donné à OrleansOrléans le douziésmedouzième Jour de DecembreDécembre l’an de gracegrâce milmille cinq censcent soixante. Et de nostrenotre RegneRègne le premier.
Par le RoyRoi à vostrevotre Relation.
DE VABRES.FaultesFautes survenues à l’impression.
en l’epitreépître, lis, de ces schismes. folio 2. etranger. folio 3. envoier. folio 11 quell’. folio 12. obscursissant. folio 15. phoebé. eodem folio. aguets. folio 19. recuit. fol. 20 qui ha acouardi. folio 15. par ses subtils. eod. folio. affronté. folio 18. ha recuit. fol. 35. se forcene. fol. 36. o roi en majresté. eodem folio se tin droit. fol. 42. baigner. eod. fol. moussus. fol. 44 vous. fol. 47 vinvroint. fol. 52. ou est. fol. 56. deservi ostant l’autre. fol. 64. qui s’en vont. fol. 62. mise. fol. 71. grandes.
--- aiiir° ---
ODE À LA ROINEREINE
RoineReine descensdescends, ores prensprends terre,
Car jà par le destiné Sort
Heuresement surgit à port
CéteCette nef qui flottoitflottait belle-erre :
DescensDescends donc, et l’acrocheaccroche
Au croc de cétecette roche.
Oui je didis cétecette nef flottante,
À si heureusheureux port que tu hasas,
Séant sur la pile du masmât
Par la tempététempête nef-froissante,
Guidé sans craindre orage,
Ou perilpéril de naufrage.
CéteCette nef, las c’est nostrenotre France,
Qui forçant les lois du destin,
Vivant en jour sous l’incertain,
Sous l’éleaile d’une défiance,
HaA rompu par outrage,
Les sainssaints droisdroits d’hotelagehôtelage.
L’un veut voguer vers Samartie,
Et l’autre en poupe aiantayant le vent
Veut singlercingler devers le Levant,
Les autres devers la ScytieScythie,
Ainsi la nef de France
--- aiiiv° ---
Du havre loin devance.
Mais toi lors voiantvoyant ce Navire
Par les vensvents à vau l’eau poussé,
Ja des flots étant tout froissé,
AusAux vensvents ne servant que d’un gyre
Dont s’en jouét Borée,
Dessus l’onde voirrée :
La pouppepoupe étoitétait desjadéjà droissée,
Les antennes et le voil’ bas,
Ja étoitétait décrollé le masmât,
Et la proue des flots brisée,
Poussée à vau les ondes
Par les vagues profondes.
Lors tu t’es mis’ dans la Caréne,
Avéques tous tes enfansenfants Rois,
Et le tout-pouvant Navarrois,
Ne craignant d’Aquilon l’alénehaleine
Qui les navires verse,
Et sus dessous renverse.
Et ainsi de ta main agile,
Toi du nef la plaultre guidant,
Les Syrtes marins ne craignant
Qu’ils froissassent ta nef débile :
N’aussi que la SireneSirène
--- a4r° ---
Encharmât ta carénecarène.
OÔ RoineReine, RoineReine debonnairedébonnaire
Du nef, tu hasas, à seuretésûreté,
En la rade l’ancre jeté,
Voulant de naufrage sous-traire
De tout mal, et outrance,
Le navire de France.
Oui tu as appaiséapaisé les flottes
Et r’aliérallié otus nos François
Par la France épars en defrois,
Cherchant argument de revoltesrévoltes,
Voulant par leur rebeine
Mettre France en ruine.
Tu hasas par l’heur de ta faconde
Accoisé les flots écumeusécumeux
D’aucuns François seditieusséditieux
Tell’ment que tu es seulleseule au monde
De notre pouvrepauvre France
Le pavois et defencedéfense.
Inscription en grec.
--- a4v° ---
AU SEIGNEUR GABRIEL
Bounin, PoëtePoète et Jurisconsulte,
F. de Belle-forest Comingeois.
De SofocleSophocle les vers n’ont mieusmieux ensanglanté,
Un theatrethéâtre Greg’oisGrégeois, que BOUNIN nous colore,
Un eschautfautéchafaud Gaulois, lors que France il honore
Du fait de Moustapha du PerePère acravanté.
Le Theocrit, BOUNIN, n’a si bien inventé
Que toi l’heur des Bergers ; mieusmieux que toi ne decoredécore
AnacreonAnacréon sa Tée : et mieusmieux que toi ne dore,
Sa DeleDèle un Apollon, ce que tu as chanté.
Les Rois, leurs gravitezgravités, leurs loixlois tu nous enseignes,
L’ambition, l’orgueil des Tyrans nous desseignes,
Le tout si proprement que de toi j’ose dire,
Que du Vers tu n’es serf, mais que le vers te suit,
De toi vie a le vers, en toi la Prose haa fruit,
L’un t’embrasse sans fin, l’autre après toi souspiresoupire.
--- e1r° ---
À MON-
SEIGNEUR MONSIEUR DE L’HOSPITALHÔPITAL,
ChancellierChancelier de France,
Gab. BounynBounin Salut.
PrevoiantPrévoyant, Monseigneur, et d’une ancienne memoiremémoire, repetantrépétant en mes plus soigneussoigneux pensers les troubles, et divisions dont huyhui sont demoliesdémolies et renversées les RepubliquesRépubliques, au grand dueildeuil de vous toutes-fois : pour n’estreêtre de ce parti, et voire pour effuir (comme il est en l’adage) à force de rames, et de voiles tels perturbateurs du repos commun, je me suis tant que loisiblement j’ayai peupu cachement distrait, et departi de la chose commune, et autres functionsfonctions civiles, pour comme un Timon Misanthrope, me cacher dans les lettres, et solitairement m’étranger de l’accezaccès des hommes. Et ainsi apresaprès quelques regrets cuisanscuisants, et non moins de plaintes, pour vainement ne laisser écouler le temstemps, duquel (comme disoitdisait TheophrasteThéophraste) n’est prisprix, coustcoût, neni dépense plus cherechère, comme de toutes choses le plus impossible à recouvrer, aiantayant entre-mis le severesévère labeur de mes études serieusessérieuses, jusques à un temstemps plus calme, et asserenéasséréné, je me suis amoureusement réconcilié avéquesavec mes Muses. AusAux leçons desquelles, apresaprès laborieusement y avoir dépensé
--- e1v° ---
quelques heures, il m’est venu en l’advisavis de faire monter les SolymansSolimans sur le TheatreThéâtre, plus-tostplutôt pour affiner et assagir nos FrançoisFrançais de leurs perilspérils tragiques, que pour arrogamment faire quelque épreuve de moymoi, veuvu que je seroisserais des plus ignares, ne sachant nager, neni les lettres. Ainsi donquesdonc Monsieur, à la faveur de vostrevotre oeil, étant venus à sus de mes desceinsdesseins, j’ayai bien tant osé sans aucun acoutrementaccoutrement d’arrogance, esperantespérant bon visage de vostrevotre hauteur, vous dedierdédier ce mien tel quel ouvrage : ce que vraiment sans rougir je n’eusse fait, si à l’ongle ne m’eusteût etéété trop conneueconnue vostrevotre candeur, et coutumierecoutumière bien-veillance, non moins fortunément heurée que heureusement fortunée : par laquelle gaiment à front déploiédéployé, coustumierementcoutumièrement recevez tous labeurs, et poëmespoèmes de toute trempe, ne dédaignant, et mettant à mépris les rudes, et mal neznés, pour ne devancer, voire ne démouvoir le jeune ouvrier du projet de ses meilleurs labeurs. L’autre cause Monsieur, qui m’a poussé de vous vouer ce mien livre, n’est autre que sachant estreêtre en l’usance, et institution des Greg’oisGrégeois, que quand il se faisoitfaisait quelque ouvrage, de le dedierdédier au plus docte, et sage de leur temstemps, afin que celluy lacelui-là par son docte sçavoirsavoir louang’astlouangeât ce qui seroitserait louable, et par sa sage modestie taisiblement suportastsupportât et clinastclinât
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aux fautes. Ainsi Monsieur ne sçachantsachant, comme vraiment je ne sçaisais, vostrevotre pareil et égal, soit en prudence, en grandeur de sçavoirsavoir, accomplissement ou perfection de meursmoeurs, je ne dirai en l’Europe, et mais en toute la rondeur de ce sieclesiècle, comme au seul ornement de la France, j’ayai osé certes, non moins humblement, que modestement, sacrifier ce mien ouvrage à vostrevotre hauteur. Encor’Encore et de rechefderechef, suppliant vostrevotre douceur, et cétecette vostrevôtre clemenceclémence, dont vous étesêtes heureusement doué, de le recueillir aussi affectionémentaffectionnément, qu’humblement j’ai osé le vous presenterprésenter. Mais pourroipourrai-je ores assez condignement louanger cestcet esperitesprit ? cétecette douceur debonnairedébonnaire, qui vous environne ? ce sçavoirsavoir tant émerveillable, duquel loin (si je le dois dire ainsi) de plusieurs parasanges, outre-passe les plus doctes de ce sieclesiècle. Las combien la France vous doit, d’estreêtre de vous si saintement, et fidelementfidèlement conseillée ? En ce imitant (comme dit CiceronCicéron en l’oraison pour Sexte) les Curiens, les Fabriciens, les Brutes, les Scipions, et Aemiliens, à leurs exemples, en premier vous (comme eux Rome) aimant cherementchèrement la France, conseillant et secourant les bons, ne tournant riensrien à gain, mélouant les proufisprofits presensprésents, n’estimant rien bon que ce qui est juste et aequitableéquitable : bref gardant étroitement ces deux pracepspréceptes de Platon : L’un, par
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lequel si sagement, et amoureusement avisezavisés à l’utilité, et souverain bien des FrançoisFrançais, voire que tout ce que vous pensez et faites, le tournez à leurs seuls gains, et proufisprofits, chez vous mémesmême oubliant les vostresvôtres : L’autre, par lequel si soigneusement policez, et administrez nos RepubliquesRépubliques, voire que quand d’équité defendezdéfendez aucuns corscorps ou parties d’icelles, neant-moinsnéanmoins en riensrien ne défavorisez les autres : faisant comme d’une tuteletutelle, devançant et postposant vos affaires privées ausaux publiques, voire que ja pour vostrevotre bien-veignement chez nos FrançoisFrançais, et autres lointeineslointaines contrées, aiezayez acquis le nom d’Aristide, qui pour non moins heureusement, que fidelementfidèlement avoir regirégi, et gouverné l’Aristocratie AthenienneAthénienne, fut de tous appelléappelé Le juste. Qui est l’oeil tant aveuglé, l’esprit tant étrangé de raison, qui reduisantréduisant en memoiremémoire cestcet incomparable sçavoirsavoir et bonté dont vous étesêtes prodiguement rempli, ne vous louange ? ne vous admire ? non comme né en nos foiersfoyers, et chez nos penatespénates, ains comme tombé du ciel en ces terres, si ainsi il m’affiert de dire. Je dis admire, comme le ThemistocleThémistocle, qui étant allé en la ville d’Olympie, pour voir la celebritécélébrité des jeux quin-quannels, séant en son rang, lors ceux qui étoientétaient là jusques au moindre, tout détournerentdétournèrent leurs faces, egarerentégarèrent, et jetterentjetèrent leurs veuesvues sur ThemistocleThémistocle, emerveillablementémerveillablement
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contemplanscontemplant plus tostplutôt, les excellences desquelles il étoitétait comblé, que les mysteresmystères, et autres singularités des jeux Olympiques. J’ose bien dire Monsieur en esperanceespérance d’estreêtre creucru, que les RepubliquesRépubliques de Socrate, d’Hippodame, ou de Phalée ChartaginienCarthaginien n’ont estéété si bien, et heureusement regiesrégies, que huyhui au poispoids de vostrevotre équilibre sont les RepubliquesRépubliques FrançoisesFrançaises gouvernées. Qui n’admireroitadmirerait vos sains conseils, desquels (ne sçaisais par quel instinct divin) avésavez usé pour l’emortissementémortissement de ses Schismes, et factions civiles, voire que l’on voit jajà les françoisfrançais se r’eunirréunir, réhospitaliser, non moins sous la faveur de vostrevotre nom, que sous le poispoids et énergie de vostrevotre faconde. Mais quoi ? veus veux-je entrer en louanges ? veus veux-je réclercirréclaircir le Soleil de torches ? Monsieur je suppliraisupplierai vostrevotre douceur de taisiblement souffrir ces discours, comme vraiment étant contraint, et poussé avecques la reste de la France, de tesmoignertémoigner en tous lieux les vertus qui si heureusement vous environnent : par la grandeur desquelles avésavez condignement gaingnégagné le rang ouoù vous seésséez. Combien que je n’ignore la lueur de la vertu estreêtre si resplendissante, qu’elle ne desiredésire davantaged’avantage estreêtre reclercieréclaircie par la bouche des hommes : comme nous lisons de Lysandre, qui (à un luylui disant qu’il l’admiroitadmirait et louang’oitlouangeait en tous lieuslieux) répondit qu’il avoitavait deusdeux boeufs en son champ tous deusdeux muets : mais qu’il
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sçavoitsavait bien lequel des deusdeux estoitétait le plus franc au labeur, estimant la vraie vertu n’estreêtre necessiteusenécessiteuse des louanges humaines, comme elle étant la louange mesmemême• Ores doncques Monseigneur, afin que la prolixité ne vous cause ennui, je ferai fin, vous suppliant de departirdépartir quelque partie de votre coutumierecoutumière clemenceclémence à ce mien labeur, afin qu’à l’adveniravenir Dieu y aydantaidant, j’ayeaie trop plus d’argument pour faire chose digne de vostrevotre hauteur.
Inscription en grec.
--- e4r° ---
Eidem Praefecto pretorii carmen.
Etsi grandiloquens tragicis mea Musa theatris
Astet, Turcarum enses narratura cruentos :
Etsi Musa gravi tragicoque induta cothurno,
Ia miam adsit, rabias Turcae dictura Feroces:
An’ne ego grande tuum, versu temerarius ausim
Elogium evulgare gravitiam elinguis, et excors
Musa tacet, fasces hymno non ausa canenti
Decantare tuos : iam me dyspnoea silentem,
Et fauces artusque tenet. Quid carmine cantem
Natales annos ? fasces ? quid plectra ? togamque ?
Quidve magistratus ? Gallorum ô lumen et hospes
Eximie, ô inter doctos proceresque dynastas
Prime sedens) sed ego carptim quid conor eburnos
Incrustare scyphos frustra ? quid cunctor inepté
In Gallum Exhedris hymnis ornare virum quem
Contemnit nemo ?
GAB. BOUNINUS.--- e5v° ---
Les personnages
ROSE SIRENESIRÈNE RUSTAN LE CHOEUR SOLTANSULTAN MOUSTAPHA LE HERAUDHÉRAUT LE SOPHE LES EUNUCHESEUNUQUES LES DEUX GÉNIES DE MOUSTAPHA--- 1 ---
LA SOLTANE, TRAGEDIE
Acte premier
ROSE.
Tels sont -ce tes destins, Dieu du plus- haut manoir ?
Tel est -ce ô ApollinApollon ton senétresinistre vouloir ?
Tel encombre futur à moymoi femme pouvretepauvrette
M’avoit avait-elle avant dit ta cortine profeteprophète ?
5OÔ que je devoi’devais bien ArmenieArménie laisser,
Pour malheureuse helas en Thrace m’adresser.
Oui oui je devoidevais bien pour aborder en Thrace,
Laisser Taure et CaucasCaucase le surgeon de ma race.
Faut -il ô cieux faut -il, que je voie ranger
10Par-dessus mes chers filzfils un esclave etrangerétranger ?
Faut -il qu’un Moustapha filzfils natif de la terre,
L’honneur de mes enfansenfants honteusement aterreatterre ?
Plux-tostPlutôt désastrement m’ennavire CaronCharon
En sa nef pour surgir en l’havre d’AcheronAchéron,
15Plus-tostPlutôt helashélas plus-tostplutôt, plus-tostplutôt que je devalesdévales
Aux plus nuictainsnuitains manoirs des ondes Avernales,
Que soit si bravement par un vulgaire-né
Au regret de mes filzfils l’empire gouverné :
Plus-tôtPlutôt facentfassent les Dieux que d’un punissant foudre
20Mon corscorps du ciel frapéfrappé s’évente tout en poudre,
Premier 1 qu’un Moustapha je voie plus avant
RegirRégir audacieux tout l’atourautour du levant.
