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La Trésorière

par Jacques Grévin (1562)
  • Pré-édition
  • Transcription, Modernisation, Annotation et Encodage : Jérémy Sagnier
  • Relecture : Milène Mallevays


 
--- 46 ---

LA
TRÉSORIÈRETRESORIERE.
COMÉDIECOMEDIE PAR
JACQUESJAQUES GRÉVINGREVIN DE
Clermont-en-BeauvaisisCler-mont en Beauvaisis.

ENTREPARLEURS Loys, Gentilhomme. Richard, Serviteur. Le TrésorierTresorier. Marie, Fille de chambre de la TresoriereTrésorière. Le ProtonotaireProtenotaire. Boniface, Serviteur. Constante, TrésorièreTresoriere. Sulpice, Marchand. Thomas, Serviteur.

--- 47 ---

CETTECESTE COMÉDIECOMEDIE FUT FAICTE PAR LE COMMANDEMENT DU ROY HENRI II. POUR SERVIR AUX NOCESNOPCES DE MADAME CLAUDE DUCHESSE DE LORRAINE, MAIS POUR QUELQUES EMPÊCHEMENTSEMPESCHEMENS DIFFÉRÉEDIFFEREE ; : ET DEPUIS MISE EN JEU À PARIS AU COLLÈGECOLLEGE DE BEAUVAIS, APRÈSAPRES LA SATIRESATYRE QU’ON APPELLE COMMUNÉMENTCOMMUNEMENT LES VEAUX, LE 5V. DE FÉVRIERFEVRIER, 1558M. D. LVIII.

AVANT-JEU.

Non, ce n’est pas de nous qu’il fautfault

Pour accomplir cetcest échafaudeschaffault,

Attendre les farces prisées

Qu’on a toujourstousjours moralisées. :

5Car ce n’est notrenostre intention

De mêlermesler la religion

Dans le sujetsubject des choses feintesfeinctes.

Aussi jamais les lettres saintesSainctes

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Ne furent données de Dieu,

10Pour en faire aprèsapres quelque jeu.

Et puis tout’ ces farces badines

Me semblent êtreestre trop indignes

Pour êtreestre mises au devant

Des yeux d’un homme plus savantsçavant.

15CeluiCeluy donc qui voudravouldra complaire

Tant seulement au populaire,

CeluiCeluy choisira les erreurs

Des plus ignorantsignorans bâteleursbasteleurs. :

Il introduira la Nature,

20Le Genre HumainGenre-humain, l’Agriculture,

Un Tout, un Rien, et un ChacunChascun,

Le Faux ParlerFaux-parler, le Bruit CommunBruict-commun,

Et telles choses qu’ignorance

Jadis mêlamesla parmi la France.

25Que pourrons nous donc inventer

AfinÀ fin de chacunchascun contenter ?

QuoiQuoy ? le badinage inutile

Par qui quelquefois Martin-Ville

Se fitfeit écouterescouter de son temps ?

30QuoiQuoy ? demandez vous ces romansRomans

Jouer d’une aussi sotte grâcegrace,

Que sotte est cetteceste populace

De qui tous seuls ils sont prisésprisez, ?

Vous êtesestes bien mieux avisésavisez,

35Comme je croiscroy : votrevostre présencepresence

--- 49 ---

MériteMerite avoir la jouissance

D’un discours qui soit mieux limé. :

Aussi avons-nous estimé,

Que la gentille PoésiePoësie

40VeutVeult une matièrematiere choisie

Digne d’êtreestre mise aux écritsescrits,

De ceux qui ont meilleurs esprits. :

Et non pour êtreestre ainsi souillée,

Ou en mille partspars détailléedetaillée

45Par ceux qui encor’ ne l’ont pas

Saluée du premier pas, :

Et qui pensent malgré Minerve

La retenir ainsi que serve,

Ou dans l’écolel’escole la lier

50Ainsi qu’un petit écolierescolier.

Non, non, ce n’est pas sa nature

Qu’elle s’en voise à l’aventureavanture

Vers celuiceluy qui la veutveult avoir.

Il fautfault premièrementpremierement savoirsçavoir

55Petit à petitPetit-à-petit sa pensée :

Car ell’ ne veutveult êtreestre forcée,

NiNy traitéetraictée, comme souvent

Nous l’avons vueveue auparavantau paravant

Au joug d’une plume marâtremarastre.

60N’attendez donc en ce théâtreTheatre

NiNe farce nine moralité, :

Mais seulement l’Antiquitéantiquite,

--- 50 ---

Qui d’une face plus hardie

Se représenterepresente en comédieComedie. :

65Car onc je ne pourraipourroy penser,

Qu’aucun se voulut courroucer

Encontre nous, si pour mieux faire

Nous voulons aux doctes complaire.

Or sachezsçachez qu’en tout ce discours

70Nous représentonsrepresentons les amours

Et la finesse coutumièrecoustumiere

D’une gentille TrésorièreTresoriere,

Dont le métiermestier est découvertdescouvert

Non loinloing de la place Maubert.

75VraiVray est que le ProtonotaireProtenotaire,

Principal de tout’ cetteceste affaire,

Est de notrenostre université.

Mais j’aij’ay un peu trop arrêtéarresté,

Il vautvault mieux avec le silence

80Vous en donner la jouissance.

--- 51 ---

ACTE PREMIER

SCÈNESCENE I.

Loys, Richard.

[Loys]

Eh bienEt bien Richard, quelle nouvelle

Apportes-tu de ma cruelleCruelle ?

VeutVeult-elle doncque êtreestre toujourstousjours

Ainsi peureusepaoureuse en ses amours ?

Richard.

85Monsieur, je croiscroy que la pauvrette

Sans aucun repos vous souhaitesouhaitte

Entre ses bras ; , voulez vous vo’mieux ?

Loys.

Je pense moimoy que tous les dieuxDieux

Prennent plaisir en mon martyremartire. :

90Incessamment mon mal empire,

Sans toutefoistoutesfois avoir cetcest heur

D’apaiserappaiser mon amour vainqueur.

Richard.

Non non, monsieur, j’aiay espéranceesperance

Que vous en aurez joüissance

95En peu de temps. : Laissez-moi moy faire,

C’est mon office, dont j’espèreespere

En faire si bien mon devoir.

Loys.

OuiOuy, mais toujourstousjours le vain espoir

Trompe ma trop grande constance

100Au milieu de mon impuissance.

Richard.

VraimentVrayment une telle beauté

A bien un amant méritémerité. :

--- 52 ---

Et d’autant qu’êtesestes languissant,

D’autant quand serez joüissant

105Le plaisir sera désirabledesirable.

Loys.

Mais toujourstousjours pauvre misérablemiserable

Le jour je me mourraimourray cent fois

Pour son amour, et toutefoistoutesfois

DéjàDesja je prévoisprevoy que l’issueyssue

110Sera de quelque maigre vueveue.

Cela ne vient point que ma race

Ne fûtfust digne d’avoir la grâcegrace

D’une dame de plus hauthault lieu. :

C’est, c’est bien plutôtplustost quelque dieu

115Qui me cachaitcachoit dedans son sein

L’impuissance de mon dessein.

Richard.

Monsieur, je me tiendraistiendrois heureux

De mourir étantestant amoureux

D’une si parfaiteparfaicte beauté.

Loys.

120Richard, Richard, la cruauté

De cetcest archerotArcherot qui me domptedomte

Selon son fier désirdesir, surmonte

L’extrêmeextreme douleur de la mort.

Richard.

Nous sommes en cela d’accord. :

125Mais à cetteceste longue espéranceesperance

Opposez votrevostre joüissance.

Loys.

Encore, Richard, je t’assureasseure

Que tout le malheur que j’endure

--- 53 ---

N’est rien, si tu peux faire tant

130Qu’en la parfin je sois content

Richard.

Ce n’est pas moimoy qu’il fautfault prier :

Il ne tient qu’à ce TrésorierTresorier.

Loys.

Le mari est-il avertiadverti ?

Richard.

Non non, mais il n’est pas parti

135Ainsi qu’elle pensaitpensoit.

Loys.

Comment ?

Richard.

Pour s’en aller faire un payment

En Languedoc. LuiLuy délogédeslogé,

VotreVostre malheur sera changé

En un perdurable plaisir :

140Car alors vous aurez loisir

De recouvrer le temps perdu.

Si avez longtempslong temps attendu,

Reprenez hardiment courage.

Loys.

Ha Richard, pourquoipourquoy davantage

145As-tu celé mon doux repos ?

Richard.

Il ne venaitvenoit pas à propos :

Encore votrevostre joiejoye augmente

De plus en plus par cetteceste attente.

Et si je m’en rapporte à vous,

150Si vous ne trouvez pas plus doux

Le plaisir, par le tardement,

--- 54 ---

Que n’eussiez au commencement.

Loys.

VraimentVrayment Richard, pour ton devoir

Tu méritesmerites de recevoir

155D’un plus grand seigneur le loyer.

Richard.

Monsieur, il ne fautfault qu’employer

Richard, quand il est question

De conduire une faction :

« Aussi le serviteur doit faire,

160« Pour à son bon maîtremaistre complaire,

« Le devoir comme il appartient

« Jusques à la mort, s’il convient

« L’endurer pour l’amour de luiluy.

Loys.

Mais disdy, Richard, est-ce aujourd’huiaujourd'huy

165Que notrenostre TrésorierTresorier se part ?

Richard.

Penseriez-vous bien que Richard

Vous le dîtdist s’il n’étaitestoit ainsi ?

Vie, mettez moimoy tout souci

Sous le pied.

Loys.

Mais ce TrésorierTresorier

170Me doit encore mon quartier :

Il fautfault que tu sois diligent

De recouvrer tout cetcest argent

Avant qu’il parte : et qui plus est

Je luiluy payray son intérêtinterest,

175S’il veutveult faire du rigoureux :

Car à ces braves glorieux

--- 55 ---

Il fautfault quitter une moitié

Pour avoir l’autre.