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QuelzQuels donc seroientseraient les droisdroits de nos deusdeux détresdextres jointes,
Que deviendroitdeviendrait SoltanSultan l’eclairéclair des torches saintes :
25Donc, donc que deviendroitdeviendrait ô invincible RoyRoi,
Les cinq mille SultainsSultans et l’inviolable foyfoi,
Qui d’un noeud GordianGordien les restes de nos vies
Tient sous le joug d’Hymen à jamais asservies.
Et puis Dieu EnfernalInfernal n’ayai-je pas le pouvoir
30Par charmes et par sorssorts, par magique scavoirsavoir,
De faire revenir une ombre tenebreuseténébreuse,
Grommelant quelques vers sur sa tombe oublieuse ?
Ne puis-je pas aussi d’un cri Thessalien
Arracher nuictémentnuitamment du PolePôle Olympien
35La lune mi-formé’mi-formée : las ne puis-je pas faire
Par quelque herbe de Colche, et de la riche IbéreIbère
Qu’un RoyRoi, non non un RoyRoi, mais le plus fier des Dieux,
Ayant ouï mes sorssorts et mes cris si hideux,
Que d’une allure éléeailée icy ici-bas ne devaledévale,
40Pour captif m’obeirobéir comme Hercul’Hercule à Omphale.
Doncques je ne pourraypourrai sous cestecette loyloi rengerranger
Le RoyRoi pour Moustapha de sa cour etrangerétranger ?
MoyMoi hautaine, qui puis d’une voisvoix Stentorée
FlechirFléchir le bas Cocyte et la voute EtheréeÉthérée ?
SIRRNESIRÈNE la Dame d’honneur.
45OÔ Dame helashélas quelzquels propos sont cecyceci,
Quelle raison vous esguillonneaiguillonne ainsi,
D’entretenir dont vous soiéssoyez dolente
Dans vostrevotre cueurcoeur une ire bouillonnante ?
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Las cuidez -vous pour ainsi vous douloir
50Du grand JuppinJupin eschangeréchanger le vouloir ?
Las cuidez -vous par ces herbes charmeuses
Pour tous vos sorssorts et plaintes si piteuses
Pouvoir hélas, de ce grandJuppiterJupiter,
De ses destins la carrierecarrière arretterarrêter ?
55C’est luylui, c’est luylui, qui conduit cestcette afféreaffaire,
C’est luylui qui veut que Moustapha prospéreprospère :
Mais connoissantconnaissant Moustapha abuser
Des dons vers luylui dont haa voulu user
(Comme on le voidvoit par une oultre-cuidanceoutrecuidance
60Ingrat user de sa sainte influanceinfluence)
Alors alors, ce plus puissant des Dieux
Le dépouill’ra du parfetparfait de son mieux,
Acouardant sa sourcilleuse audace,
Comme il haa fetfait à l’arrogante race
65Du chaud Titan. Pourtant j’espereespère voir
(Si ne me viendvient mon espoir decevoirdécevoir)
Tous vos enfansenfants de l’estoc de leur lance
D’un Moustapha affoibliraffaiblir l’arrogance.
Oui je veux voir tous vos plus chers enfansenfants
70Sur Moustapha en honneur triumphanstriomphants :
Voire plus-tostplus tôt que la carrierecarrière éléeailée
De l’an legierléger je voie estreêtre écoulée.
Pour-tant de vous, je vous suppli’supplie bien fort
Que loingloin chassiez ce ploreuxpleureux desconfortdéconfort.
ROSE.
75Que j’endure regnerrégner sur mes fils d’avantagedavantage
--- 4 ---
Moustapha : las plus-tostplutôt un foudroiantfoudroyant orage
Vienne mon corscorps, mes os, violentement briser
Que bravant je le voi’voie plus longuement user
De l’Empire : et que qu’aussi cestecette audace effrontée
80Je souffre qu’ell’ ne soit honteusement dontéedomptée.
Non non les Dieux sont Dieux, et de leur plainplein pouvoir
Peuvent mes quatre filzfils de l’Empire pourvoir.
» Car pour sur les humains plus qu’hommes apparoitreapparaître,
» Et pour leur grand pouvoir nous donner à connoitreconnaître,
85» Font le filzfils d’un potier au sceptre parvenir,
» Et de ce sceptre encor’encore un potier devenir.
Mais à détresdextres oiseausoiseaux, si par leur prævoianceprévoyance
Prendre ne puis de luylui desirabledésirable veng’ancevengeance
Bast’ cestc’est peu, car moymoi humbl’ sans à eux me ranger
90De mon mortel haineux j’ayai dequoyde quoi me vangervenger.
SIRENE.
Las voulés voulez-vous acoiser 2 d’avantage
Dans vostrevotre cueurcoeur cestecette rong’anterongeante rage ?
Voulés Voulez-vous point d’honneur le nourrisson,
Effuir de vous cest’cette aigre marrisson ?
ROSE.
95Effuir Sirene effuir, où est la mère en Thrace
Fust Fût-elle malheureuse de l’Hyrcanine race
Qui n’eusteût, qui n’eusteût le cueurcoeur, le cueurcoeur plus que transi
De veoirvoir ceux de son sang anonchaloir ainsi ?
Où est Sirene où est, mais dy moydis-moi où est celle,
--- 5 ---
100Qui vers ses mesmesmêmes filzfils se montra si cruelle,
Qui voiantvoyant Moustapha à ses filzfils s’adresser,
FelonneFélonne ne voulùtvoulût son orgueil abaisser ?
SIRENE.
» SoltaneSultaneassésassezassésassez celuycelui se venge
» Qui son haineux de tout honneur étrange
105Laisse -le là pour vivre degarnydégarni
De biens, d’amis, laisséslaissez là ce bannybanni
Laissés Laissez-le là pour vivant reconnoitrereconnaître
Combien luylui vaut trop hautain vouloir étreêtre
Qu’auroit aurait-il plus pour son juste loierloyer
110Si ne vouliésvouliez aux Orques l’envoierenvoyer ?
Qu’auroit aurait-il plus pour tels cruels encombres,
Que d’aller voir les Avernales ombres ?
ROSE.
Qu’il auroitaurait plus SireneSirène, encor’ ne scais sais-tu pas
De quell’ gennegêne 3 Ixion l’on tourmente la baslà-bas.
115Qu’ell’Quell’ faim chetifchétif endur’endure et quelle soif glueuse
CestCet asoivéassoiffé Tantale en l’onde stygieuse :
Quelle peine haa Sisyph’Sisyphe, et quel soigneux traval
Pour sa pierr’pierre arretterarrêter boulversantboul’versant contre-val.
ToutesfoisToutefois n’est si grand leur for-fait et offenceoffense,
120Qu’est de ce Moustapha l’acrettéeacrêtée arrogance.
Donc il ne mourra pas ? doncques pour tous ses maux
Il ne sera plongé aux fleuves Avernaux ?
Donc pour tous ses forfaictsforfaits les Déesses fatales
--- 6 ---
Ne trancheront le fil de ses aures vitales ?
125Il mourra, il mourra, ou n’aurayaurai le pouvoir
De l’HecateHécate aux trois chefs la poitrine émouvoir.
Oui SireneSirène il mourra, ou ma sainte science
S’ra vers luylui vainement d’inutile puissance.
Pourtant de ce haut ciel Dieux les plus souverains,
130Vous DemonsDémons empanésempennés et ManesMânes souterreinssouterrains,
ToyToi BelphegorBelphégor issu des creux du plus bas étreêtre,
Qui me fis la vertu des sept herbes connoítreconnaître,
ToyToi charmeur Thanagan avansantavançant son trepastrépas
Pour subjectsujet m’obeirobéir qui talonne ses pas :
135Sus d’un cri aerair-sonnant sortéssortez du bas Averne
Plus que d’un pas éléailé couréscourez tous sussur ce cerne
Sus donc tous acourésaccourez tournoianstournoyant par trois fois
À l’effroiableeffroyable son de mes tristes abois.
Sus sus donc prestement qu’un chacun soit en armes :
140Sus DemonsDémonsnuicts vagansnuit-vaguants que l’on coure à ces charmes,
Car vers ce Moustapha, c’est huyhui 4 que je veux voir
Si vos sorssorts murmurés auront quelque pouvoir :
C’est huyhui que je veux voir s’ils auront tell’ puissance,
Que de ce Moustapha affoibliraffaiblir l’arrogance.
SIRENE.
145Ne cess’réscess’rez vous d’ainsi vous gaimanter 5
Voules Voulez-vous point vostrevotre deuil alanteralenter
Chass’rés Chass’rez-vous point cestecette rage cruelle,
ForcenementForcènement qui ainsi vous bourrelle ?
Las qu’est cecyceci, quelle juste raison
--- 7 ---
150Vous haa causé si grande marrisson 6 ?
Oui oui, je dis marrisson si extrémeextrême,
Qu’ell’ vous ait mis au dehors de vous méme-même ?
HelasHélas SoltaneSultane où sont ces bons esprisesprits
D’avoir tous-jourstoujours que vous aviésaviez aprisappris ?
155Où est le cueurcoeur et la face constante
Craintivement non jamais blemissanteblêmissante ?
Où est cestcet oeil richement asuréazuré ?
Ce grave port, ce maintien assuré ?
Où est la fac’ qui s’est veuvu’ tous-jourstoujours une
160Pour quelque assaut qui survintsurvînt de fortune ?
Rose or’ sus donc chasséschassez de vótrevotre coeur,
Ce triste émoyémoi, ce soingsoin, cestecette rancoeur,
Ce dur courrouscourroux et rong’anterongeante furie
Métrallement qui vos sens seigneurie :
165Pour Moustapha hautain et brave voir,
Est Est-il raison d’ainsi vous émouvoir ?
Pour avoir veuvu encontre vostrevotre race
Un Moustapha orgueillir son audace,
Eh deves devez-vous à vótrevotre grand danger
170Si loingloin de vous vos esprisesprits étranger ?
N’aves avez-vous pas le pouvoir et puissance
De vous venger de son outre-cuidance :
N’aves avez-vous pas du RoyRoi tout plein pouvoir
De vous venger, sans ainsi vous douloir 7 ?
175Que deviendroitdeviendrait l’amour constante et forte
Plus qu’à ses yeux que Soliman vous porte ?
SoltaneSultane helashélas, helashélas que deviendroitdeviendrait
--- 8 ---
Ce joug d’Hymen escharsement 8 etroitétroit,
Qui tellement tient vos amesâmes emblées 9
180Qu’elles ne s’ront jamais desassembléesdésassemblées.
Donc donc penséspensez, sans irriter ainsi
Le ciel, l’enfer et vous mesmes-mêmes aussi,
PensesPensez ainsi sans atesterattester les ombres
Charon, ErebeErèbe, et les trois Parques sombres
185À vous venger de ce mortel haineushaineux,
Par les conquets et les faits valleureusvaleureux
De vos enfansenfants, pensés penséspensez pensez ma Dame
À vous venger du trenchanttranchant de leur lame,
Non par ces plainsplaints et ces cris si hideushideux,
190Ces hurlemenshurlements et ces sorssorts stygieux.
Doncques penséspensez pour son orgueil abatreabattre
Premier 10 que luylui de vous mesme-même combatrecombattre,
D’avoir un cueurcoeur, un cueurcoeur constant et fort.
» Car celle lá-là fait un plus grand effort
195» Qui de son cueurcoeur iré 11 est veinqueressevainqueresse
» Que qui gaingn’roitgagn’rait quelqu’haute forteresse.
Donc gaingnés gagnez-vous et étaignéséteignez un peu
Ce dueildeuil poignant, ce courrouscourroux et ce feu,
Qui vos beausbeaux yeusyeux, tous vos os et vótrevotre ameâme
200D’un chaud brasier felonnementfélonnement enflameenflamme :
Donc’ attendesattendez qu’ait le PolePôle voutévoûté
Ce DiadémeDiadème honteusement óteôté
À Moustapha et le tout-pouvant sceptre
Pour de vos filzfils en la dextre le mettre.
--- 9 ---
ROSE.
205MoyMoi que plus longuement je l’endure regnerrégner,
Et encontre mes filzfils orgueilleusorgueilleux s’hautainer ?
MoyMoi que plus longuement SireneSirène je l’endure
Anonchaloir ainsi ma cherechère nourriture ? 12
SIRENE.
» C’ilCil 13 de ses voeusvoeux à sus assez tosttôt vient,
210» Qui en sa vie une fois y parvient.
ROSE.
» C’ilCil à y parvenir paresseusparesseux trop demeure,
» Qu’y atoucherattoucher, heureusheureux, pouvoitpouvait de plus-haute heure.
SIRENE.
» C’ilCil trois, six fois heureux se doit tenir,
» Qui desperantdespérant 14 tard s’y voidvoit parvenir.
ROSE.
215» C’ilCil qui tard au -dessus viendvient de ce qu’il souhaite,
» Le desirédésiré souhait trop chairementchèrement achaiteachète.
SIRENE.
Eh mais voici Rustan.
ROSE.
Vient -il ici ?
SIRENE.
Oui le voilavoilà.
RUSTAN.
Quel clameur est cecyceci ?
Quel émoyémoi, quel courrouscourroux, et quelle ire felonnefélonne
220À tant vous agacer ainsi vous epoinçonneépoinçonne ?
Quell’ tristesse, quel dueildeuil, et epineusépineux souci
--- 10 ---
À vous entre-facherfâcher vous eguillonneaiguillonne ainsi ?
DontD’où vient Rose dontd’où vient cestecette brillante face,
Ce sourcil herisséhérissé, et cestecette tresse esparseéparse
225Ainsi negligemmentnégligemment au tourautour de vо́trevotre chef ?
Las pour quel si grand mal, quel ocombreencombre ou mechefméchef
De SoltanSultan Soliman la plus que tresaiméetrès aimée,
Se voidvoit d’ire et courrouscourroux votre face enflaméeenflammée ?
ROSE
Ô Rustan des BaschasPachas le plus que fortuné,
230Rustan d’heur et vertu prodiguement orné,
Par les Astres bessons 15 , Rustan cestecette fortune
N’est de riensrien moins qu’à moi à vous méme-même commune.
RUSTAN
SoltaneSultane qu’est ceci helashélas que dites -vous ?
Quell’ cruelle Nemes’Némés’ 16 , quel celestecéleste courrouscourroux,
235Quel VejoveVéjove 17 vengeur ou desastréedésastrée étoilleétoile
CachementCachément m’haa ourdi une infortune telle ?
OÔ Tutan tout l’apuiappui, le support et pavois
De ceux qui en ennui t’appellent d’humble voix ?
Or’ veuillesveuille devancer le mechefméchef que l’on brasse
240TraitrementTraîtrement contre moi et tous ceux de ma race ?
Tutan Dieu tout pouvant 18 de tous le plus piteuspiteux
Veuillez donc l’elancerélancer dessus nos envieusenvieux.
SIRENE
Rustan cessez cessez cestecette tristesse,
Qui vostrevotre cueurcoeur cruellement detressedétresse,
245Cessez ce dueildeuil : car il n’est jajà besoin
Ce triste emoiémoi qu’il s’en voise 19 plus loin
--- 11 ---
Vous tourmentant.
RUSTAN
HelasHélas helashélas SireneSirène
En mes poumons seigneussaigneux resoufle ressoufle-moi l’aleinehaleine
D’un presageprésage meilleur remets -moi mes esprisesprits
250ForcenementForcènement d’effroi et tristesse surpris.
SIRENE
Le dueildeuil poignant et tristesse dolente
Qui vous Rustan et SoltaneSultane tourmente,
N’est ce m’ait-DieusDieu 20 nul autre que de voir
Un Moustapha en hauteur et pouvoir.
255Le dueildeuil poignant et ploreusepleureuse detressedétresse,
Les meilleurs sens qui de SoltaneSultane oppresse,
Que de le voir n’est autre ce m’ait-DieusDieu,
Dessus ses fils par trop audacieusaudacieux.
RUSTAN
HelasHélas que pensez -vous, qu’estes êtes-vous devenue ?
260De quell’cruelle Erinne 21 estes êtes-vous detenuedétenue ?
Quelle juste raison vous a peupu émouvoir
SoltaneSultane pour un riensrien à ainsi vous douloir ?
Quell’ guerriereguerrière Enyon ou Bacchique furie,
Quel ErebeÉrèbe beantbéant, quelle Orquale Manie,
265Quel fureur sans raison ou bouillonnant courrouscourroux,
Ainsi legerementlégèrement vous etrangeétrange de vous ?
ROSE
Quell’ fureur dictes dites-vous, ains 22 plus-tostplutôt quelle Parque
Ou quel hideushideux Charon en sa nef ne m’embarque :
Ains plus-tostplutôt quel Souman, Roi des ombreuses nuisnuits
--- 12 ---
270Me voiantvoyant enterrée en si tristes ennuis,
Pour de moymoi les effuir d’ici haut ne me jette
Des ondes au plus creuscreux de son fleuve de Lethe. 23
Las Rustan qui seroitserait le cueurcoeur de diamant,
Qui peútpût de Moustapha souffrir plus longuement
275Le sourcil élevé et l’arrogance outrée ?
Oui qui le peutpût souffrir de toute la contrée
D’Amasic, de mes fils obscurcissant l’honneur,
Et de tout le levant paisible gouverneur :
Las plus-tostplus tôt l’on voirraverra Caucas de son époleépaule
280OrgueilleusOrgueilleux atoucherattoucher les etoillesétoiles du PolePôle.
Oui plus-tostplus tôt l’on voirraverra le tonnelet persépercé
ComblementComblément jusqu’ausaux faisfaits rempli de l’eau versé
EmerveillablementÉmerveillablement par les niécesnièces d’EgistheÉgisthe,
Par trop honteusement que moymoi dolente et triste,
285Je souffre que me soit par un si brave hardi
De mes plus chers enfansenfants l’honneur abatardiabâtardi ?
Las plus-tostplus tôt l’on voirraverra dans un noueusnoueux cordage
EnretterEnrêter 24 d’Aquilon la forcenante rage :
Premier 25 plus longuement que je le souffre avoir
290 Par -dessus mes enfansenfants tant soit peu de pouvoir.
Las voudrois voudrais-tu Rustan, Rustan que tant j’honore
Sur mes plus chers aymésaimés, mais voudrois voudrais-tu encore
Qu’un sot audacieusaudacieux jeunement parvenu,
Un sot vulgaire-né de son perepère inconneuinconnu,
295Au regret de mes fils ta plus cherechère alliance
DemourastDemeurât gouverneur de toute la BysanceByzance ?
Eh voudroi voudrais-tu Rustan que ce trop inhumain,
--- 13 ---
VintVînt brave assugettirassujettir sous le faisfaix de sa main,
Tout le peuple Asien et la rondeur de Thrace ?
300DeaDéa voudroi voudrais-tu Rustan, qu’acretantacrêtant son audace
VintVînt obscurcir les faisfaits et gestes triumphanstriomphants
Par son orgueil hautain de mes plus chers enfansenfants ?
Et pense un peu Rustan et r’apellerappelle en toimémetoi-même
La rancueurrancoeur et l’emoiémoi et la haine si blémeblême,
305Que jusque jusqu’icyici à tort d’un visage fardé
Dans le creuscreux de son cueurcoeur t’haa traïtrementtraîtrement gardé ?
Donc souvien toysouviens-toi Rustan de la haine chieninechiennine
Que contre toytoi recuit dans sa faintefeinte poitrine
Au prouffitprofit de SoltanSultan dont tu voulus oser
310Des Sangaces mutins les soudes rabaisser ?
Oui oui dont tu voulus moindrir les soudes chéreschères,
Des hautains Sangachis et guerriers JanicheresJanissaires.
Las donc s’il parvenoitparvenait un jour à étreêtre RoyRoi,
Ores pensespense Rustan, mais penses à part toytoi
315Quel moyen il auroitaurait de cestecette mal-veuillancemalveillance,
De prendre contre toytoi desirabledésirable vengeance ?
Et puis et puis Rustan n’aime aimes-tu pas trop mieusmieux
Voir tes freresfrères mes fils gouverneurs de ces lieuslieux ?
Oui je didis gouverneurs (pour cestcette amour fealleféale
320Que tu porte à leur seursoeur ton épouse loyalleloyale)
Que non un Moustapha un hautain orguilleusorgueilleux,
Un mutin herisséhérissé, un brave audacieusaudacieux ?
Que non un Moustapha la seule haine et envie
Et le seul reagal de ta totale vie ?
--- 14 ---
RUSTAN
325Le mal talent SoltaneSultane et la palepâle rancueurrancoeur
De Moustapha ainsi qui vous gennegêne le cueurcoeur,
Encor’ SoltaneSultane encor’ de ma haute pensée
Oublivieusement n’en est point effacée :
Le mal talent SoltaneSultane et l’aigrissant émoi
330Haineusement haineushaineux qu’il concoitconçoit contre moi
Encor’ SoltaneSultane encor’ de pensé’spensées immortelles
Me demouredemeure fiché au profond de mes mouellesmoelles.
Car tant que je pourraypourrai au centre retenir
De mon cueurcoeur de moimémemoi-même un plaisant souvenir :
335Car tant tant Junon dans ma poitrine humide
NourriciereNourricière assouffl’ra son halainehaleine liquide,
Voire tant que ces os et que ce corscorps charnu,
De ses membres sera fortement soutenu,
Un souvenir SoltaneSultane et une ire enflammée,
340M’en demour’rademeur’ra au cueurcoeur à jamais imprimée.
Pourtant doncques cesséscessez mon courageuscourageux vouloir
Contre ce Moustapha par vos plaints emouvoirémouvoir,
Pourtant pourtant cesséscessez ma cherechère dame et meremère
Vers vótrevotre gendre user de si humble priereprière,
345Mais or’ donques cessez par vos mielezmiellés propos
Plus grande ir’ contre luylui d’allumer dans mes os,
Assez la dent de laictlait et la haine felonnefélonne
Qui tout-jourstoujours contre luylui dans son cueurcoeur luylui bouillonne
Assez le dur emoyémoi dedans son cueurcoeur chieninchiennin
350Qu’il recuit voire assez le damnable venin
SoltaneSultane sans vos plainsplaints envers le RoyRoi, m’appelle
--- 15 ---
En bref de luylui brasser quelque haine mortelle :
Pourtant donc prenez cueurcoeur et étrangez de vous
Ces plaintes, cestcette aigreur, et ce brulantbrûlant courrouscourroux,
355Qui trop hideusement de son feu vous efface,
Le poli heleninhélénin de vostrevotre belle face.
Sus SoltaneSultane sus donc mon support et appuyappui
LoingLoin effuiezeffuyez de vous ce blemissantblêmissant ennuyennui :
Car premier que PhoebePhoebé à la testetête cornue
360Ait le PolePôle voilé d’une nuictainenuitaine nue :
Et que le clerclair Titan ait charroiécharroyé le jour,
Par six fois au -dessus du terrestre sejourséjour,
J’espereespère Moustapha de mettre en la dégracedégrâce 26
Du SoltanSultan Soliman et de toute sa race :
365J’espereespère et non en vain par mon subtil moienmoyen
De le rendre ennemi du peuple Amasien.
Alors SoltaneSultane alors à vos filzfils sans envie
La cité d’Amasic demour’rademeur’ra asservie.
Lors la gemellegémelle Asie et Bosphoride Thrace
370Seule regierégie s’ra de ceusceux de vótrevotre race.
ROSE
Mais encores Rustan mes enfansenfantspourroint ilzpourraient-ils
À tant d’heur parvenir par tes moyens subtilzsubtils ?
Rustan pourrai-je voir de ceusceux de ma leignéelignée
Par tes subtilzsubtils aggetzaguets la Thrace gouvernée ?
RUSTAN
375Si vous les pourréspourrez voir ? non seulement les voir
En pompes, en hauteur, et triumphanttriomphant pouvoir :
Mais mais vous les voirrésverrez premier 27 que cestecette année
--- 16 ---
Soit de ces douze mois egalementégalement bornée,
Les faisfaits de Moustapha braves aneantiranéantir
380Tous d’un pouvoir egalégal, en luylui faisant sentir
Au trenchanttranchant emouluémoulu de l’apreâpre coutelace,
Combien luylui vaut vers euseux d’orguillirorgueillir son audace ?
Plus-tostPlutôt à mon souhetsouhait pour parvenir à sus
Des desceinsdesseins contre luylui en mes moelles conçeusconçus,
385Je gaign’raygagn’rai la faveur de l’epoisseépaisse cohorte
Qui aux chamschamps devant luylui va marchant à grand flotte :
Je le rendrayrendrai haineushaineux aux martiausmartiaux soldars
Qui marchent d’un pas coycoi dessous ses étandarsétendards :
Et f’rayf’rai plus, car moymoi caut 28 par parole atraianteattrayante,
390Pour venir au -dessus de ma nouvelle attente,
Je pein’raypein’rai pour de tous l’abimerabîmer en l’horreur
D’avoir de son BaschaPacha son total gouverneur
Un cartel par lequel il don’ra à entendre,
Que Moustapha hautain veut à épouse prendre
395IzabelIsabel fill’ uniq’ du prince Persien :
Trahissant faussement le peuple Amasien :
Et que traitretraître à SoltanSultan avec le RoyRoi de Perse
NóstreNotre mortel haineushaineux journellement converse.
Lors pensez contre luylui quel courrouscourroux enflammé
400Le grand SoltanSultan aura dans son cueurcoeur allumé
Lors SoltaneSultane pensez combien la courtcour bel-erre
Pour un si láchelâche tour luylui f’ra prendre autre terre ?
ROSE
HelasHélas mon cher Rustan, Rustan que j’aime mieusmieux
Que mon cueurcoeur, humblement je te pri’ par nos DieusDieux,
--- 17 ---
405Voire et pour l’amitié qu’à ma fille tu porte, 29
Ces desireusdésireux desceinsdesseins d’acheminer en sorte
Qu’esciemment 30 Rustan ne nous mette en danger,
D’un hautain Moustapha en nous cuidant venger 31 .
RUSTAN
SoltaneSultane je vous pri’prie que pour cétecette entreprise,
410N’en soiéssoyez nullement de tristesse surprise :
Car si couvertement j’espereespère ce desceindessein
Moi caut 32 acheminer à si heureuse fin,
Que le tout vous voirrésverrez choir au grand advantaigeavantage
De vous dame SoltaneSultane, et vostrevotre parentaigeparentage.
LE CHOEUR
415Deucalion que tu as fait
Sur tout le seul homme parfait.
En cétecette terre basse,
JettantJetant des rocs derrier’ ton chef
Pour le façonner derechef
420 Dessus le mont Parnasse.
Las cauteleuscauteleux que tu étoisétais
En lieu de pierre tu jettoisjetais
Sur la montaignemontagne sainte,
Or’ un rubis étincellantétincelant,
425Un zaphirsaphir à l’eclairéclair brillant,
Et óreore une Jacynthe :
Dont aussi du depuis s’est veuvu
L’homme seul de tout heur pourveupourvu,
De scavoirsavoir et faconde
--- 18 ---
430HuyHui seul se voidvoit l’homme vivant
Des Gades jusques au levant,
L’ornement de ce monde.
En luylui de son hanap gemmeusgemmeux
EpanchaÉpancha le tout de son mieusmieux
435La SuadeleSuadèle eloquenteéloquente.
En luylui seul les nourrices soeurs
VerserentVersèrent toutes leurs douceurs
De leur corne abondante.
Mais toi Pyrrha que tu méfis
440Quand jadis la femme tu fis
En ce mondain repérerepère.
SénestrementSenestrement par sus ton dos
À foison éparsant les os
De ta meremère premierepremière.
445Car en lieu de perle Idaspine
De quelque gemme Cyanine,
Or’ un dur diamant,
Or’ une grosse roche agueaiguë
Hounie de froide sigueciguë,
450Tu jettoisjetais seulement.
Donc du depuis aussi s’est veuevue
La pouvrepauvre femme dépourveuedépourvue
De prisable scavoirsavoir.
Las (Pyrrha d’EpimetheEpiméthée-née)
--- 19 ---
455Du depuis s’est veu’vue dénuée
De tout bien et avoir.
Has As-tu quelque chef -d’oeuvre fait
En ce manoir plus imparfait
Que cest’cette inféteinfecte Rose ?
460Veux -tu veoirvoir en ce genre humain
Pour ungun chef -d’oeuvre de ta main
Plus imparfaite chose ?
DeaDéa Pyrrha où trouverroit l’trouverait-on
UngUn coeur plus cruel et felonfélon
465En ce terreusterreux theatrethéâtre ?
Où est la femme qui le coeur
Ait enflé de telle rancoeur
Qu’haa cestcette aspreâpre maratremarâtre ?
Onq’ tant vers ses filzfils ne méfit
470NeNi tell’ cruaultécruauté ne leur fit
La charmeuse Colchique 33 :
Que va de mal en soi brassant
Contre Moustapha innocent
CesteCette Rose impudique.
475Onq’ PhedrePhèdre fille de Minos
Contre Hippolit’Hippolyt’ dedans ses os
Ne receuitrecuit telle haine :
Que va contre Moustaph’ songer
De mal pour d’ici l’étranger
--- 20 ---
480CesteCette Rose inhumaine
Las Moustapha que pense penses-tu,
T’ha ell’T’a-t-ell’ le courage abbatuabattu.
CesteCette Rose despitedépite ?
Où est le bras qui brave haa mis
485En routteroute tous tes ennemis
FuyansFuyant à la gariteguérite ?
Où est le bras fort et hardi
Le bras qui a acoüardiaccouardi
L’audace Persienne ?
490Où est le bras des chocs voutévoûté
Qui haa à BysanceByzance adjoutéajouté
La terre Rhodienne ?
FaultFaut-il que toi des plus adroisadroits
Aux fiers et martiaux arrois
495Que tant je loue et prise,
Qui cestecette Rose traïtrementtraîtrement
Sans te defendredéfendre bravement
Ainsi te dévalise ?
» OÔ quelle miseremisère pleureuse
500» Quand la femme maline
» Quelque entreprise ruineuse
» Pourpense en sa poitrine.
» Car deútdût-elle estr’être au fond jetée
» De l’onde Stygienne
--- 21 ---
505» De son emprise projectéeprojetée
» FaultFaut qu’asusà sus elle en vienne.
LA THRENODIETHRÉNODIE DES deux GeniesGénies de Moustapha.
Puis quePuisque par les destinées
Et les envieux discorsdiscords,
Faut mettre à bout nos années
510Et nous delaisserdélaisser ce corscorps
SointSoient nos tresses
Par detressesdétresses
CeinctesCeintes d’un CyprésCyprès retors.
L’heure qui garde la porte
515Des neuf contours étoilezétoilés,
Nous rang’ra en la cohorte
À ell’ soudain avollezavollés
Des PleiadesPléiades
Des Hyades
520Et des douze dieux élezailés.
ACTE II
RUSTAN
AAh SoltaneSultane c’est or’ 34 que estqu’est venu’venue la journée
Où je dois voir flourirfleurir ta roialleroyale lignée
SusSur les monarques rois : c’est or’ que je dois veoirvoir
Tes fils les plus hautains du terrestre manoir,
--- 22 ---
525BornansBornant d’un ordre égal leur prouesse heroiquehéroïque,
Du climat ScytienScythien jusque àjusqu’à l’ÆthiopiqueÉthiopique.
OÔ jour resplendissant verdement asuréazuré,
Jour sur tous mes souhaits le plus que desirédésiré :
OÔ jour jour solennel dinedigne que je te marque
530Pour nos sieclessiècles futurs d’une blanchette marque :
Jour festal, jour divin, jour à détresdextres oiseaux
Qui me reluis conduit des Tyndares jumeaux :
Jour cielinciélin que Phoebus aux chevelures blondes
Divin m’haa épuiseépuisé des Iberines ondes.
ROSE
535Eh Rustan quelle Lothe, ou nectar doucereusdoucereux,
Quell’ NepentheNépenthe mielleuse, ou fleuve oublivieusoublivieux,
D’aise t’ennivreenivre ainsi ? mais encor quell’s nouvelles
Te viennent chatouillant dans tes os et tes mouellesmoelles ?
RUSTAN
OÔ SoltaneSultanequiers -tu 35 quels celestescélestes DemonsDémons
540D’un ventelet si gaygai m’haleinent les poulmonspoumons ?
Las qui s’roits’rait le Timon, ou le triste HeracliteHéraclite,
Le muet Apocras, la NemeseNémèse dépite,
Qui inesperementinespérément se voiansvoyant en tel heur
Parvenus saintement par celestecéleste faveur,
545Ne voulussent joyeux assoupir leur tristesse,
Pour estreêtre jouissansjouissant d’une telle liesse ?