Richard.

L’amitié

VautVault bien cela, c’est pour l’usage

180De son ennuyeux cocuagecoquage.

Loys.

Va-t’en vers luiluy, voilàvoyla quittance :

Que s’il veutveult faire quelque avance,

Promets luiluy le vin hardiment.

Richard.

Je m’y en vaisvay,

Loys.

Pareillement

185FaisFay les recommandations

De mes journelles passions,

À ma demoiselledamoiselle et maîtressemaistresse :

Que si de ma longue détressedestresse

Elle aha quelque compassion,

190Qu’ell’ me donne assignation

Pour par un doux contentement

Mettre la fin à mon tourmenttorment.

Richard.

Mon maîtremaistre aha bien ce qu’il luiluy fautfault,

Encore qu’il ait le cœurcueur hault,

195Et qu’il ne veuille êtreestre domptédomté,

Si est-ce qu’il est surmonté

Par une femme aussi commune

Que les divers cours de la luneLune.

Elle peutpeult tant envers mon maîtremaistre,

200Que par babil ell’ l’a faitfaict êtreestre

--- 56 ---

Un parangon de pauvreté :

Et sous l’ombre d’une beauté,

Qu’elle vend plus cher qu’au marché,

Elle luiluy a ja arraché

205Les biens, l’honneur, et les amis :

C’est une mer, où il a mis

Mille trésorstresors qu’elle dévoredevore,

Sans les regorger : et encore

Qu’il luiluy donne tant qu’il voudravouldra,

210De rien plus il n’en adviendra.

À mon maîtremaistre qu’elle déçoitdeçoit,

NiNy à elle qui le reçoit.

Et cependantce pendant, mille langueurs,

Et milles amoureaux vainqueurs

215TourmentantTormentans son cœurcueur attisé́attizé.

Je pensaispensoy qu’il fûtfust plus rusé́ruzé,

VuVeu qu’il a tant hanté les armes,

Les courtisanscourtizans et les gens d’armesgensdarmes :

Mais les plus fins y sont trompéstrompez,

220Et les plus légerslegers attrapésattrapez,

Tant seulement sous l’apparenceapparance

D’une légèrelegere jouissance.

Encore si pour sa beauté

Elle valaitvaloit le décrottédecroté,

225Je diraisdirois : mais quoiquoy ? seulement

La façon de l’habillement

VautVault autant que la bague entièreentiere.

Eh bienEt bien, c’est une TrésorièreTresoriere,

Laquelle par son doux parler

230SaitSçait bien un bomme emmielleremmieler.

Mais par ma foifoy j’estime autant

--- 57 ---

Ma Marion, et suis content

Encore plus de mes amours

Que non pas luiluy de son velours,

235Sans qu’il me la faille prier.

Mais n’est-ce pas mon TrésorierTresorier

Que je voisvoy venir droitdroictmoimoy ?

SCÈNESCENE II.

LE TRÉSORIERTRESORIER, RICHARD.

[LE TRÉSORIERTRESORIER]

Puisque c’est l’affaire du RoiRoy

Je ne diffèrediffere m’absenter,

240AfinÀ fin d’un chacunchascun contenter :

Le gain récompenserecompense le mal.

Qu’on fasseface seller mon cheval.

Richard.

Tant mieux, il est prêtprest de partir,

La dame pourra départirdepartir

245La jouissance de son corps,

Puisque monsieur s’en va dehors.

Le Tresorier.

Encor’ aiay-je quelque douleur

De laisser ma femme en sa fleur :

Car, las ! cetteceste tendre jeunesse

250Ne pourra porter la détressedestresse

De mon absence : et puis ces gens

Qui sont soigneux et diligentsdiligens

À tromper une creature,

Qui sera simple de nature.

255VraiVray, que je tienstien tant de ma femme,

Qu’avant me faire un cas infame

PlutôtPlustost endureraitendureroit la mort.

--- 58 ---

Richard

HélasHelas, jamais ne luiluy fitfeit tort,

Elle est de bonne parenté.

Le Tresorier.

260Pensez qu’un homme est tourmentetormente,

Depuis qu’il luiluy convient souvent

Aller à la pluiepluye et au vent,

DélaissantDelaissant avec le ménagemesnage

La femme en la fleur de son âgeaage.

Richard

265Le cœurcueur luy fautfault, la conscience

LuiLuy fait connaîtrecognoistre son offense.

Le Tresorier.

Il ne m’est rien plus agréableaggreable

Qu’avec ma femme désirabledesirable

Jouir du bien que Dieu me donne.

270Mais quoiquoy ? la pratiquepractique en est bonne :

Car je pourraipourray, si je suis sage,

PratiquerPractiquer en ce mien voyage

Trois mille francs en peu de jours.

Richard

Ce pendant comment les amours

275Se demerront, la demoiselledamoiselle

Ne sera du tout si rebelle

Qu’auparavant : car le loisir

LuiLuy fera mille fois choisir

Le bon moyen, l’heure et le temps

280Pour rendre ses amis contentscontens,

Tant le courtisancourtizan que son page.

Mais il fautfault faire mon message,

Craignant qu’en quelque coincoing de rue

--- 59 ---

Je ne le perde de la vueveüe :

285Puis je pourraispourrois venir trop tard.

Dieu gard Monsieur.

Le Tresorier.

Eh bienEt bien Richard,

Comment va du seigneur Loys ?

Richard.

Il a toujourstousjours dix mille ennuys

Qui le tourmententtormentent, pour autant

290Qu’il n’aha pas son argent contant,

Et si ne voit qui en apporte.

Et qui pis est, jamais sa porte

N’est sans un marchand ennuyeux.

Qui se présentantpresentant à ses yeux

295Le menace pour son argent

De luiluy envoyer un sergent.

Le Tresorier.

Richard, par Dieu c’est comme moimoy,

Car maintenant je ne reçoisreçoy

À peine rien de mon office.

300Encore pour faire service

A quelques uns, toujourstousjours j’avance,

Et si ma foifoy, la récompenserecompense

Que j’en reçoisreçoy, n’est comme rien.

Richard

VertubieuVertu-bieu : je vous entendsenten bien,

305Le payment n’est encore prêtprest,

Nous demandons un intérêtinterest,

VoilàVoyla comment vous êtesestes doux.

Je suis venu par devers vous

Pour entendre tant seulement

--- 60 ---

310Si mon maîtremaistre aura le payment

De son quartier que luiluy devez.

Le Tresorier.

Vous êtesestes fort mal arrivésarrivez,

Vous venez aprèsapres la bataille :

Je ne sachesçache pas une maille.

Richard

315Comment monsieur ? et cependantce pendant

Mon maîtremaistre sera attendant

VotreVostre retour ?

Le Tresorier.

Il le fautfault bien.

Richard

Mais, monsieur, pensez-vous combien

Ce luiluy est chose insupportable

320D’êtreestre si longtempslong temps redevable

À un tas de gens importuns.

Le Tresorier.

VraimentVrayment Richard, je saisscay aucuns

Qui m’ont voulu donner le quart

De leur payment.

Richard

Ma foifoy, Richard,

325N’aha point telle commission :

Pour donner une portion

De l’argent, il le fera bien.

Le Tresorier.

C’est bien parlé : viens çàviença, combien

VeutVeult-il donner pour l’intérêtinterest,

330S’il trouve son argent tout prêtprest ?

Quant est de moimoy, je ne l’aiay pas :

--- 61 ---

Mais il n’y a que quatre pas

Jusqu’au logis d’un mien ami.

Richard

Le TrésorierTresorier n’est endormi,

335Se voyant en main la fortune

De pouvoir gagnergaigner la pécunepecune.

Le Tresorier.

Que dis-tu, Richard ?

Richard

Je songeaissongeois

En comptant ci-dessuscy dessus mes doigtsdoits,

Combien il voudraitvoudroit bien donner.

Le Tresorier.

340Je ne pourraipourroy plus séjournersejourner.

Richard

De trois cens livres vingt écusescus.

Le Tresorier.

Ha vraimentvrayment il méritemerite plus.

VoudraitVoudroit-il bien en donner trente ?

Richard

Pour vingt et cinq, qu’il se contente :

345Je vous feraiferay récompenserrecompenser,

Si voulez encor’ avancer.

Le Tresorier.

Je le veux à mêmemesme profit :

Aussi je voudraivoudroy qu’il me fitfeit

Quittance des paymentspaymens entiers

350Qu’il recevra des deux quartiers.

Richard

Vous les aurez.

--- 62 ---

Le Tresorier.

Mais il ne fautfault

Aussi m’en faire aucun défaultdefault,

Car je veux partir dans une heure :

Par quoiParquoy soyez en mon demeure

355Incontinent.

Richard

C’est bien assez.

Jamais ils ne seront lasséslassez

De prendre argent de toutes partspars :

Il n’est pas des pauvres soudardssouldars

Desquels ces braves TrésoriersTresoriers

360N’attirent toujourstousjours des deniers :

Mais au besoinbesoing il se fautfault taire.

SCÈNESCENE III.

MARIE, RICHARD.

[MARIE]

Dieu, monsieur le ProtonotaireProtenotaire

Est négligentnegligent en ses amours.

J’aiay vuveu le temps que tous les jours

365Il passaitpassoit devant la maison

Cinquante fois, mais la saison

Comme je croiscroy luiluy est venue,

Qu’il ne va plus parmi la rue :

Pensez qu’il est devenu sage.

Richard.

370Si je joue mon personnage,

Je sauraiscauray d’elle tout l’affaire

De ce jeune ProtonotaireProtenotaire.

Marie.

« Nous fuyons toujourstousjours notrenostre bien,

--- 63 ---

« Jamais jamais à un bon chien

375« Ne tombera quelque bon os :

aprèsapres qu’ils ont tourné le dos,

Ils font leur meilleures risées

De celles qu’ils ont abusées.