ROSE
DeaDéa Rustan mon cher fils ne sçaurois saurais-je sçavoirsavoir
Quel est l’heur dont les cieuscieux t’auroientauraient voulu pourvoir ?
--- 23 ---
RUSTAN
OÔSoltaneSultane cestcet heur, et fortune seconde
550Plus à vótrevotre souhait sussur les vótresvôtres redonde
Que sussur moimesme-même, or donc tenez, lisez. 36
ROSE
OÔ DieusDieux,
OÔ Rustan mon cher fils, Rustan que j’aime mieusmieux
Que mon coeur, oôJuppinJupin, oô celestecéleste journée
Tout à coup sans espoir qui m’as acheminée
555Deux trois fois l’heure heureuse : où ores je dois veoirvoir
Mes enfansenfants les primasprimats de tout ce rond manoir.
OÔ Rustan las combien je suis ton obligée
D’un hautain Moustapha dont je me voivois vengée
Par tes subtils moyens : croycrois (et n’est vaine foyfoi)
560Tant que qu’au coeur me restr’a un souvenir de moymoi,
Voire et tant que le cerf acouéaccoué par la plaine
Au ruisseau argentin d’une freschefraîche fontaine
Relaissé du limier se viendra hebergerhéberger,
Et tant que le sanglier l’on voirraverra se bauger
565AusAux forts les plus feuilleusfeuillus d’une forestforêt ombreuse,
Rustan par tes aguets moymoi quatre fois heureuse
J’aurai à tousjourstoujours-mais dans mon ameâme et mes os
Un souvenir de toytoi étroitement enclos :
Rustan ami Rustan mais suis -je bien vengée
570De l’orgueil acretéâcreté, de la rage enragée
D’un brave Moustapha ? Las est-il bien puni
Ainsi honteusement de se veoirvoir degarnidégarni
De biens, d’amis, d’honneurs, et estreêtre en la dégracedisgrâce
--- 24 ---
Du SoltanSultan SolymanSoliman et de toute la Thrace.
575OÔ jour jour phoebeienphoebéen, jour saint où je dois voir
Mes fils en majesté, en hauteur, et pouvoir,
Les primes du levant, et du fer de leurs lances
ReduireRéduire tout ce rond soubssous leurs obeissancesobéissances.
Mais or’ ne vois-je pas les autels enfumezenfumés,
580Et par tous les cantons jajà les feusfeux allumezallumés ?
Io ne vois-je pas haut elevezélevés en pointes
Les Colosses hautains, et Pyramides peintes,
Où seront engravezengravés les gestes triumphanstriomphants,
Et conquestsconquêts valeureux de mes plus chers enfansenfants ?
585OÔ pauvre Moustapha quel Dieu, quelle DeesseDéesse
Te pourra acoiser 37 ta dolente destressedétresse,
Quell’ marine ThetisThétis en son sein écumeusécumeux
Te viendra recuillirrecueillir les torrenstorrents fluctueusfluctueux
Qui de tes ieuxyeux flott’ront, quand sçaurassauras le desastredésastre
590Que t’a acheminé la fortune maratremarâtre,
Sus doncques Moustapha sus sus doncques aprésaprès
Cesse tes plaisansplaisants jeux, et d’un verd-vert-brun CyprésCyprès
Soit ton chef ombragé. PrensPrends ton Caphtancaftan funebrefunèbre
Pour vivre exentexempt d’honneur en l’ombreuse tenebreténèbre.
595Sus sus doncq’donc Moustapha, sus doncq’donc esclave sors
De ces paispays confins avecques tes consorsconsorts,
Mais doncques sans tarder va chercher ton entrée
Outre mer loingloin d’icyd’ici en lointaine contrée.
RUSTAN
» Las SoltaneSultane c’est peu, c’est peu de commencer,
600» D’un travail journallierjournalier qui ne veut avancer.
--- 25 ---
QuoyQuoi cuidez 38 -vous desjadéjà qu’afinà fin heureuse mises
SointSoient si soubdainementsoudainement vos hautaines emprises 39 ?
SoltaneSultane ce m’aist-dieusait-Dieu 40 vous oiantoyant dire ainsi,
Semble que Moustapha est desjadéjà loingloin d’ici
605Esclavement errant sans que montrer il se s’ose,
Pour avoir pourpensé si detestabledétestable chose
Contre le grand SoltanSultan : le véverveuver s’efforceantefforçant
Par ces subtils aguets de son sceptre puissant.
» Rose de son dessein nul ne doit prendre joie,
610» À heureux port surgir que premier ne le voie.
» Car tel à bons oiseausoiseaux haa son oeuvre avancé,
» Qui après au rebours s’en treuvetrouve devancé.
» Tel se cuide 41 ètreêtre à port aiantayant la mer bonace,
» Qui des vensvents affrontezaffrontés soudainement déplace.
615Pourtant doncq’donc conduisons à si heureuse fin
CestCet oeuvre encommencé, affinafin SoltaneSultane affinafin
Qu’abusezabusés n’estraignionsétreignions par senétresinistre presageprésage
En lieu d’une Junon un humide nuage.
ROSE
Las Rustan cestecette joy’joie, cest’cette aise, et le plaisir
620Qui me vient dans le coeur étroitement saisir,
Dont je me voivois pour moi pour les peines qu’as prises
Acheminée à sus de toutes mes emprises,
Me métrisentmaîtrisent si bien que presque je me sens
DejetéeDéjetée hors de moymoi et véveveuve de mes sens.
RUSTAN
625Or’ SoltaneSultane cessez cestecette indicible joie
De vozvos meilleurs esprisesprits qui ainsi vous dévoie,
--- 26 ---
» Car celuy celui-là trop-tost tôt se va resjouissantréjouissant
» De son dessein encor’ qui n’en est jouissant.
Pourtant pensons premier 42 nous venger de ce brave,
630De ce sot orguilleuxorgueilleux, et miserablemisérable esclave.
Or’ doncq’donc de ce paispays pensons à le chasser
Fuitif sans que jamais il s’is’y puisse adresser :
Pensons par nos aguets et subtillessubtiles brisées,
De l’envoierenvoyer d’ici aux places EliséesÉlysées :
635Non aux champs ElisezElysé’s, car sa vie, et ses faits,
Ne requierentrequièrent,n’aussi ses iniques forfaits,
Ses mépris éhontezéhontés, ses mechezméchefs, et encombres
Que l’on l’arrange au rang des bien-heureuses ombres :
Mais plus-tostplutôt luylui affiert 43 pour son juste loierloyer,
640Pour son juste guerdon 44 , d’ici haut l’envoierenvoyer
Aux manoirs AvernausAvernaux, ou au fluvefleuve de LetheLéthe,
AuAux goufresgouffres les plus creuscreux des torrenstorrents de PhlegetePhlégète.
ROSE
Or’ sus doncques Rustan aprensapprends de me venger
De mon haineushaineux, or’ sus vienviens mes fils arranger
645Au plus haut de son chef, vienviens oteôte-lui le sceptre,
Pour de mes plus chers fils en la détredextre 45 le mettre,
Sus donc mon cher Rustan sus doncques sans tarder,
Nos yeux d’humide pleur allons nous en farder,
Pour mieux dissimuler les cris, et larmes faintesfeintes,
650Les sanglossanglots, les soupirs et gaimentables 46 plaintes,
DolensDolents que nous irons répendansrépandant à foison,
RacontansRacontant à SoltanSultan la faintefeinte trahison
De ce sot orguilleusorgueilleux, pour lui ardre 47 dans l’ameâme,
--- 27 ---
Contre lui et les siens une bouillante flameflamme.
RUSTAN
655SoltaneSultane pensez donc puis qu’il nous faut aller
Vers SoltanSultan, cachementcachément de si bien affeubleraffubler
Ce desseingdessein (lui contant la damnable meschanceméchance
Qu’a brassé contre lui et toute la BysanceByzance
Ce traitretraître Moustapha) que ne veniésveniez ranger
660Vous, tous vos fils, et moi en extremeextrême danger.
Premier 48 acoútresaccoutrez-vous d’une pleureuse harangue
Modestement tenant le frainfrein de votre langue,
De peur que SolymanSoliman ne vous veuille écouter
Vous voiantvoyant affectée en votre raconter.
665Dolente masquez -vous d’une ploureusepleureuse face,
D’un parler gemissantgémissant qui promptement le facefasse
Trop plus que vous dolent, vous oiantoyant d’un bon oeil
En signe de recueil.
Donques SoltaneSultane donc armez votre courage
670Au moins aiesayez pitié de vótrevotre parentage,
Qui sujectsujet est sou-mis sous la cruelle main,
Du plus felonfélon tyranttyran, et cruel inhumain,
Qui fustfût et ne s’ra onc dedans l’enclos de Thrace,
Et en toute sa race.
675Qui est le DiomedeDiomède, et cruel Phalarin
Qui PerillePérille jettajeta dans le taure d’arainairain,
Oui qui est le NeronNéron plein de chieninechiennine rage,
Que ce sot acretéaccrêté par orgueil, et outrage,
Par mépris, par dédain et hautaine fierté
680Ne l’aie surmonté ?
--- 28 ---
Or sus donc armons -nous, armons -nous donc en sorte
Contre tous ces efforsefforts que lui tenions escorte :
Pour le devaliserdévaliser, et veincrevaincre honteusement
SointSoient nos coeurs emmurezemmurés d’un roc de diamant.
685» Ne quittons point aux maux, mais allons à l’encontre
» Hautains, tout autrement que nótrenotre malencontre
» Ne le permet, SoltaneSultane un jour pour l’avenir
» Nous en rest’ra au coeur un plaisant souvenir.
Las helashélas quel plaisir, et quelquell’ joi’ vous s’ra sera-ce,
690De voir l’empir’ échoir à ceusceux de vótrevotre race ?
Voire de voir vos fils par le vouloir des DieusDieux,
À vótrevotre grand souhetsouhait gouverneurs de ces lieuslieux,
EnceinsEnceints d’une coronecouronne orine et asuréeazurée,
De jaspes, de rubis, richement diaprée,
695Qui pour vous agréer de leur pouvoir roialroyal,
Occiront sans merci ce traitretraître déloialdéloyal
Pour les mausmaux éhontezéhontés, et la haine chieninechiennine
Que contre eux haa receureçu en sa faintefeinte poitrine.
ROSE
Sus donc à bons destins Rustan jettonsjetons le sort,
700Sous l’aile de l’espoir jettonsjetons-nous à l’effort,
AlonsAllons acheminer nos si longues poursuites,
Les DemonsDémons nous guidansguidant à heureuses conduites :
Non non ami Rustan le celestecéleste escadron
Nous viendra secourant, et du creuscreux d’AcheronAchéron,
705Les DemonsDémons enfernausinfernaux sortiront en grand nombre
Horriblement hideushideux pour lui porter encombre.
Là accourra VulcanVulcain avec les Argoulets,
--- 29 ---
Ses poudreuspoudreux Cabarins qui à coups de boulets,
De Mosquets affutésaffûtés plus vite que le foudre
710EpouvantablementÉpouvantablement l’emmenuis’rontamenuis’ront en poudre :
Là soudain avol’raavolera du contour étoilléétoilé
Le Dieu arme-puissant sur un cheval éléailé,
Qui le devalisantdévalisant luylui affront’ra en tiltrestitres
Un escadron volant de foudroiansfoudroyants réistresréîtres.
715Allons allons Rustan, trop tarder riensrien ne vaut,
Braves c’est maintenant que monstrermontrer il se faut.
» Fortune les hardis et hautains favorise
» Et des acoüardisaccouardis 49 devance l’entreprise.
Or donc avançons -nous, allons nous en vangervenger
720De ce fausfaux deloialdéloyal et esclave etrangerétranger,
De ce sot orguilleusorgueilleux accompli de meschanceméchance,
Qui tant jusques adonc haa porté de nuisance
À mes plus chers enfansenfants : non non mon cher Rustan
N’aiezayez peur quand j’irai raconter à SoltanSultan
725Ses si braves conquésconquêts, et sa totale vie
À tout vice éhonté vilement asservie,
Que ne scachesache deduiredéduire et voir’ de pied en chef
Ses forfaisforfaits, ses mépris, son horrible meschefméchef,
La feinte trahison que cachementcachément il brasse,
730Contre les Solimans et tous ceux de leur race.
J’avol’rai vers SoltanSultan épointéépointé’ de fureur,
Là de mon seul regard je lui ferai horreur,
Là tant je l’épeur’rai moi fine caute et faintefeinte,
Me voiantvoyant, que le coeur lui tremblot’ra de crainte.
735Là je n’aurai maintien, visage neni couleur
--- 30 ---
Qui ne s’aille chang’antchangeant, par l’horrible fraieurfrayeur
Qui m’ira forcenant : mes si blondes tressettes
ForcenementForcènement d’effroi s’ellev’rontélèv’ront toutes droites 50
De rage horriblement mon cueurcoeur s’ira enflant,
740Et de mes yeux iss’ra 51 un feu étincellantétincelant
Qui m’ira enflamantenflammant : comme en l’isleîle de CreteCrète
Quand le plus qu’insensé et furieux CureteCurète
De furie agité veut devotdévot faire veusvoeux
À la meremère des DieusDieux.
745Voire et quand furieuse, en la ville sacrée
De Delphe, à ApollinApollon la pretrésseprêtresse ErythréeÉrythrée
SaincteSainte veut ministrer, pour dire à l’adveniravenir,
Par destin aux humains ce qu’ilqui doibtdoit advenir,
Soudain devient horrible, effroiableeffroyable, et hideuse
750Plus morne et allaidi’enlaidie qu’une ombre tenebreuseténébreuse.
Ainsi s’ra s’ra-t-il de moi, car premier 52 qu’affronter
Le SoltanSultan cestcet émoi pour au long lui conter,
D’un sang d’ire bouillant tous mes os et mes vainesveines,
Me jettantjetant hors de moi comblementcomblément seront pleines :
755Mes yeux de grand fraieurfrayeur par toutpartout iront dardansdardant 53
En signe de fureur de gransgrands éclerséclairs ardansardents,
Bref je n’aurai sur moi cheveu sourcil neni tresse
Horriblement d’effroi qui roidementraidement n’en dresse.
RUSTAN
Or donc allons la fortune tenter,
760Or’ donc allons à SoltanSultan raconter
Le grand mechefméchef, que Moustapha pourpense
Encontre lui, et tous ceux de BysanceByzance.
--- 31 ---
Pour donc le rendre allons d’un pas hatifhâtif
De ces paispays esclave fuitif,
765Voire si loin vers Europe bel-erre
Que plus ici ne vienne prendre terre,
Voire si loin loin d’ici outre mer,
Sans que jamais ne puisse ici ramer.
ROSE
Allons allons Rustan, jajà soit le sort jettéjeté
770Pour notre oeuvre avancer, c’est jajà trop arrettéarrêté,
» Car qui l’occasion au front hatifhâtif n’atrapeattrape
» Chauve soudainement derrierederrière lui échapeéchappe.
LE CHOEUR
OÔ quel pitoiablepitoyable meschefméchef
Quand l’homme par méchance 54
775Forçant le sort veut mettre à chef
Ce qu’au cueurcoeur il pourpansepourpense 55 .
Quel plus grand mal pouvoientpouvaient les DieusDieux
Envoyer en partage,
Aux habitanshabitants de ces bas lieuslieux
780Qu’une envieuse rage ?
Oui une envie sans couleur,
Plus qu’une Parque blémeblême
» Seule compaignecompagne de malheur
» Ne nuisant qu’à soi méme-même.
--- 32 ---
785» Envie fille de la nuit
» À la face blémieblêmie,
» AusAux vertueusvertueux qui seule nuit
» Tant leur est ennemie.
» Comme tou-jours s’en vont paissanspaissant
790» Les Rosettes florides
» De leur venin les fanissansfanissant
» Les mouches cantharides :
» Ainsi l’envie n’ennuiraennui’ra
» Pour lui faire grevance,
795» Que cellui lacelui-là qu’elle voirraverra
» Accompli d’excellence.
» Tout ainsi comme les metausmétaux
» La noir’ rouilleurerouillure mine,
» Ainsi l’envi’envie des animausanimaux
800» Va rongeant la poitrine :
» Ainsi l’envi’ va tirallanttiraillant
» De ses apresâpres tenailles,
» Celui qui la va recelant
» Au creuscreux de ses entrailles.