Richard

Les plus rusésrusez y sont donc pris.

Marie.

380Quant ils ont l’amour entrepris

De quelque dame, à Dieu comment

S’ils en ont eu contentement.

Richard

Autant ailleurs c’est ma devise.

Marie.

VoilàVoyla MademoiselleMadamoiselle épriseesprise

385De l’amour d’un jeune écolierescolier,

Qui n’a le sousoul pour employer,

Et veutveult êtreestre aimé à créditcredit.

Richard

Ne l’avois-je donc pas bien ditdict ?

Marie.

Le seigneur Loys cependantce pendant

390Est à son amour prétendantpretendant,

Sans toutefoistoutesfois avoir cetcest heur

D’apaiserappaiser sa trop grande ardeur,

Si n’est de quelque vaine course :

LuiLuy qui aha plus d’écusescus en bourse

395Que l’autre n’aha pas de deniers.

« Mais voilàvoyla comment les derniers

« Seront toujourstousjours favorisésfavorisez,

« Et les plus fermes déprisésdesprisez.

--- 64 ---

Richard

J’entendsenten le nœudneud de la matièrematiere,

400Il se fautfault garder du derrièrederriere.

Marie.

VoiciVoyci Richard le serviteur

Du seigneur Loys, j’aiay grand’grand peur

Qu’il n’ait entendu ce qu’aiay ditdict,

Au pis, j’en feraiferay contreditcontredict :

405Mon Dieu, Richard, venez avant.

Richard

Que faites vous iciicy devant ?

Marie.

Rien, sinon que ma demoiselledamoiselle

VeutVeult parler à vous.

Richard

Que veutveult-elle ?

Marie.

Quant à moimoy, je ne le saissçay pas,

410Elle est ja descendue en bas.

ACTE SECOND.

SCÈNESCENE I.

LE PROTONOTAIREPROTENOTAIRE, BONIFACE.

[LE PROTONOTAIREPROTENOTAIRE]

Hé ! Boniface mon ami,

Je suis déjàdesja mort à demi,

Tant ce petit dieu me tourmentetormente.

Ha ma trop cruelle Constante !

415La grand’ constance de ton fort,

Seule me causera la mort.

--- 65 ---

Boniface.

Comment cela, monsieur ? vous aiay-je

Si longtempslong temps servi au collègecollege,

Pour maintenant vous défier

420De votrevostre serviteur, premier

Qui en a mis les fers au feu ?

Le protonotaireprotenotaire.

HélasHelas, Boniface ! pour Dieu,

Si jamais la fidélitéfidelité

De ton devoir m’a incité

425À récompenserrecompenser ton service

Comme je doisdoy de mon office,

C’est ores qu’il te fautfault prévoirprevoir

Au mal instant du désespoirdesespoir,

Et montrermonstrer ton invention.

Boniface.

430Je saissçay bien qu’il n’est question

Que d’argent dont avez défaultdefault. :

« Car le temps est venu qu’il fautfault

« ToujoursTousjours avoir argent en banque,

« Qui veutveult que la dame ne manque.

Le protonotaireprotenotaire.

435Il est vraivray : car tout mon tourmenttorment

Vient de cela tant seulement.,

Tu saissçais que nous n’avons la croix,

EncoreEncores qu’il y ait trois mois

Avant que recevoir argent.

Boniface.

440Vous êtesestes par trop diligent

À faire la magnificence,

Depuis qu’avez la jouissance

--- 66 ---

De quarante ou cinquante écusescuz.

Protenotaire.

Boniface, je ne suis plus

445Enfant comme je soulaissoulois êtreestre.

Boniface.

Il fautfault que vous soyez le maîtremaistre

DorénavantDoresnavant des passions

De vosvoz journelles actions.

Protenotaire.

Je le seraiseray. Mais pensespense-tu

450Combien est grande sa vertu,

Et combien sa perfection

PeutPeult dompter mon affection ?.

Boniface.

Nous voyons cela tous les jours :

Ce sont vosvoz premièrespremieres amours.

Protenotaire.

455Ce n’est point cela, Boniface. :

Tant seulement sa bonne grâcegrace,

Son doux parler et son maintien,

Sans rien flatterflater, méritentmeritent bien

L’amour d’un bien plus grand seigneur.

Boniface.

460VoilàVoyla, vous y avez le cœurcueur. :

Non pas vraimentvrayment que je déprisedesprise,

Disant cela, votrevostre entreprise ; :

Mais il ne fautfault êtreestre si chaud

En ses affaires.

Protenotaire.

Son cœurcueur hault

465MériteMerite un plus parfaitparfaict service.

--- 67 ---

Boniface.

Mais si l’argent du bénéficebenefice

Ne suffit à telle dépensedespense ?

Protenotaire.

Il fautfault aimer en espéranceesperance,

Il nous viendra quelque hasardhazard.

Boniface.

470OuiOuy bien, mais possible trop tard,

Il fautfault prévoirprevoir à son affaire.

Protenotaire.

Encore le bien de mon pèrepêre

Ne manquera point.

Boniface.

Il ne pense

Que nous fassionsfaçions si grand dépensedespense.

Protenotaire.

475Ha, je veux êtreestre entretenu

HonnêtementHonnestement du revenu

Qui m’appartient.

Boniface.

C’est la raison, :

Car vous êtesestes d’une maison

Qui le méritemerite ; : mais aussi

480Il fautfault avoir des siens souci.

Protenotaire.

Or, Boniface, il n’est pas heure

De faire plus longue demeure,

Nous avons métiermestier d’autre chose.

Boniface.

Je l’entendsenten.

--- 68 ---

Protenotaire.

Dont je me repose

485Du tout sur toitoy.

Boniface.

Je feraiferay tant,

Que nous aurons argent contant.

Protenotaire.

J’aimeayme mieux payer l’intérêtinterest,

PourvuPourveu que le payment soit prêtprest.

Boniface.

Je vous pri’pry’ laissez faire à moimoy.

Protenotaire.

490Aussi je m’en attens à toitoy.

Boniface.

Vous le pouvez ;, allez m’attendre

Dans le palais, j’iraiiray vous prendre

Au repasser.

Protenotaire.

Le SecrétaireSecretaire

M’y doit trouver pour quelque affaire.

SCÈNESCENE II.

CONSTANTE, RICHARD, BONIFACE.

[CONSTANTE]

495Richard, mon amiamy, ditesdictes-lui luy

Que j’en endure autant d’ennuiennuy

Qu’il m’est possible, et que j’espèreespere,

Mais qu’il soit parti, si bien faire

Qu’il sera content du devoir

500Que j’en feraiferay.

--- 69 ---

Boniface.

Il fautfault savoirsçavoir

Que veutveult ce doux contentement.

Richard.

Vous n’en voulez foifoy nine serment,

Mais il vous aime de tel cœurcueur,

Que déjàdesja son amour vainqueur

505L’a presque mis au désespoirdesespoir.

Constante.

Las, Richard, il aha tout pouvoir

Sur moimoy qui suis sienne, et j’espèreespere,

S’il me survient en mon affaire,

Le reconnaîtrerecognoistre tant que l’âmeame

510Me batte au corps.

Boniface.

La pauvre femme

Ne se donne qu’à ses amis. :

J’entendsenten bien tout, ell’ a commis

Quelque petite portion

De l’amoureuse affection

515Sur la boursebource d’un amoureux.

Richard.

Ma demoiselledamoiselle, il est heureux

De ce qu’il vous plaîtplaist demander

La chose qu’il peutpeult accorder.

Constante.

Eh bienEt bien, Richard, vous luiluy direz

520Que je suis sienne, et le prierezprirez

De ce dont je vous aiay parlé.

Boniface.

VoilàVoyla le pacquet emmalé,

--- 70 ---

Mon maîtremaistre peutpeult bien dire adieuà Dieu.

Richard.

Je ne puis plus êtreestre en ce lieu,

525Je vaisvay quérirquerir l’autre quittancequictance.

Boniface.

Si est-ce que j’aiay espéranceesperance

D’émoucher quelque argent de vous.

Constante.

Hault, Boniface, un peu plus doux,

Quelqu’un vous fait-il desplaisir ?

Boniface.

530Il la fautfault avoir à loisir.

Ha, mademoiselleMa damoiselle Constante.

Constante.

Quel est l’ennuiennuy qui vous tourmentetormente ?

N’y sauroitsçauroit-on bien tôttost prévoirprevoir ?

Il est grand seigneur, qui peutpeult voir

535Monseigneur le ProtonotaireProtenotaire.

Boniface.

Il est empêchéempesché d’uneun affaire

Qui est de bien grand’importance,

En quoiquoy il a bonne espéranceesperance

De parvenir à grand honneur.

Constante.

540Eh bienEt bien bien, ce sera monsieur,

Il ne voudravouldra plus regarder

Ses amis.

Boniface.

Tant ell’ saitsçait farder

Et emmielleremmieler son langage !

--- 71 ---

Constante.

Bon Dieu, que vous êtesestes sauvage

545Depuis un peu !

Boniface.

C’est que je pense

À une bonne récompenserecompense

Qu’on donne pour son bénéficebenefice,

Si quelqu’unquelcun veutveult faire un service

De luiluy prêterprester deux cens écusescus.

Constante.

550Ne luiluy en faudraitfauldroit-il non plus ?

Boniface.

Non.

Constante.

N’aha-t-il-il point quelque amitié

Dedans Paris, pour la moitiémoytié ?

Boniface.

Non du tout, ouiouy bien pour cinquante.

Constante.

Ha, vraimentvrayment je suis très contentetrescontente

555De luiluy prêterprester le demeurantdemourant,

Du bon du cœurcueur, en m’assurantasseurant.

Boniface.

Ma demoiselledamoiselle, le plaifir

Sera selon votrevostre désirdesir

HonnêtementHonnestement récompensérecompensé.

Constante.

560À son vouloir.

Boniface.

J’aiay avancé

Ma langue, sans son mandement.

--- 72 ---

Constante.

Vous le pouvez honnêtementhonnestement. :

Car je suis si bien son amie,

Que s’il me demandaitdemandoit la vie

565Je luiluy départiraisdepartirois mon âmeame.

Boniface.

« Tant le bon vouloir d’une dame

« PeutPeult aider l’ami au besoinbesoing.

Constante.

Boniface, j’aiay plus de soinsoing

De l’avancement de son bien

570Et honneur, que non pas du mien,

Encore que j’en soissoy reprise. :

Mais je suis tellement épriseesprise

De son amour, que j’aiay grand peur

Que ce soit mon dernier malheur.

575Au pis aller, je suis heureuse

Que cetteceste étincelleestincelle amoureuse

A touché sa perfection.

Boniface.

Ce n’est qu’à bonne intention

Ma demoiselledamoiselle, et le tourmenttorment

580Se finira heureusement.

Constante.

Je priepry Dieu qu’il vous veuille ouïrouir.

Boniface.

Et alors vous pourrez jouir,

Vous savezsçavez quoiquoy.

Constante.

Ha ! Boniface.

--- 73 ---

Boniface.

MademoiselleMa damoiselle, votrevostre grâcegrace,

585Et votrevostre parfaiteparfaicte beauté

Seule vainquit sa liberté. :

Car plus il vit en ce martyre,

Tant plus constamment il aspire

À faire chose qui contente

590Le seul désirdesir de sa Constante.

Constante.

ÉcoutezEscoutez, je vous veux prier,

À cause que le TrésorierTresorier

S’apprêteappreste pour tantôttantost partir,

D’en vouloir Monsieur avertiradvertir,

595Qu’il soit un peu plus diligent. :

Et cependant, voilàvoyla l’argent ;,

Il m’en fera reconnaissancerecognoissance

Quand il viendra.

Boniface.

J’aiay espéranceesperance,

Qu’avant qu’il soit une bonne heure

600Il sera dans votrevostre demeure.

Vive, vive l’invention

Pour bien faire une faction. :

Il en fautfault bien faire la croix

En notrenostre âtre : ils sont tous de poix,

605Je les aiay eus tous pour le prixpris

Que cetteceste dame les a pris.

Je reconnaisrecognoy bien celui-cicestuy-ci,

Et ce double ducat aussi,

Un noble, un angelot encor :

610C’étaitestoit pour des braceletsbrasselets d’or

--- 74 ---

Que monsieur luiluy donna un jour.

Ce demeurantdemourant vient de l’amour

Des bonnes gens de son quartier.

À tous les diables le métiermestier,

615Qui ne nourrit et entretient

Le compagnoncompaignon qui le maintient,

Et ne fûtfust qu’un peigne de buisbuys.

Constante.

Au moins si le seigneur Loys

Me fait ce bien, dont je le prie,

620Ma boursebource sera bien remplie

De l’argent que j’aiay déboursédebource.

SCÈNESCENE III.

LE TRESORIER, SULPICE, CONSTANTE.

[LE TRESORIER]

Croyez qu’un argent avancé

VautVault bien cela.

Sulpice

Si fait vraimentvrayment :

Et je m’ébahisesbahy fort comment

625Vous faitesfaictes si honnêtehonneste tour.

Le Tresorier.

Sire Sulpice, c’est l’amour,

Que je luiluy porte.

Sulpice

Il le vautvault bien.

Et puis de ces gens l’entretien

Sert de beaucoup aucunefois.

630Il me souvient qu’un jour j’étaisestois

--- 75 ---

En la Courcourt pour un mien affaire,

Seulement un protonotaireprotenotaire

Auquel j’avois faitfaict du service

FitFeit tout mon cas.

Le TrésorierTresorier

Sire Sulpice,

635Comme vous ditesdictes, le maintien

De gens de courcourt, est notrenostre bien.

Je crains que nos fautesfaultes commises

À la parfin ne soientsoyent reprises,

Comme nous voyons la fortune

640ÊtreEstre plus souvent importune

À gens qui font en tel degré,

Qui n’ont toujourstousjours le vent à gré. :

Il ne faudraitfaudroit au mal extrême

Que ce bon gentilhomme mêmemesme

645Pour bien conduire mon affaire,

S’il m’advenaitadvenoit quelque misèremisere.

Sulpice

Vous ditesdictes bien, il fautfault prévoirprevoir

Au mal qui nous peutpeult décevoirdecevoir.

C’est ainsi qu’il fautfault disposer,

650C’est ainsi qu’il fautfault aviser

À un malheur qui se présentepresente

Pour brouiller toujourstousjours notrenostre attente,

Tant nature nous est cruelle.

Mais n’est-ce pas mademoiselleMa damoiselle

655Que je voisvoy venir droitdroict à nous ?

Constante.

Mon dieu, monsieur, dépêchez-dépeschez vous,

Vous savezsçavez qu’il est déjàdesja tard.

--- 76 ---

Le Tresorier.

Je n’attendsatten plus qu’aprèsapres Richard.

Constante.

HélasHelas mon Dieu ! la seule peur

660Qu’il ne vous advienneavienne un malheur

Me le faitfaict dire ;, tous les champs

Sont remplis de mauvaises gens. :

SurtoutSur tout gardez-vousgardez vous bien du soir.

Sulpice

Encor y faitfaict il bon prévoirprevoir,

665Cela ne vient que de bon cœurcueur.

Le Tresorier.

Si vous voyez le serviteur

Du seigneur Loys, que Marie

L’amèneamene aprèsapres nous.

Constante.

Je vous prie

De tôttost despecher votrevostre affaire.

SCÈNESCENE IVIIII.

MARIE

SEULE.

670L’homme de ce ProtonotaireProtenotaire

N’est pas des plus niaisniez du monde. :

Quand il est céansceans il me sonde,

Et semble bien à l’ouïrouyr dire

Qu’il ait intention de rire

675Tout ainsi comme faitfaict son maîtremaistre. :

Et croiscroy que s’il se sentoit êtreestre

Si peu que rien favorisé,

Il seraitseroit bien assez rusé

D’essayer s’il pourraitpourroit bien faire

--- 77 ---

680Ce que faitfaict le ProtonotaireProtenotaire.

Je n’useraiuseray plus de rudesse

En son endroit, car ma maîtressemaistresse

DitDict qu’il ne fautfault point refuser

Ce qui ne se peutpeult onc user.

685« Aussi est-ce une grand’ folie

« Que d’engendrer mélancoliemelancholie.

« Nous n’aurons pas toujourstousjours le temps

« Pour rendre nos désirsdesirs contentscontans.

Il fautfault donc prendre le loisir,

690Puisque nous voyons le plaisir

S’offrir d’une gaîtégaité de cœurcueur.

Et pourquoipourquoy non ? le serviteur,

N’aura-t-il-il aussi grand’ puissance

De me donner la jouissance,

695Et rendre l’appétitappetit content

De ce point que l’on prise tant,

Comme Monsieur à sa Constante ?

Je croiscroy que le mal qui tourmente

L’esprit et mon repos de nuitnuict

700Se guéritguerist par mêmemesme déduitdeduict. :

Autant peutpeult le lailay que le prêtreprestre,

Et le serviteur que le maîtremaistre,

Le pauvre, comme un de grand’ race.,

Mais je ne voisvoy point Boniface

705Venir ainsi qu’il a promis.

--- 78 ---

ACTE TROISIEME.

SCÈNESCENE I.

LOYS

SEUL.

« Aujourd’huiAujourd'huy l’on n’aha plus d’amis

« Si n’est la boursebource et les écusescus.,

« Aujourd’huiAujourd'huy l’on ne trouve plus

« Qui veuille tenir la querelle

710« De quelque honnêtehonneste demoiselledamoiselle.

« Le gain faitfaict tout, le gain emporte

« Les rempartsrampars d’une ville forte ; :

« Le gain fait cocuscoqus les maris ; :

« Le gain est le dieu de Paris,

715« C’est le dieu des inventions,

« Et la fin des intentions.

« Le gain faitfaict courir les marchans

« Aux périlsperils et dangers des champs,

« Au périlperil des ventsvens et tempêtestempestes,

720« Qui plus souvent dessus leurs têtestestes

« TombantTombans d’épouvantable effort,

« Leur mettent dans les dentsdens la mort,

« VoireVoyre au plus beau de leur jeunesse.

Encore qu’il soit tel, si est-ce

725Que jamais il n’eut la puissance

De faire fléchirflechir la constance

De ma cruelleCruelle. De son cœurcueur

Amour en futfeut le seul vainqueur. :

Tant seulement d’une beauté

730Son cœurcueur se sentit incité. :

Il repose aussi en un lieu

Digne du triomphe d’un dieu.

--- 79 ---

Qu’un dieu tout seul aussi se vante

D’avoir faitfaict broncher ma Constante,

735Elle seule dessous le Ciel

Qui méritemerite avoir l’honneur tel.

L’amour qui le commun enflamme

N’est que neige au prixpris de ma flamme,

D’autant que sa divinité

740Surpasse toute humanité

Au brasier qu’il m’a faitfaict sentir.

SCÈNESCENE II.

RICHARD, LOYS.

[RICHARD]

Monsieur, il est prêtprest à partir,

Et ne reste plus que quittancequictance

Pour votrevostre dettedebte et pour l’avance ; :

745Car l’argent est déjàdesja tout prêtprest.

Loys.

Combien prent-il pour l’intérêtinterest ?

Richard.

Vingt-cinq écusescus sur le payment,

Et autant sur l’avancement.

Loys.

C’est trop vraimentvrayment de la moitié.

Richard.

750Encor’ si n’étaitestoit l’amitié

D’un sien voisin, il ne pourraitpourroit

Vous en bailler.

Loys.

Et ce seraitseroit

Un tour duquel la repentance

Suivroit de bien prèspres la vengeance.