805» Mille et mill’ fois heureux celluicelui
» Dedans son heritaigehéritage,
» Qui se tient sans faire à autrui
» Nuisance neni dommage.
--- 33 ---
» HeureusHeureux celluicelui qui vit contantcontent
810 » Avecques sa famille
» Sans qu’il s’en voise 56 frequentantfréquentant
» La cohorte civile.
Comme Aglan ce vieillartvieillard heureusheureux
Qui de ses heritageshéritages,
815De passer ne fut desireusdésireux
Outre les confinaigesconfinages.
» Las si les milans, et corbeauscorbeaux
» Dans le secret champétrechampêtre,
» À l’ecartécart des autres oiseausoiseaux
820» CachementCachément scavoientsavaient pétrepaître,
» Plus qu’ils n’ont aurointauraient de butins
» Et trop plus riches questesquêtes,
» Sans que les autres plus mutins
» Ravissent leurs conquestesconquêtes.
825» Ainsi si les hommes scavointsavaient
» Secrets user leur vie,
» Tant assugetisassujettis ne serointseraient
» AusAux efforsefforts de l’envie.
CharesCharès pour effuir ses haineushaineux
830Pleins d’envie enragée,
S’enfuit pour vivre plus heureusheureux
Au promont de Sigée.
--- 34 ---
Chabrias pour fuir ses haineushaineux
Pleins d’envie dépite,
835S’enfuit pour vivre plus heureusheureux
En la terre d’EgypteÉgypte.
Las helas-hélas mais combien de gens
Pour effuir cétecette envie,
Et en paix pour vivre leurs ans
840Ont laissé leur patrie?
» Qu’un’une envi’ quels pluplus gransgrands tourmenstourments
» ScauroitSaurait trouver PerillePérille,
» Soit BusyrisBusiris ou les tyrans
» De la Grecque SicilleSicile :
845» HeureusHeureux ceusceux qui de leurs desceinsdesseins
» InesperesInespérés jouissent,
» Et cachementcachément dedans leurs seins
» Seulets s’en rejouissentréjouissent.
Car l’envi’ pour les dommager
850Du profond de PhlegettePhlégète,
Et de leurs veusvoeux les étrangerétrangers
Pas à pas les aguette.
Las Moustapha dontd’où vient ceci ?
Mais dontd’où vient cétecette haine?
855Pourquoi est-ce que Rose ainsi
--- 35 ---
Contre toi ce forcéneforcène ?
Faul Faut-il par ta mémemême vertu,
Vertu trop plus qu’aimable,
Que tu sois ainsi combatucombattu
860OÔ póvrepauvre miserablemisérable ?
Fault Faut-il par tes faisfaits valleureusvaleureux
Et toutes tes vaillances,
En lieu d’un trophé’ sourcilleussourcilleux
Que recoivesreçoives grévancesgrevances ?
865Non non ce n’est point ton forfait
Ains 57 ta vertu louable,
Qui d’envie ennemi t’a fait
Tant tu es louang’ablelouangeable.
La ThrenodieThrénodie des deusdeux GeniesGénies de Moustapha.
La déesse Libentine
870Ceinte d’un ploreuspleureux cypréscyprès,
Pour nous plonger s’achemine
Et nous talonne de presprès
Dedans loetheLèthe
Dans PhlegettePhlégète
875Pour n’en retourner apresaprès,
--- 36 ---
Mais mal-gré les destinées,
Immortels nous vivrons
Nos plus heureuses années,
Et isnels 58 nous volerons
880Dans l’humide
De l’air vuidevide
Avec ses blansblancs ailerons.
ACTE III
ROSE
OÔ Roi des hautains Rois le plus que tres-très puissant
OÔ Roi en ta majesté et vertu florissant, 59
885Roi qui tiens tout ce rond sous ta détredextre puissante,
D’ici jusque jusqu’au coucher de l’Aube pallissantepâlissante :
Roi ton nom immortel qui brave vas bornant,
Ne trouvant ton égal des Scythes au ponant,
OÔ Roi, ores si Roi si Roi nommer je t’ose
890Sans mépris et dédain.
SOLTANSULTAN
Mais que veultveut dire Rose ?
ROSE
Ah Roi si tu scavoissavais quel acablantaccablant méchef
Te va si n’iy prevoisprévois te tomber sur le chef 60 ,
Oui oui si tu scavoissavais quel méchef te talonne,
T’aguettantTe guettant pour ravir ta RoialleRoyale coronnecouronne,
895D’effroi dress’roitdress’rait ton chef, et soudain ta couleur
À mon seul raconter se tiendroittiendrait en paleurpâleur.
--- 37 ---
Qui est l’Adamastor, ou le fort CynegireCynégire,
Qui des Perses manchots acoisa le navire,
Oui qui sont les Spartans, ou le fort LeonidasLéonidas,
900Le ScevoleScévole constant, le puissant Brasidas,
Qui craintifs tous soudain ne devinssent plus pallespâles,
Pour tel encombre effuir que les ombres Orcallesorcales ?
Oui que l’on ne les vidvît craintivement pallirpâlir,
Et leur coeur dans le corscorps de crainte tressaillir ?
905Donc Roi tant redouté par tes grandes vaillances,
Roi humain, Roi piteuspiteux, comblé de bien-vueillancesbienveillances,
Tu ne viendras hátifhâtif ton oreille préterprêter,
À mon si gaimantable 61 et triste raconter ?
Tu ne viendras préterprêter tes oreilles veillantes,
910À mes cuisanscuisants regrets et querelles dolentes ?
SOLTANSULTAN
Quoi Rose qu’est ceci ? quel malheur, quel trépas ?
Quel desastredésastre, ou méchef, me talonne les pas ?
Quel hibou à tes yeux vers le cypréscyprès sénétresénestre 62 ,
Ainsi desastrementdésastrement s’est venu apparoitreapparaître ?
ROSE
915AAh SoltanSultan tant je sens mes esprisesprits varier,
Que ma langue ne peut un seul mot délier.
SOLTANSULTAN
Las Rose si tu aim’ moi, tes fils, et toi-mesmemême,
Les OthomansOttomans, la courtcour, mon sceptral diadémediadème
VeuillesVeuillemoi découvrir le méchef, la rancueurrancoeur,
920Qui ainsi tristement te forcenentforcènent le coeur,
VueillesVeuillemoi raconter, qu’est -ce que l’on pourpense 63
--- 38 ---
Contre moi, et les miens, pour nous faire grevance 64 ?
ROSE
Puis qu’il te vient à gré, et de RoialRoyal pouvoir
OÔ Roi, présentement il te plaît de sçavoirsavoir,
925Quel est l’ocombrier que brasser l’on s’avance
Contre toi oô SoltanSultan, et toute ta puissance,
Tu le sçaurassauras : hélas mais oô cieuscieux quel émoi,
Vient si forcenementforcènement me jeter hors de moi ?
SoltanSultan quelle fureur, quand conter je le pense,
930Me ravissant mes sens ainsi me quint’essencequintessence ?
SoltanSultan pardonne -moi si conter ne le puis,
Car si loin de mes sens étrangé’ je me suis
Que ne puis me r’avoir, moi plus que forcenée,
Si loin de mes esprisesprits je me suis éloignée
935Par l’horrible fureur qui métrisemaîtrise mes sens,
M’encharmant ma raison, que presque je me sens,
SoltanSultan trois quatre fois plus folle et furieuse
Que du Dieu deux fois-né la prétresseprêtresse vineuse.
Las SoltanSultan quand je veux ce discours raconter,
940Mille sanglossanglots soudain me viennent alenter
Le lamentable son de ma frélefrêle parolleparole,
Et sur -le -champ SoltanSultan, là ainsi comme folle
Muette je me tais, lors sans pouvoir parler,
Par l’horrible fraieurfrayeur, qui tant me viendvient troubler :
945Muette je me tais pour la fureur mutine
Qui me va bouillonnant au creuscreux de ma poitrine.
Mais or’ vois -tu SoltanSultan en cuidant 65 commencer,
Mes gemissansgémissants discours soudain se devancer ?
--- 39 ---
Par les aigrets souspirssoupirs, et pleintesplaintes douloureuses,
950Par les sanglossanglots cuisanscuisants, et les larmes moiteuses,
Qui issent 66 de mes yeux ? ois -tu mon coeur gemirgémir,
Et en morne paleurpâleur ma face se s’ablémirablêmir ?
SOLTANSULTAN
Las pour cestecette amitié je te supplie oô Rose,
Qui de toi m’est au coeur étroitement enclose,
955De me vouloir conter cet acablantaccablant mechefméchef,
Qui va (comme tu dis) me tomber sur le chef :
Pour-tantPourtant reprensreprends tes sens, retournes en toi-mémemême,
D’un ventelet plus gaygai essui’essuie ta face blémeblême,
Dans les torrenstorrents sallezsalés las qui s’en va noiantnoyant,
960À grand’s vagues flotansflottant de ton oeil ondoiantondoyant.
ROSE
Puis-quePuisque m’as conjuré par nostrenotre amitié sainte,
Roi de te le compterconter, or moi comme contrainte,
Par le forçant effort de l’amoureusamoureux lien,
Et par l’effort du dard du fils Idalien
965Tu le sçaurassauras : Or’ donc donc, oô Roi de BysanceByzance,
Et de tout le levant sçachesache ton excellence,
(Mais or’ oô DieusDieux cielinsciélins le pourroipourrai-je conter.
Sans de mes meilleurs sens me pouvoir écarter)
SçachezSachez doncques oô Roi, Roi qui en tout le monde,
970Le supremesuprême de tous n’as Roi qui te seconde,
Que Moustapha (helashélas nommer le me faultfaut-il)
Oui Roi que Moustapha par son moienmoyen subtil,
FrauduleusFrauduleux cachementcachément, avec le Roi de Perse,
NostreNotre mortel haineushaineux journellement converse.
--- 40 ---
975Et plus oô Roi des Rois, ainsi qu’il est secret,
(Las ce qui ne se f’ra sans mon trop grand regret
Et de toute la cour) c’est qu’il veut prendre à famefemme
À sa honte, et vergoingnevergogne, et son plus grand diffame,
Et de ses alliezalliés, la fill’ de ton haineushaineux :
980Et afin, oô SoltanSultan, que tu le croies mieusmieux,
T’abusansabusant en toi-mémemême, aussi que tu ne pense,
Que nous te l’aionsayons dit par quelque mal-veillance
Jadis à Moustapha que nous aurions porté,
OÔ Roi Roi tout-pouvant plaise à ta majesté
985De lire ce cartel, et tu voirrasverras l’emprise,
Par lui si follement contre toi entreprise.
SOLTANSULTAN
OÔ DieusDieux DieusDieux qu’est ceci ? quel encombre aigrissant
Me viendvient de froide peur ma face apalissantapâlissant ?
Quel gendre de CerésCérès ? quelle Parque felonnefélonne,
990Quell’ serpenteuse ErynneÉrynne, ou guerriereguerrière BelonneBellone ?
Quell’ nuictainenuitaine furie, ou JuppinJupin haut-tonanttonnant
Me viendvient d’un triste dueildeuil le coeur époinçonnant ?
Quel ErebeÉrèbe profond ? quelle HecateHécate Avernale ?
Quel CerbereCerbère ausaux trois-chefs, ou HarpyeHarpie enfernaleinfernale,
995Plus- vite qu’Aquilon me viendvient sillherciller les yeusyeux,
Pour m’enserrer mortel au cercueil oublieusoublieux?
AAh Rose ores faut-il qu’apresaprès tant de vacarmes,
Tant de tournois, de feusfeux, de combascombats, et alarmes,
En lieu de recevoir le prisprix de mes travaustravaux,
1000Après avoir fait rotteroute en tant de mille assausassaux.
SusSur l’hiver de mes ans je soi’sois chassé bel-erre
--- 41 ---
Hors mes païspays confins, pour chercher autre terre ?
Je 67 qui par tant de feuzfeux, et fleuves aboiansaboyants,
Tant de canons poudreuspoudreux, et soldassoldats guerroiansguerroyants,
1005AyAi conduit par les vausvaux, et monteuses traverses,
Par les dangers des mers, pour faire front ausaux Perses :
Je Roi qui ayai conquis, au fil du coutelas,
Dessus les Syriens, la cité de Damas,
Et me suis emparé d’EpheseÉphèse et Iconie,
1010Du grand paispays de Quisque, et toute l’ArmenieArménie?
Las, faut -il moi qui deussedusse ? or’ ces bras tous voutésvoûtés,
Jadis adétrementadextrement des Rois qu’ils ont joutés,
Les degourdirdégourdir oiseusoiseux, sans plus ébrandir lance,
Pour ferirférir ce hautain qui me veut faire outrance ?
1015Mais me faut -il encor’ le harnoisharnais endosser,
Pour de ce hautain -là l’emprise devancer ?
Le harnoisharnais tout moissimoisi, que j’avoisavais fait appendre ?
Au Moschit de Mahon pour plus ne le reprendre ?
AAh Moustapha esclave, oô traitretraître déloialdéloyal,
1020HuyHui 68 me veus teveux-tu ravir ce diadémediadème RoialRoyal,
CéteCette coronnecouronne ici par droit de ProtemiseProtémise
Qui de mes avant-nés jajà long tanslongtemps m’est acquise ?
Du lieu (auquel helashélas je t’ayai voulu ranger)
Ore ô traitretraître felonfélon m’en veus veux-tu étranger ?
1025Las veus veux-tu par orgueil, et sourcilleuse audace
Me dechasserdéchasser fuitif, des environs de Thrace ?
Veus Veux-tu pour de mon sceptre, et mes biens te braver
Par armes outre mer loin d’ici m’esclaver ?
Las me veusveux-tu excurreexclure, et du tout interdire
--- 42 ---
1030De mon manoir RoialRoyal, et plantureusplantureux empire ?
OÔ viperevipère serpent, parricide inhumain,
Las veusveux-tu de mon sang asanglanterensanglanter ta main ?
Veux -tu dedans mon sang, et mon ameâme pourprée,
BaingnerBaigner felonnementfélonnement ta détredextre conjurée ?
1035OÔ felonfélon, ô cruel, ô orgueilleusorgueilleux mutin,
Coeur muré d’un rocher, ô coeur diamantin,
OÔ cruel engendré d’un’ ré-naissanterenaissante Hydre,
D’un lion Phrygien, et maculeuse tigre :
OÔ cruel que les ours, les onces 69 , et lieparsléopards,
1040Ont alaictéallaité au bers dans les antres échars,
Dans les roches du tans contre val mi-penchantes,
Dans les antres mossusmoussus ou cavernes béantes :
OÔ tyranttyran, ô cruel, ô felonfélon inhumain,
Où est le BusyrisBusiris, ou le NeronNéron romain,
1045Qui de ces haushauts manoirs, et terres toutes rondes
FelonFélon lancalança sa meremère aux terres plus profondes ?
Las di dis-moi donc où est le tu’-père Marquin,
Et la femme impudiqu’ du superbe Tarquin,
Qui fit passer son char, poussé’ de pitié nulle,
1050Dessus le corscorps RoialRoyal du pouvrepauvre serve Tulle ?
Où sont les EssedonsEssédons, où le CreonCréon ThebinThébain,
Le tyranttyran PhraatesPhraatès, Phalare Agrigentin,
Et ce plus qu’inhumain Ptolomé PhilopatrePhilopâtre,
CestCet Oreste felonfélon, ce tyranttyran AntipatreAntipâtre,
1055Qui tous tous ont baigné (tant ilzils sont inhumains)
Dans le sang parental leurleurs si cruélescruelles mains ?
Ainsi ô Moustapha l’auteur de tyrannie,
--- 43 ---
De peste et réagal, de toute felonniefélonie,
De cruaultécruauté, d’émoi, et cruelecruelle poison,
1060L’auteur de tout discord, et faintefeinte trahison,
HuyHui me veus veux-tu priver de l’usure journale,
De ce theatrethéâtre à qui l’Aurore matinale,
AiantAyant chassé Phoëbé en son ombreusombreux sejourséjour,
Vient puis 70 de son flambeau luylui découvrir le jour,
1065Comme du jour étant fidelefidèle messageremessagère,
Et du flammeusflammeux Titan la vite avant-courrierecourrière,
Qui aiantayant transpersétranspercé les trois temples cielinsciélins
Qui luylui sont apposés dessus ses piedzpieds orins,
Avole en ces bas lieus d’une course legierelégère
1070Du levant au ponant pour borner sa carrierecarrière.