755Retiendroit-il ainsi mon bien ?

--- 80 ---

Richard.

Monsieur, encor’ ny prend-ilprend il rien.,

C’est un marchandmarchant, comme j’aiay ditdict.

Loys.

Pardieu, il a pauvre créditcredit

À ce prêteurpresteur.

Richard.

VoilàVoyla que c’estcest :

760« Les amis sont à intérêtinterest,

Encore se fautfault-il hâterhaster.

Loys.

Or puis qu’il en fautfault échappereschapper,

VoilàVoyla l’autre quittancequictance encor’.

Richard.

C’est mon, mais de la chaînechaine d’or

765Que demande la demoiselledamoiselle ?,

Loys.

Je n’en sachesçache point d’assez belle. :

DélivreDelivre luiluy cinquante écusescus

Pour en acheter une, ou plus

S’il est métiermestier ;, la récompenserecompense

770Que je prétendspretends, vautvault la dépensedespence. :

Au demeurant hâtehaste le pas.

Richard.

Les escadrons et les combatscombas

N’eurent oncquesoncque si grand’ puissance

Que Monsieur n’y fitfeit résistanceresistance. :

775Et maintenant une beauté

Triomphe de sa liberté.

Encor’ vraiment la Damoiselle,

Quant tout est ditdict, n’est pas si belle. :

--- 81 ---

ToutefoisToutesfois je ne la déprisedeprise. :

780« Car on ditdict que la marchandise

« Qui plaîtplaist est à demidemy vendue.

Je crainscrain que ma voix entendue

Ne soit entrée en la cervelle

De cetteceste rapporte-nouvelle,

785Qui m’attend là devant la porte. :

Car vraimentvrayment elle est assez sotte

Pour le rapporter à Constante.

SCÈNESCENE III.

MARIE, RICHARD.

[MARIE]

VoiciVoyci Richard qui se tourmente

De quelque malheur advenu.

790Son esprit est bien détenudetenu,

À voir sa manièremaniere de faire.

Richard.

Il fautfault penser à mon affaire,

Puisque j’approcheaproche la maison.

Marie.

Venez Richard, c’est la raison

795Que si longtempslong temps on vous attende.

Richard.

Eh bienEt bien, quoiquoy petite friande ?

Vous serez donc toujourstousjours fâcheusefascheuse ?,

Vous ferez donc la rigoureuse

Au pauvre Richard langoureux ?.

800Mon Dieu, que je seraisserois heureux,

Si je pouvaispouvois à mon loisir

Avoir de ce sein le plaisir. :

Ces deux ivoirines boulettes,

--- 82 ---

Ces deux cerises rondelettes.

805Ce sera bien quand vous voudrez.

Marie.

LâchezLaschez vosvoz chiens, vous les prendrez. :

Car vous êtesestes le nonpareilnompareil.

Richard.

Si vous êtesestes de mon conseil,

Nous ferons bien nosnoz besognettesbesongnettes.

Marie.

810EhEt mon Dieu, Richard, que vous êtesestes

Ores éveilléesveillé pour votrevostre âgeaage.

Richard.

Ce n’est sinon que le courage,

Qui s’augmente de jour en jour.

Marie.

Vous voulez donc faire l’amour ?.

Richard.

815Ma foifoy, Richard se délibèredelibere

Avoir toujourstousjours pour l’ordinaire

Quelque chose qui soit de mise.

Marie.

VoilàVoyla une belle entreprise.

Richard.

Il m’y fautfault or’ avant prévoir.

Marie.

820Comment ? il sembleraitsembleroitvoirveoir

Que vous ne sussiezsceussiez troubler l’eau.

Richard.

L’intention est au cerveau,

« Marie, et puis il ne fautfault pas

« Estimer le moinemoyne à son pas

825« Quand il marche dans le couventconvent.

--- 83 ---

Marie.

Ananda, vous êtesestes savantsçavant,

Vous entendez bien cet affaire.

Richard.

Je suis niaisniez, laissez moimoy faire ;,

Aussi bien n’engendré-je point.

Marie.

830Richard, Richard, j’entendsenten le pointpoinct.

Vous voulez rire, c’est cela.

Richard.

Ma foifoy, me voicivoyci, me voilàvoila.,

Je ne tiens jamais mon courroux,

Je suis humain, courtois et doux,

835PrêtPrest à vous faire tout service,

À celle fin que je jouisse,

Vous entendez le demeurant.

Marie.

Sus, sus, Richard : marchez avant. :

Monsieur le TrésorierTresorier attend

840Pour vous donner argent comptantcontent. :

Il est chez le sire Sulpice.

Richard.

« Prendre argent est un bon office,

« Et mauvais d’êtreestre fournisseur.

Marie.

Vous êtesestes un beau gaudisseur.,

845Ananda, je m’y recommande.

Richard.

Adieu,À dieu la petite friande.

Marie.

Il veutveult ressemblerresembler Boniface.

--- 84 ---

SCÈNESCENE IVIIII.

CONSTANTE, MARIE.

[CONSTANTE]

Viens çà,Viença méchantemeschante, quand sera-ce

Que feras ce qu’il appartient ?

850Dy.

Marie

Ce n’est pas à moimoy qu’il tient.

Constante

Que jasesjaze-tu en cetteceste place ?

Marie.

Que voulez vous si Boniface

Ne se veutveult d’aventureavanture hâterhaster ?

Constante.

Qu’as tu à faire d’arrêterarrester

855Le valet du seigneur Loys,

À babiller devant cetcest huishuys

Avec luiluy ? : vous sentez le cœurcueur. :

Encor’ avec un serviteur.

SaintSainct Jean, le bon ami de Dieu,

860Vous irez en un autre lieu

Faire votrevostre belle menée.

Comment, madame l’affétéeaffetée,

Ect-ce l’étatestat que je vous montremonstre ?

Croyez que, si je vous rencontre,

865Vous maudirez à jamais l’heure

D’avoir entré en mon demeure.

Marchez, marchez, entrez dedans.

VoilàVoyla, c’est l’amour de ce temps.,

« Aujourd’huiAujourd'huy l’on ne voit plus homme

870« Garder la fidélitéfidelité, comme

« Les amoureux du temps passe.

--- 85 ---

Le ferme amour est déchassé,

Et en son lieu une feintise,

Le seul masque, a sa place prise.

875Nous , cependant,ce pendant mal avisées,

Sommes plus souvent abusées

Par ceux qui ne font que chercher

Le moyen de nous débaucher.

« Et voilàvoyla comment aujourd’huiaujourd'huy

880« La fin d’amour n’est rien qu’ennuiennuy. :

Car des hommes l’outrecuidance

Est cause de cetteceste inconstance. :

Eux qui tireraienttireroient d’une femme

Les biens, l’honneur, le corps et l’âmeame :

885Et puis quand ils ont faitfaict, adieuà Dieu,

Tout autant en un autre lieu,

Ainsi que fortune leur donne. :

Mais en vain je me passionne.

SCÈNESCENE V.

LE PROTONOTAIREPROTENOTAIRE, BONIFACE, CONSTANTE.

[LE PROTONOTAIREPROTENOTAIRE]

Ma Constante se plaintplainct de moimoy,

890Et m’accuse, comme je croiscroy,

De ce que je demeure tant

À venir.

Constante.

Ah ! trop inconstant !

Et moimoy trop facilefacille à le croire.

Je pensaispensoy le ProtonotaireProtenotaire

895ÊtreEstre digne d’un plus grand heur. :

Mais je croiscroy que son serviteur

--- 86 ---

A pris sur luiluy plus de puissance

Qu’il ne fitfeit onc d’obéissanceobeissance.

Protenotaire.

Ha, Boniface ! maintenant

900J’aperçoisaperçoy que tout ce tourment

Ne luiluy vient sinon que de moimoy.

Constante.

L’amour donc n’aura plus de loiloy ?

On n’en fera donc plus de compte ?

Protenotaire.

L’impatience me surmonte,

905Je n’en sauraissçaurois plus endurer.

Constante.

Encor’ qui me faitfaict espéreresperer,

C’est la mort aprèsapres longue attente.

Protenotaire.

Las ! que pensez-vouspensez vous, ma Constante,

En vous menaçantmenassant du trépastrespas ?

Boniface.

910Le voilàvoyla pris, il a son cas,

La dame le tient à son aise.

Constante.

Hélas,Helas monsieur, ne vous déplaisedesplaise,

Je vous pensaispensoys êtreestre plus loinloing.

Protenotaire.

Comment, mon cœurcueur ? comment, mon soinsoing ?

915Penseriez-vousPenseriez vous bien qu’en amour

Je voulussevoulsisse faire un tel tour ?

Vous n’avez expérimentéexperimenté

Quel vouloir aha ma fermeté ;,

Encor’ vous n’avez assuranceasseurance

--- 87 ---

920Quelle est en amour ma constance.

Boniface.

Il en a tout au long du bras.

Constante.

Pardonnez-moi, moy mon seul soulas,

« L’amour est toujourstousjours soupçonneuxsoubçonneux. :

Boniface.

C’est l’ordinaire entre amoureux,

925Qui faitfaict que la foifoy se renforce. :

« Car c’est d’amour amorceamorse

« Que les débatsdebats de deux amans.

Protenotaire.

La mort puisse mes jeunes ans

PlutôtPlustost retrancher en ma fleur,

930Que je soissoy jamais serviteur

D’une autre dame que de vous.

Jamais l’amour ne me soit doux,

Si par mon infidélitéinfidelité

Je sers à une autre beauté.

935PlutôtPlustost me laisse tout amiamy,

Et plutôtplustost me soit ennemi

L’aspect de mon astre fatal.

Boniface.

Il est au plus fort de son mal.

« Il n’y a rien dessousdessoubz les cieux

940« Ou pire, ou plus audacieux.

Constante.