Lors l’on voidvoit son charroi 71 tout de feu réplandirresplendir,
Et de ses raizrais flammeusflammeux ce manoir ébrandir,
Puis s’en court au lever du beau clerclair-brun HespereHespère,
AbreverAbreuver ses chevauschevaux dans le fleuve de Ibered’Ibère.
1075Ainsi ô déloialdéloyal huyhui me veus veux-tu véverveuver
De mon sceptre hautain ? me veus veux-tu esclaver
Par tes sutilzsubtils aguetzaguets des entours de BysanceByzance,
Ne redoutant en riensrien ma hauteur et puissance ?
Non non Moustapha non, ce s’ra ton mémemême chef
1080Qui portera le prisprix de ton si grand méchef,
Ce s’ra ton mémemême chef qui souffrira l’outrance
Que ton coeur contre moi si traitrementtraîtrement pour-pansepense.
Ou bien au grand besoingbesoin la celestecéleste faveur,
Et des frères jumeausjumeaux la cielineciéline candeur
1085Me sera defaillant’défaillant, premier 72 que je ne brise
--- 44 ---
Ton simulé desceingdessein, et déloialledéloyale emprise 73 .
ROSE
Las SoltanSultan acoisésacoisez 74 ce si ireusireux courrouscourroux
Vous taignantteignant en palleurpâleur, qui vous met hors de vous :
Donc ô Roi tout-peuvant pouvant 75 refroidissésrefroidissez cét’cette ire 76 ,
1090Vous affollantaffolant vos sens qui ainsi vosvous martyre.
Mais dictesdites-moi SoltanSultan, affiert affiert-il 77 à un Roi,
Pour un si traitretraître occire ou jeter en defroidéfroi
Ainsi se lamenter ? affiert -il à un Prince,
Pour un traitretraître esclaver des bords de sa province
1095Ainsi se gaimenter 78 ?
SOLTANSULTAN
Se gaimenter ainsi ?
Hélas-qui est le coeur de tous le moins transi,
Le sourcil hérissé, et face si constante,
En terreuse palleurpâleur qui ne se vidvit chang’antechangeante,
Pour tosttôt avant-aller au devant du danger,
1100Auquel ce déloialdéloyal s’avance me ranger ?
Donc je ne crainderaycrainderai 79 la furie guerriereguerrière,
Les simulés desceingsdesseins, et la main meurdrieremeurtrière,
Le visage masqué de ce fausfaux déloialdéloyal
Qui se veútveut emparer du sceptre emperialimpérial ?
1105Non non Rose il mourra, c’est ores que la Parque
D’un long croisé Tita, ou d’une noire marque
Viend’raViendra merquermarquer ses jours, c’est ores que Clothon
Met’raMettra ses jours à bout, et que le Dieu Pluton
Au plus creuscreux, et obscur de ses cavernes sombres,
1110L’arrangera au rang des malheureuses Ombres.
--- 45 ---
Sus HeraudHéraut, sus soudain prends ton coursier éléailé,
Ton coursier écumeusécumeux, et à fraimfrein avalléavalé
Accours vers Moustapha (et d’une calme face,
Tenant coi 80 le desceingdessein que contre luylui je brasse)
1115LuyLui diras que SoltanSultan au sceptre tout-pouvant ,
En richesse et hauteur le plus grand du levant,
LuyLui commande venir de RoialleRoyale puissance,
Et monarqual pouvoir devers son excellence
À Alape où il est, pour de luylui recevoir
1120L’heur, l’honneur, et le bien, dont l’haa voulu pourvoir.
Or’ sus donques HeraudHéraut, or’ sus chemine donques,
Plus-tost tôt qu’Hippodami’ si tu cheminas onques.
LE HERAUDHÉRAUT
Sacrée majesté sans longuement tarder,
Je m’en voisvais ausaux dangers des chemins hasarder.
LE CHOEUR
1125Trop heureusheureux serointseraient les hommes ore,
Outre les autres mausmaux ploureuspleureux,
Dont les haa farcinéfarcinés Pandore,
Si la legier’légèr’ creancecréance encore
De son hanap ord et pesteuspesteux
1130 N’eúteût répandu sur euseux.
EncoresEncore les terriens Princes,
Les seigneurs et monarques Rois,
Vivr’ointVivraient au dedans leurs provinces,
Les pouvreuspauvreux avéquesavecques les minces
1135Aimablement dessous leurs toistoits
--- 46 ---
Sans querelleusquerelleux dérois.
Les AsseclesAssècles CyrenaiquesCyrénaïques
Plus n’accompaign’rointaccompagn’raient les tyrans,
NeNi les Philosophes Cyniques,
1140Les abuseurs Gnatons comiques,
Les Parasites Sycophanssycophants
Plus ne s’irointiraient truffanstruffant.
»OOh combien les créances vaines
» Pour legiereslégères avoir été,
1145» Ont des murs les cimes hautaines
» Par le fer unies aux plaines :
» Et des tours le faisfaîte atétéatêté,
» Tout par legieretélégèreté ?
» OOh combien pour cétecette créance,
1150» Ont été de harnoisharnais cossezcossés,
» Et du fer de la fierefière lance,
» Par une legierelégère veng’ancevengeance
» Maints corscorps de Princes trans-percezpercés,
» Tous meurdrismeurtris et froissezfroissés ?
1155» DontD’où viendvient la guerre meurdrièremeurtrière,
» Et des Rois les debasdébats noiseusnoiseux ?
» Si-non par créance legierelégère,
» Qui pour un reçeureçu fausfaux-à croire,
» Rend les Rois jusque ausjusqu’aux tiers neveusneveux 81
1160 Ennemis et haineushaineux.
--- 47 ---
L’un dit que devers Franconie,
SoubsSous le climat des Sept-trions,
Au nombreilnombril de la Germanie
S’éleveélève une presse ennemie,
1165Qui viendvient froisser les morrionsmorions
Des FrançoisFrançais escadrons :
L’autre dit à Romul, que Reme,
HaA franchi les Romains parois,
L’autre qu’Ulysse le sel semesème
1170Soi faignantfeignant estreêtre en rage extremeextrême,
De peur de porter le harnoisharnais
Contre les TroiansTroyens Rois.
» Las- si les Rois de leurs limites,
» ChassointChassaient ces masquezmasqués courtisans,
1175» Tous ces courtisans Parasites,
» Qui par simulées poursuites,
» SoubsSous fausesfausses armes et semblanssemblants
» Vont les Rois abusansabusant :
» Les Rois à leurs grandes louanges
1180» VivrointVivraient heureux, de toutes parsparts
» FrequentansFréquentant les Princes estrangesétranges,
» Sans plus dresser tant de Phalanges,
» Et voir furier les soldars
» Dessous les étendarsétendards.
1185SoltanSultan ta créance 82 inconstante,
--- 48 ---
Veut -ell’ Moustapha envoierenvoyer
Dans l’onde Avernale puentepuante ?
Pour de ta détredextre furientefuriante 83 ,
Tout au plus profond le noiernoyer
1190 De ce puentpuant bourbier ?
» Quell’ plainte piteuse,
» Douleur douloureuse,
» Et ploureuspleureux tourment:
» Quand le Roi, ou prince
1195» CeusCeux de sa province
» CroidCroit legierementlégèrement.
LA THRÉNODIE DES deux GeniesGénies de Moustapha.
Or’ sus compaignecompagne sus cirons,
Dessus nos dos des ailerons,
À la couleur orine,
1200Pour effuir de Rose, et SoltanSultan,
Du fausfaux et simulé Rustan
La furie mutine.
Sus donc compaignecompagne, sus coiment,
Donc avolons isnellement 84 ,
1205 D’une aleureallure hatéehâtée :
Pour nous soirseoir avec les Mi-DieusDieux,
Les HeroésHéros victorieusvictorieux,
En la voie laictéelactée.
--- 49 ---
ACTE IIIIIV
LE HERAUDHÉRAUT
Moustapha, le SoltanSultan au sceptre tout-peuvantpouvant 85 ,
1210En richesse et hauteur le plus grand du levant,
Te commande venir de RoialleRoyale puissance,
Et monarqual pouvoir, devers son excellence
À Alape, où il-est, pour de luylui recevoir
L’heur, l’honneur, et le bien dont t’haa voulu pourvoir.
MOUSTAPHA
1215HeraudHéraut dis à SoltanSultan tout comblé de hautesse,
À SoltanSultan accompli d’heroiquehéroïque prouésseprouesse,
Que Moustapha isnel 86 accourt d’un pas hatéhâté,
Sans plus outre tarder devers sa majesté :
Pour lui rendre et porter la deúedue obeissanceobéissance,
1220Dont il reste obligé devers son excellence. 87
LE HERAUDHÉRAUT
Moustapha donc j’accours plus-vite qu’Aquilon,
Ou que l’éléailé cheval du fort BellerophonBellérophon,
Dire au Roi que tu viens rendre l’obéissance
Dont tu resterest’ obligé devers son excellence.
MOUSTAPHA
1225Ah bons DieusDieux qu’est ceci ? de quell’ nouvelle peur,
De quel remorsremords pensif, ou hideuse fraieurfrayeur
Or’ me voivois-je surpris ? quell’ pensée song’ardesongearde
Me couve dans mon sein une crainte rong’arderongearde ?
Mais encor’ oô bons DieusDieux quelle si triste humeur
1230DegoutteDégoutte dans mes os sa bilieuse liqueur ?
Mais bons DieusDieux quell’ humeur triste, et melancholiquemélancolique,
--- 50 ---
Quell’ rong’ante phrenitephrénite, ou douleur EsctasiqueExtasique,
Me viendvient d’une palleurpâleur occuper sans repos,
Sans aucunsaucun mouvemensmouvement, mes esprisesprits, et mes os ?
1235QuoyQuoi tant plus que le pas pour m’en aller j’avance,
D’autant soudainement arrierearrière je devance :
Las suis -j’ hors de chez moymoi? encor’ suis -je insensé ?
Suis -je fol hors du sens, suis -je quint-essencéquintessencié ?
DieusDieux cielinsciélins mais encor’ la langue tant outrée
1240De Thyest’, qui méloua l’honneur du pouvrepauvre Atrée
Ore ha a-t-elle sur moi vomi sa medissonmédisson,
Son réagal pesteuspesteux, et infetéinfesté poison ?
Des saintes DeitezDéités cétecette Empyrée essence,
HuyHui de tous mes forfaits veut -ell’ prendre veng’ancevengeance ?
1245Mais quoyquoi ois desjadéjà les senétressénestres Oscins ? 88
Les hiboushiboux enrouezenroués, les oiseausoiseaux Exquilins ?
Des encombres futurs qui comme vrais Augures,
Me menacent de loingloin de quelques mesventures ?
OÔ saintes DeitezDéités mais encor’ qu’est ceci ?
1250Dont ainsi je suis morne, épeuré, et transi
Sans l’objectobjet d’aucun dueildeuil ? et sans aucun mal craindre,
SointSoient guerres, ou assausassauts, dont je me peussepusse plaindre ?
QuoyQuoi or’ je voivois mes bras chetifschétifs s’appesentirappesantir,
Tous mes os, et mes nerfs, en riensrien s’aneantiranéantir,
1255Or’ je sens dans mon coeur, une peur blemissenteblêmissante,
Qui vient de son objectobjet ma face ternissenteternissante,
Me menaçant d’encombre, et tristesse avenirà venir,
Sans que par nuls moiensmoyens j’y puisse avant-venir 89 .
Car qui pourroitpourrait aller au -devant du desastredésastre,
--- 51 ---
1260» Que nous va pourchassant la fortune maratremarâtre ?
» Les destins ont leur cours, et tout humain éfforteffort
» Ne se peut afranchiraffranchir du prophetiqueprophétique Sort :
Car tel l’avoir trompé par sous-fuites se cuide 90 ,
Pour l’effuit s’étant mis à l’ouvert de l’air vuidevide,
1265À qui avolle isnelle 91 au beau panache orin,
Plus vite qu’un ZephirZéphir l’aigle aimable à JuppinJupin :
Qui luylui viendvient (du chauve de sa tétetête deceuedéçue) 92
La cervelle froisser du taistest d’une tortue.
Mais que sera donc ceci ? dontd’où me viendvient cestecette peur ? 93
1270Ces frissons tramblotanstremblotants ? cestecette froide palleurpâleur ?
CestCet émoi blemissantblêmissant, ce soingsoin qui me détrace,
Les traistraits jeunement faisfaits de ma vermeille face ?
Quoi je me voivois honteushonteux, du tout acouardiaccouardi, 94
Mes deusdeux yeusyeux toustout cavezcavés, mon visaigevisage alaidienlaidi
1275En plombeuse palleurpâleur : las si c’est d’aventure,
Le presageprésage futur de quelque méventure 95 ,
De quelque dueildeuil futur il le me faut souffrir,
» VeilleVeuille ou non, il le faut : Car nul ne peut effuir 96
» Le desastredésastre, le dueildeuil, la rancoeur, et dégracedégrâce,
1280» Aveugle encontre soi que la fortune brasse.
Las mais je voivois que c’est, c’est c’est quelque ennemi,
D’un visage masqué qui sur moi haa vomi
Son medismédis babillard, d’une voisvoix traiteressetraîteresse,
D’une rancoeur chieninechiennine, et langue menteresse
1285Qui sur moi haa vomi le damnable venin,
Les clabodansclabodants abois de son coeur leoninléonin :
C’est ce traitretraître Rustan, c’est Rose cétecette brave,
--- 52 ---
CesteCette femme fuitive, et inconnue esclave,
Qui pour en haut degré ses enfansenfants arranger,
1290D’un fausfaux rapport menteur, et babil mensonger,
Las qui m’haa pourchassé, et tousjourstoujours me pourchasse
Du monarque SoltanSultan, la mortelle dégrâce 97
Et de toute sa courtcour, sans objectobjet d’argument
Dont ell’ me deutdût hairhaïr, ainsi haineusement.
1295Achmat BaschaPacha jadis qui fus le vrai augure,
Le propheteprophète devin de ma mésaventure :
OÔ Achmat thresoriertrésorier de mes recoins secrets,
Que bien tu m’advertisavertis de ces futurs regrets,
Que bien tu m’advertisavertis de la déconvenue
1300À l’improvistimproviste hélas-, qui or’ m’est advenue ?
Las- pour ne t’avoir creucru un triste repentir,
De ce méchef futur jajà me fait résentirressentir.
Achmat BaschaPacha crois -moi oui oui seulement l’ombre,
Seulement le penser de ce futur encombre
1305Me fait d’effroi mon coeur, et mes nerfs trésaillirtressaillir,
Et en morne blémeurblêmeur mon visage apallirapâlir.
Rose has as-tu si long temslongtemps recuit en ta poitrine
Ce dueildeuil, cétecette rancoeur, cétecette haine chieninechiennine
Contre moi ? las par fainsfeints et simulezsimulés éforsefforts,
1310Par tes subtils aguets, et par magiques sorssorts
M’has as-tu assez gennégêné ? Has As-tu assez charmée, 98
D’un cri Thessalien la lune mi-formée ?
Mais dis -moi Rose en est ton Rhombe tortueustortueux?
Ton Rhombe entour-lié de filets toustout noueusnoueux ?
1315Ta LozangeLosange rouant, en forme de Cylindre,
--- 53 ---
Qui va du ciel profond la clair’ lune disjoindre ?
Où sont dis Rose, où sont, ces riches vétemensvêtements
HounisHonnis et infectés de pesteuspesteux oignemensoignements
Que jadis m’envoiasenvoyas, tels que le traitretraître Nesse
1320Par la bell’ Dejanir’Déjanir’ plus belle que Lucresse
EnvoiaEnvoya à Hercul ? qui sur le mont pierreuspierreux
D’OetheOeta, sacrifiant, devotdévot, ausaux hautains DieusDieux,
Et de ses aieusaïeux morsmorts sur les funèbres tombes,
Pour appaiserapaiser les DieusDieux brulantbrûlant les Hecatombeshécatombes :
1325Là devint tout hideushideux dans ses densdents grommelant,
D’une horrible fureur dans ses os bouillonnant,
Puis poussé, ô pitié, de sa fureur recenterécente,
Se lança furieusfurieux dans la Pyre flammante.
LE SOPHE
Moustapha qu’est-ceci ? Quel soingsoin triste-rong’ardrongeard,
1330Quel dueildeuil dedans ton sein te rend ainsi song’ardsongeard ?
Mais encor Moustapha quelle aigreur gaimentable,
Quel encombre futur, ou douleur larmoiablelarmoyable,
Quelle peur, quell’ blemeurblêmeur, ou remorsremords palissantpâlissant,
Tous tes os et tes nerfs te viendvient affoiblissantaffaiblissant ?
1335Mais encor Moustapha quoi le hibou sénétre 99
Hulant s’est -il venu à tes yeusyeux aparoitreapparaitre ?
Le nuistnuit-chantant hibou vers le cypréscyprès ploreuspleureux
Dis -moi s’est -il venu aparoirapparoir 100 à tes yeusyeux ?
MOUSTAPHA
Sophe si tu scavoissavais que fortune mutine,
1340Ennemie de moi contre moi achemine :
Si tu scavoissavais hélas le dueildeuil époinsonnantépoinçonnant,
--- 54 ---
Que s’en va contre moi le sort acheminant,
Oui oui si tu scavoissavais las-que les destinées
Contre le cours fatal de mes verdesvertes années
1345Ont brassé, pour moi or’ sillécillé du noir bandeau
M’enserrer jeunement dans l’oublieusoublieux tombeau :
À mon seul raconter s’roits’rait d’une morne crainte,
D’une pallepâle blémeurblêmeur ta face toute paintepeinte,
Oui Sophe l’on voirroitverrait de crainte trembloter
1350Tout ton coeur, tes genousgenoux, à mon seul raconter.
LE SOPHE
Mais encor Moustapha quelle déconvenue
T’est à mauvais oiseausoiseaux si soudain advenue ?
MOUSTAPHA
Las Sophe c’est SoltanSultan le puissant, et treshauttrès haut
Qui devers sa hauteur, hatifhâtif par son heraudhéraut
1355Me commande d’aller.
LE SOLPHESOPHE
QuoyQuoi n’has as-tu autre crainte ?
Est-ce cela l’objectobjet de ta ploreusepleureuse plainte ?
Est-ce là le méchef qui tant te fait gemirgémir ?
Qui tant te fait douloir 101 et ta face ablémirablêmir ?
MOUSTAPHA
» A’Ah Sophe bien souvent souzsous les fleurs verdissentesverdissantes
1360» TraitrementTraîtrement à l’écoutécout’ souzsous les herbes flairantes
» Le serpent se tient coycoi : bien souvent le jarfautgerfaut
» Coiment estantétant branché sur le rameau plus haulthaut
» Du pinier, faindfeint son chant et d’une voisvoix femelle
» Trompeur va decevantdécevant la véveveuve tourtourelletourterelle.
--- 55 ---
LE SOPHE
1365QuoyQuoi, Moustapha ta l’ont’a-t-on quelque encombre brassé ?
T’ha l’onT’a-t-on quelque mechefméchef ou embuscheembûche dressé ?
MOUSTAPHA
Helas-Hélas Sophe c’est Rose ores qui me pourchasse,
L’haineuse défaveur, et mortelle dégracedisgrâce
Du SoltanSultan : vilement me voulant déranger
1370Du haulthaut rang où je siedzsieds, me voulant étranger
LoingLoin fuitif de SoltanSultan, et de sa courtcour RoialleRoyale,
De son sceptre gemmeusgemmeux, et salle émperialleimpériale.
LE SOPHE
Eh Moustapha c’est Rose ?
MOUSTAPHA
Oui c’est Rose, et m’en croicrois,
Car Sophe dans mon sein sagement je prevoiprévois,
1375Le fiel, la simulté, et la haine blémieblêmie,
Ce front tout refroignérenfrogné, cétecette face ennemie,
Oui Sophe j’avant-voivois la rong’anterongeante rancoeur
Qu’elle me va gardant traitrementtraîtrement dans son coeur,
Et au creuscreux de ses os : qui tout m’est pour augure
1380Qu’ell’ me va trahissant (Si les DieusDieux d’aventure
» Oui les DieusDieux sciemment sondeurs du coeur humain,
Encontre ses efforsefforts ne me tiennent la main)
SoutenensSoutenant mon parti, pour rendre toutes vaines
Sans dommagabledommageable effet ses emprises mal-saines :
1385Oui Sophe pour issir 102 du perilleuspérilleux danger
Auquel Rose et Rustan s’efforcent me ranger,
Auquel ce faux Rustan, ains 103 plus-tostplutôt cétecette Rose
--- 56 ---
Audacieusement me ranger se propose.
Et puis Achmat BaschaPacha advertiaverti m’ha ila-t-il pas
1390De cétecette trahison, de ce mortel trépas ?
Coiment me decouvrantdécouvrant le desceingdessein et emprise 104
Que Rose contre moi avoitavait jajà entreprinseentreprise ?
LE SOPHE
Fuis donc fuis Moustapha, effuis isnellement 105
Le dur coeur de SoltanSultan, de furie écumentécumant,
1395» Effuis l’ire 106 d’un Roi. Car un Roi en son ire
» Fait dont puis s’en repent 107 maintzmaints peuples déconfire.
» Effuis donc car ceus ceux-là s’exposent au danger
» Fol’ment, dont s’en pouvointpouvaient seurementsûrement étranger
MOUSTAPHA
Comment Sophe comment dis -tu pas j’effuie
1400Du SoltanSultan SolymamSoliman la grisante furie ?
Las -Sophe Sophe ai-je mépris ? comment ai-je méfetméfait ?
En quoyquoi ai-je commis execrableexécrable forfetforfait ?
Ai-je trahi SoltanSultan ? luylui ai-je fait grevance ?
Ai-je vers luylui mépris dont vers son excellence
1405Or’ je ne peussepusse aller ? J’y vavais j’y vavais hatifhâtif,
Oui Sophe j’y accours pour scavoirsavoir le motif,
Oui vraiment pour scavoirsavoir dont mon humble presenceprésence,
Sans l’avoir deservidesservi 108 lui vient à déplaisance.
LE SOPHE
» Moustaph’ assésassez tosttôt viendvient qui cherche son danger
1410» De soi méme-même hatifhâtif sans s’y vouloir ranger.
MOUSTAPHA
» Sophe nul ne peut par fuitives detorsesdétorses
--- 57 ---
» Du propheteprophète destin les ingainnables forces.
LE SOPHE
» Moustapha tel s’en va dans le Scylle jéterjeter
» Qu’il pouvoitpouvait à seur’tésûr’té sagement eviteréviter.
MOUSTAPHA
1415» Tel cuidoitcuidait 109 éviter les naus-froissantes ondes
» Du Carybd’ folementfollement qui dans les plus profondes
» Du Scylle s’est noiénoyé.
LE SOPHE
Las Moustapha comment ?
Veus Veux-tu à ton danger opiniatrementopiniâtrement
Aller voir le SoltanSultan ? veus veux-tu opiniatreopiniâtre
1420Agacer les Crabrons ? harcellerharceler le désatredésastre ?
Le desatredésastre felonfélon tout d’ire dépitant,
TraitrementTraîtrement pas à pas qui te va aguetantaguettant,
IreusIreux accompagné des trois Parques Orcales
Pour te trancher le fil de tes aures vitales ?
MOUSTAPHA
1425» AAh Sophe mais encor mais qu’est -ce qu’un mourir
» Sinon chez les aucuns un perennelpérennel dormir
» Quant à ce corscorps terreusterreux : la toute immortelle ameâme
» Isnel’ se separantséparant de cétecette inféteinfecte lame ?
» Sophe quand Aquilon haa des arbres tétustêtus
1430» Les bourg’onsbourgeons et les fruisfruits les feuilles abatusabattus,
» Soudain le re-nouveau va les autres bocages
» Là aupresauprès revétirrevêtir de verdissansverdissants feuillages,
» Ainsi est-il de nous : car quand les sorssorts fatausfataux
» En vont deusdeux centcents privant des soufflements vitausvitaux,
--- 58 ---
1435À foison tout soudain nature en produit mille,
Ne voulant delaisserdélaisser cétecette terre inutile.
Donc Sophe d’une mort me veus veux-tu acraintir 110 ?
Sophe couardement me veus veux-tu divertir
D’aller vers le SoltanSultan ? Non non la mort cruelle,
1440N’est riensrien à l’homme fort puisque l’ameâme immortelle,
(EstantÉtant par sort fatal et destinezdestinés efforsefforts
Issue à ses souhéssouhaits des prisons de ce corscorps
Le delaissantdélaissant tout mort ne cherchant que son étreêtre
Le terreusterreux elementélément) s’en va trop plus adétreadextre
1445Cherchant le firmament d’un pied leger-éléléger-ailé
S’arranger au pourpris du contour étoilléétoilé.
LE SOPHE
Moustapha il-est vrai (si or’ la connoissanceconnaissance
Si les recoins préceps de la sainte science
Du sacré Alcoran 111 ne me vont decevantdécevant)
1450» Que l’impiteuse mort n’est qu’un séparement 112
» De l’ameâme et de ce corscorps, par Physique substance
» DerivantDérivant de son nom sans specialespéciale essence.
ToutesfoisToutefois nous avons si bien j’en suis recors
En nos livres SacrezSacrés trois especesespèces de morsmorts
1455(Suivant du StoîcienStoïcien la raison Physicale)
ScavoirSavoir la violent’ naturelenaturelle et fatale.
Ores donc respondréponds-moi, respondréponds-moi Moustapha ?
Ores didis-moi comment nomm’rons rons-nous celle -là
Hui 113 donc tu veusveux mourir ? Sinon un’ mort outrée,
1460Une mort sans espoir damnable et desperéedespérée :
Toi cuidant 114 par icelle 115 , et par un fol despoir 116
--- 59 ---
En la voie laictéelactée heureusement te soirseoir,
Cuides-tu 117 qu’Hegesi’Hégési’ CleombroteCléombrote, ou CleanteCléante,
Le despéré 118 MetrocleMétrocle, Empedocl’Empédocl’ d’Agrigente,
1465Pour avoir de leur sang empourpré les autels,
Eus-mémesEux-mêmes se vouansvouant sointsoient plus-tostplus tôt immortels ?
Effuis donc Moustapha, Moustapha effuis l’ire
Du SoltanSultan SolymanSoliman qui te veut déconfire,
» Effuis dontdonc, Car ceus ceux-là s’exposent au danger
1470» Fol’ment dont s’en peuvointpouvaient surementsûrement étranger.
MOUSTAPHA
Comment Sophe veus veux-tu veus veux-tu que je m’étrange
Du SoltanSultan SolymanSoliman à ma grand’ mélouange
À ma honte, et mépris, sans vers lui acouriraccourir,
Sans aller devers lui ? plus-tostplutôt plus-tostplutôt mourir
1475Que les severessévères lois et les statusstatuts enfraindreenfreindre,
De celluicelui que je dois cherirchérir, aimer, et craindre,
De celluicelui que je dois com’ mon Roi bien-heurer,
Et sur tous les vivansvivants humblement honorer :
Plus-tostPlutôt Sophe mourir que par mon arrogance,
1480J’encoure le danger de desobeissancedésobéissance.
Mettant honteusement à dédain et mépris
Le sceptre tout-peuvantpouvant et triumphaltriomphal pourpris
De mon perepère SoltanSultan : las-helashélas- c’est mon perepère
Qui le premier m’a mis au terrestre repérerepaire
1485ApresAprès que Lucina m’eusteut désillédessillé les yeusyeux,
Pour contempler en haut l’ouvrage de ces cieuscieux,
Pour contempler en haut les huit temples celestescélestes
Dans iceusiceux 119 se mouvant les sept claires planetesplanètes.
--- 60 ---
Et puis ne sçais sais-tu pas qu’il est mon Prince et Roi,
1490À qui seul sans revolterévolte, et quereleusquerelleux déroi
» Il me faut obeirobéir ? Non non Sophe, les Princes
» Ne sont neznés avec nous en ces basses provinces,
» Ains 120 là -haut, saintement du ciel étansétant issus,
» Et du sang de JuppinJupin divinement conçus.
1495Lesquels tous il l’envoie en cestecette monarchie,
VaillansVaillants pour guerroierguerroyer la GygantomachieGigantomachie,
Et ceusceux qui d’un sourcil, et d’un front trop hardi,
Au mépris de leur Roi soutiennent leur parti.
Comme les arrogansarrogants, les superbes rebelles,
1500Des Rois les haushauts chasteauschâteaux, et fortes citadelles
Oui s’en vont eschellantéchelant, coiémentcoiment d’un pied isnel 121 ,
Comme quand NembrotheNemrod construisit son Babel,
Oui son Babel confus à la superbe cime,
Cuidant par icelui 122 effuir le CataclymeCataclysme,
1505Et coiment eschellerécheller par l’auteurhauteur de sa tour
Du grand Dieu haut-tonanttonnant le celestecéleste contour.
Donc’Donc je serai hautain ? Et par trop fierefière outrance
Je n’irai à SoltanSultan porter l’obeissanceobéissance,
Dont nature vers lui m’oblige étroitement ?
1510Donc Sophe je n’irai vers lui hativementhâtivement,
Sans pour-penser quel mal la fortune mutine,
Ennemie de moi pas à pas m’achemine ?
J’y vasvais, j’y cours hatifhâtif, c’est or’ qu’il sera sceusu,
Ce que de mal le Sort contre moi a conceuconçu,
LE CHOEUR
1515OÔ ferreuse et Plutonique ageâge,
--- 61 ---
De tout heur qui nous as privés
Et larronementlarronnement tous vévésveuvés 123
Du saint-sacré droit d’hotelagehôtelage.
» Trois fois l’ameâme heurée
1520» Qui sa foi murée
» Tient dans soi coiment :
» À homm’ qui peut estreêtre
» Sans oncq’ la sous-mettresoumettre
» Trop legerementlégèrement.
1525» Nos perespères heureusheureux, et louables
» Ont tous-jourstoujours gardé le moienmoyen,
» Et l’égal centre moitoienmitoyen
» Des vertus pures, et aimables,
» Car la vertu sainte
1530» De deusdeux parsparts enceinte
» Est de trop et moins :
» Dans son centre libre
» Faisant l’equilibreéquilibre
» De ces deusdeux recoins.
1535» Ainsi la constante fiance,
» Entre un sauvage défier,
» Et un trop legierléger confier
» À leur contre-poispoids se balance :
» Cil qui se defiedéfie
1540» Ou qui trop se fie
--- 62 ---
» Est tous-jourstoujours deçeudéçu,
» L’infalibleinfaillible sente
» De la foi constante
» Comme n’ayant sceusu.
1545Les Lares or’ sont mis arrierearrière,
Oui ores est mismise à mépris,
La viellevieille foi ausaux cheveuscheveux gris
Et la tessere hoteleriehôtellerie,
Sous les toicstoits terrestres
1550 Plus n’iay a d’Orestes
Plus n’iay a de foi :
Au lac d’oubliance
La sainte fiance
Est mise à recoi.
1555PleutPlût ausaux DieusDieux, sans facherfâcher leurs ires
Qu’ici -bas entre les humains,
Qu’en la grenade sont de grains
Naquissent autant de Zopires.
Dans le Capitole
1560 Au faisfaix d’un Mausole
Enrichi d’or fin,
La foi toute prise
D’ésse s’roits’rait assise
AupresAuprès de JuppinJupin.
1565Soit maudit ce traitretraître adultereadultère
--- 63 ---
Ce beau juge filzfils de Priam,
Qui entre lui et Menelan 124
Rompit l’hotelierehôtelière TesséreTessère
Car oncq’ à la pléneplaine
1570Troi’Troie NeptuniénneNeptunienne
N’on eusteût égalé,
Sous un fausfaux visage
Les droisdroits d’hotelagehôtelage
S’il n’eúteût violé
1575Moustapha effuis effuis l’ire,
Or’ effuis l’estomac ireusireux,
Effuis donc le glaive seigneussaigneux
Du SoltanSultan qui te veut occire :
Veus Veux-tu increduleincrédule
1580(Comme Marc ReguleRégule) 125
À c’ilcil 126 garder foi ?
Qui sous un fausfaux masque
Te baille la basque
Et se joue de toi ?