Aussi vous savezsçavez , monseigneur,

Que mon corps et tout mon honneur

Vous fut abandonné par moimoy

Sur l’assuranceasseurance de la foifoy,

--- 88 ---

945Comme seul digne d’êtreestre aimé.

Protenotaire.

Aussi toujourstousjours aiay-je estimé

Mon heur favorisé des dieux,

Comme celuiceluy seul sous les cieux,

Qui est heureux en ses amours.

Boniface.

950C’est la coutumecoustume, on voit toujourstousjours

Ces jeunes gens à marier

Devenir fousfols.

Protenotaire.

Le TrésorierTresorier

A-t-ilA-il déjàdesja gagnégaigné le hauthault ?

Constante.

Non pas encore, mais il fautfault

955Entrer céansceans, et vous cacher. :

Encor fautfault-il se dépêcherdépescher,

Car il n’est pas loinloing.

Protenotaire.

Mais comment,

S’il demeuraitdemouroit plus longuement ?

Constante.

Il est sur le pointpoinct de partir.

SCÈNESCENE VI.

RICHARD, CONSTANTE.

[RICHARD]

960Par le corps, j’en veux avertiradvertir

Mon maîtremaistre, il le saurasçaura. : Comment ?

Est-ce là donc le beau serment

De loyauté ? Je m’en doutaisdoubtois,

J’en suis certain à cetteceste fois, :

--- 89 ---

965Car de mes deux yeux je l’aiay vuveu.

Constante.

Eh bienEt bien, Richard, avez vous eu

VotreVostre payment ?

Richard.

Une moitié.

Constante.

Mon don n’est-il point oublié ?

Richard.

VoiciVoicy l’argent pour en avoir,

970Si vous voulez le recevoir.

Constante.

Pourquoy non ?

Richard.

Ouvrez votrevostre main.

Constante.

Ha, Richard, ce seraitseroit en vain,

Je vous pri',pry' ne me trompez plus.

Richard.

Non non, voilàvoyla cinquante écusescus

975Pour avoir une chaînechaine d’or.,

Me pensez vous moqueurmocqueur ?

Constante.

Encor’

Vous avez de moimoy souvenance. :

VoilàVoyla pour votrevostre récompenserecompense.

Richard.

Il m’a commandé de savoirsçavoir

980Quand il pourraitpourroit vous venir voir.

Constante.

Non pas pour aujourd’huiaujourd'huy, demain.

--- 90 ---

Richard.

Touchez en donc dedans ma main.

Constante.

Je le veux, je me recommande.

Richard.

Par le corps bieu, ell’ ne demande

985Que les écusescuz ; : car quant au reste,

Ell’ aha son cas. M, mais je proteste

D’en avoir bientôtbientost la vengeance – ,

Et du payment, et de l’avance,

Et des cinquante écusescuz encor’,

990Des anneaux et des chaîneschaines d’or

Dont Monsieur luiluy a faitfaict présentpresent.

Ell’ n’aha rien trop chaudchauld nine pesant.

Et voilàvoyla, la coutumecoustume est telle ; :

Car envers une demoiselledamoiselle

995Il fautfault toujourstousjours l’argent en main. :

Et puis on saitsçait bien que son gain

Est semblable à l’oiselerie. :

L’oiseleur en quelque prairie

Vient épandreespandre ses grains seméssemez,

1000Où les oiseaux accoutumésacoustumez

Ainsi se laissent amorcer :

« (Car il fautfault un peu avancer,

« Pour en avoir du gain aprèsapres).

Et lorsqu’ilslors qu’ils sont pris dans les retsretz,

1005Ils payent au long la dépensedespense,

Dont l’oiseleur a faitfaict l’avance.

Ainsi, le bordelbordeau c’est le pré

Là ou l’amoureux est entré

Comme un oiseau ;: la maquerellemacquerelle

--- 91 ---

1010Est l’oiseleur, qui renouvelle

Souvent l’appâtappas, et met en main

Au lieu d’amorce, une putain ; :

Les caresses, les mignardises,

Les bonjoursbon-jours et les gaillardises,

1015Le doux acueil, le deviser,

Sont les moyens d’apprivoiseraprivoiser.

Et en cetteceste façon, mon maîtremaistre

Est aux rets. M : mais si je puis êtreestre

ÉcoutéEscouté, il aura vengeance

1020De toute cetteceste grand’ dépensedespense.

Encore ce beau TrésorierTresorier,

Et ce cocucoqu, se fait prier,

Où il est le plus diligent. :

Et fait accroireacroire que l’argent

1025Qu’il m’a baillé n’est pas à luiluy.

Je luiluy feraiferay dire aujourd’huiaujourd'huy

CeluiCeluy qui a mangé le lard,

Si je le puis tenir à part.

ACTE QUATRIÈMEQUATRIEME

SCÈNESCENE I.

LOYS, RICHARD.

[LOYS]

Amour premier de notrenostre vie

1030Inventa la bourellerie,

Et cruauté, comme je croiscroy. :

Car assez en moimoy j’aperçoisj’apperçoy

Combien sa rage est redoutable,

MoiMoy qui suis le plus misérablemiserable

1035Qui soit en ce monde vivant.

--- 92 ---

Je suis ébranlé comme au vent,

Je suis épointespoind et tourmentetormente,

Demi-mort, rompu, transporté,

Tourné dans la roüe d'amour. :

1040En mon esprit ne fait séjoursejour

Aucun repos, je suis ja las,

Là je suis ou je ne suis pas,

Mon esprit n’est là ou je suis,

Je veux cela que je ne puis. :

1045Vivant et mourant je demeure. :

Ce qui me plaîtplaist en la mêmemesme heure

Me tourne en mécontentementmescontentement,

Tant déjàdesja l’amoureux tourmenttorment

S’est acquis sur moimoy de puissance. :

1050Il me met en routeroutte, il m’élance,

Il désiredesire, il ravit, il tient,

Ce qu’il me donne, il le retient. :

Il me fait à l’instant défairedeffaire

Ce que lui-mêmeluymesme m’a faitfaict faire,

1055Et l’œuvre faitefaicte à sa poursuitepoursuitte

Est tout incontinent détruitedestruitte.

Et encor’ avec ces malheurs,

Ce seul pointpoinct-ci cy fait que je meurs.

Richard.

Richard.

Monsieur.

Loys.

SeCe peutpeult-il faire,

1060Que ce gentil ProtonotaireProtenotaire

Soit jouissant de mon méritemerite ?

--- 93 ---

Richard.

Je vous aiay l’affaire décritedescrite,

HormisHors mis le sautsault tant seulement.

N’est-ce donc pas assez ?

Loys.

Comment ?

Richard.

1065Demandez-vousDemandez vous comment j’aiay susceu

Ce beau chef-d’œuvre ? je l’aiay vuveu

De mes deux yeux. E : et davantaged’avantage,

J’aiay entendu tout leur langage,

Et la conduiteconduitte de l’affaire.

Loys.

1070Mais qui est ce ProtonotaireProtenotaire ?

Le pourras-tupourras tu bien reconnaîtrerecognoistre ?

Richard.

Ha, je voisvoy bien que c’est, mon maîtremaistre

Ne croira Dieu que sur bon gage.

Loys.

Je perds le sens et le courage

1075Tant ce dur rapport me tourmentetormente.

Qui eûteust pensé que ma Constante

M’eûteut voulu faillir en amour,

Et me faire un si lâchelache tour ?

Encore ne le puis-je croire.

1080As-tu vuveu ce ProtonotaireProtenotaire

Entrer dedans ?

Richard.

OuiOuy, je l’aiay vuveu.

Loys.

As-tu vuveu qu’elle l’a reçureceu ?

--- 94 ---

Richard.

J’aiay vuveu mêmemesme qu’ell’ le baisaitbaisoit,

Et le flattantflatant le courtisaitcourtisoit.

Loys.

1085Tout cela n’est que courtoisie,

Je ne prendspren point de fantasie

Pour un baiser ; : car, maintenant,

Cela se fait honnêtementhonnestement.

Richard.

Mais quand avecque ce baiser

1090On ajouteadjouste le deviser,

Qui montremonstre assez l’affection

De l’amoureuse passion,

Je croiscroy qu’il ne fautfault plus de doute.

Loys.

Est-ce ainsi donc qu’ell’ me redoute ?

1095SeraiSeray-je donc si peu prisé ?

Richard.

Elle vous a dévalisédevalisé.

Loys.

Encore ne le croiscroy-je point.

Raconte moimoy de pointpoinct en pointpoinct

Comment le tout s’estc’est démenédemené,

Richard.

1100J’étaisestois en un lieu détournédetourné

Où j’aiay entendu tout l’affaire.

Loys.

Je suis donc contraintcontrainct de le croire. :

Tu ne voudraisvoudrois êtreestre menteur.

Richard.

Je n’en suis que le serviteur,

--- 95 ---

1105Et pour le devoir de service

Je fais au moins mal mon office

Qu’il m’est possible. Au demeurant,demourant

ToujoursTousjours véritableveritable, espérantesperant

Faire toujourstousjours de mieux en mieux.

Loys.

1110L’eau, la terre, l’air, et les cieux,

Et mille autres fureurs éprisesesprises

Contrarient mes entreprises.

Mais je veux montrermonstrer combien peutpeult

Mon ire depuis qu’ell’ s’émeutesmeut.

Richard.

1115« CeluiCeluy qui voudravouldra s’empêcherempescher,

« Qu’il entreprenne êtreestre nocher,

« Pour dessus la grand’ mer conduire

« Par son conseil une navire

« Et une femme. C : car au monde,

1120« Il n’y a rien qui plus abonde

« En toutes affaires nouvelles

« Que les nefs et les demoisellesdamoiselles.

Et pourtant si mon maîtremaistre est sage,

Qu’il ne s’en fâche davantaged’avantage.

1125Puis j’aiay entendu bien souvent,

Que d’une femme le devant,

Ressemble cetteceste lampe ardante,

Qui est dans l’égliseEglise pendante,

AfinÀ fin d’alumer les chandelles

1130De tout’ les offrandes nouvelles ; :

Elle en allumealume infinité

Sans perdre rien de sa clarté. :

Aussi la femme a beau changer

--- 96 ---

Un familier à l’étrangerestranger,

1135L’étrangerestranger au premier venu,

ToujoursTousjours son cas est maintenu

En son entier, si d’aventure

Elle n’y mêlemesle quelque ordure.

Et si dit-on communément,

1140Qu’aprèsapres le doux ébatementesbatement

Du jeu d’amour, il n’y perdpert plus,

Le tablier rabaissé dessus.

SCENE II.

LE TRESORIER, SULPICE.

[LE TRESORIER]

Sire Sulpice, j’aiay vouloir

De vous le faire apercevoir.

Sulpice

1145Vous me faitesfaictes par trop d’honneur.

Le Tresorier.

Vous trouverez un serviteur,

Et un ami en mon endroit.

Sulpice

Non non, monsieur, quand il faudraitfauldroit

MontrerMonstrer la bonne affection,

1150Vous sauriezsçauriez quelle intention

J’aiay de vous faire du service.

Le Tresorier.

Je le saissçay bien, sire Sulpice,

Ce n’est d’aujourd’huiaujourd'huy seulement. :

Et je vous promets le serment,

1155Que tant que Dieu me donne vie

J’auraiauray toujourstousjours pareille envie. :

Je vous connaiscognoy digne d’aimer.

--- 97 ---

Sulpice

Autant devez-vousdevez vous estimer

De ma part.

SCÈNESCENE III.

LOYS, RICHARD, THOMAS, LE TRESORIER, SULPICE.

[LOYS]

Çà çàCa ca̧, tous en armes.

Richard.

1160Ils ont affaire à des gens d’armesgendarmes,

Ils le connaîtrontcognoistront par effeteffect.

Thomas

Monsieur, ce ne seraitseroit mal faitfaict

De prendre en main quelque rondelle.

Loys.

Non non, je n’aiay que faire d’elle,

1165Elle pense donc que je prise

Davantage sa marchandise

Que mon honneur. J : je ne suis plus

De ceux qui donnent des écusescuz

Pour m’entretenir en sa grâcegrace. :

1170Je suis d’une trop noble race.

Thomas

Je veux faire provision

Maintenant d’un bon morion, :,

Pour couvrir le hauthault de ma têteteste.

Loys.

Me penserait-ellepenseroit elle tant bêtebeste,

1175Que voulussevoulsisse endurer tel tort ?

Le Tresorier.

Sire Sulpice, quel effort !

--- 98 ---

Que veutveult dire cetteceste entreprise ?

Sulpice

Possible quelque noise épriseesprise

Entre eux ; : car toujourstousjours ces soudardssouldars

1180Ont querelles en toutes partspars.

Le Tresorier.

Entrons dedans.

Sulpice

Fermez votrevostre huishuys.

Le Tresorier.

Je connaiscognoy le seigneur Loys,

Je croiscroy qu’il ne me cherche pas.

Richard.

Monsieur, monsieur, hâtonshastons le pas,

1185Le TrésorierTresorier est à la porte.

Loys.

Çà, çàÇa çà faitesfaictes-moi moy bonne escorte,

Qu’on me luiluy fende les naseaux.

Richard.

Je veux comme des bécasseauxbecasseaux

Enfiler cetteceste TrésorièreTresoriere,

1190Le TrésorierTresorier, la chambrièrechambriere,

Pour marquemerque qu’une telle injure

N’est impunie.

Thomas

Et moimoy je jure,

Que le premier par moimoy trouvé

DemeureraDemourera sur le pavé,

1195ProtonotaireProtenotaire, et Boniface.

Le Tresorier.

Sire Sulpice, il nous menacemenasse.

--- 99 ---

HélasHelas mon dieu ! je suis perdu.

Thomas

Le TrésorierTresorier m’a entendu,

Il heurte pour entrer dedans.

Sulpice

1200Ils sont armésarmez jusques aux dentsdens,

Et si chacunchascun son bâtonbaston porte.

Le Tresorier.

Ne veutveult-on point ouvrir la porte ?

Me laisserez-vouslaisserez vous massacrer ?

Thomas

Il est en grand peine d’entrer ;,

1205Poussons dedans, armet en têteteste.

Loys.

Sus, que chacunchascun de vous s’apprêteapreste

De faire maintenant devoir.

Richard.

Je luiluy feraiferay bien à savoirsçavoir

À ce gentil ProtonotaireProtenotaire,

1210Qu’il n’a pas maintenant affaire

À un pédantepedante de collègecollege.

Thomas

Il est pris, il s’est mis au piègepiege.

Loys.

Sus, sus dedans, enfoncez l’huishuys.

Richard.

Il me semble à voir que je suis

1215À l’assautassault de quelque rampart.

Enfonçons l’huis de part en part ;,

Nous sommes sur nosnoz ennemis.

--- 100 ---

SCÈNESCENE IVIIII.

MARIE

SEULE.

Miséricorde !Misericorde mes amis,

Sommes-nousSommes nous en une province

1220Où l’on ne craigne point le Prince ?

Hélas,Helas mon dieu ! quelle frayeurfraieur !

Encore qui plus est, Monsieur

A trouvé ce ProtonotaireProtenotaire,

Qui n’a susceu autre chose faire,

1225Sinon que, se pensant sauver,

Et voyant subit arriver

Le courtisan et ses soudardssouldars,

Qui le cherchaientcherchoient de toutes partspars,

Il s’est rendu à leur mercimercy.

1230ÔO quel ennuiennuy, ô quel soucisoucy,

Quelle lamentable journée

Maintenant nous est ordonnée !.

VoilàVoyla, jamais nous n’aurons bien

Dans le logis ;. car aussi bien

1235ToujoursTousjours le TrésorierTresorier jaloux

Nous acravantera de coups. :

Jamais il n’aura mercimercy d’elle.,

Encore si ma Damoiselle

N’eûteut étéesté prise en ce délitdelict

1240Auec monsieur dessus le litlict,

L’on eûteust peu couvrir cet’ affaire. :

Mais comment ? le ProtonotaireProtenotaire

La tenaittenoit déjàdesja embrassée,

Quant le mari l'ala devancée

1245Comme elle se pensaitpensoit cacher,

--- 101 ---

Et si ne la pouvoit lâcherlacher. :

Ce qui aà tant seulement faitfaict

Qu’il les aà pris dessus le faitfaict.

Je m’ébahisesbahis bien fort comment

1250Il n’est venu premièrementpremierement,

À Boniface. Toutefois : toutesfois

J’en suis échappéeeschappée.

SCÈNESCENE V.

BONIFACE, MARIE.

[BONIFACE]

Jétaisestois

Pour mon profit particulier,

Quant j’aiay ouïouy ce beau TrésorierTresorier

1255Heurter, crier d’une voix forte

Que l’on luiluy vîntvint ouvrir la porte.

Si est-ce que j’aiay si bien faitfaict,

Qu’il ne m’a pris dessus le faitfaict. :

Car quand j’aiay ouïouy ce beau ménagemesnage,

1260Ainsi qu’un homme de courage

J’aiay gagnégaigné le grenier au foin. :

Les jambes servent au besoin,

Encor n’est-il que toujourstousjours êtreestre.

Mais, par dieu, cependantce pendant mon maîtremaistre

1265Est pour les gagesgaiges demeuré,

Et moimoy un peu plus assuréasseuré

Que je n’étaisestois.

Marie.

Hé, Boniface !

VraimentVrayment vous avez bonne grâcegrace,

Encor’ vous vous moquezmocquez des gens.

--- 102 ---

Boniface.

1270Comment cela ? ce sont sergentssergens,

Qui veulent mener prisonnier

VotreVostre maîtremaistre le TrésorierTresorier. :

Quant à moimoy, j’aimeayme mieux m’en taire.

Marie.

Mais Monsieur le ProtonotaireProtenotaire

1275Est tout seul entre ces soudardssouldars.

Boniface.

Je ne me mets en tels hasardshasars ;,

Je pourraispourrois bien faisant ma montremonstre

Recevoir quelque malencontre. :

Je feraiferay cicy la centinelle.

Marie.

1280Las ! que dira mademoiselleMa damoiselle !

Il m’est à voiravoir qu’elle me suitsuyt.

Hé, Viergevierge Marie, quel bruit !

Je croiscroy que le seigneur Loys

VeutVeult tout tuer.

Boniface.

Il n’est que l’huis

1285Pour bien échappereschapper du danger. :

C’est assez pour m’en étrangerestranger ;,

Par dieu, je n’y retourne pas.

Marie.

Hé, Boniface, parlez bas. :

Je m’en vaisvay jusque à la salette.

Boniface.

1290Quant à moimoy, ma tâchetasche est ja faitefaicte ;,

Je n’y retourne du jourd’huijourdhuy,

PuisquePuis-que l’affaire j’aiay conduitconduy

--- 103 ---

Jusqu’iciicy, j’en suis échappé,

Et Monsieur demeure trompé ;,

1295Qu’il se contente à sa fortune.

Marie.

Elle nous est à tous commune. :

Encor’ en fautfault-il voir la fin.

Boniface

J’en suis bien content ; : mais afinà fin

Que ne m’y pensiez embrouiller,

1300Si l’on me faisoit dépouillerdespouiller,

J’en auraisaurois mon recours sur vous.

ACTE CINQUIÈMECINQUIEME.

SCÈNESCENE I.

SULPICE, LOYS, RICHARD, LE TRÉSORIERTRESORIER.

[SULPICE]

Monsieur, soyez un peu plus doux !,

Quel profit pourriez-vouspourriez vous avoir

Quand vous le feriez à savoirsçavoir

1305À la justice ?

Loys.

C’est tout un,

Le profit est à tous commun.