--- 64 ---
La ThrenodieThrénodie de deusdeux GeniesGénies de Moustapha
1585CompaigneCompagne ores vois -tu vers le climat du norhtnord
Du grand JuppinJupin le messager Teutate,
Qui d’un vol isnel et accort 127
À nous avoler se hatehâte,
Pour ausaux cieuscieux nous loger,
1590Et nous arranger,
AusAux classiques nombres
Des immortelles ombres
Sus donc issons 128 de ce corscorps
NostreNotre tresse estantétant chapelée
1595D’un verdvert laurier, tout pleiéplié et retors,
Pour nous en aller soirseoir en la voutevoûte étoilléeétoilée
ACTE V
MOUSTAPHA
OÔDeitéDéité, oô l’heure, oô le cielinciélin pourpris
Sous le voilvoil’ de Phoebé dont mes troubleztroublés esprisesprits
Ont estéété jouissansjouissants : OÔ ciel, oô fureurs saintes,
1600OÔ DemonsDémons nuit-vagansvagants, qui sous vos ide’sidées faintesfeintes
Des humains ici -bas faintementfeintement vous jouésjouez
--- 65 ---
Par l’obscur de la nuit de vos cris enroüésenroués
Sophe si tu scavoissavais les tentes azurées,
Les salles, les chasteauschâteaux, et celestescélestes contrées,
1605Les sceptres emperlezemperlés, les pourpris diaprés,
Les dous-bruyansdoux-bruyants ruisseausruisseaux d’arbriseausarbrisseaux entourés
Oui oui si tu scavoissavais les sourcilleuses villes
Que devers Heraclé’Héraclée bien loin outre les islesîles
Le grand dieu MahommetMahomet faintementfeintement m’a fait veoirvoir,
1610OÔ Sophe quel plaisir, quel celestecéleste manoir
Quel nectar doucereusdoucereux.
SOPHE
Quoi Moustapha Morphée
Ce mi-Dieu du sommeil, ou Thalie la fée
Sous le voilvoil’ de Phoebé froid obscur et ombreusombreux
FaintementFeintement se sont -ils apparus à tes yeux ?
MOUSTAPHA
1291615Sophe le Dieu Mahom sous la riche cortine,
Et sous le voilvoile ombreusombreux de la Lune argentine
À mes yeux sommeillanssommeillants s’est venu apparoir 130 ,
D’un pourpre étant vétuvêtu (me sembloitsemblait -il à veoirvoir)
Au -dessous richement entourné de fimbries,
1620Semé éparsement de riches pierreries,
AiantAyant son scavantavant front tout en rond chapelléchapelé
D’un tyaretiare gemmeusgemmeux richement emperlé,
Et ses deusdeux mains, son front, et ses robbesrobes enceintes
Religieusement de cartes toutes peintes.
1625Lors avec un sous-rissouris sa détredextre 131 me tendit
À l’ivoire semblant, et bassement me dit :
--- 66 ---
"Or sus, sus Moustapha, ores s’aprocheapproche l’heure
Que je te doidois monstrermontrer la celestecéleste demeure
De tes ayeusaïeux heurezheurés ". À peine il avoitavait dit,
1630Que soudain la lueur de ses yeusyeux m’ébrandit,
Tenant coiment mes yeusyeux et ma face éblouie
EmerveillablementÉmerveillablement pour voir chose inouieinouïe:
Lors mon coeur, et mes yeusyeux, et mes flansflancs épeurezépeurés
Se étansS’étant de ce phantasmefantasme un peu plus asseurezassurés,
1635Soudain ce Dieu Mahom (lors ainsi qu’il m’abuse)
À gransgrand’s courses me rend dans l’antre d’AcheruseAchéruse :
Où me dit :" Or’ voicyvoici le manoir t’attendant,
Duquel le chemin va en deux parsparts se fendant :
À détredextre est le sentier qui les heroeshéroes 132 mène,
1640Vers les chamschamps HelysésÉlysé’s à l’implacable regnerègne
Du gendre de CeresCérès : À la senétresénestre main
Vers le fleuve Cocyte est l’adresse, et chemin
D’aller devers CerbereCerbère, ausaux stygieuses mares,
AusAux fleuves les plus creuscreux des horribles Tartares ":
1645Lors quand je fus entré dedans cestcet Antre noir,
Mahom me conduisant vérsvers le riche manoir
De Pluton, là je vivis (ainsi que je m’approche
Du fétefaîte my-panchantmi-penchant d’une sénetresénestre roche)
Au -dessous contreval joignant les flancs pierreuspierreux
1650De cestcet aspreâpre rocher, des chasteauxchâteaux sourcilleussourcilleux,
Des bastillons, des tours, des villes, et contrées
Fortement tour entour triplement emmurées
De murs que le Phleget’Phlégèt’ au gousiergosier aboiantaboyant,
De ses vagues sens’en va tout autour costoiantcôtoyant,
--- 67 ---
1655Lançant dépitement des grand’s flammes ardentes,
Des foudres, des éclerséclairs, et des roches sonantessonnantes.
Donc ainsi que Mahon plus avant j’euseu suyvisuivi,
À costécôté du PhlegetPhlégèt’ là tout soudain je vivis,
Vers la senétresénestre main, une hautaine porte,
1660Soutenu’ des deusdeux bousbouts d’une colomnecolonne forte
De vingt pieds de hauteur, et faite fortement
D’un perennelpérennel aimant.
Vis -à -vis laquelle est hautainement assise,
Une grand’ tour de fer sussur une roche bise,
1665LuyLui allansallant à grands flotzflots deusdeux grands fleuves soufflanssoufflant
RoiddementRoidement coup à coup contrehurtercontre-heurter les flansflancs :
LáLà est sous le portail ThisiphoneTisiphone veillhanteveillante
Vétu’Vêtue felonnementfélonnement de sa robe sanglante,
Gardant cestecette grandgrand’ tour : là j’écoutoiécoutai les cris,
1670Les plaintes, les regretzregrets des damnables esprisesprits,
Le cliquet des fouetzfouets, et des lames noisives,
Oyant trainertraîner des fers, et des chaineschaînes massives :
Craintif, et épeuréapeuré, je m’arrettearrête tout coi,
Et soudain à Mahon je demande pourquoi,
1675Et pour quels grands méchefs, et horribles encombres,
ÉtointÉtaient ainsi g’annésgênés ces misérables ombres. 133
Lors me dit, : "Moustapha, à nul chaste vivant,
Dans ce fort n’est permis d’y entrer plus avant :
Tous ces lieuslieux sont sous-missoumis sous la détredextre 134 puissante
1680D’EaqueÉaque, de Minos, et du Roi Rhadamante,
Qui chastientchâtient les dols, et meurdresmeurtres des bannis,
Ne laissanslaissant aucuns mausmaux, neni forfaisforfaits impunis.
--- 68 ---
Là aussi ThisiphonTisiphon’ de ses foüetzfouets damnables,
Va bourrelant le corscorps des meschansméchants et coupables,
1685Leur faisant tout meurdrirmeurtrir, et bequeterbecqueter le corscorps,
AusAux serpensserpents tortueustortueux et coleuvrescouleuvres retors,
Là acourentaccourent soudain ces deusdeux soeurs grommelantes,
Pour emoilerémoeller encor de leurs mains furiantes
Ces malheurés esprisesprits, de courages mutins
1690FelonnesFélonnes leur allant ronger leurleurs intestins,
Et leurs coeurs, et leurleurs flansflancs : VoiVois-tu là à la porte
Quel’s faces, quels esprisesprits, quell’ monstreuse cohorte
Pour gardés il y a ? là -dedans sont g’annésgênés
EmoilésÉmoellés, et meurdrismeurtris, les géansgéants terre-nés
1695Pour avoir eschellééchellé la demeure étoilléeétoilée
Des hautains DieusDieux: lesquels en l’ardanteardente valéevallée
De Phlægre JuppiterJupiter, de son bras foudroiantfoudroyant
TousTout froissés les lança dans l’Averne aboiantaboyant.
Là sont les noirs esprisesprits, et les ombres dépites
1700De TantalTantal’, d’Ixion, des Centaures Lapithes,
Et des princes tyrans ? là sont par ordre mis,
Les avares vueillansveillants, les frères ennemis,
Là aussi sont meurdrismeurtris, et g’annésgênés les tu’perestu’-pères 135 ,
Les seigneussaigneux meurdriersmeurtriers, et sales adulteresadultères. "
1705À peine il avoitavait dit, qu’ainsi me traversant,
Par les obscurs détroisdétroits de l’Orque engloutissant :
Je me treuvetrouve conduit ausaux heureuses contrées,
AusAux manoirs fortunés, et foretzforêts planturées
De flairantes couleurs, et arbreausarbreaux verdissansverdissants,
1710D’orengersorangers, de sapins, et lauriers florissansflorissants,
--- 69 ---
Où là prodiguement l’Aurore colorée,
Va vetissantvêtissant les chamschamps d’une lueur pourprée,
Puis au clin de Titan des astres le contour,
AcompaigneAccompagne Phoebé quand elle fait son tour.
1715L’un est là dans ses chamschamps accort qui s’exercite 136 ,
À courir, à sauter, les autres à la luitte 137 ,
Et les autres en coeurchoeur par mainsmaints accorsaccords divers,
ArmonieusementHarmonieusement vont chantant de beausbeaux vers :
Les aucuns plus oisifs se vont mirer ausaux ondes,
1720AusAux ruisseausruisseaux argentins des fontaines profondes :
Les autres plus joieusjoyeux sur leurs Cistres jasarsjasards,
De leurs lonslongs étendus sous les ombreusombreux feuillarsfeuillards
Des arbrisseausarbrisseaux branchus, tous en communs Synodes,
Vont des hymnes chantanschantant, et des divines odes.
1725Les autres au refrain des Pindariques vers,
Vont dençantdansant ore à droitdroit’, et ores à l’envers.
Tout le premier de tous là pour leur CoriphéeCoryphée,
Sied sussur un verdvert gazon le dous-sonantdoux-sonnant Orphée,
Qui du son de son Luth au mouvoir de ses doisdoigts,
1730Se fait suivre ausaux rochers et oreillheoreille les bois.
Là sont les Heroés 138 , et les illustres Princes,
Qui en paix, et justice ont regirégi leurs provinces :
Là sont ceusceux qui n’ont craindcraint cruellement mourir,
Pour leur terroir natal fortement secourir.
1735Et ceusceux qui chastement ont vécu cétecette vie
Sans meurdresmeurtres, sans larcins, sans rancoeur, et envie.
LE SOPHE
OÔ Moustapha quel songe, oô quel presageprésage hideushideux
--- 70 ---
Qui s’est ainsi venu apparoir 139 à tes yeusyeux ?
MOUSTAPHA
Comment Sophe le ciel, ou fortune maratremarâtre
1740Brasse elle 140 contre moi quelque impiteusimpiteux desátredésastre ?
LE SOPHE
A’Ah Moustapha effuis, fuis la meurdrieremeurtrière main,
Effuis le coeur felonfélon du SoltanSultan inhumain,
Ores doncqdonc Moustapha, Moustapha effuis l’ire
De ton perepère SoltanSultan qui te veut déconfire,
1745EvitesÉvite donc l’émoi, et le mal accablant,
Qui va si n’iy prevoisprévois sur le chef te tombant,
Effuis doncq’donc Moustapha, car ce songe est indice,
Et presageprésage futur de quelque maleficemaléfice.
MOUSTAPHA
Quoi Sophe que j’effui’, pourquoi ai-je forfetforfait ?
1750En quoi ai-je mépris ? Las Sophe qu’ai-je fetfait ?
À mon perepère SoltanSultan, dont faut que je déplace
Ainsi couardement de l’objet de sa face ?
Las Sophe me veus veux-tu acraintir 141 vainement
Sans l’objet d’aucun mal, et damnable tourment
1755» Dont je soi’sois poursuivi ? Non non Sophe les songes
» Ne sont à mon endroit que frivoles mensonges.
LE SOPHE
» Las Moustapha tel va quelque méchef songer
» À senétressénestres oiseausoiseaux où puis sis’y viendvient ranger.
MOUSTAPHA
Mais or’ Sophe di dis-moi ? Mais seroitserait-il croiablecroyable,
1760Que pour avoir été taisible, humble et traitable
--- 71 ---
À mon PerePère SoltanSultan, et m’étreêtre à lui sous-missoumis
Jamais oublieusement sans avoir riens omis
Du devoir que lui dois, qu’ores pour recompenserécompense,
Et pour tout prisprix loialloyal, je receussereçusse grevance ?
1765Non non j’y vavais, j’y cours, c’est-or’ qu’il faut tenter,
Ce qu’a voulu le sort contre moi attenter.
Mais que tardé-je tant ? Que nin’y voivais-je à gransgrand’s suites,
Pour connoitreconnaître soudain quell’s si grand’sgrandes poursuites
Le sort fait contre moi ?
LE SOPHE
OÔDeitéDéité, OÔDieusDieux,
1770DetournezDétournez ce danger dessus nos envieusenvieux,
DetournezDétournez ce mechefméchef que le desátredésastre brasse,
Encontre Moustapha et sa plus cherechère race :
Ses joies, ses plaisirs, las helashélas que je crains,
Qu’ils ne s’aillent chang’anschangeant en lamentables plainsplaints :
1775Voir’ premier que Phoebus ses las chevauschevaux ne baigne,
Au retour de Vesper dans le fleuve d’Espagne.
MOUSTAPHA
Mahon 142 vous garde tous, où est le grand SoltanSultan ?
LES EUNUCHESEUNUQUES
VoilaVoilà qu’il vous attanattend.
LE SOLTANSULTAN
Sus sus Muets, courez, volez, aigrissez vos courages,
1780Aiguisez vos glaives seigneussaigneux, vos furiantes rages,
Or sus occiez, meurdrissezmeurtrissez, ce traitretraître déloialdéloyal,
Hautain qui m’a voulu ravir mon sceptre emperialimpérial.
--- 72 ---
MOUSTAPHA
Las SoltanSultan sans offenceoffense
Me veusveux-tu faire outrance ?
SOLTANSULTAN
1785Or sus donques Muets Muets, or’ donques sus.
MOUSTAPHA
OÔmeurdremeurtre.
SOLTANSULTAN
Sans tarder que lonl’on lui coure sus.
Or’ il-est mort, Oui or’ il a receureçu la quétequête,
Et le gain du pourchas de sa belle conquéteconquête,
Or’ il-est mort le traitretraître, or je me voivois vangévengé
1790Du traitretraître déloialdéloyal qui m’avoitavait outragé,
Du traitretraître qui vouloitvoulait me meurdrirmeurtrir et occire,
Hautain pour s’emparer de mon superbe empire.
Sus sus Pages soudain, sus enlevez ce corscorps
Qu’on le jette dehors.
LA NÆNIE DU CHOEUR
1795OÔ fier destin, oô destinées
De Moustapha qui gistgît ici,
Pourquoi avez -vous accourci
Le tendre cours de ses années ?
HelasHélas Libentine impiteuse,
1800Pourquoi as -tu ainsi permis
Que son corscorps enervéénervé futfût mis
Au creuscreux de la tombe oublieuse ?
--- 73 ---
Charon nocher de l’Orque sombre,
HelasHélas-pourquoi as -tu receureçu,
1805Dans ton nef d’herbes tout moussu,
Sa divine et bien-heurée ombre ?
Qui vous mouvoitmouvait de vos mains sales,
Trancher, oô filles d’AcheronAchéron,
Ou plus-tostplutôt de DemogorgonDémogorgon,
1810Le fil de ses aures vitales ?
Moustapha pour tes hardiesses
Est-ce meritoireméritoire loierloyer,
Qu’ausaux chamschamps ElisésElysé’s t’envoierenvoyer
Te guerdonnant de tes prouesses ?
1815Si tu sieds ausaux foretsforêts flairantes
Ou si mieusmieux as aimé voler,
Tout là -haut au vuidevide de l’aerair
Avec les ombres voltig’antesvoltigeantes :
Pri’ JuppiterJupiter qu’un foudre il jette
1820Voire un tonnerre tout flammeusflammeux,
Et ardent dessus tes haineushaineux
Aigu, sifflant dessus leur tétetête.
SoltanSultan prensprends tes robes funebresfunèbres,
Effuis donques pour ton mal-heur
1825Du Soleil la claire lueur,
--- 74 ---
Recherchant les creuscreux des tenebresténèbres.
D’avoir hounihonni de ton sang mémemême
SoltanSultan es -tu bien inhumain,
Ton nom et ta meurdrîeremeurtrière main,
1830Ta coronnecouronne, et ton diadémediadème ?
Sus doncq’donc soeurs venez ici présprès
Entourner son corscorps de CyprésCyprès
Et de Lothe mielleuse,
Sus à coup le nectar versez
1835Et vos sains lauriers éparsez 143
Sur sa tombe oublieuse.
Fin de la TragedieTragédie.