Richard

Çà, çà, monsieur le TrésorierTresorier,

Vous en porterez le collier,

Et ce pour juste récompencerecompence

1310D’avoir pillé l’argent de France.

Sulpice

Il se soumet à tout accord.

--- 104 ---

Richard

Par Dieu, je seraiseray le plus fort.,

Vous viendrez aussi quant-et-quant,

Car vous en faisiez le payment

1315En son nom, m’aidant à tromper. :

Vous ne me pouvez échappereschaper

Que ne vous fasseface mille ennuis.

Le TrésorierTresorier.

ÉcoutezEscoutez moimoy, seigneur Loys,

Vous savez-sçauez que j’aiay faitfaict avance. :

1320Sera-ce donc la récompenserecompense

Que pour moimoy vous voulez choisir,

AprèsApres vous avoir faitfaict plaisir ?

Auriez-vousAuriez vous bien donc le couragecouraige

De m’empêcherempecher en ce voyage,

1325ConsidéréConsideré que mon affaire,

Me contraint comme nécessairenecessaire

Pour le profit de notrenostre Prince ?

Richard

Vous êtesestes sujetsubject à la pince,

Cest cela qui gâtegaste le tout.

Loys.

1330Encor’ en aurons nous le bout ;,

Richard, fais ce que je commande.

Le Treforier

Seigneur Loys, je ne demande

Sinon avoir appointementappoinctement

Avecque vous.

Richard

PremièrementPremierement

1335Il fautfault venir en la prison.

--- 105 ---

Le TrésorierTresorier.

Je vous feraiferay toute raison,

Si vous faitesfaictes un tour honnêtehonneste.

Richard

Cela n’est que laver la têteteste

De l’âneasne qui est aux BonshommesBons-hommes.

Loys.

1340VoiciVoyci grand cas !, tant que nous sommes,

N’aurons pouvoir de le mener

Au palais pour l’emprisonner.

Richard

Charge-leCharge le-moi moy comme une balle

SurSus le dos, ou comme une malle,

1345Puis nous aurons votrevostre courtautcourtault,

Qui le mèneramenera aussi tôttost

Que commandé.

Sulpice

Soumettez-vousSubmettez vous,

Et puis Monsieur sera plus doux.

Le TrésorierTresorier.

À celle fin d’en voir le bout,

1350Je suis content de perdre tout.

J’aiay payé le quartier passé,

Encore vous aiay-je avancé

CeluiCeluy qui vient ;, pour avoir paix

Avecque vous, Monsieur, je fais

1355Comme si n’eussiez rien reçeureçu.

Sulpice

VraimentVrayment vous ne serez déçudeçeu

Par ce moyen, et de ma part

J’en donnraidonray le vin à Richard. :

--- 106 ---

Et si désiredesire faire plus.

Loys.

1360Vous ditesdictes bien. Mais : mais les écusescuz

Que la Constante tient encor’

Pour avoir une chaînechesne d’or ?

Le TrésorierTresorier.

Ces écusescuz vous seront rendus,

Et autant d’autres dépendusdespendus,

1365Pour nous réjouirresjouir tous ensemble.

Sulpice

C’est un bon parti ce me semble.

Richard

Le vin que vous avez promis

À Richard, n’est-il pas donc mis

Parmi le marché ?

Sulpice

Si est bien,

1370Je vous le veux donner du mien.

Richard

Mais j’aimeayme bien mieux dans ma main

Le voir que d’attendre à demain. :

« Car je saisscay bien que les promesses

« De leur naturel sont traîtressestraitresses. :

1375Par quoi,Parquoy si voulez paix à moi,moy

Foncez argent.

Sulpice

Ha,Ha par ma foi,foy

Vous l’aurez, car c’est la raison.

Loys.

Entrons doncques en la maison

AfinAffin de ravoir ma quittancequictance. :

--- 107 ---

1380Car je veux du tout assuranceasseurance.

SCÈNESCENE II.

BONIFACE, LE PROTONOTAIREPROTENOTAIRE.

[BONIFACE]

Non, non, Monsieur, si j’eusse étéesté

Dedans notrenostre Université,

Je leur eusse faitfaictconnaîtrecognoistre

Que là-dedansla dedans je suis le maîtremaistre.

1385Encore j’aiay bonne espéranceesperance

D’en avoir un jour la vengeance.

Le ProtonotaireProtenotaire

Mais que diable es-tues tu devenu

Ce pendant ?

Boniface

J’étaisestois détenudetenu

CombattantCombatant contre deux soudardssouldars. :

1390Par Dieu,dieu c’étaientestoient deux grandsgrans pendardspendars

Qui m’eussent arraché la vie

Du corps, si n’eûteust étéesté l’envie

Qu’avaisavoy de vaillamment défendredeffendre ;,

Si bien que je leur aiay faitfaict rendre

1395Tout le courage avec les armes,

Encor que ce feussent gens d’armesgendarmes.

Le ProtonotaireProtenotaire

Par Dieu,dieu je n’aiay susceu si bien faire,

Qu’au plus fort de tout mon affaire

Je n’aye étéesté surpris. Mais quoiquoy ?

1400Il ne se souvient plus de moimoy. :

Car l’ardeur du seigneur Loys,

Qui enfonçaitenfonçoit en bas son huishuys

Pour entrer dedans la maison,

--- 108 ---

LuiLuy a faitfaict perdre la raison.

Boniface

1405Non, monsieur, je m’en veux vengervanger.

Le ProtonotaireProtenotaire

Mais, Boniface, en quel danger

Penses-tu que j’étaisestois alors ?

Je t’assureasseure que tout mon corps

ÉtantEstant aussi froid que le marbre,

1410TremblaitTrembloit comme une feuille d’arbre.

Boniface

Ne vous pouviez-vouspouviez vous revancher ?

Le ProtonotaireProtenotaire

Encor’ ne scavaissçavoy-je attacher

Mes chausses chutescheutes aux genouxgenouls.

Boniface

Ha, si j’eusse étéesté avec vous !

Le ProtonotaireProtenotaire

1415Encore me pensant sauver,

Un autre m’est venu trouver

Caché dans la chambre privée. :

Puis Constante y est arrivée,

Ce qui a faitfaict, que me sauvant,

1420Je me suis trouvé au devant

Du seigneur Loys, qui suivaitsuyvoit

Le TrésorierTresorier, qui s’enfuyaitenfuyoit.

Boniface

Quelle mine vous a-il faitfaict ?

Le ProtonotaireProtenotaire

Il m’a ditdict que c’étaitestoit bien faitfaict,

1425À l’homme qui cherche toujourstousjours

Son aventure en ses amours,

--- 109 ---

Et que luiluy étantestant pourchassant

De ce dont j’étaisestois joüissant,

Il se pensaitpensoit êtreestre aimé d’elle.

Boniface

1430Comment ! de cetteceste demoiselledamoiselle ?

Sait-Sçaiton pas bien qui est Constante ?

Le ProtonotaireProtenotaire

OuiOuy, et qu’en cetteceste folle attente

Il avoit dépendu beaucoup. :

Mais qu’il voulaitvouloit tout en un coup

1435Son argent, que le TrésorierTresorier

RetenaitRetenoit dessus son quartier,

Puisqu’ellePuis qu’elle étaitestoit ainsi commune.

Boniface

Or la demoiselledamoiselle en aha d’une ;,

L’argent qu’elle vous a prêtépresté,

1440Entre nos mains est arrêtéarresté

Jusque à plus grande récompenserecompense,

Des présentspresens et de la dépensedespence

Que vous avez faitfaict, poursuivantpoursuyvant

Son amour, et dorénavantdorenavant

1445Il se fautfault garder d’y rechoir.

Le ProtonotaireProtenotaire

Boniface, allons nous en voir

Tous les écusescuz de la Constante.

SCÈNESCENE III.

Marie

SEULE.

Loué soit Dieu, tout se contente. :

Et qui plus est, le TrésorierTresorier

1450Ne sera point mis prisonnier,

--- 110 ---

J’en remerciremercy’ bien nos amis.

Encore plus il a promis

Pardonner, dont je me contente,

À MademoiselleMadamoiselle Constante,

1455Et à moimoy aussi, promettant

D’en faire encor’ demain autant,

Cela s’entend. M : mais par ma foifoy,

Je regarderairegarderay mieux à moimoy,

Et à mon cas dorénavantd’orenavant,

1460Que je n’aiay faitfaict par ci-cy devant.

Ne vaudra-il pas mieux choisir,

AfinÀ fin de prendre mon plaisir,

Quelque jeune homme, que toujourstousjours

Languir aux misèresmiseres d’amours ?

1465Si faitfaict, pendant que la jeunesse

ÉmeutEsmeut dans mon cœurcueur l’allégresseallegresse

Du doux amour, qui or’ m’enlaceenlasse,

Et duquel déjàdesja Boniface

M’a faitfaict sentir l’ébattementébatement ;,

1470Mais ce sera secrètementsecrettement. :

Car voilàvoyla, l’on n’est jamais sage

Qu’aprèsapres les plaidsplaits. : Cc’est c’est l’usage

Du temps qui court, et pour vraivray dire,

Ma maîtressemaistresse veutveult toujourstousjours rire

1475Au premier venu ;, c’est tout un,

Autant aux nobles qu’au commun. :

Et en cela gîtgist tout l’affaire,

De par Dieudieu. Le ProtonotaireProtenotaire

Dont elle tiraittiroit tant d’écusescuz,

1480Maintenant n’y reviendra plus,

Et voilàvoyla autant de pratiquepraticque

--- 111 ---

ÉtrangéeEstrangée de sa boutiquebouticque.

Mais il fautfault aller apprêterapprester

Le banquet. De vous inviter,

1485Messeigneurs, j’auraiauroy bonne envie :

Mais, anenda, la compagnie

Qui est céansceans mangeraitmangeroit bien

Le TrésorierTresorier et tout son bien.

FIN.